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06/04/2011 | FRANCE | N°10-14209

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 avril 2011, 10-14209


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L.1234-1, L.1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 1er septembre 2004 en qualité d'agent de fabrication par la société Eurocopter a été licencié pour faute grave le 23 janvier 2007 ;
Attendu que pour fonder le licenciement sur une faute grave, l'arrêt retient que le salarié a "forcément conduit" avec son véhicule automobile sur le site de la société malgré l'invalidation eff

ective de son permis de conduire et au mépris de toute règle manifeste de sécuri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L.1234-1, L.1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 1er septembre 2004 en qualité d'agent de fabrication par la société Eurocopter a été licencié pour faute grave le 23 janvier 2007 ;
Attendu que pour fonder le licenciement sur une faute grave, l'arrêt retient que le salarié a "forcément conduit" avec son véhicule automobile sur le site de la société malgré l'invalidation effective de son permis de conduire et au mépris de toute règle manifeste de sécurité ;
Qu'en statuant ainsi sans caractériser de manquements du salarié à ses obligations contractuelles ni constater les circonstances précises où il aurait constitué un danger pour le personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Eurocopter aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Eurocopter à payer à la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau la somme de 2 500 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement du salarié pour faute grave était bien fondé et partant de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes au titre de la rupture ;
AUX MOTIFS QUE en application des dispositions des articles L 1234-1 et L 1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ainsi que la gravité de la faute reprochés ;
Qu'en l'espèce, la lettre de rupture du 23 janvier 2007 est ainsi libellée :
« Le lundi 8 janvier 2007, vous avez été interpellé par les services de police dans le cadre d'un délit routier (défaut de permis de conduire). La palpation de sécurité réalisée a permis la découverte de plus de 30 grammes de cocaïne.
Vous avez été placé en garde à vue, votre domicile a été perquisitionné.
Suite à ce qui a été trouvé à votre domicile lors de la perquisition, la deuxième chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence vous a condamné le 10 janvier 2007 à 12 mois de prison avec sursis assortie de trois ans de mise à l'épreuve pour les motifs suivants :
- transport, détention, acquisition de stupéfiants, cocaïne,- conduite malgré l'invalidation et le retrait de la totalité des points sur votre permis de conduire,- usage de cocaïne Le mercredi 10 janvier, dans le cadre de la prolongation de votre garde à vue, des perquisitions de votre vestiaire ainsi que de votre caisse à outil ont été réalisées en votre présence et celles de vos supérieurs hiérarchiques dans l'enceinte de l'Etablissement, dans l'atelier dans lequel vous exercez habituellement vos fonctions.
Ces faits ont créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, et notamment au regard du classement du site.
Nous vous rappelons que le site d'Eurocopter de Marignane est un établissement à régime restrictif du fait des activités concernant la Défense Nationale.
De plus, lors de l'entretien, vous nous avez dit consommer effectivement de la cocaïne.
Les fonctions que vous exercez en atelier, mettent en danger lors de vos éventuelles consommations de stupéfiants vos collègues de travail autant que vous-même, par l'utilisation de certains outillages ou machines.
De même, lorsque vous vous rendiez sur le site pour y exercer vos fonctions, vous conduisiez votre véhicule et circuliez sur les parkings mis à disposition des salariés, malgré votre retrait de permis, ce qui a mis en péril la sécurité des autres personnels se déplaçant autant dans leur véhicule qu'à pieds.
Pour ces motifs et compte tenu de la gravité des agissements reprochés et du grave trouble caractérisé au sein de l'entreprise, nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour faute grave, privative de l'indemnité de licenciement et de préavis. »
Que la société Eurocopter soutient qu'il est manifeste que M. X... est un consommateur régulier de cocaïne et qu'en conséquence, il s'est régulièrement trouvé sous l'emprise de la drogue sur son lieu de travail ;
Que toutefois, M. X... n'a jamais fait l'objet d'une quelconque remarque au sujet de son comportement ou de la qualité de son travail durant l'exécution de la relation contractuelle ;
Que la société Eurocopter ajoute que les faits déplorés relatifs à l'usage de cocaïne ont causé un trouble réel caractérisé au sein de l'entreprise ;
