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28/04/2011 | FRANCE | N°09-43367

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 avril 2011, 09-43367


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles R. 2421-1 et R. 2421-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 13 juillet 2001 comme ingénieur consultant, Mme X..., élue déléguée du personnel le 23 juin 2003, a été licenciée pour inaptitude physique, le 8 septembre 2004, après autorisation de l'inspecteur du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle

et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur a manqué à son obligation de recla...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles R. 2421-1 et R. 2421-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 13 juillet 2001 comme ingénieur consultant, Mme X..., élue déléguée du personnel le 23 juin 2003, a été licenciée pour inaptitude physique, le 8 septembre 2004, après autorisation de l'inspecteur du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire ne peut, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, un salarié protégé, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation du pourvoi principal de l'employeur et le moyen unique de cassation du pourvoi incident de la salariée qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce que ce qu'il a dit le licenciement de Mme X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Digora à lui payer des dommages-intérêts pour défaut de reclassement et à rembourser à l'Assedic les indemnités journalières, l'arrêt rendu le 15 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi :
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par Me Copper-Royer, avocat aux conseils pour la société Digora
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la mesure de mutation imposée à la salariée était irrégulière, de lui AVOIR alloué des dommages-intérêts de ce chef et d'AVOIR condamné la Société DIGORA à payer à l'ASSEDIC d'ALSACE la somme de 10.027,80 euros en remboursement des indemnités journalières ;
AUX MOTIFS QUE « Mme X... a été licenciée par une « lettre du 8 septembre 2004 après que l'Inspection du travail ait « autorisé ce licenciement selon une décision du 1er septembre 2004.
« Cette autorisation n'a fait l'objet d'aucun recours administratif.
« L'autorisation donnée interdite à la salariée de remettre ce « licenciement en cause et d'en solliciter l'annulation ; elle fait aussi « obstacle à l'accusation d'agissements discriminatoires du fait de « son activité syndicale.
« La décision administrative cependant ne lui interdit pas de « demander, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, « l'indemnisation du préjudice qu'elle a pu subir pour des faits de « harcèlement moral de discrimination, sous réserve de ne pas « contredire la décision de l'administration, ou pour des fautes « commises par l'employeur dans le cadre de la procédure de « licenciement elle-même.
« Dans sa décision du 1er septembre 2004, l'Inspection du « travail relève que la demande de licenciement était sans lien avec la « fonction élective de la salariée tout en mentionnant qu' « on peut « « s'interroger sur les causes à l'origine de l'inaptitude ». Dès lors, « la Cour doit examiner les griefs ayant pu causer un préjudice à la « salariée et pour lesquelles celle-ci demande réparation ».
« Mme X... reproche à la société Digora d'avoir exercé sur « elle des faits de harcèlement et de discrimination, et de ne pas avoir « procédé à une recherche de reclassement.
« Mme X... doit établir les faits qui permettent de présumer « l'existence de faits répétés de harcèlement, à charge pour « l'employeur de démontrer que ces faits ne constituent pas un tel « harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à « tout agissement de cette nature, selon les articles L.1152-1 et « L.1154-1 du Code du travail.
« Sur le premier reproche, plusieurs griefs sont articulés. A titre « principal, Mme X... reproche à son employeur d'avoir voulu la « muter dans le Nord en se prévalent de la clause de mobilité insérée « dans son contrat. A cet égard, l'initiative de l'employeur a été « justifiée par des motifs paraissant pertinents, en l'espèce la rupture « du contrat de tierce maintenance applicative que la société « Linvosges lui avait notifiée et le développement parallèle de son « agence dans le Nord : ces éléments de fait résultent d'une lettre « d'explication du 18 mai 2004 adressée à la salariée et d'un compte- « rendu de la réunion des délégués du personnel du 29 avril 2004, « relatant l'ouverture de cette agence.
