LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Banco del Pacifico du désistement de son pourvoi à l'égard de la société Hidropastaza ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2009) statuant en référé, que le consortium Ansaldo-Odebrecht, dont les droits et obligations ont été repris par un nouveau consortium composé des sociétés Odebrecht, Alstom Brasil, devenue Alstom energia Brasil ltda (la société Alstom), a conclu, le 29 mars 2000,deux contrats ; qu'afin de garantir l'exécution de ces deux contrats, la BNP-Paribas (le contre-garant), à la demande de la société Alstom, a demandé à la banque Banco del Pacifico (le garant de premier rang) d'émettre une garantie à première demande en faveur de la société Hidropastaza ; que cette dernière ayant appelé cette garantie, le garant de premier rang a exécuté son engagement et appelé la contre-garantie ; que le 15 septembre 2008, la société Alstom a assigné le contre-garant, la société Hidropastaza et le garant de premier rang devant le juge des référés afin de faire interdiction au contre-garant de payer la somme réclamée ;
Attendu que la banque Banco del Pacifico fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que l'appel par un garant de premier rang, ayant dû honorer son engagement en payant le garanti, à la contre-garantie à première demande délivrée par un autre professionnel (la BNP-Paribas) était abusif et d'avoir en conséquence interdit à ce dernier de payer toute somme au titre de sa contre-garantie dans l'attente d'une décision au fond, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un consortium est un groupement dépourvu de personnalité morale constitué en vue de la réalisation d'un projet commun entre plusieurs personnes cosolidaires et se représentant mutuellement ; que tel était précisément le cas du consortium Odebrecht, Alstom VA, Tech avec lequel la société Hidropastaza avait conclu le contrat EPC pour la fidèle exécution duquel la banque Banco del Pacifico avait donné sa garantie à première demande sur ordre d'Alstom, le contrat précisant, comme le rappelait la banque Banco del Pacifico, que tous les membres du consortium étaient solidaires ; qu'en déclarant que la notification faite au consortium n'était pas celle qui aurait dû être faite à Alstom, membre du groupement, peu important le point de savoir si le consortium avait la personnalité morale et peu important l'éventuelle solidarité entre membres du consortium résultant d'une convention extérieure à la lettre de garantie, ce qui revenait à dire qu'Alstom, qui avait sollicité la garantie à première demande de la banque Banco del Pacifico pour la fidèle exécution du contrat EPC, n'aurait pas été liée par les stipulations de ce contrat qui prévoyaient que tous les membres du consortium étaient solidaires, la cour d'appel a violé les article 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
2°/ qu'après avoir constaté à juste titre qu'une garantie inconditionnelle, irrévocable, payable à première demande avait été émise par la banque Banco del Pacifico par ordre et pour le compte d'Alstom afin de garantir l'exécution fidèle du contrat EPC daté du 29 mars 2000 et l'accord de cession de participation se rapportant au projet centrale hydroélectrique, le juge se devait d'en déduire que la garantie de premier rang émise à la demande d'Alstom ne garantissait pas seulement l'exécution fidèle des travaux incombant à celle-ci personnellement mais l'exécution fidèle de tous les travaux prévus au contrat EPC et donc ceux réalisés par les autres membres du consortium ; qu'en décidant que l'appel à la garantie de premier rang par la société Hidropastaza était abusif puisque si, dans sa lettre du 3 septembre 2008, elle faisait état de nombreux manquements au contrat EPC, les motifs réels de l'appel à la garantie de premier rang étaient étrangers à un quelconque manquement imputable à la société Alstom elle-même, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
3°/ que la garantie de premier rang étant indépendante du contrat de base, le garant à première demande n'a pas à s'immiscer dans l'exécution de celui-ci ni à porter une appréciation sur le contenu des pièces qui lui sont communiquées par le bénéficiaire ; qu'en retenant que, ayant reçu la lettre adressée au consortium le 3 septembre 2008 dans laquelle, en raison des nombreux manquements au contrat EPC par elle dénoncés, la société Hidropastaza sollicitait le doublement de la police d'assurance et de la lettre de garantie, la banque Banco del Pacifico, à la date où elle avait appelé la contre-garantie, informée des motifs réels de l'appel à la garantie de premier rang, étrangers à un quelconque manquement imputable à la société Alstom, ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de cet appel, faisant ainsi obligation au garant de premier rang de discuter la portée des documents que lui avait transmis le bénéficiaire de la garantie et d'apprécier la légitimité des exigences de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
4°/ que le bénéficiaire de la garantie de premier rang qui, compte tenu des nombreux manquements au contrat de base constatés par lui, exige de nouvelles garanties de la part de ses cocontractants, ne commet aucune faute et encore moins un abus en appelant la garantie à première demande, surtout lorsque, comme en l'espèce, l'expiration de celle-ci est proche puisque, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, l'appel à la garantie de premier rang avait eu lieu le 8 septembre 2008 quand elle devait expirer le 13 septembre 2008, c'est-à-dire cinq jours après ; qu'en déclarant que l'appel à la garantie de premier rang le 8 septembre 2008 présentait un caractère manifestement abusif de sorte que, informée des motifs réels de cet appel, la garante de premier rang, lorsqu'elle avait elle-même appelé la contre-garantie, ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de l'appel à sa garantie, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
5°/ que la contre-garantie, indépendante de la garantie de premier rang et du contrat de base, doit être exécutée à première demande, quand bien même le garant de premier rang n'aurait pas payé le bénéficiaire et quand bien même ce dernier n'aurait aucun droit, sauf collusion frauduleuse avec le bénéficiaire, laquelle suppose que le garant de premier rang savait, lorsqu'il a payé, que l'appel à sa garantie était abusif ; qu'en déclarant que, à la date où l'exposante avait appelé la contre-garantie, elle ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de l'appel à sa garantie, sans constater qu'au moment où elle avait elle-même payé le bénéficiaire, elle avait connaissance de ce caractère abusif, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
6°/ que statuant en référé, la juridiction du second degré ne pouvait déclarer abusif l'appel à la garantie de premier rang et, par voie de conséquence, interdire au contre-garant de payer, sans constater qu'étaient réunies les conditions exigées par l'article 873 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la garantie, expressément assujettie aux termes et règles résultant de la publication n°458 de la Chambre de commerce internationale de Paris, subordonnait le paiement à la remise d'une copie de la notification écrite envoyée par le bénéficiaire au garanti et que la notification a été adressée au consortium, tandis qu'il ressortait de l'acte que le donneur d'ordre garanti était la société Alstom, l'arrêt retient que l'appel à la garantie adressé au consortium ne constitue pas la notification de l'intention du bénéficiaire d'appeler la garantie, peu important le point de savoir si le consortium a la personnalité morale et s'il existe une solidarité entre ses membres procédant d'une convention extérieure à la lettre de garantie ; qu'il en déduit que la garantie de premier rang a été appelée irrégulièrement et que le garant de premier rang se devait de vérifier le respect du formalisme de l'appel à sa garantie avant de payer et d'appeler la contre-garantie ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'appel à la contre-garantie en connaissance de cet abus par le garant était lui-même abusif, caractérisant l'existence d'un dommage imminent, la cour d'appel a interdit à bon droit au contre-garant de payer toute somme au titre de sa contre-garantie dans l'attente d'une décision au fond ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banco del Pacifico aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Banco del Pacifico.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, statuant en référé, d'avoir déclaré abusif l'appel par un garant de premier rang (la société BANCO DEL PACIFICO, l'exposante) ayant dû honorer son engagement en payant le garanti (la société HIDROPASTAZA), à la contre-garantie à première demande délivrée par un autre professionnel (la BNP PARIBAS) et d'avoir en conséquence interdit à ce dernier de payer toute somme au titre de sa contre-garantie dans l'attente d'une décision au fond ;
