LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Benjamin X... que sur le pourvoi incident relevé par la société Crédit industriel et commercial ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Hervé X... a passé auprès de la société Crédit industriel et commercial (le CIC) des ordres téléphoniques d'achats de titres Avenir Télécom, au comptant et en service de règlement différé, sur le compte de son frère, M. Benjamin X... ; qu'assigné en paiement, notamment, d'une somme au titre du solde débiteur de son compte, M. Benjamin X... a contesté avoir donné lesdits ordres ; que suite à la production des supports sonores des enregistrements téléphoniques de ces ordres ordonnée par le juge de la mise en état, le CIC a assigné M. Hervé X... en responsabilité délictuelle ; que devant la cour d'appel, M. Benjamin X... a sollicité à titre reconventionnel le paiement d'une somme au titre du solde de son compte ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que le CIC fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de M. Hervé X..., alors, selon le moyen, que sauf dans l'hypothèse où elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime ne peut constituer qu'une cause d'exonération partielle de responsabilité ; que la cour d'appel a énoncé que si le comportement de M. Hervé X... peut être qualifié de fautif, la faute de la banque est exonératoire de celle du donneur d'ordre, la faute commise ayant directement causé son préjudice ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que cette prétendue faute de la banque revêtait les caractères de la force majeure, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'ayant appelé M. Benjamin X... afin qu'il achète des titres Avenir Télécom, le représentant du CIC a, en son absence, été en communication avec son frère, M. Hervé X..., et qu'entièrement informé de l'absence de pouvoir de ce dernier, qui a insisté sur le fait qu'il ne pouvait pas passer d'ordres en bourse et n'a jamais revendiqué être titulaire d'un tel pouvoir, a insisté sur la nécessité de prendre une décision avant la clôture et convaincu M. Hervé X... de procéder à des ordres d'achat, de sorte qu'il a pris le risque d'acheter pour le compte de M. Benjamin X... et que celui-ci ne confirme pas les ordres ; que l'arrêt relève encore qu'aucune couverture n'existait sur le compte, alors que le CIC devait s'en assurer avant d'exécuter l'ordre de bourse, faute de quoi il ne peut en demander le paiement au donneur d'ordre ; qu'il en déduit que si on peut toutefois considérer que M. Hervé X... n'aurait pas dû accepter de passer les ordres litigieux et que ce comportement peut être considéré comme fautif, la faute de la banque est exonératoire de celle du donneur d'ordre, la faute commise par le CIC ayant directement causé son préjudice ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le comportement conscient et délibéré du CIC était la cause exclusive de son préjudice, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter M. Benjamin X... de sa demande reconventionnelle et le condamner au paiement de la somme de 37 904, 89 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2011, au titre du solde débiteur de son compte courant, l'arrêt retient que le montant de la plus-value résultant de la liquidation des actions Avenir Télécom, objet du présent litige, crédité le 31 mai 2001, de 42 944, 88 euros, doit être débité du compte précité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. Benjamin X... soutenait que cette plus-value était antérieure et étrangère aux ordres litigieux, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, et sans analyser, même de manière sommaire, l'historique des titres soumis à son appréciation, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Benjamin X... de sa demande reconventionnelle et l'a condamné au paiement de la somme de 37 904, 89 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2001, l'arrêt rendu le 19 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Crédit industriel et commercial aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et celle de M. Hervé X... et la condamne à payer à M. Benjamin X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. Benjamin X..., demandeur au pourvoi principal
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Benjamin X... de sa demande reconventionnelle et de l'avoir condamné à payer au CIC la somme de 37. 904, 89 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2001 ;