« Mme X... a reconnu la pertinence de ce motif, mais a « signalé ses autres activités et a demandé des précisions « supplémentaires tout en protestant contre la date trop proche fixée « au 1er juillet 2004, incompatible avec ses charges de famille et avec « son statut de déléguée du personnel (lettres de la salariée des 24 « mai, 10 juin et 28 juin 2004). La démarche de l'employeur paraît « donc de prime abord justifiée et permise par le contrat de travail de « la salariée.
« Force est de constater que la clause de mobilité invoquée « prévoit la possibilité d'affecter la salariée dans tout établissement, « que la salariée l'accepte expressément et sans réserve, ou en « clientèle pour toute de mission, et qu'elle prévoit également un « changement de résidence fixe sans autre précision, ce qui est très « imprécis et particulièrement large au regard d'une exécution de « bonne foi des obligations découlant du contrat de travail.
« De plus, la mutation, opérée de Strasbourg à Roubaix était à « effectuer en quelques mois d'avril à juillet 2004. En outre Mme « X... comme déléguée du personnel ne pouvait se voir imposer « un changement de ses conditions de travail, même prévu par une « telle clause, et l'employeur a engagé la procédure de licenciement « en sollicitant l'autorisation administrative d'y procéder, en « invoquant non pas le refus de la salariée d'accepter cette mutation, « qui aurait donc été soumise à l'examen de l'Inspecteur du travail, « mais son inaptitude médicalement constatée.
« Enfin un autre délégué du personnel a attesté d'un entretien « avec un responsable de la société M. Z..., qui lui a déclaré « que « la mutation de Valérie (Mme X...) était un artifice pour la « « virer pour faute grave, on ne pouvait faire autrement à cause de « « son mandat de délégué du personnel qui la protège » ; ces propos « auraient été confirmés pas un autre responsable de la société « (attestation de M. A...).
« De tels éléments font présumer la réalité d'un fait précis, la « démarche entreprise par l'employeur pour muter la salariée dans le « Nord sur la base d'une clause de mobilité générale et non limitée « géographiquement, et obtenir par son refus prévisible, un motif « susceptible de justifier un licenciement.
« L'employeur n'a pas utilement contré cette relation des faits « ni offert de prouver la réalité du motif de la mutation imposée.
« L'employeur ne démontre pas non plus que la salariée n'aurait pu « recevoir d'autres attributions correspondant à ses qualifications « sans la muter dans le Nord de la France. L'ouverture de l'agence de « Roubaix apparaît ainsi plutôt comme un prétexte pour y affecter la « salariée en étant conscient qu'elle refuserait probablement.
« Mais cet élément est le seul fait caractérisé que la salariée « vient établir à l'appui de ses griefs. Les autres faits dénoncés sont « dénués de consistance. Elle produit en effet l'attestation d'un ancien « collègue de travail qui relate la surveillance des faits et gestes de « Mme X... et la présence constante d'un des associés, « entretenant un climat de suspicion (attestation de M. B...). Mais « cette attestation est trop imprécise et ne caractérise aucun fait « précis de harcèlement, visant en particulier la salariée.
« Elle invoque ensuite un retrait d'attributions ce qui n'est « étayé sur aucun fait précis. Elle se plaint également d'un « harcèlement moral lié à son étude santé en produisant des échanges « de courriers postérieurs à son départ, et qui ne démontrent rien.
« Elle se plaint encore du comportement de son employeur qui serait « lié au départ de son propre mari et de la création par celui-ci d'une « entreprise concurrente, sans étayer autrement ses affirmations. Elle « produit également l'attestation d'une ancienne collègue que la « direction aurait dissuadée de demander l'assistance d'un délégué « du personnel pour un entretien préalable à son licenciement « (attestation de Mme C...). Mais cette attestation, même « crédible, ne décrit pas de faits mettant en cause l'attitude de « l'employeur envers la salariée elle-même. Enfin, elle ne produit pas « d'avis médical circonstancié décrivant un état psychique ou moral « relevant d'un état de santé dégradé en relation avec ses conditions « de travail.