AUX MOTIFS QUE, par lettre de garantie du 14 mars 2008 valable jusqu'au 13 septembre suivant, BANCO DEL PACIFIO avait déclaré accorder une garantie bancaire inconditionnelle irrévocable non cessible et payable à première demande par ordre pour le compte d'ALSTOM BRASIL d'un montant de 1.347.637,30 $US afin de garantir l'exécution fidèle du contrat EPC et l'accord de cession de participation se rapportant au projet de centrale hydroélectrique ; que, le 13 février 2004, la BNP avait émis au profit de BANCO DEL PACIFICO une contre-garantie stipulée payable à première demande d'ordre et pour le compte d'ALSTOM BRASIL ; que, par lettre du 8 septembre 2008 adressée au directeur du consortium ODEBRECHT ALSTOM VA TECH, HIDROPASTAZA avait exigé de BANCO DEL PACIFICO le paiement de la garantie de premier rang ; que celle-ci avait subordonné le paiement à la remise des documents suivants : l'original de la garantie, une communication écrite dans laquelle le bénéficiaire indiquait que le garanti avait manqué à ses obligations, tout en détaillant le manquement et la somme réclamée en conséquence, une copie de la notification écrite envoyée par le bénéficiaire au garanti lui notifiant son intention d'exiger le paiement de la garantie ; qu'il ressortait du texte de la garantie du 14 mars 2008 que le donneur d'ordre était la société ALSTOM BRASIL et non le consortium ; que l'appel à la garantie du 8 septembre 2008 adressé à ce consortium ne constituait pas la notification envoyée au garanti de l'intention du bénéficiaire d'appeler la garantie, peu important le point de savoir si le consortium avait la personnalité morale et peu important l'éventuelle solidarité entre ses membres résultant d'une convention extérieure à la lettre de garantie ; que la garantie de premier rang avait été appelée irrégulièrement ; que le garant, BANCO DEL PACIFICO, se devait de vérifier le respect du formalisme de l'appel à sa garantie avant de payer et d'appeler la contre-garantie de la BNP ; qu'en outre, le 3 septembre 2008, HIDROPASTAZA écrivait au consortium : «compte tenu des nombreux manquements au contrat EPC, je demande que les nouveaux montants de la police d'assurance et de la lettre de garantie correspondent au moins au double de ceux figurant actuellement au sein desdits documents... ; en l'absence de réponse, ou s'il advenait que la réponse soit négative ou que les instruments de la garantie n'aient pas été émis jusqu'au 10 septembre 2008, la société HIDROPASTAZA exécutera les garanties précédemment décrites et exigera de ses émetteurs le paiement immédiat et inconditionnel de leur montant... » ; que, le 4 septembre 2008, HIDROPASTAZA avait fait part à BANCO DEL PACIFICO de cette lettre adressée au consortium le 3 septembre 2008 ; qu'il en résultait qu'au-delà de son irrégularité formelle, l'appel à la garantie de premier rang était manifestement abusif dès lors qu'il ne visait, pour le bénéficiaire, qu'à faire pression sur le consortium qui n'était pas le donneur d'ordre garanti, afin d'obtenir la délivrance à son profit d'une police d'assurance et d'une lettre de garantie d'un montant du double de celui qui lui avait été consenti ; qu'ainsi informée, à la date où elle avait appelé la contre-garantie, des motifs réels de l'appel à la garantie de premier rang, étranger à un quelconque manquement imputable à la société ALSTOM BRASIL, BANCO DEL PACIFICO ne pouvait avoir aucun doute sur la réalité du caractère manifestement abusif de cet appel ; que l'appel à la contre-garantie en connaissance de cet abus par le garant était lui-même abusif ;
ALORS QUE, de première part, un consortium est un groupement dépourvu de personnalité morale constitué en vue de la réalisation d'un projet commun entre plusieurs personnes cosolidaires et se représentant mutuellement ; que tel était précisément le cas du consortium ODEBRECHT ALSTOM VA TECH avec lequel HIDROPASTAZA avait conclu le contrat EPC pour la fidèle exécution duquel la BANCO DEL PACIFICO avait donné sa garantie à première demande sur ordre d'ALSTOM, le contrat précisant, comme le rappelait l'exposante (v. ses concl., p. 22, dernier al., p. 23, 1er al.), que tous les membres du consortium étaient solidaires ; qu'en déclarant que la notification faite au consortium n'était pas celle qui aurait dû être faite à ALSTOM, membre du groupement, «peu important le point de savoir si le consortium avait la personnalité morale et peu important l'éventuelle solidarité entre membres du consortium résultant d'une convention extérieure à la lettre de garantie», ce qui revenait à dire qu'ALSTOM, qui avait sollicité la garantie à première demande de l'exposante pour la fidèle exécution du contrat EPC, n'aurait pas été liée par les