LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n°T 10-12.913 formé par les sociétés Manpower France Holding et Manpower France et n°G 10-13.686, formé par la société Randstadt, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2010) que sur une saisine du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dénonçant des pratiques d'entente mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire par les groupes de sociétés Adecco, Manpower et Vedior, le Conseil de la concurrence (le Conseil), devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), a notifié deux griefs d'entente aux sociétés Adecco Travail temporaire, Manpower France Holding SAS, pour la période antérieure au 30 avril 2004 et, pour la période postérieure, à la nouvelle société Manpower France SAS, anciennement dénommée Manpower Entreprise, ainsi qu'aux sociétés Groupe Vedior France SAS, VediorBis et Adia ; que par une décision n°07-DSA-29 du 31 janvier 2007, le Conseil a donné acte de la demande formulée par les sociétés Groupe Vedior France et VediorBis, les 28 novembre 2006 et 2 janvier 2007, de classement dans une annexe confidentielle de documents regardés par elles comme mettant en jeu le secret des affaires, a précisé que la version confidentielle de ces documents était classée dans une annexe confidentielle au dossier, que la version non confidentielle et le résumé de ces documents étaient versés au dossier et, enfin, que les messageries et fichiers saisis sous forme dématérialisée le 30 novembre 2004 étaient classés dans leur intégralité dans une annexe confidentielle ; que les sociétés Groupe Vedior France et VediorBis, Adecco France et Adia ont ensuite sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce, leur permettant, à la condition de ne pas contester la réalité des griefs notifiés et de modifier leurs comportements pour l'avenir, de bénéficier d'une réduction de la sanction ; que par une décision n°09-D-05 du 9 février 2009, le Conseil de la concurrence a décidé, notamment, qu'il était établi que les sociétés Manpower France, Holding (anciennement Manpower France), Manpower France (anciennement Manpower Entreprise) (les sociétés Manpower), Adecco France, (anciennement Adecco Travail temporaire), Adia et VediorBis ont enfreint les dispositions de l'article 81 du Traité CE, devenu l'article 101 du TFUE et de l'article L. 420-1 du code de commerce, a pris acte des engagements souscrits par les sociétés Adecco France, Adia et les autres entités du groupe Adia ainsi que des engagements souscrits par les sociétés Groupe Vedior France et VediorBis et enjoint à ces entreprises de s'y conformer ; qu'enfin, le Conseil a infligé des sanctions pécuniaires à toutes les entreprises en cause ;
Sur le premier moyen du pourvoi n°T 10-12.913 :
Attendu que les sociétés Manpower font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision n°09-D-05 du Conseil alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et des principes généraux du droit communautaire, que le principe de l'égalité des armes suppose que les entreprises poursuivies dans une procédure de concurrence aient accès au dossier dans des conditions qui ne les désavantagent pas par rapport à la partie poursuivante ; que cela implique qu'elles aient accès à l'ensemble des documents, à charge et à décharge, que les autorités de poursuite ont recueillis au cours de l'enquête, et non aux seuls éléments à charge sélectionnés par l'autorité de poursuite ; qu'en l'espèce, à la suite de la saisie des messageries informatiques de salariés de VediorBis, et de leur classement en une annexe confidentielle du dossier, le rapporteur a eu accès à l'intégralité de ces messageries, dont il a extrait un certain nombre de pièces à charge à l'encontre des sociétés Manpower, sur lesquelles la poursuite a reposé, sans que ces dernières puissent avoir accès dans les mêmes conditions à l'intégralité de la messagerie, pour y chercher notamment des pièces à décharge ; qu'en décidant néanmoins qu'il n'y avait pas eu atteinte à l'égalité des armes, au préjudice des sociétés Manpower, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire ;
2°/ qu'en vertu du principe de l'égalité des armes, l'accès par les entreprises à l'ensemble du dossier doit être concret et effectif ; que si l'article R. 463-15 ancien du code de commerce ouvrait aux entreprises poursuivies la possibilité théorique de demander le déclassement des messageries classées comme une pièce unique en annexe confidentielle, cette possibilité n'était pas concrète et effective, dans la mesure où une demande des sociétés Manpower de déclassement de l'ensemble des dites messageries aurait été vouée à l'échec, dans la mesure où Manpower, ignorant leur contenu, était dans l'impossibilité de démontrer qu'elles contenaient des éléments indispensables à l'exercice de ses droits de la défense ; que dès lors, en se fondant sur cette possibilité qui n'était pas effective, pour admettre l'absence d'atteinte à l'égalité des armes, la cour d'appel a méconnu les articles 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire ;
3°/ que dans sa lettre du 28 novembre 2006, le conseil de VediorBis a demandé clairement et précisément l'occultation de seulement 156 messages de la messagerie électronique saisie, au titre du secret des affaires, et elle a préparé une version non confidentielle de ces documents ; Qu'en décidant néanmoins « qu'il n'en demeure pas moins qu'elle a formellement sollicité pour le surplus des messageries de ses employés une demande de protection au titre du secret des affaires », la cour d'appel a dénaturé la lettre claire et précise du conseil de Vediorbis, et violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'il résulte de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des principes généraux du droit communautaire que les droits de la défense de l'entreprise poursuivie, ensemble le principe du contradictoire, doivent en tout état de cause être respectés ; qu'en conséquence, lorsqu'une messagerie électronique saisie a été assimilée à une pièce unique insécable lors du classement en annexe confidentielle, l'autorité de poursuite, qui ne peut se fonder que sur des pièces soumises au contradictoire des parties, ne peut se fonder sur cette messagerie, que si elle a soumis cette pièce unique au contradictoire des parties ; qu'en l'espèce, à supposer que le Président du Conseil de la concurrence ait pu classer globalement les messageries électroniques en annexe confidentielle, motif pris de leur caractère insécable, la cour d'appel, qui a constaté que chaque messagerie saisie a été assimilée à une pièce unique et que les sociétés Manpower n'ont pas eu un accès intégral à cette pièce unique sur laquelle s'est fondée le rapporteur, aurait dû en déduire que le principe du contradictoire avait été méconnu ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas condamner les sociétés Manpower, sur le fondement d'éléments extraits desdites messageries, sans violer les articles 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire ;
Mais attendu que l'arrêt relève que s'il est vrai que la société VediorBis a, dans un premier temps, préparé une version non confidentielle de plusieurs documents saisis lors de la phase d'enquête, qui a été versée au dossier ouvert à la consultation des parties, il n'en demeure pas moins qu'elle a formellement sollicité, pour le surplus des messageries de ses employés, une demande de protection au titre du secret des affaires qui a été suivie par une demande identique de la société Adecco et que c'est dans ces conditions, qu'en vertu de décisions du président du Conseil, les messageries des deux entreprises concernées ont été régulièrement retirées du dossier et classées globalement, dès lors qu'elles étaient assimilées à des pièces uniques, dans une annexe confidentielle ; qu'il précise ensuite que le rapporteur a obtenu, ultérieurement, la communication de certaines pièces classées dans cette annexe, dans la mesure où il les estimait nécessaires à la procédure ; qu'il relève encore que ces pièces ont été soumises à la contradiction des requérantes ; que l'arrêt constate enfin que, de leur côté, les sociétés Manpower, qui affirment avoir contesté le traitement réservé aux messageries, n' ont cependant pas usé de la faculté qui leur était offerte par le second alinéa de l'article R. 463-15 du code de commerce, équivalente à celle qui est ouverte au rapporteur, de demander le déclassement des messageries ainsi classées en annexe confidentielle, en arguant de ce que ces documents étaient nécessaires à l'exercice de leurs droits ; qu'en l'état de ces constatations et observations dont il ressort que les sociétés Manpower n'ont pas demandé le déclassement des messageries ou de certains messages contenus dans celles-ci qu'elles estimaient nécessaires à l'exercice de leurs droits, sans qu'il soit démontré qu'une telle demande eût été vouée à l'échec, la cour d'appel qui n'a pas dénaturé la lettre du 28 novembre 2006, a exactement retenu que le défaut de communication des pièces en cause n'a pas constitué une atteinte à l'égalité des armes et que le déclassement de certains éléments des messageries pouvait être ordonné, bien qu'elles constituent chacune une pièce unique ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n°T 10-12.913, pris en sa première branche :
Attendu que les sociétés Manpower font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : qu'en vertu de l'article L. 464-2 III du code de commerce, le choix d'une entreprise poursuivie pour entente, de ne pas contester les griefs ne vaut pas aveu de l'entente ; que dès lors, en l'espèce, en décidant que la concertation entre les entreprises qui n'ont pas contesté les griefs était acquise, et que le Conseil avait seulement à établir la participation des sociétés Manpower à ladite concertation, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1 et L. 464-2 III du code de commerce, et 81§1 du traité de Rome (devenu 101§1 du traité de fonctionnement de l'Union européenne TFUE) ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les sociétés Adia, Adecco, Groupe Vedior France et VediorBis n'avaient pas contesté les griefs qui leur étaient notifiés et n'avaient ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence, ni leur imputabilité, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que le Conseil avait justement décidé qu'en conséquence seule la question de la participation des sociétés Manpower aux pratiques anticoncurrentielles reprochées devait être discutée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n°T 10-12.913, pris en ses deuxième et troisième branches et sur le moyen unique du pourvoi n°G 10-13.686, pris en sa quatrième branche, réunis :
Attendu que les sociétés Manpower et Randstadt, anciennement dénommée Védiorbis, font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article L. 464-2 I alinéa 3 du code de commerce, les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées notamment à la gravité des faits reprochés à l'entreprise, au dommage à l'économie, et à la situation de l'entreprise en cause ; que l'existence d'une situation de crise aigue du marché du travail temporaire peut être prise en compte pour minimiser les sanctions ; qu'en décidant que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L. 464-2 du code de commerce, et que seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que de toute façon, en vertu de l'article L. 464-2 I alinéa 3 du code de commerce, les sanctions sont pécuniaires doivent être proportionnées notamment à la gravité des faits reprochés à l'entreprise, au dommage à l'économie, et à la situation de l'entreprise en cause ; qu'en conditionnant la prise en compte de l'existence d'une situation de crise aiguë du marché du travail temporaire pour minimiser les sanctions, à la fourniture de pièces comptables montrant que les capacités contributives sont atteintes, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne pose pas et a violé le texte susvisé ;
