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16/03/2011 | FRANCE | N°08-42218

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2011, 08-42218


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 11 juillet 2000 par la société Infraforces en qualité de chargé d'études junior ; qu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 7 janvier 2005 et a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Infraforces fait d'abord grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. X... un rappel de salaire pour heur

es supplémentaires et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité pour tra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 11 juillet 2000 par la société Infraforces en qualité de chargé d'études junior ; qu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 7 janvier 2005 et a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Infraforces fait d'abord grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. X... un rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen, que seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord au moins implicite ; que cet accord implicite, nécessairement antérieur ou concomitant à la réalisation des heures supplémentaires, ne peut être déduit du seul fait que l'employeur, ayant été mis devant le fait accompli par le salarié une fois les heures supplémentaires effectuées, ne les a pas contestées ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir lui-même que ses heures supplémentaires n'apparaissaient ni sur ses plannings hebdomadaires ni sur les feuilles de temps qu'il remettait à son employeur ; qu'il était par ailleurs constant que ce n'était que par courriel du 1er juillet 2004 que M. X... avait informé son employeur des heures supplémentaires qu'il avait réalisées du 12 avril au 30 mai, et par courriel du 31 août 2004, qu'il lui avait fait part de celles accomplies du 23 août au 27 août ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, impropres à caractériser la connaissance qu'aurait eu l'employeur, antérieure ou concomitante à l'exécution des heures supplémentaires effectuées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1-1 du code du travail alors applicable, devenu l'article L. 3171-4, et de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, en a déduit que l'employeur avait connaissance de l'exécution régulière par le salarié d'heures supplémentaires qui n'ont jamais été contestées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Infraforces fait ensuite grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits reprochés par le salarié à son employeur sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur et la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en faisant produire à la démission du salarié les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en estimant que les faits reprochés par le salarié à l'employeur ne justifiaient pas que le salarié soit dispensé de l'exécution de son préavis, d'où s'évinçait qu'il n'était pas d'une gravité telle qu'ils justifient une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3 du code du travail (devenus L. 1231-1 et L. 1232-1) ;
2°/ que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt qui a octroyé à M. X... un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires privera de tout fondement juridique l'imputation de la rupture du contrat de travail à l'employeur et entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile l'annulation du chef de l'arrêt décidant que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé que le défaut de paiement par l'employeur des heures supplémentaires effectuées par le salarié caractérisait un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen est devenue sans objet ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ; qu'il s'ensuit que le juge qui décide que les faits invoqués justifiaient la rupture doit accorder au salarié qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et les dommages-intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié avait refusé d'exécuter le préavis et que les manquements reprochés à l'employeur n'étaient pas tels qu'ils rendaient impossible la présence du salarié dans l'entreprise pendant la durée de ce préavis ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 18 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Infraforces aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Infraforces à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux conseils pour la société Infraforces.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Infraforces à verser à M. X... les sommes de 7. 413 euros au titre des heures supplémentaires, 741, 30 euros au titre des congés payés incidents et 18. 000 euros au titre du travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'à la date de la rupture du contrat de travail, l'appelant en sa qualité de cadre, chargé d'études senior était tenu à un horaire de travail mensuel de 151, 67 heures ; que la politique de l'entreprise rappelée dans le courriel du président de la société, Philippe Z..., en date du 6 septembre 2004 consistait à refuser de comptabiliser les heures supplémentaires effectuées ; que selon les termes de ce courriel, l'exécution de celles-ci était la manifestation d'un effort consenti au profit de la société et se traduisait par l'attribution d'une récompense sous la forme d'une prime ; que la société avait connaissance des heures supplémentaires que l'appelant était tenu d'effectuer puisque celui-ci devait communiquer régulièrement au dirigeant son planning hebdomadaire ainsi qu'une feuille de temps ; qu'à plusieurs reprises et en particulier le 1er juillet et le 31 août 2004, l'appelant a attiré l'attention de la société sur le nombre très important d'heures supplémentaires effectuées durant les fins de semaine et les jours de fête et sur les difficultés à les compenser ; que celle-ci ne les a jamais contestées, sachant que la durée de travail figurant au contrat était insuffisante pour mener à bien les travaux confiés à l'appelant ; qu'elle s'est refusée à les rémunérer, préférant recourir au versement d'une prime mensuelle ou à l'attribution de cadeaux, tel un ordinateur portable ; que de même la surcharge de travail qui a conduit à une dégradation des conditions de travail et aux heures supplémentaires revendiquées ainsi que le refus de les comptabiliser résulte de différentes attestations d'anciens salariés de la société dont celle d'Anne Y..., qui n'a pas rejoint la société Opinion Way et ne pourrait donc faire partie du complot dénoncé par l'intimée ;