stipulations de ce contrat qui prévoyaient que tous les membres du consortium étaient solidaires, la cour d'appel a violé les article 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de deuxième part, après avoir constaté à juste titre qu'une garantie inconditionnelle, irrévocable, payable à première demande avait été émise par l'exposante par ordre et pour le compte d'ALSTOM «afin de garantir l'exécution fidèle du contrat EPC daté du 29 mars 2000 et l'accord de cession de participation se rapportant au projet centrale hydroélectrique...», le juge se devait d'en déduire que la garantie de premier rang émise à la demande d'ALSTOM ne garantissait pas seulement l'exécution fidèle des travaux incombant à celle-ci personnellement mais l'exécution fidèle de tous les travaux prévus au contrat EPC et donc ceux réalisés par les autres membres du consortium ; qu'en décidant que l'appel à la garantie de premier rang par HIDROPASTAZA était abusif puisque si, dans sa lettre du 3 septembre 2008, elle faisait état de nombreux manquements au contrat EPC, les motifs réels de l'appel à la garantie de premier rang étaient étrangers à un quelconque manquement imputable à la société ALSTOM elle-même, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 873 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part, la garantie de premier rang étant indépendante du contrat de base, le garant à première demande n'a pas à s'immiscer dans l'exécution de celui-ci ni à porter une appréciation sur le contenu des pièces qui lui sont communiquées par le bénéficiaire ; qu'en retenant que, ayant reçu la lettre adressée au consortium le 3 septembre 2008 dans laquelle, en raison des nombreux manquements au contrat EPC par elle dénoncés, HIDROPASTAZA sollicitait le doublement de la police d'assurance et de la lettre de garantie, l'exposante, à la date où elle avait appelé la contre-garantie, informée des motifs réels de l'appel à la garantie de premier rang, étrangers à un quelconque manquement imputable à ALSTOM, ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de cet appel, faisant ainsi obligation au garant de premier rang de discuter la portée des documents que lui avait transmis le bénéficiaire de la garantie et d'apprécier la légitimité des exigences de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 873 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de quatrième part, le bénéficiaire de la garantie de premier rang qui, compte tenu des nombreux manquements au contrat de base constatés par lui, exige de nouvelles garanties de la part de ses cocontractants, ne commet aucune faute et encore moins un abus en appelant la garantie à première demande, surtout lorsque, comme en l'espèce, l'expiration de celle-ci est proche puisque, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, l'appel à la garantie de premier rang avait eu lieu le 8 septembre 2008 quand elle devait expirer le 13 septembre 2008, c'est-à-dire cinq jours après ; qu'en déclarant que l'appel à la garantie de premier rang le 8 septembre 2008 présentait un caractère manifestement abusif de sorte que, informée des motifs réels de cet appel, la garante de premier rang, lorsqu'elle avait elle-même appelé la contre-garantie, ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de l'appel à sa garantie, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 873 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de cinquième part, la contre-garantie, indépendante de la garantie de premier rang et du contrat de base, doit être exécutée à première demande, quand bien même le garant de premier rang n'aurait pas payé le bénéficiaire et quand bien même ce dernier n'aurait aucun droit, sauf collusion frauduleuse avec le bénéficiaire, laquelle suppose que le garant de premier rang savait, lorsqu'il a payé, que l'appel à sa garantie était abusif ; qu'en déclarant que, à la date où l'exposante avait appelé la contre-garantie, elle ne pouvait avoir aucun doute sur le caractère manifestement abusif de l'appel à sa garantie, sans constater qu'au moment où elle avait elle-même payé le bénéficiaire, elle avait connaissance de ce caractère abusif, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 873 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, enfin, statuant en référé, la juridiction du second degré ne pouvait déclarer abusif l'appel à la garantie de premier rang et, par voie de conséquence, interdire au contre-garant de payer, sans constater qu'étaient réunies les conditions exigées par l'article 873 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte.