LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 septembre 2009), que salarié de l'association Abbaye de Marbach en qualité de moniteur-éducateur, M. X... a, du 5 juillet 2002 au 31 décembre 2002, été placé en arrêt de travail prescrit par un certificat médical établi le 4 juillet 2002, faisant état d'une dépression réactionnelle à des brimades et harcèlement au travail ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a refusé de prendre en charge l'accident du travail par lui déclaré en soutenant qu'il avait été victime d'un harcèlement moral et professionnel ainsi que d'un choc émotif consécutif à un entretien, en date du 2 juillet 2002, préalable à son licenciement ; que M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de cet accident ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la preuve de la matérialité de l'accident du travail au temps et au lieu du travail peut résulter des déclarations du salarié corroborées par des éléments émanant de tiers, de sorte qu'en affirmant d'emblée que la preuve de la matérialité de l'accident mise à la charge de M. X... ne pouvait « être établie sur la base des seules déclarations de l'intéressé reprises ou non par des tiers », la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'est considérée comme un accident du travail la dépression nerveuse, liée à l'activité professionnelle, apparue soudainement ; que parmi les éléments objectifs venant corroborer les déclarations de M. X... relatives à l'accident du travail dont il avait été victime, figuraient les déclarations de MM. Y...et Z..., qui confirmaient la violence du ton utilisé à l'encontre de M. X... lors de l'entretien préalable du 2 juillet 2002 ; qu'en écartant ces déclarations au motif que ces éléments ne suffisaient pas à établir que les lésions psychologiques constatées le 4 juillet 2002 étaient en rapport avec les événements survenus au temps et au lieu de travail cependant qu'elle constatait que MM. Z...établissait que le ton avait monté entre les parties lors de l'entretien préalable, et qu'elle ne relevait pas que M. X... se trouvait, antérieurement à l'entretien litigieux, dans un état dépressif, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la violence du ton employé lors de l'entretien préalable ne suffisait pas à caractériser l'existence de l'accident invoqué par le salarié a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en estimant que la preuve de la matérialité de l'accident n'était pas établie, au motif que la déclaration d'accident du travail avait été faite tardivement, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, a retenu qu'en dehors de ses propres allégations, le salarié ne fournissait aucun élément objectif venant corroborer ses déclarations, l'existence d'un certificat médical établi deux jours après les faits ne pouvant suffire ; qu'elle a pu, par ce seul motif et abstraction faite du motif surabondant critiqué, décidé souverainement que M. X... n'apportait pas la preuve d'un événement soudain survenu au temps et au lieu du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la prise en charge de ses arrêts de travail au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ; que ce texte édicte une présomption d'imputabilité de l'accident d'un salarié dont la lésion est apparue au lieu et au temps du travail ; qu'il est également de jurisprudence constante que la preuve que l'accident a eu lieu au temps et sur le lieu de travail appartient à l'assuré et que la présomption d'imputabilité ne s'applique pas lorsque la lésion a été déclarée tardivement ; que le salarié doit établir la réalité d'un fait précis survenu soudainement au cours du travail et ayant causé un traumatisme ; que la preuve de la matérialité de l'accident ainsi mise à la charge du salarié ne peut être établie sur la base des seules déclarations de l'intéressé reprises ou non par des tiers ; que Monsieur X... soutient essentiellement que l'entretien préalable en vue de son licenciement qui a eu lieu le 2 juillet 2002 a provoqué chez lui un choc émotif et une dépression réactionnelle qui doivent être considérés comme un accident du travail ; qu'il estime également que cet état est la conséquence d'un harcèlement moral subi depuis le mois de janvier 2002 ; qu'il produit à l'appui de ses affirmations un avis d'arrêt de travail initial du 4 juillet 2002 se référant à un état anxio-dépressif majeur et des avis de prolongation d'arrêt de travail ; qu'il se réfère à l'enquête administrative diligentée par la Caisse primaire d'assurance maladie de Colmar au cours de laquelle ont été entendues des personnes ayant assisté à l'entretien préalable du 2 juillet 2002 ; que toutefois, il convient de souligner que la preuve des faits de harcèlement antérieurs à l'entretien préalable n'est pas rapportée ; que le Conseil de prud'hommes de Colmar a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral en observant que la seule demande de reddition de comptes adressée à Monsieur X... n'était pas anormale au vu de ses fonctions d'éducateur spécialisé, et que les autres documents produits émanaient du demandeur lui-même ; que les auditions faites dans le cadre de l'enquête administrative sur les circonstances dans lesquelles a eu lieu l'entretien préalable du 2 juillet 2002 ne permettent pas de dire que le ton employé au cours de cet entretien avait été à l'origine d'un choc émotif pouvant caractériser l'accident du travail ; que comme l'ont souligné les premiers juges, Monsieur Y...ne donne aucune précision sur la nature du ton utilisé, permettant de mettre en cause la responsabilité de l'employeur ; que l'audition de Monsieur Z...fait état de ce que le ton a monté entre les deux parties et qu'il a dû intervenir pour calmer les esprits ; que Monsieur X... produit des courriers adressés par lui-même aux responsables de l'association ; que ces courriers ne peuvent évidemment pas servir de preuve ; que ces éléments ne sont pas suffisants à établir que les lésions psychologiques constatées le 4 juillet 2002 sont en rapport avec les événements survenus au temps et au lieu du travail ; qu'il convient encore d'observer que la déclaration d'accident du travail a été faite tardivement, le 24 septembre 2002, et réceptionnée le même jour par la Caisse primaire d'assurance maladie de Colmar pour un fait qui a eu lieu le 2 juillet 2002 ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Monsieur X... de sa demande de prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation professionnelle ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la preuve de la matérialité de l'accident du travail au temps et au lieu du travail peut résulter des déclarations du salarié corroborées par des éléments émanant de tiers, de sorte qu'en affirmant d'emblée que la preuve de la matérialité de l'accident mise à la charge de Monsieur X... ne pouvait « être établie sur la base des seules déclarations de l'intéressé reprises ou non par des tiers » (arrêt attaqué, p. 4 in fine), la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'est considéré comme un accident du travail la dépression nerveuse, liée à l'activité professionnelle, apparue soudainement ; que parmi les éléments objectifs venant corroborer les déclarations de Monsieur X... relatives à l'accident du travail dont il avait été victime, figuraient les déclarations de Messieurs Y...et Z..., qui confirmaient la violence du ton utilisé à l'encontre de Monsieur X... lors de l'entretien préalable du 2 juillet 2002 ; qu'en écartant ces déclarations au motif que ces éléments ne suffisaient pas à établir que les lésions psychologiques constatées le 4 juillet 2002 étaient en rapport avec les événements survenus au temps et au lieu de travail (arrêt attaqué, p. 5 § 9), cependant qu'elle constatait que Monsieur Z...établissait que le ton avait monté entre les parties lors de l'entretien préalable, et qu'elle ne relevait pas que Monsieur X... se trouvait, antérieurement à l'entretien litigieux, dans un état dépressif, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la violence du ton employé lors de l'entretien préalable ne suffisait pas à caractériser l'existence de l'accident invoqué par le salarié a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ET ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en estimant que la preuve de la matérialité de l'accident n'était pas établie, au motif que la déclaration d'accident du travail avait été faite tardivement (arrêt attaqué, p. 5 § 11), la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale.