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05/04/2011 | FRANCE | N°09-16484

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 avril 2011, 09-16484


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Danyberg a confié l'acheminement depuis Istanbul (Turquie) jusqu'à Lyon de vêtements à la société de droit turc Ozkar International Transport Ltd (la société Ozkar) qui a établi deux lettres de voiture CMR ; que dans la nuit du 2 au 3 février 2005 une partie de la cargaison a été volée quand l'ensemble routier stationnait sur le parking d'une station service à proximité de la ville de Parme (Italie) ; que lors de la livraison à Lyon, la société Dan

yberg a émis des réserves pour manquants sur les lettres de voiture CMR ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Danyberg a confié l'acheminement depuis Istanbul (Turquie) jusqu'à Lyon de vêtements à la société de droit turc Ozkar International Transport Ltd (la société Ozkar) qui a établi deux lettres de voiture CMR ; que dans la nuit du 2 au 3 février 2005 une partie de la cargaison a été volée quand l'ensemble routier stationnait sur le parking d'une station service à proximité de la ville de Parme (Italie) ; que lors de la livraison à Lyon, la société Danyberg a émis des réserves pour manquants sur les lettres de voiture CMR ; qu'invoquant la faute lourde du transporteur, la société de droit suisse Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances (la société Helvetia), assureur subrogé dans les droits de la société Danyberg, a assigné la société Ozkar et son assureur, la société de droit allemand Inter Allgemeine Versicherung AG (la société Inter), en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Helvetia fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'existence d'une faute lourde de la société Ozkar n'était pas caractérisée à l'occasion du vol de marchandises pendant le transport que cette dernière était chargée d'exécuter et d'avoir en conséquence condamné la société Ozkar à ne payer qu'une indemnité réduite, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en se fondant, pour juger que la société Ozkar n'avait pas commis de faute lourde, sur les circonstances inopérantes que la cabine était fermée à clé et vitres fermées et que la station service était équipée d'une caméra, tout en constatant que l'ensemble routier avait été stationné sur un parking qui n'était ni fermé ni gardienné, en Italie, entre 22 heures et 6 heures, et que la caméra de la station service ne couvrait pas l'endroit où le véhicule était stationné, ensemble de circonstances qui caractérisait pourtant la faute lourde du transporteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1150 du code civil, ensemble l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

2°/ que pour démontrer l'existence d'une faute lourde et solliciter la réparation intégrale du préjudice subi, la société Helvetia exposait que le chauffeur de la société Ozkar connaissait la nature et l'importance des marchandises qu'il transportait et qu'en choisissant de stationner de nuit dans une station service non gardée ni close, en Italie, il n'avait pas adopté un comportement responsable pour la cargaison, commettant de ce fait une négligence grave caractérisant la faute lourde ; qu'en se bornant dès lors à énoncer que le donneur d'ordres n'aurait pas sollicité la mise à disposition de deux chauffeurs ni exigé que l'ensemble routier soit seulement stationné dans des parkings gardiennés, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le fait pour le transporteur de n'avoir pris aucune précaution pour organiser le transport des marchandises qui lui étaient confiées, s'agissant au surplus de marchandises dont il connaissait la nature, et pour prévoir des lieux de stationnement sûrs, ne caractérisait pas une faute lourde de sa part, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1150 du code civil, ensemble celles de l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le vol est survenu dans la nuit du 2 au 3 février 2005 alors le chauffeur s'était arrêté après avoir parcouru 410 kilomètres sur l'autoroute dans une station service où étaient stationnés une vingtaine d'autres véhicules ; qu'il relève encore que le chauffeur a toujours indiqué que le vol était survenu quand il dormait dans la cabine, que la remorque Ozkar était équipée d'une porte latérale condamnée par un cadenas qui n'a pas été retrouvé et dont la clé n'était pas en possession du chauffeur et que la fixation de la patte métallique permettant le cadenassage de la poignée de crémone gauche de la poignée de droite de la remorque avait été cisaillée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la société Helvetia ne caractérisait pas l'existence d'une faute lourde susceptible d'être imputée au voiturier ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 3 du code civil, ensemble les articles L. 124-3 du code des assurances et 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'action directe dirigée par la société Helvetia contre la société Inter, l'arrêt retient qu'en l'espèce le dommage, en l'occurrence le vol d'une partie des marchandises transportées, est survenu en Italie, et que la loi italienne ne connaît pas l'action directe ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le vol survenu lors d'un transport international n'avait pas causé un dommage sur le territoire français, lieu de destination des marchandises, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action directe de la société Helvetia dirigée contre la société Inter Allgemeine Versicherung AG ..., l'arrêt rendu le 4 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour la société Helvetia compagnie suisse d'assurances.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action directe dirigée par la Compagnie HELVETIA contre la Société INTER, assureur du responsable du dommage.