« En conséquence, le seul fait susceptible d'être retenu est la « mutation que l'employeur a voulue imposer à la salariée. Il ne s'agit « pas de faits répétés de harcèlement répondant aux conditions « requises par l'article L.1152-1 du Code du Travail.
« Le grief de harcèlement ne sera donc pas retenu.
« Si la mesure de mutation imposée à la salariée ne suffit pas à « elle seule à caractériser des faits de harcèlement il n'en résulte pas « moins que cette mesure correspond à une sanction de l'activité « syndicale de la salariée en tant que déléguée du personnel. Or « aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure disciplinaire ou « d'une mesure d'affectation fondée sur une telle activité selon les « dispositions de l'article L.1132-1 du Code du travail. La salariée « est fondée à en réclamer réparation. Elle ne peut solliciter « l'annulation du licenciement, qui était fondé sur son inaptitude et « non sur son refus de rejoindre le poste de sa nouvelle affectation. Il « y a lieu en conséquence de réparer le préjudice occasionné par une « somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.
« Le second grief porte sur l'absence de mesure de « reclassement. Le fait que l'inaptitude définitive de Madame X... « ait été constatée par le médecin du travail pour tout poste dans « l'entreprise avec danger immédiat ne dispensait pas l'employeur de « rechercher au besoin par transformation de poste ou mutation dans « la mesure de ses moyens, une solution de reclassement. Il importe « peu à cet égard que le médecin du travail ait écrit à la Société « qu'elle était dans l'obligation de licencier la salariée (lettre du 27 « juillet 2004).
« Par ailleurs, l'autorisation de licencier accordée par « l'Inspection du travail ne dispensait pas non plus l'employeur de « faire des recherches loyales et effectives en vue d'un reclassement, « dans la mesure où l'autorisation administrative n'était fondée que « sur l'absence de lien entre cette mesure et l'activité syndicale de la « salariée. Sur ce point, la proposition de la société Digora de muter « la salariée à Roubaix, ne peut être sérieusement présentée comme « une proposition de reclassement : la mutation ne s'insérait « nullement dans une démarche de reclassement suite à la « constatation médicale d'une inaptitude et à aucun moment n'a été « présentée comme telle. Dès lors, Mme X... est fondée à « réclamer réparation de ce chef.
« Le licenciement opéré sans aucune démarche justifiée de « reclassement doit être réputé sans cause réelle et sérieuse. »« Sur les montants.
« Dommages et intérêts : en l'absence de faits répétés de « harcèlement et de lien caractérisé entre les conditions de travail et « l'état de santé de Mme X..., le licenciement fondé sur inaptitude « de celle-ci n'est pas entaché de nullité. C'est à bon droit que le « Conseil de prud'hommes a rejeté la demande de la salariée à ce « titre.
« En revanche, la mutation imposée à Mme X... caractérise « une discrimination fondée sur son activité syndicale et lui a causé « un dommage moral qui sera réparé par une somme de 3.000 euros « à titre de dommages et intérêts.
« Par ailleurs l'absence de toute recherche de reclassement fait « produire au licenciement de Mme X... les effets d'un « licenciement sans cause réelle et sérieuse et justifie la réparation du « préjudice qui en résulte. Mme X... met en compte 24 mois de « salaire (71.112 euros). Compte tenu de son ancienneté (3 ans dans « l'entreprise) et de son salaire (2963 euros) le préjudice subi sera « réparé par un montant de 18.000 euros (arrêt attaqué p. 3, 4 et 5).
ALORS QUE Madame X... a été licenciée pour inaptitude médicale et n'a pas été mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions à ROUBAIX ni son mandat de déléguée du personnel ; que sa mutation n'a été suivie d'aucun effet et que son activité syndicale n'a pas été sanctionnée d'une manière quelconque ; qu'elle n'a donc subi aucun préjudice et qu'en lui allouant une indemnité à ce titre, la Cour d'Appel a pris en compte des faits inexistants et violé les articles 1382 et suivants du Code Civil, L.1132-1 du Code du Travail, 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-43367
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 15 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 avr. 2011, pourvoi n°09-43367


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.43367
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