3°/ qu'en refusant de tenir compte de la situation de crise profonde du secteur du travail temporaire et en la subordonnant à la production de pièces comptables montrant que les capacités contributives des entreprises étaient atteintes, la cour d'appel a en réalité refusé d'individualiser la sanction et a de ce fait violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L. 464-2 du code de commerce et que seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte dans le calcul de la sanction, la cour d'appel, après avoir constaté que les sociétés Manpower et Randstadt n'apportaient pas la preuve de leurs difficultés contributives, a, sans ajouter au texte une condition qu'il ne contient pas, ni refuser d'individualiser la sanction, pu statuer comme elle a fait ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° G 10-13 686, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Randstadt fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'une entente locale et limitée à un secteur d'activité ne peut servir de premier terme pour sanctionner une entente nationale et sans limites quant aux branches d'activité ; qu'en se fondant sur une première décision du conseil de la concurrence qui avait concerné les entreprises de construction pour les travaux d'aménagement du site olympique d'Albertville pour en déduire que les présentes pratiques étaient une réitération, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Bis France, aux droits de laquelle vient la société Randstadt, avait fait l'objet d'une décision du Conseil en 1997, par laquelle avait été retenue sa participation à une pratique d'entente, que cette décision était intervenue avant la commission des nouvelles pratiques de cette société et était devenue définitive à la date à laquelle le Conseil a statué, c'est à bon droit que la cour d'appel relevant que ces conditions étant réunies, ces nouvelles pratiques, identiques par leur nature et leur objet aux précédentes, constituaient une réitération, sans avoir à procéder à une analyse des circonstances précises dans lesquelles les pratiques précédemment sanctionnées avaient été mises en œuvre ; que le grief n'est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et troisième moyens du pourvoi n°T 10-12.913, pris en leurs seconde et première branches respectives, ainsi que le moyen unique du pourvoi n°G 10-13.686, pris en ses première et troisième branches, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Manpower France holding, Manpower France et Randstadt aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Manpower France holding et Manpower France à payer à M. Le président de l'Autorité de la concurrence et à Madame la ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, chacun, la somme globale de 2 500 euros, condamne la société Randstadt à leur payer, chacun, la même somme et rejette la demande de la société Randstadt ;
Dit que le présent arrêt sera transmis à la Commission européenne en application de l'article 15 § 2 du règlement CE 1/2003 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n°T 10-12.913 par de la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour les sociétés Manpower France holding et Manpower france.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur l'utilisation des preuves issues des saisies informatiques)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours contre la décision n°09-D-05 du Conseil de la concurrence qui a condamné la société MANPOWER France Holding SAS et la société MANPOWER France SAS à payer des amendes respectivement de 28.000.000 euros et de 14.000.000 euros, et à publier le texte de la condamnation ;
AUX MOTIFS QUE « En ce qui concerne l'absence d'accès aux messageries saisies dans le cadre des perquisitions : Considérant que les sociétés Manpower France Holding et Manpower France, ci- après les sociétés Manpower, demandent à la cour de prononcer l'annulation de la décision du Conseil pour violation du principe d'égalité des armes en exposant que, en dépit du classement des messageries saisies dans des locaux de Adecco et de Vedior Bis dans une annexe confidentielle, leur contenu a cependant été analysé par le rapporteur qui a extrait celles qu'il considérait comme des éléments à charge et a obtenu leur déclassement en documents non-confidentiels ; qu'ainsi, des éléments à charge ont pu être sélectionnés et retenus au soutien des griefs notifiés aux sociétés Manpower qui, de leur côté, étaient privées de la possibilité de prendre connaissance du contenu des messageries et de se prévaloir de documents utiles à leur défense ; qu'à titre d'exemple, il est très probable que, parmi les nombreux messages figuraient des échanges susceptibles de démontrer l'existence d'une véritable concurrence par les prix entre les trois principaux acteurs du travail temporaire ; Considérant que les requérantes poursuivent que, contrairement à ce qu'a décidé le Conseil, rien ne justifie un classement global de la messagerie ; qu'en effet, si la saisie informatique individualisée de certains courriels peut poser des difficultés pratiques aux agents de la DGCCRF au cours d'une opération de visite et saisie, l'individualisation des messages en cours de procédure peut ensuite être facilement réalisée, comme le démontre le fait que le rapporteur a lui-même sélectionné les courriels qu'il entendait utiliser contre les entreprises en cause et a obtenu le déclassement de ceux qu'il jugeait utiles à sa démonstration ; que le principe du classement en annexe confidentielle est d'autant plus critiquable qu'il n'a jamais été demandé par Vedior Bis et Adecco au titre du secret des affaires et qu'au surplus ces entreprises ont réalisé elles-mêmes une version non confidentielle de ces documents après avoir procédé à une sélection : le conseil de Vedior Bis avait en effet formulé auprès du rapporteur une demande d'occultation au titre du secret des affaires portant sur 156 documents et, au lieu de ne classer que les documents sélectionnés par cette entreprise, le président du Conseil a procédé à un classement global des messageries ;
Que, selon les requérantes, l'avantage dont a bénéficié le Conseil constitue ainsi une rupture flagrante de l'égalité des armes, dès lors que ses services puis le rapporteur ont eu librement accès aux documents confidentiels dans lesquels ils ont puisé à leur guise des éléments à charge, tandis que l'accès à ces mêmes documents leur a été refusé, ce qui les a placées dans l'impossibilité d'en extraire des éléments à décharge ; Qu'enfin, alors qu'elles n'ont pourtant cessé, pendant le déroulement de la procédure, de contester le sort réservé aux messageries, il ne peut leur être reproché de ne pas avoir demandé un déclassement des messageries en question, puisqu'elles ignoraient la teneur des messages et, qu'au surplus, une demande portant sur l'ensemble des messageries aurait été vouée à l'échec puisque certains courriels étaient couverts par le secret des affaires ; Mais considérant que l'article L.463-1 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, dispose que «l'instruction et la procédure devant le Conseil de /a concurrence sont pleinement contradictoires sous réserve des dispositions prévues à l'article L. 463-4» ; Considérant qu'aux termes de L.463-4 ancien du code de commerce, «Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à la procédure ou a l'exercice de leurs droits par la ou les parties mises en cause, le président du Conseil de la concurrence (...) peut refuser la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires. Les pièces considérées sont retirées du dossier ou certaines de leurs mentions sont occultées. Dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents, bien que mettant en jeu le secret des affaires, est nécessaire à la procédure ou à l'exercice des droits d'une ou plusieurs des parties, ils sont versés en annexe confidentielle au dossier et ne sont communiqués qu'au Commissaire du gouvernement et à la ou aux parties mises en cause pour lesquelles ces pièces ou éléments sont nécessaires à l'exercice de leurs droits. (...) Considérant que, selon article R.463-15 ancien du code de commerce, «Lorsque le rapporteur considère qu 'une pièce classée en annexe confidentielle est nécessaire à la procédure, il en informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la personne qui a demandé le classement. Si cette personne s'oppose, dans le délai qui lui a été imparti par le rapporteur, à ce que la pièce soit utilisée dans la procédure, elle saisit le président du Conseil de la concurrence. Si celui-ci ou le vice-président délégué donne suite à son opposition, la pièce est maintenue dans l'annexe confidentielle. Dans le cas contraire, il autorise l'utilisation de la pièce par le rapporteur et à sa communication à la ou les parties mises en cause, ainsi qu'au commissaire du gouvernement. Lorsqu'une partie mise en cause considère qu 'une pièce classée en annexe confidentielle est nécessaire à l'exercice de ses droits, elle peut en demander la communication ou la consultation en présentant une requête motivée au rapporteur. Le rapporteur informe la personne qui a demandé le classement de cette pièce par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si cette personne s'oppose, dans le délai qui lui a été imparti par le rapporteur, à ce que la pièce soit communiquée à la partie qui en fait la demande, elle saisit le président du Conseil de la concurrence. Si celui-ci ou le vice-président délégué donne suite à son opposition, la pièce est maintenue dans l'annexe confidentielle. Dans le cas contraire, il autorise la communication ou la consultation de la pièce à la partie qui en a fait la demande ainsi que, le cas échéant, aux autres parties mises en cause pour lesquelles la pièce est nécessaire à l'exercice de leurs droits ainsi qu 'au commissaire du gouvernement. » ;
Considérant que, dans le cadre des opérations de visite et de saisie qui ont été réalisées le 30 novembre 2004 dans les locaux des sociétés des groupes Adecco et Vedior Bis, les agents de la DGCCRF ont saisi les messageries électroniques de certains leurs salariés ;que statuant sur le recours de ces entreprises qui contestaient la validité de ces opérations, le juge des libertés et de la détention a décidé, par ordonnance du 12 juillet 2005, qu'au regard des procédures de recherche des infractions aux règles de concurrence, une boîte de messagerie constitue une pièce unique, même si elle n'est que partiellement utile au dossier ; Considérant qu'au rebours de ce que soutiennent les requérantes, s'il est vrai que Vedior Bis a préparé une version non confidentielle de 150 documents qui a été versée au dossier ouvert à la consultation des parties, il n'en demeure pas moins qu'elle a formellement sollicité pour le surplus des messageries de ses employés une demande de protection au titre du secret des affaires, qui a été suivie par une demande identique d'Adecco ; que c'est dans ces conditions qu'en vertu de décisions du président du Conseil de la concurrence du 31 janvier 2007, les messageries des deux entreprises concernées ont été régulièrement retirées du dossier et classées globalement, dès lors qu'elles étaient assimilées à des pièces uniques, dans une annexe confidentielle ; Considérant que le rapporteur a obtenu ensuite la communication de certaines pièces, classées dans cette annexe, après avoir mis en oeuvre la procédure prévue par le premier alinéa l'article R.463-15 du code de commerce, dans la mesure où il les estimait nécessaires à la procédure ; qu'il est constant que ces pièces, dont il a été dressé inventaire, ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des requérantes qui, après le notification des griefs, ont disposé de la faculté de présenter elles-mêmes les moyens et de produire les pièces qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; Considérant que force est de constater que, de leur côté, les sociétés Manpower, qui, affirment avoir contesté le traitement réservé aux messageries, n' ont cependant pas usé de la faculté qui leur était offerte par le second alinéa de l'article R.463-15 ancien du code de commerce, équivalente à celle qui est ouverte au rapporteur, de demander le déclassement des messageries ainsi classées en annexe confidentielle, en arguant de ce que ces documents étaient nécessaires à l'exercice de leurs droits ;
Considérant que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'une demande de communication visant l'ensemble des messageries était nécessairement vouée à l'échec en raison de la protection apportée par le secret des affaires, puisque la procédure prévue par le second alinéa de l'article R.463-15 ancien du code de commerce avait précisément pour objet de permettre au président du Conseil de la concurrence d'apprécier, en cas d'opposition de la partie bénéficiant du classement en annexe confidentielle, si une autorisation de consultation ou de communication de la pièce doit être accordée ponctuellement ; Qu'en l'absence d'atteinte au principe d'égalité des armes, le moyen sera rejeté ; » (cf. arrêt P. 6 in fine à 9).
ALORS D'UNE PART QU'il résulte de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et des principes généraux du droit communautaire, que le principe de l'égalité des armes suppose que les entreprises poursuivies dans une procédure de concurrence, aient accès au dossier dans des conditions qui ne les désavantagent pas par rapport à la partie poursuivante ; que cela implique qu'elles aient accès à l'ensemble des documents, à charge et à décharge, que les autorités de poursuite ont recueillis au cours de l'enquête, et non aux seuls éléments à charge sélectionnés par l'autorité de poursuite; qu'en l'espèce, à la suite de la saisie des messageries informatiques de salariés de VEDIORBIS, et de leur classement en une annexe confidentielle du dossier, le rapporteur a eu accès à l'intégralité de ces messageries, dont il a extrait un certain nombre de pièces à charge à l'encontre des sociétés MANPOWER, sur lesquelles la poursuite a reposé, sans que ces dernières puissent avoir accès dans les mêmes conditions à l'intégralité de la messagerie, pour y chercher notamment des pièces à décharge ; qu'en décidant néanmoins qu'il n'y avait pas eu atteinte à l'égalité des armes, au préjudice des sociétés MANPOWER, la Cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, en tout état de cause, en vertu du principe de l'égalité des armes, l'accès par les entreprises à l'ensemble du dossier doit être concret et effectif ; que si l'article R 463-15 ancien du code de commerce ouvrait aux entreprises poursuivies la possibilité théorique de demander le déclassement des messageries classées comme une pièce unique en annexe confidentielle, cette possibilité n'était pas concrète et effective, dans la mesure où une demande des sociétés MANPOWER de déclassement de l'ensemble des dites messageries aurait été vouée à l'échec, dans la mesure où MANPOWER, ignorant leur contenu, était dans l'impossibilité de démontrer qu'elles contenaient des éléments indispensables à l'exercice de ses droits de la défense ; que dès lors, en se fondant sur cette possibilité qui n'était pas effective, pour admettre l'absence d'atteinte à l'égalité des armes, la cour d'appel a méconnu les articles 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire.
ALORS DE TROISIEME PART QUE, dans sa lettre du 28 novembre 2006, le conseil de VEDIORBIS a demandé clairement et précisément l'occultation de seulement 156 messages de la messagerie électronique saisie, au titre du secret des affaires, et elle a préparé une version non confidentielle de ces documents ; Qu'en décidant néanmoins « qu'il n'en demeure pas moins qu'elle a formellement sollicité pour le surplus des messageries de ses employés une demande de protection au titre du secret des affaires », la Cour d'appel a dénaturé la lettre claire et précise du Conseil de VEDIORBIS, et violé l'article1134 du code civil ;
ALORS ENFIN QU'il résulte de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme et des principes généraux du droit communautaire que les droits de la défense de l'entreprise poursuivie, ensemble le principe du contradictoire, doivent en tout état de cause être respectés ; qu'en conséquence, lorsqu'une messagerie électronique saisie a été assimilée à une pièce unique insécable lors du classement en annexe confidentielle, l'autorité de poursuite, qui ne peut se fonder que sur des pièces soumises au contradictoire des parties, ne peut se fonder sur cette messagerie, que si elle a soumis cette pièce unique au contradictoire des parties ; qu'en l'espèce, à supposer que le Président du Conseil de la concurrence ait pu classer globalement les messageries électroniques en annexe confidentielle, motif pris de leur caractère insécable, la Cour d'appel, qui a constaté que chaque messagerie saisie a été assimilée à une pièce unique et que les sociétés MANPOWER n'ont pas eu un accès intégral à cette pièce unique sur laquelle s'est fondée le rapporteur, aurait dû en déduire que le principe du contradictoire avait été méconnu ; que dès lors, la Cour d'appel ne pouvait pas condamner les sociétés MANPOWER, sur le fondement d'éléments extraits desdites messageries, sans violer les articles 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme et les principes généraux du droit communautaire ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur la preuve de l'existence de la pratique )Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours contre la décision n°09-D-05 du Conseil de la concurrence qui a condamné la société MANPOWER France Holding SAS et la société MANPOWER France SAS à payer des amendes respectivement de 28.000.000 euros et de 14.000.000 euros, et à publier le texte de la condamnation ;
AUX MOTIFS QUE « que Adia, Adecco, Groupe Vedior France et Vedior Bis n'ayant pas contesté les griefs qui leur ont été notifiés et n'ayant ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence, ni leur imputabilité, le Conseil a justement décidé que c'est la seule question de la participation des sociétés Manpower aux pratiques anticoncurrentielles reprochées qui doit être discutée et que cette situation est identique devant la cour, à qui les autres entreprises requérantes soumettent exclusivement des moyens tendant à la réformation de la décision du Conseil du chef des sanctions qui leur ont été infligées ; sur le bien fondé des griefs, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil, a constaté que les sociétés Manpower avaient participé avec les autres entreprises mises en cause à l'exception de la société Groupe Vedior Bis France, sur le seul marché des «grands comptes», à l'exclusion de la clientèle des «diffus», à une pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d'éviter une compétition par les prix, par des discussions et une coordination plus ou moins poussées selon les cas et portant sur divers paramètres de la relation commerciale entre EU et ETT, à éviter la compétition sur les prix en ce qui concerne la clientèle des «grands comptes)), peu important que cette pratique concertée n'ait pas toujours été mise en oeuvre ; qu'à défaut de preuves matérielles se suffisant à elles-mêmes, une pratique anticoncurrentielle peut être établie par un faisceau d'indices précis et concordants constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis au cours de l'instruction ; que tel est le cas en l'espèce, où, sans se référer comme il lui en est fait vainement le reproche, à l'absence de contestation des griefs par certaines entreprises, le Conseil a justement estimé qu'une série de pièces dont il a fait une exacte analyse (points 92 à 104 de la décision), prises dans leur ensemble, constituent un faisceau d'indices précis et concordants de la participation des sociétés Manpower à une pratique concertée avec Adecco et Vedior Bis; Considérant que les indices pertinents retenus sont les suivants :
- en ce qui concerne les clients La Poste, Mory, FM Logistics, Sodexho, un courriel du 4 juillet 2003 du directeur commercial de la branche logistique et commerce de Vedior Bis au directeur général adjoint de cette entreprise relatif à ces clients (points 35, 36 et 92 de la décision) ; que ce message atteste :
•que cette entreprise est informée que Manpower doit, dans un délai relativement bref, «approcher» le client La Poste pour lui expliquer qu'une baisse des réductions de charges sur les bas salaires va entraîner une hausse du prix en septembre ;
•que les mentions concernant Mory (««05 confrères ont suivi cette même démarche stopper la remise de fin d'année pour les mêmes raisons») révèlent à la fois une coordination des comportements commerciaux et l'existence d'échanges d'informations entre ETT nécessaires à celles-ci, le Conseil observant à juste titre qu'il n' était certainement pas de l'intérêt de Mory de signaler aux ETT dont il était le client que l'un ou l'autre avait stoppé le versement de la remise de fin d'année et que l'explication qui avait été fournie par Manpower, selon laquelle Mory en aurait elle-même averti VediorBis à titre dissuasif pour montrer que la démarche était vaine, est directement contredite par le texte du message en cause, qui indique qu'il n'y a pas eu de réaction de l'interlocutrice de Mory ;
•que les mentions concernant FM Logistics («nous devons être solidaires sur cette renégociation à la rentrée»), GEFCO («là encore le discours doit être harmonisé»} et a fortiori Sodexho (pièce citée au point 36 de la décision : «je n'ai pas d'infos de nos concurrents qui a priori ne sont pas très fiables sur ce dossier»}, démontrent la recherche et l'habitude fréquentes de coordination entre Vedior Bis et ses concurrents vis-à-vis de tel ou tel grand compte ; que le Conseil a exactement observé que le message en cause montre que cette concertation pouvait notamment porter sur la manière de répercuter les variations d'allégements de charges sociales, sur les prix, ainsi que sur un autre élément tarifaire, la remise de fin d'année ;