ALORS QUE seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur ou avec son accord au moins implicite ; que cet accord implicite, nécessairement antérieur ou concomitant à la réalisation des heures supplémentaires, ne peut être déduit du seul fait que l'employeur, ayant été mis devant le fait accompli par le salarié une fois les heures supplémentaires effectuées, ne les a pas contestées ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir lui-même que ses heures supplémentaires n'apparaissaient ni sur ses plannings hebdomadaires ni sur les feuilles de temps qu'il remettait à son employeur (conclusions p. 9) ; qu'il était par ailleurs constant que ce n'était que par courriel du 1er juillet 2004 que M. X... avait informé son employeur des heures supplémentaires qu'il avait réalisées du 12 avril au 30 mai, et par courriel du 31 août 2004, qu'il lui avait fait part de celles accomplies du 23 août au 27 août ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, impropres à caractériser la connaissance qu'aurait eu l'employeur, antérieure ou concomitante à l'exécution des heures supplémentaires effectuées par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1-1 du code du travail alors applicable, devenu l'article L. 3171-4, et de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Infraforces à verser à M. X... une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le courrier en date du 6 janvier 2005 constitue une prise d'acte de rupture ; que l'appelant reproche à son employeur les conditions de travail qui lui sont imposées le contraignant à effectuer des heures supplémentaires excessives et non rémunérées et plus généralement le mode de fonctionnement de l'entreprise consistant en des pressions constantes et un mode de direction du personnel brutal et choquant ; que ces griefs sont maintenus postérieurement au courrier de réponse en date du 14 janvier 2005 émanant de la société intimée ; qu'à la date de la rupture du contrat de travail, l'appelant en sa qualité de cadre, chargé d'études senior était tenu à un horaire de travail mensuel de 151, 67 heures ; que la politique de l'entreprise rappelée dans le courriel du président de la société, Philippe Z..., en date du 6 septembre 2004 consistait à refuser de comptabiliser les heures supplémentaires effectuées ; que selon les termes de ce courriel, l'exécution de celles-ci était la manifestation d'un effort consenti au profit de la société et se traduisait par l'attribution d'une récompense sous la forme d'une prime ; que la société avait connaissance des heures supplémentaires que l'appelant était tenu d'effectuer puisque celui-ci devait communiquer régulièrement au dirigeant son planning hebdomadaire ainsi qu'une feuille de temps ; qu'à plusieurs reprises et en particulier le 1er juillet et le 31 août 2004, l'appelant a attiré l'attention de la société sur le nombre très important d'heures supplémentaires effectuées durant les fins de semaine et les jours de fête et sur les difficultés à les compenser ; que celle-ci ne les a jamais contestées, sachant que la durée de travail figurant au contrat était insuffisante pour mener à bien les travaux confiés à l'appelant ; qu'elle s'est refusée à les rémunérer, préférant recourir au versement d'une prime mensuelle ou à l'attribution de cadeaux, tel un ordinateur portable ; que de même la surcharge de travail qui a conduit à une dégradation des conditions de travail et aux heures supplémentaires revendiquées ainsi que le refus de les comptabiliser résulte de différentes attestations d'anciens salariés de la société dont celle d'Anne Y..., qui n'a pas rejoint la société Opinion Way et ne pourrait donc faire partie du complot dénoncé par l'intimée ; qu'en conséquence, la rupture du contrat de travail survenue le 6 janvier 2005 est bien imputable à la société intimée et produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits reprochés par le salarié à son employeur sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur et la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en faisant produire à la démission du salarié les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en estimant que les faits reprochés par le salarié à l'employeur ne justifiaient pas que le salarié soit dispensé de l'exécution de son préavis, d'où s'évinçait qu'il n'était pas d'une gravité telle qu'ils justifient une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3 du Code du travail (devenus L. 1231-1 et L. 1232-1) ;
2°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt qui a octroyé à M. X... un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires privera de tout fondement juridique l'imputation de la rupture du contrat de travail à l'employeur et entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile l'annulation du chef de l'arrêt décidant que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a fait savoir à son employeur qu'il n'exécuterait pas son préavis ; que malgré l'invitation de ce dernier à rester à son poste de travail, le salarié a persisté dans son refus ; que cependant les manquements reprochés à la société n'étaient pas tels qu'ils rendaient impossible la présence du salarié dans l'entreprise durant la durée de celui-ci ;
ALORS QUE le juge qui décide que la prise d'acte de la rupture par un salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit accorder au salarié une indemnité de préavis et les congés payés y afférents, peu important qu'il ait refusé d'acquiescer à la demande d'exécution de son employeur ou que les manquements de celui-ci n'aient pas été tels qu'ils rendaient impossible la présence du salarié dans l'entreprise ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1237-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-42218
Date de la décision : 16/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2011, pourvoi n°08-42218


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:08.42218
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