AUX MOTIFS QUE « toutefois l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est régie par la loi du lieu du dommage, le régime juridique de l'assurance étant soumis à la loi du contrat ; en l'espèce le dommage, en l'occurrence le vol d'une partie des marchandises transportées, est survenu en ITALIE.

La loi italienne, tout comme la loi allemande qui régit la police souscrite par le voiturier turc OZKAR, ne connaît pas l'action directe.

Ainsi si le Tribunal de commerce de Lyon s'est à juste titre reconnu compétent pour connaître de l'action directe dirigée contre l'assureur INTER, il a à tort rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'assureur.

Il y a donc lieu d'infirmer sur ce point le jugement entrepris et de déclarer irrecevable l'action directe dirigée par la compagnie HELVETIA contre la compagnie INTER » (arrêt attaqué p. 6, § 2 à 5).

ALORS, D'UNE PART, QUE l'action directe ouverte à la victime d'un dommage est recevable contre l'assureur étranger du responsable du dommage dès lors que celui-ci est subi en France ; que le dommage causé au destinataire français de marchandises volées lors de leur transport international est subi en France, lieu de destination des marchandises ; qu'en considérant dès lors que l'action directe dont elle était saisie par la Compagnie HELVETIA, assureur subrogé dans les droits de la Société DANYBERD, n'était pas recevable en application de la loi italienne qui ne connaîtrait pas une telle action, motifs pris de ce que le vol des marchandises était survenu en Italie, la Cour d'Appel a violé l'article L. 124-3 du Code des assurances.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les premiers juges, dont la confirmation de la décision était demandée, avaient exactement considéré que « l'action directe contre l'assureur de responsabilité est recevable pour tous les dommages survenus sur le territoire français, ce qui est le cas en l'espèce, alors même que le contrat d'assurance serait soumis à une Loi étrangère qui n'admettrait pas un droit de recours de la victime exercé directement à l'encontre de l'assureur du responsable » ; que dans ses conclusions d'appel, la Compagnie HELVETIA faisait valoir que la perte des marchandises avait bien été subie en France ; que dès lors en se bornant à énoncer que « le dommage, en l'occurrence le vol d'une partie des « marchandises transportées, est survenu en Italie », sans rechercher comme elle y était invitée si le vol des marchandises n'avait pas causé un dommage sur le territoire français, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS, ENFIN, QUE la recevabilité de l'action directe dirigée contre l'assureur du responsable du dommage est régie par la loi du lieu du dommage ; que seul le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi du contrat ; qu'en considérant dès lors que l'action directe dont elle était saisie par la Compagnie HELVETIA n'était pas recevable car la loi allemande qui régissait la police souscrite par le transporteur ne connaîtrait pas l'action directe, la Cour d'Appel s'est déterminée par un motif inopérant et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 124-3 du Code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la Compagnie HELVETIA ne caractérisait pas l'existence d'une faute lourde de la Société OZKAR à l'occasion du vol de marchandises pendant le transport que cette dernière était chargée d'exécuter et d'AVOIR en conséquence condamné la Société OZKAR à ne payer qu'une indemnité réduite ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte du rapport établi le 28 février 2005 par le commissaire d'avaries Y... missionné par la compagnie HELVETIA et de l'examen des pièces y annexées dont les copies des disques chronotachygraphes du véhicule, que le vol est survenu entre le 2 février 2005 à 22 heures et le 3 février 2005 vers 6 heures alors que l'ensemble routier conduit par le chauffeur de la société OZKAR qui était parti d'ISTANBUL le 28 janvier 2005, était arrivé en ITALIE par la ville de TRIESTE qu'il a quittée dans la journée du 2 février vers 15 heures 40, avait effectué une première coupure de 18H40 à 19H50, et s'était arrêté après avoir parcouru 410 kilomètres sur l'autoroute dans une station service AGIP à l'aire de SAN MARINO près de PARME où étaient stationnés une vingtaine d'autres véhicules ;

que si des contradictions existent entre les déclarations du chauffeur turc respectivement enregistrées par les services de police italiens et par Monsieur Y... quant aux intentions du chauffeur sur la durée de cet arrêt, le chauffeur a toujours indiqué que le vol était survenu alors qu'il se trouvait couché en train de dormir dans la cabine fermée à clé et vitres fermées ;

que l'expert Y... a mentionné que la remorque OZKAR était équipée d'une porte latérale condamnée par un cadenas qui n'a pas été retrouvé et dont la clé n'était pas en possession du chauffeur ; que la fixation de la patte métallique permettant le cadenassage de la poignée de crémone gauche de la poignée de droite de la remorque avait été cisaillée ; que si l'aire de SAN MARINO n'était ni fermée ni gardiennée la station service AGIP était dotée d'une caméra même si celle-ci ne couvrait pas l'endroit où le véhicule OZKAR était stationné mais seulement les pompes ;

que le donneur d'ordres n'a sollicité ni la mise à disposition de deux chauffeurs ni exigé que l'ensemble routier soir seulement stationné dans des parkings gardiennés ;

que dans ces conditions si le voiturier n'établit pas l'existence de circonstances exonératoires au sens de l'article 17 alinéa 2 de la CMR, la compagnie HELVETIA ne caractérise pas l'existence d'une faute lourde susceptible d'être imputée au voiturier ;

qu'ainsi l'indemnité due par le voiturier OZKAR ne saurait excéder la limite prévue par l'article 23.3 de la CMR soit 8,33 DTS par kilogramme de poids brut manquant » (arrêt attaqué, p. 7, § 2 à 9).

ALORS, D'UNE PART, QU' en se fondant, pour juger que la Société OZKAR n'avait pas commis de faute lourde, sur les circonstances inopérantes que la cabine était fermée à clé et vitres fermées et que la station service était équipée d'une caméra, tout en constatant que l'ensemble routier avait été stationné sur un parking qui n'était ni fermé ni gardienné, en Italie, entre 22 heures et 6 heures, et que la caméra de la station service ne couvrait pas l'endroit où le véhicule était stationné, ensemble de circonstances qui caractérisait pourtant la faute lourde du transporteur, la Cour d'Appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les dispositions de l'article 1150 du Code civil, ensemble celles de l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour démontrer l'existence d'une faute lourde et solliciter la réparation intégrale du préjudice subi, la Compagnie HELVETIA exposait que le chauffeur de la Société OZKAR connaissait la nature et l'importance des marchandises qu'il transportait et qu'en choisissant de stationner de nuit dans une station service non gardée ni close, en Italie, il n'avait pas adopté un comportement responsable pour la cargaison, commettant de ce fait une négligence grave caractérisant la faute lourde ; qu'en se bornant dès lors à énoncer que le donneur d'ordres n'aurait pas sollicité la mise à disposition de deux chauffeurs ni exigé que l'ensemble routier soit seulement stationné dans des parkings gardiennés, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le fait pour le transporteur de n'avoir pris aucune précaution pour organiser le transport des marchandises qui lui étaient confiées, s'agissant au surplus de marchandises dont il connaissait la nature, et pour prévoir des lieux de stationnement sûrs, ne caractérisait pas une faute lourde de sa part, la Cour d'Appel a encore privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1150 du Code civil, ensemble celles de l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-16484
Date de la décision : 05/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 avr. 2011, pourvoi n°09-16484


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.16484
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