LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
Le Conseil régional de Poitou-Charentes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2009, qui, sur renvoi après cassation, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre M. Alain X..., du chef d'escroquerie ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 4231-7 du code des collectivités territoriales, L. 626-12 I, L. 627-4 du code de commerce, 313-1, 314-2 du code pénal, 2, 3, 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil régional Poitou-Charentes pour la défense de ses intérêts dans l'affaire concernant les avances remboursables consenties à la société Filactiv, dont M. X... était le dirigeant ;
"aux motifs que, par décision du 14 novembre 2005, la commission permanente du conseil régional Poitou-Charentes a, en application des articles L. 4221-5 et L. 4231-7 du code général des collectivités territoriales, autorisé sa présidente à se constituer partie civile pour la défense des intérêts de la région dans l'affaire concernant les avances remboursables consenties à la SA Filactiv (…) ; que l'article L. 4231-7 du code général des collectivités territoriales dispose que « le président du conseil régional intente des actions au nom de la région en vertu de la décision du conseil régional… » ; que devant le tribunal, les conclusions ont été établies au nom du conseil régional Poitou-Charentes, également représenté par sa présidente en exercice et tendaient à la condamnation de M. X... au profit de la Région Poitou-Charentes ; que les conclusions devant la cour d'appel de Poitiers et devant la cour d'appel de Bordeaux sont établies dans les mêmes termes ; que le pourvoi en cassation a été fait par le conseil régional Poitou-Charentes ; qu'il en ressort que l'action a été diligentée par le Conseil régional, en vertu d'une délibération l'y habilitant et représentée par sa présidente, alors qu'elle aurait dû être diligentée par la présidente, qui a seule pouvoir pour représenter la région en justice ; que c'est donc à bon droit que M. X... oppose au conseil régional Poitou-Charentes l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile ; qu'aucune régularisation n'est intervenue au cours de l'instruction ou devant le tribunal correctionnel et en l'absence de disposition l'y autorisant, la présidente du conseil régional Poitou-Charentes ne serait recevable à se constituer partie civile pour la première fois devant la cour d'appel ; qu'il s'ensuit que la constitution de partie civile présentée par les conclusions n'est pas recevable et ne peut être régularisée oralement à l'audience ;
"1) alors que le président du conseil régional intente les actions au nom de la région en vertu de la décision du Conseil régional ; qu'il peut se constituer partie civile en réparation du dommage causé par un délit au nom du conseil régional, dès lors que celui-ci a souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que l'autorisation d'ester en justice pour une action déterminée conférée au président du conseil régional implique le pouvoir d'exercer les voies de recours ouvertes dans cette action ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile du conseil régional Poitou-Charentes, motif pris de ce que les conclusions devant le tribunal correctionnel et la cour d'appel auraient été établies au nom du conseil régional représenté par sa présidente en exercice, après avoir néanmoins constaté que, par décision du 14 novembre 2005, la commission permanente du conseil régional Poitou-Charentes avait autorisé sa présidente à se constituer partie civile pour la défense des intérêts de la région dans l'affaire concernant les avances remboursables consenties à la société Filactiv, sans rechercher si l'acte initial de constitution de partie civile émanait ou non de la présidente du conseil régional Poitou-Charentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2) alors que la cour d'appel ayant constaté que, par une décision du 14 novembre 2005, la commission permanente du conseil régional Poitou-Charentes avait expressément autorisé sa présidente à se constituer partie civile pour la défense des intérêts de la région dans l'affaire concernant les avances remboursables consenties à la SA Filactiv et avait rejeté l'exception d'un défaut de pouvoir antérieur à la constitution de partie civile, n'a pu retenir que l'action avait été diligentée par la seule présidente du conseil régional quand celle-ci représentait également les intérêts et droits de la région Poitou-Charentes, de sorte que l'action avait bien été diligentée au nom de la région Poitou-Charentes";
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la commission permanente du conseil régional de Poitou-Charentes a expressément autorisé sa présidente à se constituer partie civile pour la défense des intérêts de la région dans l'affaire concernant des avances remboursables consenties à la société Filactiv ; que M. X..., administrateur et dirigeant de fait de cette société a été définitivement déclaré coupable d'escroquerie commis au préjudice de cette collectivité territoriale ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de celle-ci, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que la présidente du conseil régional avait été autorisée à se constituer partie civile pour la défense des intérêts de la région, personne morale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 10 avril 2009, en toutes ses dispositions, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Couaillier conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;