- en ce qui concerne Areva, un courriel interne de Vedior Bis (Points 37 et 93 de la décision) qui comporte l'indication des parts de marché de Manpower, d'Adecco et de Vedior Bis chez Areva et qui montre que, face au souhait annoncé de cette dernière de réduire le nombre de ses fournisseurs, Vedior Bis a contacté Manpower («les bleus»} ; que le Conseil ajustement observé que, même s'il n'est pas exclu que des parts de marché aient été estimées par Vedior Bis ou fournies par le client, et quelles que soient par ailleurs les explications données devant la cour par les requérantes sur la méthode employée par cette entreprise pour lancer son appel d'offres, il n'en demeure pas moins que le contact pris avec Manpower et l'annonce d'un nouveau rendez-vous téléphonique avec celle-ci peu de temps avant une réunion avec le client révèlent que Vedior Bis et Manpower ont l'habitude de discuter les offres faites à un client précis ;
- en ce qui concerne les allégements de la Loi Fillon et Alstom, un compte-rendu du directeur financier de Vedior Bis d'une rencontre qui s'est déroulée avec son Homologue d'Adecco ( point 38 et point 94 de la décision) ; qu'il ressort de cette pièce, qui a été exactement analysée par le Conseil :
- un accord de Manpower pour mettre en commun certains travaux afin d'éviter une rétrocession rapide à la clientèle d'avantages découlant d'une variation d'allégements de charges sociales ;
- une coordination des trois grandes ETT concernant l'encours à accorder à Alstom ; que même si, comme le soutiennent les sociétés Manpower, une telle coordination s'inscrivait dans un contexte d'incertitudes entourant l'activité et la santé financière de cette entreprise, cette coordination; qui s'opérait alors qu'aucune procédure collective n'avait été ouverte, a porté sur un élément de concurrence important : l'encours autorisé influe en effet directement sur la part de marché du fournisseur et l'appréciation du risque-client est également un élément de la compétition entre opérateurs ;
- en ce qui concerne la CNP et EDF, une note saisie chez Vedior Bis (points 39 et 95 de la décision), qui donne des informations sur la politique de Manpower à l'égard de plusieurs clients, qui révèle qu'elle a une approche commune avec Manpower pour réduire la remise de fin d'année accordée à la CNP et que la coordination porte directement sur des éléments de prix;
- un courriel interne (points 40 et 96 de la décision) adressé 18 mars 2004 au directeur général d'Adecco par une employée de cette entreprise, Mme Géraldine D.. ,à qui il avait demandé un compte rendu aux différentes directions régionales sur les relations avec Manpower et Vedior Bis ; que cette pièce, indique tout d'abord que Vedior Bis et Manpower ont exprimé un «ressenti» et qu'en réponse, la responsable commerciale d'Adecco indique, s'agissant du client Essilor, que Manpower a chaque année appuyé la volonté de limiter la baisse et mentionne le nom de la responsable commerciale de Manpower, ce qui constitue à tout le moins l'indice d'un échange d'informations sur la stratégie de prix suivie ; que, s'agissant du client Servair, le message évoque ensuite une solidarité entre Vedior Bis et Manpower, le premier ayant manifestement accepté de ne pas «casser les prix», la phrase «aucune négo où j 'ai dû baisser sans concertation», qui figurait au début du message en question, évoquant manifestement des concertations avec Vedior Bis et Manpower et non le fait, comme le soutenait Manpower devant le Conseil, que Adecco aurait «bataillé» avec les clients lorsque ceux-ci demandaient des baisses de prix ;
- un autre courriel interne d'Adecco du 18 mars 1994 (points 4l et 97 de la décision) de Mme Maryse H... répondant à la même demande du directeur général d'Adecco qui confirme les concertations entre des responsables d'Adecco et, notamment, ceux de Manpower ;
- un dernier courriel interne d'Adecco (points 42 et 98 de la décision) du même type que les précédents et envoyé à la même date par Mme Nathalie K..., qui fait explicitement état d'une entente défensive entre Adecco et Manpower pour contrer «d'un commun accord» un concurrent à l'égard du client Routage et Marketing ;
- une note manuscrite du directeur général d'Adecco concernant un appel d'offres d'Alcan Pechiney de mai 2004 (points 43 et 99 de la décision) qui constitue l'indice («Le lundi soir, tout le monde est là on compare nos prix»} d'une coordination sur les prix entre les trois grandes ETT dans le cadre de la réponse à un appel d'offres lancé par Alcan
- des courriels internes à Adecco (points 45 et 100 de la décision) retransmis le 27 septembre 2004 au directeur général concernant la politique commerciale de Manpower qui dénotent l'existence de contacts suivis avec Manpower et d'un accord pour ne pas «casser les prix» ;
- un courriel du 18 juin 2004 adressé par le directeur des marchés constructions de Manpower à son président (points 47 et 102 de la décision) dans lequel il évoque explicitement une concertation avec Adecco et Vedior Bis pour faire front commun vis-à- vis d'exigences du client sur le régime des pénalités de retard à prévoir dans le cadre de l'appel d'offres de la société Biffage, le Conseil relevant exactement, au rebours de ce que soutiennent les sociétés Manpower, que de telles clauses font partie des éléments de concurrence sur un marché et qu'une concertation à leur sujet est anticoncurrentielle, dans la mesure où elle fait échec, au moins partiellement, à une compétition sur les prix ;
- un extrait du cahier du directeur des marchés «industrie» de Manpower (points 48 et 103 de la décision) relatant une réunion de responsables commerciaux de Manpower en septembre 2004, qui révèle que Manpower et Vedior Bis ont des «parts de marchés protégées» chez Certains clients (les Galeries Lafayette pour Vedior Bis et PPR pour Manpower)et que leur non-respect suscite des réactions virulentes et des menaces de représailles ;
- un courriel interne à Manpower du 29 novembre 2004 (points 49 et 104 de la décision) de M. Francis S..., de la direction régionale de Lille, à M. Jean-Pierre P..., Président, et à M. Bernard N..., directeur général, qui révèle que, même si Manpower maintient une certaine compétition avec le groupe Adecco, il n'en échange pas moins des informations confidentielles avec lui («dernières infos de la part d'Adecco »), concernant tant les offres d'Adecco que celles d'Adia;
- une note manuscrite (points 46 et 101 de la décision) saisie dans le bureau du directeur commercial de Manpower qui comporte notamment, après l'indication « Adecco-Augmentation 1ermai/VB augmentation de 1%le diffus 25 % de succès », les noms et numéros de téléphone portable de cinq directeurs commerciaux des principales branches de Vedior Bis, après le nom de leur directeur général adjoint ; que Conseil a justement interprété la possession de ces numéros de téléphone, sur laquelle Manpower n'a donné au Conseil que des explications évasives, comme l'indice d'échanges d'informations entre Manpower et Vedior Bis, puisque le directeur commercial de Manpower pouvait ainsi joindre rapidement et directement des responsables opérationnels de branche ;
Considérant qu'en raison de l'emploi de la méthode du faisceau d'indices, il n'y a pas lieu, au rebours de ce que prétendent les requérantes, de déterminer si, pris séparément, chacun de ces éléments a un caractère probant permettant d'établir leur participation à un échange d'informations sur les prix visé par le grief ; Considérant que la cour observe que les sociétés Manpower ne formulent de toute façon aucune objection sur l'analyse par le Conseil d'une série de pièces -deux courriels internes d'Adecco du 18 mars 2004, possession des numéros de téléphone portable des responsables de branches de Vedior Bis par le directeur commercial de Manpower-retenues comme indices d'une concertation sur les prix ;
Considérant, au demeurant, qu'il importe peu que toutes les concertations et coordinations attestées par les pièces étudiées dans la décision déférée n'aient pas de rapport direct avec les prix ou avec leur formation, dès lors que l'exigence d'autonomie des opérateurs économiques s'oppose «à toute prise de contact directe ou indirecte (...) ayant, objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soimême sur le marché)) (CJCE,16 décembre 1975, Suiker Unie ; TPICE, 17 décembre 1991, Hercules chemicals ) ;
Considérant, enfin, qu'ayant démontré l'existence de pratiques ayant un objet anticoncurrentiel, le Conseil n'était pas tenu, au regard des dispositions de l'article L.420-1 et de l'article 8l, paragraphe 1, du Traité CE, de caractériser par surcroît les effets des pratiques anticoncurrentielles en cause ; « (cf arrêt p. 10 à 13).
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L 464-2 III du code de commerce, le choix d'une entreprise poursuivie pour entente, de ne pas contester les griefs ne vaut pas aveu de l'entente ; que dès lors, en l'espèce, en décidant que la concertation entre les entreprises qui n'ont pas contesté les griefs était acquise, et que le Conseil avait seulement à établir la participation de MANPOWER à ladite concertation, la Cour d'appel a violé les articles L 420-1 et L 464-2 III du code de commerce , et 81 §1 du traité de Rome (devenu 101 §1 du traité de fonctionnement de l'Union européenne TFUE) ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en tout état de cause, la preuve que doit apporter l'autorité de concurrence doit porter sur les pratiques dénoncées dans la notification de griefs, qui est un acte d'accusation au sens de l'article 6§3 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que deux griefs avaient été notifiés aux sociétés MANPOWER, l'un portant sur une pratique concertée visant à éviter une compétition sur le prix, l'autre concernant le marché spécifique de l'appel d'offres du donneur d'ordre d'ALCAN visant à éviter une compétition sur les prix ; qu'en condamnant néanmoins les sociétés MANPOWER, au motif qu'il serait indifférent que toutes les concertations et coordinations attestées par les pièces étudiées n'aient aucun rapport direct avec les prix ou avec leur formation, la Cour d'appel a violé l'article L 420-1 du code de commerce, 81 § 1 du Traité de Rome (devenu 101 §1 du Traité de fonctionnement de l'union européenne TFUE) et 6 §3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur les sanctions)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours contre la décision n°09-D-05 du Conseil de la concurrence qui a condamné la société MANPOWER France Holding SAS et la société MANPOWER France SAS à payer des amendes respectivement de 28.000.000 euros et de 14.000.000 euros, et à publier le texte de la condamnation ;
AUX MOTIFS QUE, concernant la détermination des sanctions par le Conseil de la concurrence, l'article L.464-2 du code de commerce dispose : « Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées (...). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction . (...)Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10% du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante)); En ce qui concerne la gravité des pratiques : qu'au rebours de ce que soutiennent certaines requérantes, le Conseil a exactement retenu que, appréhendées dans leur ensemble, les pratiques en cause revêtent un caractère certain de gravité (points 111 al20 de la décision) en relevant :
- que les pratiques constatées ont pris de multiple formes et se sont traduites par des discussions et une coordination plus ou moins poussées selon les cas, portant sur divers paramètres de la relation commerciales entre EU et ETT dans le but d'éviter la compétition par les prix en ce qui concerne la clientèle des grands comptes ;
- qu'elles sont allées, dans certains cas, jusqu'à des ententes directes sur le prix dans le cadre de réponse à des appels d'offres (Alcan), qui figurent parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves ;
- que tel est également le cas de la coordination sur des éléments concourant également à la formation des prix, comme les remises de fin d'année ou les conditions de rétrocession à la clientèle d'allégements de charges sociales décidés par les pouvoirs publics ;
- que les ETT ont également essayé, en se coordonnant, de maintenir leurs parts de marché respectives auprès de certains grands clients- La Poste, Alstom, Galeries Lafayette, PPR-, voire de maintenir globalement, leurs positions sur le plan régional ou national, pratique dont le Conseil de la concurrence et les juridictions de contrôle soulignent régulièrement la gravité ; que c'est également à juste titre que, procédant à une appréciation de la gravité des pratiques, le Conseil a estimé que la rétrocession plus faible aux EU d'allégements de charges qui a découlé de la concertation a non seulement renchéri le coût de la main d'oeuvre temporaire pour les EU mais a aussi conduit à un processus que le Conseil a pu qualifier de «confiscation)) par les ETT impliquées d'une partie de l'effort budgétaire public mené pour réduire le chômage (point 111 de la décision); Qu'en effet, au regard de l'organisation précédemment exposée des relations entre salariés, ETT et UE, telle qu'elle résulte notamment du code du travail, cette rétrocession ne relève pas, comme le soutiennent les sociétés Manpower et Randstad, de la liberté contractuelle des ETT alors que les négociations entre EU et ETT se limitent à la rémunération du service fourni par ces dernières ; qu'en conséquence, en surévaluant les charges sociales incombant aux EU et donc la composante non négociable du paiement des ETT, celles-ci ont bien directement et artificiellement alourdi, au détriment des EU et des salariés eux-mêmes le coût du travail ; que contrairement à ce que prétendent les requérantes, le Conseil n'a ni procédé à une requalification des faits, se bornant à rappeler les formes multiples empruntées par les actions de concertation mises en oeuvre par les entreprises poursuivies, ni jugé que les pratiques anticoncurrentielles poursuivies en l'espèce présentaient le degré de gravité le plus élevé, dès lors :
- qu'il a constaté qu'elles n'avaient duré que du mois de mars 2003 novembre 2004 , ce qui n'est pas une durée très longue pour ce genre de pratiques ;
- que, répondant aux entreprises poursuivies qui avaient présenté différents arguments pour atténuer la gravité de leurs agissements, la décision les a utilement distingués (point 115 de la décision) d'un véritable cartel, forme la plus grave de collusion anticoncurrentielle, qui n'aurait été caractérisé que si la coordination avait été plus complète et plus systématique ;
- qu'il a apporté les nuances qui s'imposaient, en soulignant que si, même appréhendés ponctuellement, certains contacts entre les opérateurs visés par le premier grief ont présenté un caractère de moindre gravité, comme ceux qui leur ont permis de s'échanger des informations générales sur leur activité ou sur leur politique à l'égard d'un client particulier, il s'agit néanmoins d'échanges d'informations, de surcroît normalement couvertes par le secret des d'affaires, qui s'inscrivent dans un contexte de coordination générale pour limiter la compétition par les prix, et non d'échanges d'informations déconnectés de toute autre pratique anticoncurrentielle ainsi qu'a pu le laisser entendre Vedior Bis (point 112 de la décision) ;
En ce qui concerne l'importance du dommage à l'économie :
- au titre du premier grief : que le Conseil, qui n'est pas tenu de chiffrer précisément l'importance du dommage à l'économie, qui est de toute façon présumé lorsque, comme en l'occurrence, une entente est établie, devait seulement, comme il l'a fait, fournir les éléments permettant d'apprécier les incidences économiques de la pratique poursuivie ; qu'en l'espèce, le Conseil a suffisamment justifié l'importance du dommage à l'économie au regard des dispositions de l'article L.464-2 du code de commerce :
- tout d'abord, en constatant que la pratique dénoncée par le premier grief, qui a eu, à tout le moins, pour effet réel de réduire la compétition par les prix entre les trois principaux opérateurs de travail temporaire en France, a engendré trois types de conséquences directes dommageables pour l'économie : un transfert de profit depuis les entreprises utilisatrices vers les entreprises de travail temporaire qui, dans son principe, n'est pas sérieusement contesté par les requérantes, un moindre recours au travail temporaire dû à la hausse de son coût pour les entreprises utilisatrices, et enfin un manque à gagner pour les travailleurs intérimaires qui n'ont pas été employés ;
- ensuite, en proposant un ordre de grandeur des conséquences directes de la pratique concertée visée par le premier grief, fixé, s'agissant du surprofit commun aux trois opérateurs à «plusieurs dizaines de millions d'euros» et, s'agissant du manque à gagner pour les intermédiaires à «une ou deux dizaines de millions d'euros», étant observé que les entreprises avaient elles-mêmes avancé différentes estimations, reposant elles-mêmes sur différentes hypothèses, qui ont été discutées par les services d'instruction du Conseil ; Considérant, à titre liminaire, que les critiques formulées par les requérantes à propos de la méthode employée par le Conseil sont vaines, dès lors qu'il s'est borné, pour proposer de tels ordres de grandeur, soit à se référer aux études produites par Adecco et Vedior Bis, sous réserve de corrections mineures opérées par les services de l'instruction qui seront évoquées ci-après ou à des éléments du dossier (point 141 de la décision), soit à formuler des hypothèses en citant des études économiques ou des décisions de la Commission européenne (points 144 et 145 de la décision), en tout cas sans opposer aux requérantes, pour réfuter leurs études ou leurs analyses, des résultats d'études économétriques ou de modèles établis par les services d'instruction ; Considérant, en premier lieu, sur les appréciations du Conseil l'ayant conduit aux propositions susrappelées portant sur les ordres de grandeur du surprofit payé par les entreprises utilisatrices- c'est à dire l'écart entre le prix effectivement pratiqué et celui qui aurait prévalu en l'absence de la pratique concertée que le Conseil a constaté, sans prendre parti sur les différentes hypothèses évoquées dans les études produites par Vedior et par Adecco (L E CG et R B B), d'une part, (point 136 de la décision), que les estimations concernant le surprofit d'Adecco vont d'environ 26 millions d'euros (scénario 2, RBB) à 72 millions d'euros (scénario 3, services d'instruction) et, d'autre part, que celles concernant le surprofit de Vedior Bis vont d'environ 10 millions d'euros (scénario 2, RBB qui inclut la clientèle «diffus» dans la situation de référence) à 24 millions d'euros (scénario 3, services d'instruction) qui, par rapport au scénario 2 de RBB exclut la clientèle «diffus» de la situation de référence ; Considérant que le Conseil était ainsi fondé à conclure que ces analyses démontrent que la pratique a eu des effets importants, même si leur estimation précise, à laquelle il vient d'ère dit qu'il n'était pas tenu, demeure sujette à discussion, en se bornant à faire état de réserves, précisément motivées et justifiées (points 133 et 134 de la décision) que la cour approuve, sur certaines hypothèses retenues dans les études produites : référence à l'activité concernant la clientèle relevant du diffus et référence aux années 2001 et 2002 ;qu'il n'a écarté, par des appréciations pertinentes que la cour adopte, que les hypothèses ayant trait, pour la période de référence, aux années 2005 et 2006 en relevant à juste titre que ces années avaient été perturbées par un effet d'inertie de la pratique qui les rend impropres à être incluses dans cette période (point 134 de la décision) ; Considérant que, s'agissant des données transmises par Manpower et de l'analyse qui en a été faite par la décision, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour adopte, que le Conseil :
- a constaté que les données qui lui avaient été étaient transmises n'ont pas permis de réaliser des estimations comparables à celles concernant Vedior Bis et Adecco dans la mesure où elles ne permettaient pas d'identifier les deux principaux postes de surcoût constitués par les salaires et les charges patronales et qu'une extrapolation à Manpower des résultats obtenus à partir des données de ses concurrents, qui supposerait que les effets de l'entente sur les coefficients de vente des trois grandes ETT sont comparables, aurait une valeur très limitée ;
- a relevé, en tout état de cause, que Adecco et Vedior Bis ne peuvent être les seules ETT à avoir réalisé un surprofit en participant à la pratique concertée, en observant que l'importance du facteur/coût des intérimaires pour le choix d'un ou plusieurs opérateurs de travail temporaire par un «grand compte» est essentielle dans la mesure où les services proposés sont largement standardisés, ce que démontre la très fine coordination sur les coefficients rendu nécessaire par l'entente sur l'appel d'offres d'Alcan et que, dès lors, si Adecco et Vedior Bis avaient été seules à augmenter leurs coefficients, Manpower aurait gagné à leur détriment des parts de marché significatives, ce qui n'a pas été le cas ;
- a estimé, dans ces conditions, qu'afin de prendre malgré tout en compte la part prise par Manpower aux effets de la pratique incriminée, il était cependant utile de procéder de surcroît à une évaluation globale du surprofit, en tenant compte des pratiques commerciales des opérateurs et en proposant un ordre de grandeur de l'effet d'une augmentation minime du prix de vente, soit (points 141 et 142 de la décision), des surprofits globaux des trois entreprises évalués à 25 millions d'euros par an, soit 44 millions pour la période couverte par les griefs (2l mois), et cela, logiquement, sans tenir compte des effets induits par la durée des contrats en 2005 et 2006 ; Considérant, en second lieu, sur l'appréciation des conséquences de la hausse du coût du travail temporaire sur la réduction du recours par les EU à cette forme de travail et donc le surplus économique qu'elles se partagent, si Conseil a relevé à juste titre que la baisse du surplus global de ces deux catégories d'acteurs peut être négligée, il n'en demeure pas moins, au rebours de ce que prétendent les requérantes et sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un «marché biface», que la baisse du recours au travail temporaire affecte les travailleurs intérimaires dont certains peuvent ne pas avoir été employés pour cette raison, avec un manque à gagner qui pourrait ne pas être négligeable ; que, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, l'appréciation de l'importance du dommage à l'économie résultant des pratiques d'entente poursuivies, qui ne se limite pas, par principe, à la seule atteinte au surplus économique des consommateurs, doit porter sur la perte du surplus subie par l'ensemble des opérateurs du marché, entreprises concurrentes, offreurs ou demandeurs ; qu'en l'occurrence, s'agissant de l'appréciation de l'incidence économique constituée par le manque à gagner en question, il suffit de constater qu'à partir d'une hypothèse de calcul fondée sur l'élasticité de la demande de travail, le Conseil a proposé un ordre de grandeur, que rien ne permet de remettre en cause, d'environ 20 millions d'euros (point 144 de la décision) ;
- au titre du second grief : Considérant que s'agissant de l'entente spécifique à l'appel d'offres d'Alcan qui a fait l'objet du second grief, il doit être souligné que cet appel d'offres portait sur des prestations évaluées par le donneur d'ordres à environ 50 millions d'euros par an, soit au total 75 millions d'euros compte tenu de la durée- dixhuit mois- des contrats ;
En ce qui concerne la réitération :
Considérant que la réitération visée par l'article L.464-2 du code de commerce, qui constitue une circonstance aggravante personnelle, permet d'augmenter le montant de la sanction pécuniaire à rencontre d'une entreprise qui, déjà sanctionnée pour des pratiques similaires, a manifesté une propension à s'affranchir des règles relatives à la concurrence, afin de l'inciter à modifier son comportement ; Considérant, en l'espèce, que, dans une décision n° 97-D-52 du 2 5 juin 1997, le Conseil de la concurrence a décidé qu'était établie à rencontre de fédérations départementales du bâtiment et des travaux publics de l'Isère et de la Savoie et quinze ETT dont Ecco TT, Adia France Sa, Manpower France et Bis France une entente portant sur des conventions dont l'un des objectifs était de contenir la hausse des rémunérations des salariés intérimaires dans le but de maîtriser le coût de la main d'oeuvre supporté par les entreprises de construction à l'époque des travaux d'aménagement des sites olympiques pour les JO d'Albertville ; que les recours exercés contre cette décision ont été rejetés par un arrêt de cette cour du 8 septembre 1998 qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2001 ;Considérant qu'il est constant qu' Adecco, Adia Manpower France Holding, Manpower France et Randstad assurent la continuité des entreprises sanctionnées ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conditions permettant au Conseil de viser la réitération en ce qui concerne ces entreprises sont réunies, dès lors, d'une part, que de précédentes infractions au droit de la concurrence ont été constatées avant la commission des nouvelles pratiques en vertu d'une décision du Conseil qui était devenue définitive à la date à laquelle il a statué dans la présente affaire et, d'autre part, sans qu'il y ait lieu de procéder, de surcroît, à une analyse des circonstances précises dans lesquelles les pratiques précédemment sanctionnées ont été mises en oeuvre, que celles-ci étaient similaires par leur objet, puisque la décision n° 97-D-52 du 25 juin 1997 avait jugé, que les entr eprises en cause avaient «participé à une action concertée ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché)) ; Considérant que Randstad, Adia, Manpower et Adecco ayant ainsi été averties des risques de condamnation encourus en s'affranchissant à nouveau des règles de la concurrence, c'est à bon droit que le Conseil a estimé que la réitération justifiait une majoration de la sanction qui aurait normalement été infligée en son absence ; que le taux de 25 % retenu, au lieu de celui de 10 % proposé par le commissaire du gouvernement, qui ne lie pas Conseil, n'appelle, compte tenu du délai écoulé avant les faits commis dans la présente affaire, qui s'élève à un peu moins de six ans, aucune critique au regard du principe de proportionnalité et que le Conseil n'est pas tenu par ailleurs de le justifier au regard d'une comparaison opérée avec les sanctions dont il a frappé d'autres entreprises dans des affaires distinctes ;
Sur les non contestations de griefs et les engagements pris :
Considérant qu'il convient de rappeler que Adecco et Adia ont décidé de ne pas contester les griefs et ont proposé des engagements (points 152 à 157 de la décision) recueillis par procès-verbal du 1er février 2008 établi par le rapporteur général adjoint portant sur la sensibilisation, la formation et l'alerte professionnelle du personnel concerné, la supervision des réponses aux procédures d'appel d'offres ainsi que les modalités de préparation et de présentation des offres commerciales par les sociétés du groupe ; que le Conseil a estimé que ces différents engagements sont «c/e réelle envergure sont substantiels, crédibles et vérifiables», qu'il en a pris acte et a enjoint à Adecco et Adia de les respecter et de les faire respecter par les sociétés engagées; que, compte tenu de la non contestation des griefs et des engagements précités, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction pécuniaire le cas échéant encourue par Adecco et par Adia soit réduite dans une proportion allant de 25 à 30 % du montant qui leur aurait été normalement infligé ; Considérant que Groupe Vedior France et Vedior Bis ont également décidé de ne pas contester les griefs et ont proposé des engagements (points 158 à 162 de la décision) recueillis par procès-verbal du 1" février 2008 établi par le rapporteur général adjoint sur la formation et l'encadrement de leur personnel permanent ainsi que des engagements spécifiques au marché du travail temporaire, assortis d'engagements destinés à assurer leur efficacité ; Considérant que le Conseil a estimé que, «pris dans leur ensemble, ces engagements (...) appellent des appréciations de même nature que celles (...) concernant les engagements présentés par Adecco et Adia et chacun des deux groupes a pu, au-delà des mesures générales assez similaires, prendre des dispositions particulières compte tenu des spécificités de son organisation interne ou de son champ d'intervention. Le Conseil estime donc que, globalement considérés, ces engagements de Groupe Vedior France et Vedior Bis présentent le même niveau d'intérêt que ceux présentés par Adecco et Adia » ; qu'en revanche, le Conseil a estimé ne pas pouvoir tenir compte, pour réduire le niveau de la sanction pécuniaire d'un engagement «à visée sociale» concernant l'octroi d'un don à une association qui ne contribue en rien à améliorer le fonctionnement de la concurrence sur le marché affecté par les pratiques, l'association bénéficiaire étant de surcroît dans l'orbite du groupe Vedior ; que dans ces conditions, le Conseil laisse ces entreprises entièrement libres de donner suite ou non à ce projet, mais indique qu'il ne tiendra pas compte de ce choix dans la détermination de la sanction ; que, sous réserve de cet engagement qu'il convient d'exclure, le Conseil a relevé que, pris dans leur ensemble, les différents engagements «de réelle envergure sont substantiels, crédibles et vérifiables», qu'il y a lieu d'en prendre acte et d'enjoindre à Groupe Vedior France et Vedior Bis de les respecter;
En ce qui concerne la situation particulière des requérantes :
Considérant que, concernant tout d'abord les sociétés Manpower, la décision du Conseil n'est pas critiquée par les requérantes :
- en ce qu'elle a constaté qu'en application de l'article L.464-2 du code de commerce, le plafond de la sanction qui peut être prononcée à rencontre de Manpower France Holding SAS et de Manpower France s'élève pour chacune à 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes de 20,5 milliards de dollars (US) réalisé en 2007 par la société Manpower Inc., dont le siège aux Etats-Unis, qui consolide les comptes de Manpower France Holding, laquelle consolide elle-même les comptes de Manpower France ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ; que le plafond des sanctions est donc d'un montant d'environ 1,6 milliards d'euros au taux de change actuel ;
- en ce qu'elle a décidé que Manpower France Holding et la société devenue Manpower France s'étant «succédé dans le temps»-à la date du 30 avril 2004- dans la mise en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles, et Manpower France Holding consolidant les comptes de Manpower France, la sanction devait d'abord être établie comme si une seule société était en cause correspondant à l'entreprise «opérationnelle» aujourd'hui exploitée par l'actuelle Manpower France, puis répartie au prorota temporis entre Manpower France Holding et Manpower France selon la durée de participation de chacune à l'infraction ;
- en ce qu'elle a déterminé les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice de Manpower France, l'exposé de ces données pour les années 2006 et 2007 n'étant pas non plus contesté ; Considérant qu'à juste titre, au rebours de ce qu'affirment les requérantes, le Conseil a relevé que la mise en place par Manpower après les opérations de visite et saisies le 30 novembre 2004 d'un programme de formation du personnel au droit de la concurrence, d'une part, ne peut avoir d'impact sur la sanction de faits antérieurs à sa mise en oeuvre, qui aurait précisément pu être évitée si celle-ci avait été effectuée plus tôt, par exemple en l'espèce après la sanction imposée par la décision évoquée du Conseil du 25 juin 1997et, d'autre part, que la mise en place de ce programme n'a pas la valeur et la force d'un engagement souscrit dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs, comme l'ont fait les autres sociétés poursuivies qui s'exposent à une sanction en cas de non-respect ; Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil, qui n'était pas tenu en vertu de l'article L.464-2 du code de commerce de justifier également celle-ci au regard d'une comparaison opérée avec les sanctions dont il a frappé d'autres entreprises dans des affaires distinctes, a déterminé :
- qu'il y aurait lieu d'infliger à l'entreprise ayant exercé l'activité aujourd'hui assurée par Manpower France une sanction pécuniaire de 33,6 millions d'euros ;
- qu'il convient d'opérer une «répartition» entre Manpower France Holding et Manpower France au prorata de leur participation à l'infraction dans le temps, soit deux tiers pour la première et un tiers pour la seconde ;
- que, sans la situation de réitération, il y aurait lieu d'infliger une sanction pécuniaire de 22,4 millions d'euros à Manpower France Holding et de 11,2 millions d'euros à Manpower France ;
- que la réitération justifiant une majoration de ces sommes de 25 %, qui n'apparaît pas disproportionnée, il convient d'infliger à Manpower France Holding une sanction pécuniaire de 28 millions d'euros et à Manpower France une sanction pécuniaire de 14 millions d'euros ;
Considérant que, concernant ensuite Adecco et Adia, la décision du Conseil n'est pas critiquée par les requérantes en ce qu'elle a constaté que le plafond des sanctions pécuniaires qui peuvent être infligées à Adecco France et à Adia est, compte tenu de la non-contestation des griefs, par ces sociétés conformément au III de l'article L.464-2 du code de commerce, de 5 % du chiffre d'affaires mondial du groupe Adecco réalisé en 2007, consolidé dans les comptes de Adecco SA, dont le siège est en Suisse ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ; que leur chiffre d'affaires a été d'environ 21,1 milliards d'euros et le plafond des sanctions est donc de 1,055 milliards d'euros ; Considérant que Adecco ne conteste pas non plus les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, sur l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé de ces données pour les années 2006 et 2007 ;
Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé:
- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Adecco France une sanction pécuniaire de 35,4 millions d'euros ;
- que la situation de réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, chiffre justement apprécié par le Conseil au regard de l'exigence de proportionnalité, ce qui aboutit à un montant de 44,25 millions d'euros ;
- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Adecco France une sanction pécunaire de 32,5 millions d'euros ; Considérant que Adia ne formule pas d'observations sur les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé qui a été fait de ces données pour les années 2006 et 2007 ; Considérant, dès lors, au regard de sa seule participation à l'entente pour l'appels d'offres d'Alcan, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé :
- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Adia une sanction pécuniaire de 1,85 millions d'euros;
- que la situation de réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, majoration qui n'est pas disproportionnée, ce qui aboutit à un montant de 2,31 millions d'euros ;
- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Adia une sanction pécuniaire de 1,7 millions d'euros ; Considérant que, concernant enfin Randstad, la requérante ne critique pas la décision du Conseil en ce qu'elle a constaté que, compte tenu de la non contestation des griefs, le plafond des sanctions pécuniaires qui peuvent lui être infligées est, en application du III de l'article L.464-2 du code de commerce, de 5 % du chiffre d'affaires mondial du groupe Vedior réalisé en 2007, consolidé dans les comptes de Vedior NV, dont le siège est aux Pays Bas ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ;que ledit chiffre d'affaires a été de 8,4 milliards d'euros et le plafond des sanctions est donc de 420 millions d'euros ; Considérant que Randstad ne conteste pas non plus les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et, pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé qui a été fait de ces données pour les années 2006 et 2007 ; Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé :
- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Randstad une sanction pécuniaire de 19,8 millions d'euros ;
- que la réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, pourcentage justement apprécié par le Conseil au regard du principe de proportionnalité, ce qui aboutit à un montant de 24,75 millions d'euros ;
- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Randstad une sanction pécuniaire de 18,2 millions d'euros ; Considérant que la cour observe que le taux de réduction ainsi pratiqué, qui s'élève à environ 26 %, tient suffisamment compte des engagements proposés par Randstad, qui ont été jugés satisfaisants par le Conseil, et s'inscrit dans la tranche - 25 à 30 % - proposée par le rapporteur général ;
- qu'enfin, au rebours de ce que soutient la requérante, le Conseil n'était pas tenu de justifier le taux de réduction au regard d'autres décisions comportant également une telle réduction en contrepartie d'une non contestation des griefs ;
En ce qui concerne les effets de la crise économique sur la situation individuelle des sociétés Manpower et de Randstad :
Considérant que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L.464-2 du code de commerce pour l'évaluation des sanctions et, qu'au regard du respect du principe de proportionnalité, seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises, du fait de leur situation particulière et dans la mesure où elles affecteraient leurs capacités contributives qui doivent, dans toute, la mesure du possible, s'apprécier à partir des comptes sur plusieurs exercices, sont susceptibles d'être prises en compte ; Considérant que ni Randstad ni les sociétés Manpower, entreprises appartenant a des groupes mondiaux, qui font état, selon le cas, de résultats révélant une perte nette au quatrième trimestre 2008 ou d'une baisse de chiffre d'affaires au cours du premier semestre 2009, n'ont cependant communiqué de pièces comptables reflétant l'évolution de leur situation réelle et permettant à la cour de vérifier que leurs capacités contributives sont atteintes ; Considérant, au surplus, qu'au delà d'une appréciation des effets de la crise économique, la cour observe que le Conseil (point 168 de la décision), pour s'assurer que la sanction est proportionnée à la faculté contributive des entreprises poursuivies a déjà pris en considération le fait que, compte tenu de leur activité très spécifique cette faculté contributive est mieux reflétée par leur marge brute que par leur chiffre d'affaires ; » (cf. arrêt p.16 à 23).