AUX MOTIFS QUE il convient de rechercher quelle était la situation du compte courant de Monsieur Benjamin X... au jour de sa clôture, soit le 17 octobre 2001 (lettre recommandée au CIC valant mise en demeure de payer et clôture) ; que l'état du compte à cette date fait apparaître un solde débiteur de 261. 199 euros ; qu'il y a lieu d'annuler les opérations de bourse litigeuses, soit les sommes de 71. 133, 95 euros (opération d'achat en comptant) et 195. 105, 03 euros (opération d'achat SRD), soit au total 266. 238, 98 euros ; que le montant de la plus value à la suite de la liquidation des actions AVENIR TELECOM, objet du présent litige et crédité le 31 mai 2001 doit également être débité de ce compte, suite à l'annulation des achats soit la somme de 42. 944, 88 euros ; que le solde du compte courant est donc débiteur de la somme de 37. 904, 89 euros (266. 238, 98 – 262. 199 – 42. 944, 88 euros) ; que Monsieur X... doit être débouté de sa demande reconventionnelle ; qu'il doit être fait droit à la demande en paiement du CIC en condamnant Monsieur X... au paiement de la somme de 37. 904, 89 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2001 ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que selon l'historique des titres qui détaillait la liquidation de mai 2001 la somme de 42. 944, 88 euros correspondait à la plus value résultant de la vente du 11 mai 2001 de 84. 367 titres AVENIR TELECOM achetés en avril 2001 moins les frais de gestions de l'achat de 44. 000 titres ; qu'il en résulte que la plus value de 42. 944, 88 euros n'avait aucun lien avec les ordres litigieux du 25 mai 2001 ; qu'en énonçant néanmoins que la somme de 42. 944, 88 euros correspondait au montant de la plus value à la suite de la liquidation des actions AVENIR TELECOM, objet du présent litige c'est-à-dire des titres achetés le 25 mai 2001 et crédités le 31 mai 2001, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'historique des titres qui détaillait la liquidation de mai 2001, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE, à titre subsidiaire, les juges sont tenus de préciser les documents sur lesquels ils fondent leurs affirmations, et d'examiner les pièces produites par les parties au soutien de leurs moyens ; qu'en l'espèce Monsieur X... soutenait que la plus value de 42. 944 euros était antérieure et étrangère à l'ordre litigieux ; qu'il produisait l'historique des titres selon lequel la somme de 42. 944, 88 euros correspondait à la compensation entre la plus value de la vente des 84. 367 titres AVENIR TELECOM effectuée le 25 mai 2001 et des frais de gestion de l'achat des 44. 000 titres du 25 mai 2001 ; qu'en se contentant néanmoins d'affirmer péremptoirement que le montant de la plus value à la suite de la liquidation des actions AVENIR TELECOM, objet du présent litige s'élevant à 42. 944, 88 euros et crédité le 31 mai 2001, devait être débité de ce compte, suite à l'annulation des achats, sans nullement préciser sur quel document elle se fondait pour l'affirmer, ni analyser les documents produits par Monsieur X... pour établir le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Crédit industriel et commercial, demanderesse au pourvoi incident provoqué
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté le CIC de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur Hervé X... ;
AUX MOTIFS QUE « le CIC était parfaitement informé de l'absence de pouvoir de Monsieur X... Hervé, ainsi que les conversations téléphoniques le démontrent ; que le CIC a donc pris le risque d'acheter pour le compte de Monsieur X... Benjamin qui n'avait consenti aucune procuration à son frère ainsi que le risque que ces ordres ne soient pas confirmés par le titulaire du compte débité ; que Monsieur X... Hervé n'a pas revendiqué être titulaire d'un tel pouvoir des passer des ordres de bourse ; que si on peut toutefois considérer que celui-ci n'aurait pas dû accepter de passer les ordres litigieux, et que ce comportement peut être qualifié de fautif, la faute de la banque est exonératoire de celle du donneur d'ordre, la faute commise par le CIC ayant directement causé son préjudice » (p. 5, § 1 à 4) ;
ALORS QUE sauf dans l'hypothèse où elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime ne peut constituer qu'une cause d'exonération partielle de responsabilité ; que la Cour d'appel a énoncé que si le comportement de Monsieur Hervé X... peut être qualifié de fautif, la faute de la banque est exonératoire de celle du donneur d'ordre, la faute commise ayant directement causé son préjudice ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que cette prétendue faute de la banque revêtait les caractères de la force majeure, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.