Qu'à cet égard, les faits imputés au salarié qui se sont déroulés en dehors du temps de travail relevaient de sa vie personnelle et, dans ces conditions, le trouble objectif allégué dans le fonctionnement de l'entreprise ne permettait pas en lui-même, en tout état de cause, de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu ;
Que dès lors, le grief invoqué ne justifiait un licenciement pour faute grave pas plus que pour une faute sérieuse ;
Que s'agissant de la conduite sans permis et de la mise en danger d'autrui sur le site de la société Eurocopter, M. X... soutient que l'invalidation de son permis n'a été effective qu'à compter du 1er février 2007, date à laquelle la décision de restitution du permis de conduire lui a été notifiée ;
Que M. X... ajoute qu'à compter de la fin de sa garde à vue et durant les jours pendant lesquels il s'est rendu sur son lieu de travail, il s'est fait accompagné par M. Y..., selon témoignage versé aux débats ;
Que toutefois, M. Y... atteste avoir accompagné M. X... sur son lieu de travail du 3 au 8 janvier 2007, soit à une période antérieure au placement de celui-ci en garde à vue puisque l'intéressé a été interpellé par les fonctionnaires de police le 8 janvier 2007 ;
Quoi qu'il en soit, M. X... a été condamné le 10 janvier 2007 par jugement contradictoire définitif du Tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence pour avoir, le 8 janvier 2007, conduit un véhicule malgré l'invalidation de son permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points ;
Qu'à cet égard, l'injonction de restitution du permis de conduire invalidé, qui aurait été notifiée à M. X... le 1er février 2007, portant date du 1er décembre 2006 fait expressément référence à la notification antérieure de la lettre recommandée 48S « dont vous avez accusé réception » ;
Que l'invalidation du permis de conduire par soldes de points nul prend effet à compter de la notification de la lettre recommandée avec avis de réception référence 48S ; que cette lettre implique l'interdiction de conduire ;
Qu'en l'espèce, il ressort des éléments d'information susvisés que M. X... a forcément conduit son véhicule automobile sur le site de la société Eurocopter aux fins d'accéder aux parkings mis à la disposition des salariés, durant une période antérieure au 1er décembre 2006 ;
Que le fait de circuler ainsi sur le site de la société Eurocopter, lieu de travail de M. X..., malgré l'invalidation effective de son permis de conduire, au mépris de toute règle manifeste de sécurité, est constitutif d'une faute grave qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
Qu'en conséquence, le grief est fondé et justifie à lui seul le licenciement pour faute grave ainsi que la mise à pied conservatoire ;
Que doit en découler le débouté de M. X... de l'ensemble de ses demandes et l'infirmation du jugement entrepris ;
ALORS QUE un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire ;
D'où il résulte que le seul fait de circuler sur le parking de l'entreprise, malgré l'invalidation du permis de conduire, ne saurait être constitutif d'une faute grave, un tel fait ne constituant pas un manquement aux obligations professionnelles du salarié qui n'était pas affecté, en exécution de son contrat de travail, à la conduite d'un véhicule automobile ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L 1234-5 du Code du travail ;
ALORS QU'EN OUTRE le fait de conduire malgré l'invalidation du permis de conduire ne peut caractériser un comportement fautif qu'à compter du moment où le salarié a été avisé du retrait de son permis ;
Qu'en l'espèce, M. X... soutenait n'avoir été informé de l'invalidation de son permis de conduire que le 1er février 2007 ; qu'en retenant néanmoins le comportement fautif du salarié pour une période antérieure au 1er décembre 2006, en se fondant sur la notification antérieure de la lettre recommandée 48S, sans préciser à quelle date cette notification était intervenue, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 1234-5 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN en se bornant à relever qu'il ressortait des éléments d'information susvisés que M. X... avait forcément conduit son véhicule automobile sur le site de la société Eurocopter aux fins d'accéder aux parkings mis à la disposition des salariés, durant une période antérieure au 1er décembre 2006, la Cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, entachant une nouvelle fois sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1234-5 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14209
Date de la décision : 06/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 avr. 2011, pourvoi n°10-14209


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14209
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