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15/03/2011 | FRANCE | N°09-72541

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mars 2011, 09-72541


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 octobre 2009), que Mme X... a été engagée à partir du 30 juin 2003 par la société Spizza (la société) en qualité de responsable des ressources humaines opérations ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 7 janvier 2005 au 9 avril 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 27 avril 2005 et informé son employeur le 6 avril 2006 qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant des

faits de harcèlement moral à partir du remplacement du responsable de la dire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 octobre 2009), que Mme X... a été engagée à partir du 30 juin 2003 par la société Spizza (la société) en qualité de responsable des ressources humaines opérations ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 7 janvier 2005 au 9 avril 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 27 avril 2005 et informé son employeur le 6 avril 2006 qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant des faits de harcèlement moral à partir du remplacement du responsable de la direction des ressources humaines à laquelle elle était directement rattachée ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a été victime de harcèlement moral, que sa démission constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe au salarié qui invoque un harcèlement moral d'établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en se bornant à relever que les éléments produits par la salariée étaient de nature à faire présumer l'existence d'agissements de nature à faire présumer un harcèlement moral justifiant la prise d'acte par l'intéressée de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et 1237-1 du code du travail ;

2°/ que ne commet pas d'agissements pouvant laisser présumer un harcèlement moral, l'employeur qui prend les mesures nécessaires à la prévention d'un tel risque professionnel, conformément à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu ; qu'en disant que l'employeur en cherchant à connaître le motif et la fréquence du suivi psychiatrique de la salariée qui s'était plainte d'être harcelée moralement par sa supérieure hiérarchique, ne s'était pas préoccupé de son obligation de sécurité de résultat, et en en déduisant qu'un tel harcèlement était présumé, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, 4121-1 et 1237-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui, appréciant l'ensemble des éléments produits par la salariée, a constaté qu'elle avait subi une diminution importante de ses responsabilités et un déclassement et que l'employeur avait divulgué des données relevant du secret médical et de l'intimité de la vie privée, cette divulgation n'étant pas justifiée par l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu, a estimé qu'elle établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Spizza 30 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Spizza 30 à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Spizza 30

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la salariée avait été victime de harcèlement moral et que sa démission constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir, en conséquence, condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour méconnaissance de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE toutes les pièces ci-dessus produites par Madame X... sont de nature à faire présumer qu'elle a subi une diminution importante de son niveau de responsabilité par le retrait de tâches telles que l'établissement des revues de performance, alors que celles-ci lui permettaient, à l'occasion de rencontres avec les responsables de secteur qui étaient ses interlocuteurs directs, de faire le point sur leurs équipes, de connaître l'évolution des effectifs et de décider, le cas échéant, de la rédaction d'avenants en cas d'augmentation ou de promotion ; que le courriel du 10 janvier 2005 est particulièrement topique à cet égard, puisqu'en confiant de nouvelles attributions aux membres de l'équipe de Madame X..., il tend à priver cette dernière de l'aide de ses collaborateurs alors que la fiche de description de son poste prévoyait qu'elle disposait d'une équipe de trois personnes ; que Madame X... fait également valoir qu'elle a fait l'objet d'attaques personnelles à propos des cours d'anglais qu'elle a été amenée à prendre pour son travail, ainsi que pour ses rendez-vous avec son médecin traitant ; que le compte rendu de l'enquête interne diligentée par l'employeur, joint à sa lettre du 4 avril 2005 en réponse à la plainte formulée par Madame X... à l'encontre de Madame Y..., indique que celle-ci avait déclaré à la salariée que l'entreprise n'avait pas le budget nécessaire pour lui payer des cours d'anglais, mais l'avait encouragé à suivre ces cours, car " cela lui permettrait peut-être de convaincre ultérieurement les membres du comité de direction de prendre en charge une partie de cette formation ; que Madame Y... avait accepté pour ce faire, que Madame X... aménage son temps de travail " dans des proportions acceptables " ; qu'il est précisé dans ce document que l'intéressée se rendait à des cours " deux ou trois fois par semaine ", mais sans jamais avoir demandé aux membre de son équipe si cela ne les gênait pas ; que ceux-ci déclarent que les départs de leur supérieure hiérarchique pour suivre des cours les perturbaient dans leur travail et l'organisation du service ; que Madame X... partait à ses cours sans s'assurer que ses tâches étaient correctement effectuées ; qu'il résulte de ces indications figurant dans le compte rendu que pour déterminer si Madame X... aménageait son temps de travail " dans des proportions acceptables ", alors qu'il était stipulé à son contrat de travail qu'elle disposait, compte tenu de ses fonctions, de toute latitude pour déterminer les dates et amplitudes de ses journées de travail, l'employeur s'est fondé sur les seules appréciations des membres de son équipe qui étaient ses subordonnés ; qu'il s'agit là d'un élément de nature à faire présumer que Madame X... a fait l'objet d'un déclassement susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ; que par ailleurs, en réponse au grief de la salariée se plaignant de s'être vue contrainte, en raison de comportements hostiles et déstabilisants, de consulter à partir du mois de septembre 2004 un médecin psychiatre, l'employeur fournit dans ce même compte rendu, sur la base des déclarations des subordonnés de Madame X... et après consultation de son agenda électronique, le détail des horaires des rendez-vous de l'intéressée avec un psychiatre ; qu'il va même jusqu'à indiquer les motifs des consultations de la salariée chez ce praticien en rapportant les propos de ses subordonnés sur ce point en écrivant : " Tous les membres de l'équipe R reconnaissent être informés des consultations de Diane (X...) chez le psychiatre ; Motifs de ces consultations : Christine : " C'était à cause de ses relations difficiles avec Dominique " ; Denis : " elle avait besoin de parler suite à des problèmes personnels " ; Sabine : " par rapport à sa relation avec Dominique mais elle n'était pas rentrée dans le détails " ; Fathallah : " elle n'en a jamais parlé explicitement, mais elle avait évoqué des problèmes personnels " ; Marie Z... : " oui, j'ai compris qu'elle y allait pour des raisons professionnelles et personnelles " ; qu'il apparaît ainsi que la société SPIZZA, sans se préoccuper de son obligation de sécurité de résultat concernant la protection de la santé des salariés, alors qu'il savait que l'état de santé de Madame X... qui était en arrêt de travail pour maladie depuis le 7 janvier 2005, nécessitait un suivi médical, a cherché par une enquête interne approfondie à connaître les horaires, dont il n'est pas allégué qu'ils avaient lieu pendant les heures de travail, et les motifs des rendez-vous de la salariée chez son médecin traitant, alors que ces données relevaient du secret médical et de l'intimité de la vie privée de l'intéressée ; que ces données ont été divulguées à quatre dirigeants de la société SPIZZA 30, messieurs A..., B... et C..., mentionnés dans la lettre du 4 avril 2005 comme étant destinataires en copie du compte rendu ; que l'ensemble de tous ces éléments produits par la salariée est de nature à faire présumer l'existence d'agissements répétés de l'employeur ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ainsi que d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel ;

1°) ALORS QU'il incombe au salarié qui invoque un harcèlement moral d'établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en se bornant à relever que les éléments produits par la salariée étaient de nature à faire présumer l'existence d'agissements de nature à faire présumer un harcèlement moral justifiant la prise d'acte par l'intéressée de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et 1237-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE ne commet pas d'agissements pouvant laisser présumer un harcèlement moral, l'employeur qui prend les mesures nécessaires à la prévention d'un tel risque professionnel, conformément à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu ; qu'en disant que l'employeur en cherchant à connaître le motif et la fréquence du suivi psychiatrique de la salariée qui s'était plainte d'être harcelée moralement par sa supérieure hiérarchique, ne s'était pas préoccupé de son obligation de sécurité de résultat, et en en déduisant qu'un tel harcèlement était présumé, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, 4121-1 et 1237-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-72541
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mar. 2011, pourvoi n°09-72541


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.72541
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