ALORS D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L 464-2 I alinéa 3 du code de commerce, les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés à l'entreprise, au dommage à l'économie, et à la situation de l'entreprise en cause ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que les pratiques avaient « un caractère certain de gravité » mais ne présentaient pas le caractère de gravité le plus élevé, dès lors que leur durée a été courte, que la qualification de cartel n'a pas été retenue, et que certains échanges d'informations ont présenté « un caractère de moindre gravité »; qu'en condamnant néanmoins la société MANPOWER France Holding et la société MANPOWER France respectivement à 28.000.000 euros et 14.000.000 euros, soit des sanctions représentant 5,18% de la marge brute réalisée par MANPOWER en 2007, prise comme plus adaptée au secteur du travail temporaire que le chiffre d'affaires, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
ALORS D'AUTRE PART, QU'en vertu de l'article L 464-2 I alinéa 3 du code de commerce, les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées notamment à la gravité des faits reprochés à l'entreprise, au dommage à l'économie, et à la situation de l'entreprise en cause ; que l'existence d'une situation de crise aigue du marché du travail temporaire peut être prise en compte pour minimiser les sanctions ; qu'en décidant que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L 464-2 du code de commerce, et que seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
ALORS ENFIN, QUE, de toute façon, en vertu de l'article L 464-2 I alinéa 3 du code de commerce, les sanctions sont pécuniaires doivent être proportionnées notamment à la gravité des faits reprochés à l'entreprise, au dommage à l'économie, et à la situation de l'entreprise en cause ; qu'en conditionnant la prise en compte de l'existence d'une situation de crise aiguë du marché du travail temporaire pour minimiser les sanctions, à la fourniture de pièces comptables montrant que les capacités contributives sont atteintes, la Cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne pose pas et a violé le texte susvisé ;
Moyen produit au pourvoi n°G 10-13.686 par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société Randstad.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours de la société RANDSTAD contre la décision 09-D-05 du Conseil de la concurrence ;
AUX MOTIFS QUE le Conseil, qui n'est pas tenu de chiffrer précisément l'importance du dommage à l'économie, qui est de toute façon présumé lorsque, comme en l'occurrence, une entente est établie, devait seulement, comme il l'a fait, fournir les éléments permettant d'apprécier les incidences économiques de la pratique poursuivie ; qu'en l'espèce, le Conseil a suffisamment justifié l'importance du dommage à l'économie au regard des dispositions de l'article L.464-2 du code de commerce : - tout d'abord, en constatant que la pratique dénoncée par le premier grief, qui a eu, à tout le moins, pour effet réel de réduire la compétition par les prix entre les trois principaux opérateurs de travail temporaire en France, a engendré trois types de conséquences directes dommageables pour l'économie : un transfert de profit depuis les entreprises utilisatrices vers les entreprises de travail temporaire qui, dans son principe, n'est pas sérieusement contesté par les requérantes, un moindre recours au travail temporaire dû à la hausse de son coût pour les entreprises utilisatrices, et enfin un manque à gagner pour les travailleurs intérimaires qui n'ont pas été employés - ensuite, en proposant un ordre de grandeur des conséquences directes de la pratique concertée visée par le premier grief, fixé, s'agissant du surprofit commun aux trois opérateurs, à « plusieurs dizaines de millions d'euros» et, s'agissant du manque à gagner pour les intérimaires, à «une ou deux dizaines de millions d'euros», étant observé que les entreprises avaient elles-mêmes avancé différentes estimations, reposant elles-mêmes sur différentes hypothèses, qui ont été discutées par les services d'instruction du Conseil ; à titre liminaire, les critiques formulées par les requérantes à propos de la méthode employée par le Conseil sont vaines (...) en premier lieu, sur les appréciations du Conseil l'ayant conduit aux propositions susrappelées portant sur les ordres de grandeur du surprofit payé par les entreprises utilisatrices- c'est-à-dire l'écart entre le prix effectivement pratiqué et celui qui aurait prévalu en l'absence de la pratique concertée que le Conseil a constaté, sans prendre parti sur les différentes hypothèses évoquées dans les études produites par Vedior et par Adecco (LECG et RBB), d'une part, (point 136 de la décision), que les estimations concernant le surprofit d'Adecco vont d'environ 26 millions d'euros (scénario 2, RBB) à 72 millions d'euros (scénario 3, services d'instruction) et, d'autre part, que celles concernant le surprofit de VediorBis vont d'environ 10 millions d'euros (scénario 2. RBB qui inclut la clientèle «diffus» dans la situation de référence) à 24 millions d'euros (scénario 3, services d'instruction) qui. par rapport au scénario 2 de RBB exclut la clientèle «diffus» de la situation de référence ; le Conseil était ainsi fondé à conclure que ces analyses démontrent que la pratique a eu des effets importants, même si leur estimation précise, à laquelle il vient d'être dit qu'il n'était pas tenu, demeure sujette à discussion, en se bornant à faire état de réserves. précisément motivées et justifiées (points 133 et 134 de la décision) que la cour approuve ; (...) que la réitération visée par l'article L.464-2 du code de commerce qui constitue une circonstance aggravante personnelle, permet d'augmenter le montant de la sanction pécuniaire à l'encontre d'une entreprise qui, déjà sanctionnée pour des pratiques similaires, a manifesté une propension à s'affranchir des règles relatives à la concurrence, afin de l'inciter à modifier son comportement ; en l'espèce, dans une décision n° 97-D-52 du 25 juin 1997. le Conseil de la concurrence a décidé qu'était établie à rencontre de fédérations départementales du bâtiment et des travaux publics de l'Isère et de la Savoie et quinze ETT dont Ecco TT, Adia France Sa, Manpower France et Bis France une entente portant sur des conventions dont l'un des objectifs était de contenir la hausse des rémunérations des salariés intérimaires dans le but de maîtriser le coût de la main d'oeuvre supporté par les entreprises de construction à l'époque des travaux d'aménagement des sites olympiques pour les J.O. d'Albertville ; les recours exercés contre cette décision ont été rejetés par un arrêt de cette cour du 8 septembre 1998 qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2001 ; il est constant qu'Adecco, Adia Manpower France Holding, Manpower France et Randstad assurent la continuité des entreprises sanctionnées ; il résulte de ce qui précède que les conditions permettant au Conseil de viser la réitération en ce qui concerne ces entreprises sont réunies, dès lors d'une part, que de précédentes infractions au droit de la concurrence ont été constatées avant la commission des nouvelles pratiques en vertu d'une décision du Conseil qui était devenue définitive à la date à laquelle il a statué dans la présente affaire et, d'autre part, sans qu'il y ait lieu de procéder, de surcroît, à une analyse des circonstances précises dans lesquelles les pratiques précédemment sanctionnées ont été mises en oeuvre ; que celles-ci étaient similaires par leur objet, puisque la décision n° 97-D-52 du 25 juin 1997 avait jugé que les entreprises en cause avaient «participé à une action concertée ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché) ; Randstad. Adia, Manpower et Adecco ayant ainsi été averties des risques de condamnation encourus en s'affranchissant à nouveau des règles de la concurrence, c'est à bon droit que le Conseil a estimé que la réitération justifiait une majoration de la sanction qui aurait normalement été infligée en son absence ; le taux de 25 % retenu, au lieu de celui de 10 % proposé par le commissaire du gouvernement, qui ne lie pas Conseil, n'appelle. compte tenu du délai écoulé avant les faits commis dans la présente affaire, qui s'élève à un peu moins de six ans, aucune critique au regard du principe de proportionnalité et que le Conseil n'est pas tenu par ailleurs de le justifier au regard d'une comparaison opérée avec les sanctions dont il a frappé d'autres entreprises dans des affaires distinctes (...) ; que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L.464-2 du code de commerce pour l'évaluation des sanctions et, qu'au regard du respect du principe de proportionnalité, seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises, du fait de leur situation particulière et dans la mesure où elles affecteraient leurs capacités contributives qui doivent, dans toute la mesure du possible, s'apprécier à partir des comptes sur plusieurs exercices, sont susceptibles d'être prises en compte ; ni Randstad ni les sociétés Manpower, entreprises appartenant à des groupes mondiaux, qui font état, selon le cas, de résultats révélant une perte nette au quatrième trimestre 2008 ou d'une baisse de chiffre d'affaires au cours du premier semestre 2009, n'ont cependant communiqué de pièces comptables reflétant l'évolution de leur situation réelle et permettant à la cour de vérifier que leurs capacités contributives sont atteintes ; au surplus, qu'au delà d'une appréciation des effets de la crise économique, la cour observe que le Conseil (point 168 de la décision), pour s'assurer que la sanction est proportionnée à la faculté contributive des entreprises poursuivies a déjà pris en considération le fait que, compte tenu de leur activité très spécifique, cette faculté contributive est mieux reflétée par leur marge brute que par leur chiffre d'affaires ;
1° ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L 464-2 du code de commerce, en ce qu'il ne définit pas la notion de réitération des pratiques, privera l'arrêt de tout fondement légal, la sanction ayant précisément été calculée en fonction d'une prétendue réitération ;
2° ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'une entente locale et limitée à un secteur d'activité ne peut servir de premier terme pour sanctionner une entente nationale et sans limites quant aux branches d'activité ; qu'en se fondant sur une première décision du Conseil de la concurrence qui avait concerné les entreprises de construction pour les travaux d'aménagement du site olympique d'Albertville pour en déduire que les présentes pratiques étaient une réitération, la cour d'appel a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;
3° ALORS QUE la sanction doit être prononcée en fonction du dommage à l'économie, qui n'est pas présumé ; qu'en admettant elle-même qu'il existait des variations très importantes dans l'estimation du surprofit des entreprises, dont elle faisait dépendre le dommage à l'économie, la cour d'appel a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;
4° ALORS ENFIN QU'en refusant de tenir compte de la situation de crise profonde du secteur du travail temporaire et en la subordonnant à la production de pièces comptables montrant que les capacités contributives des entreprises étaient atteintes, la cour d'appel a en réalité refusé d'individualiser la sanction et a de ce fait violé l'article L 464-2 du code de commerce.