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15/03/2011 | FRANCE | N°09-69001

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mars 2011, 09-69001


Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 2 septembre 1991 en qualité d'agent d'exploitation, en dernier lieu responsable des agences de Sotterville les Rouen et Clémenceau de Rouen, après mise à pied conservatoire du 22 février 2006, a été licenciée par la société CRIT Intérim (société CRIT) le 2 mars suivant pour faute grave à savoir actes de débauchage et concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Crit fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à payer

diverses indemnités et des dommages-intérêts à la salariée alors, selon le moye...

Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 2 septembre 1991 en qualité d'agent d'exploitation, en dernier lieu responsable des agences de Sotterville les Rouen et Clémenceau de Rouen, après mise à pied conservatoire du 22 février 2006, a été licenciée par la société CRIT Intérim (société CRIT) le 2 mars suivant pour faute grave à savoir actes de débauchage et concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Crit fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à payer diverses indemnités et des dommages-intérêts à la salariée alors, selon le moyen ;
1°/ qu'en relevant que le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 25 juin 2007, ayant retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale par la société Avenir intérim au préjudice de la société CRIT, ne prouvait rien sur le comportement de la salariée, lorsque ce jugement retenait expressément, par des motifs clairs et précis, que la société Avenir intérim avait commis ces actes de concurrence déloyale par l'intermédiaire de Mme X..., qui avait " donc donné sciemment des informations confidentielles sur l'activité de CRIT à la société Avenir intérim Nord ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les rapports d'activité d'un télécopieur établissant que plusieurs télécopies avaient été envoyées à un numéro correspondant à une agence concurrente, démontraient que la salariée, ayant ainsi communiqué des informations confidentielles concernant notamment le personnel intérimaire et les clients de l'agence, avait commis une faute grave ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ qu'en l'état du témoignage de M. Y..., recruteur de la société CRIT, attestant que le vendredi 10 février 2006 il avait constaté que Mme X... avait sorti de son classement le dossier de M. Z..., salarié chez Eiffage, client de la société CRIT, et l'avait télécopié à un numéro dont il avait constaté qu'il correspondait à celui de la société Avenir, la cour d'appel ne pouvait, pour écarter ce témoignage à l'appui duquel était produit également le rapport d'activité du télécopieur conservé en mémoire, relever qu'il est étonnant que Mme X... ait agi au vu de tous les membres de l'agence et notamment M. Y... et qu'elle n'ait pas cherché à récupérer un récépissé d'envoi qui aurait contenu des données compromettantes alors en outre que M. Y... dit s'être approché de l'appareil pour voir le numéro composé ; qu'elle a ainsi statué par un motif inopérant à justifier le rejet de ses pièces et l'absence de comportement fautif de la salariée, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; de sorte que la cour d'appel ne pouvait dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans avoir préalablement examiné l'ensemble des éléments de preuve qui lui étaient proposés par l'employeur, notamment les attestations de M. A..., travaillant à l'agence de Saint-Sever, des intérimaires MM. B... et C... ainsi que les différents contrats d'intérimaires établissant que leur mission auprès du même employeur s'était poursuivie avec la société Avenir intérim Nord, sans méconnaitre les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; de sorte qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans avoir examiné les reproches formulés à l'encontre de la salariée concernant la société EMI, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
6°/ qu'en retenant, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que " Mme D... indique qu'à la suite d'une erreur de numérotation de fax, celui-ci a été rejeté et qu'elle a ainsi constaté l'envoi à la société Avenir intérim de la grille de rémunération du client Sogea. Elle atteste que Mme X... a envoyé ce fax le 10 février 2006. Ce seul élément n'est pas de nature à prouver le débauchage imputé à Mme X... ", lorsque cette attestation permettait de caractériser le grief selon lequel la salariée avait divulgué des éléments confidentiels concernant les clients de la société CRIT, en transmettant à sa concurrente, la société Avenir intérim, les grilles de salaires du client Sogea Nord-Ouest, et partant de justifier à lui seul le licenciement pour faute grave de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui n'était pas liée par les appréciations de la juridiction commerciale, a retenu que les actes de débauchage et de concurrence déloyale imputés à la salariée n'étaient pas établis ; que le moyen qui, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation, violation de l'article 455 du code de procédure civile ou de violation de la loi, ne tend qu'à remettre en discussion devant la cour de cassation, l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société CRIT fait encore grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen, que le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en estimant que la salariée avait été victime de harcèlement moral, sans préciser quels agissements reprochés à l'employeur étaient susceptibles de caractériser les faits de harcèlement moral, qui ne pouvaient se déduire des seules relations conflictuelles existant entre la salariée et son supérieur hiérarchique, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, analysant les témoignages produits par la salariée, a estimé non seulement qu'ils établissaient des faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral mais que celui-ci résultait des propos non démentis de la directrice régionale reconnaissant son impuissance à le faire cesser ; qu'elle a constaté la dégradation de l'état de santé de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts par la salariée pour agissements déloyaux, alors, selon le moyen, que l'employeur, victime d'agissements déloyaux commis par son salarié, est fondé à solliciter de ce dernier la réparation du préjudice qu'il a causé par sa faute, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ; d'où il résulte que la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir que Mme X... n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du tribunal de commerce condamnant la société Avenir intérim pour débouter l'employeur qui n'invoquait ce jugement que concernant le montant de son préjudice, sans vérifier si les conditions d'engagement de la responsabilité de la salariée du fait de ses engagements déloyaux étaient remplies ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu que l'employeur ne peut engager la responsabilité de son salarié que sur la base de la faute lourde ; que le moyen est inopérant ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société de sa demande de remboursement du trop-versé en exécution de la clause de non-concurrence (2 133, 72 euros) l'arrêt retient que rien ne prouve que le montant des versements était erroné ;
Qu'en statuant ainsi sans vérifier si le montant des sommes versées à ce titre par l'employeur correspondait aux modalités de calcul de l'indemnité prévues au contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté la société de sa demande en restitution du trop-versé en exécution de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 23 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils, pour la société CRIT intérim
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et partant d'avoir condamné la société Crit à lui verser les sommes de 16. 114 euros à titre de préavis, 1. 611 euros à titre de congés sur préavis, 15. 576 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1. 474 euros à titre de mise à pied conservatoire, 147 euros à titre de congés payés sur mise à pied, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil à compter du 6 novembre 2008 et 33. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'avoir débouté Crit de ses demandes au titre de la clause pénale et de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement invoque les motifs suivants :
1°) « vous avez débauché des intérimaires travaillant au sein de la société CRIT, ainsi que des entreprises utilisatrices clientes de notre Société auprès desquelles ils étaient détachés par CRIT, ce au profit d'une Société de travail temporaire concurrente, la Société Avenir Intérim. »
Que M. Y..., recruteur de la société CRIT, a rédigé plusieurs attestations : pièces 4, 5, 6, 7 et 15 datées du 16 février 2006
- pièce 4 :
« Au vu de ce qui se passait dans l'agence depuis plusieurs semaines (changement d'attitudes de Mme X... tels que coups de fils passés sur le portable en étant dans la cour extérieure de l'agence CRIT de Sotteville-lès-Rouen, demandes de renseignements sur les disponibilités du personnel en poste, rendez-vous extérieurs sans en rendre compte à l'équipe).
J'ai édité le journal d'émission du fax et j'ai constaté que le numéro d'Avenir Intérim revenait fréquemment. J'ai donc alerté ma direction N + 2 ».
Que la société CRIT produit les rapports d'activité de son fax dont il résulte que le 10 février 2006, 7 fax ont été adressés à un numéro correspondant à la société Avenir Intérim mais qui n'établissent pas que Mme X... les a envoyés ;
- pièce 5 :
« Le jeudi 9 février 2006, Mme X... m'a demandé de recruter un peintre pour remplacer notre salariée Mlle E... Jennifer chez notre client G... dont le responsable de chantier était M. F... Régis. Le démarrage de la mission était prévu pour le vendredi 10/ 02/ 2006. J'ai proposé comme candidature M. H... Jean-Pierre. A mon insu, Mme X... a faxé le CV de M.
H...
soi-disant chez le client. Par suspicion j'ai récupéré dans la corbeille à papier de Mme X... le rapport d'émission sur lequel figurait le numéro d'Avenir Intérim Rouen. J'ai pu constater que dans la corbeille à papier de Mme X... figurait aussi le rapport d'émission de fax d'une candidature de M. I... inscrit avec le numéro de Avenir Intérim de Rouen. J'ai donc alerté ma direction N + 2. J'ai contacté le vendredi 10/ 02/ 2006 M. H... Jean-Pierre qui m'a certifié être en poste chez G... pour le compte de la société Avenir Intérim à Rouen (illisible), sur demande de Mme X.... J'ai donc alerté ma direction N + 2. »
Que cependant, la teneur de cette attestation est mise en cause par le chef de chantier de l'entreprise Gagneraud qui dit avoir téléphoné à M. Y... le 9 février pour lui demander un peintre pour une mission d'une journée lequel lui a répondu qu'il serait très difficile d'en trouver un pour une journée, il a donc contacté d'autres sociétés d'intérim, la société Avenir Intérim lui a proposé un peintre qui pouvait être présent le 10 février ; quant à M.
H...
, il conteste les termes de l'attestation qui lui est imputée en dénonçant les méthodes de la société CRIT ;
- pièce 6 :
« le vendredi 10/ 02/ 2006, Mme X... a sorti de son classement le dossier de M. Z... salarié chez notre client Eiffage chantier du 6e pont de Rouen et l'a faxé devant les membres de l'agence. Je me suis approché du fax et j'ai constaté que le numéro de fax en composition était celui d'Avenir Telecom à Rouen.
J'ai attendu le rapport d'émission que j'ai transmis à ma direction N + 2 pour alerter de la transmission de document à la concurrence. »
Qu'il est étonnant que Mme X... ait agi au vu de tous les membres de l'agence et notamment de M. Y... et qu'elle n'ait pas cherché à récupérer un récépissé d'envoi qui aurait contenu des données compromettantes alors en outre que M. Y... dit s'être approché du fax pour voir le numéro composé ;
- pièce 7 :
« Durant la semaine du 09/ 01/ 2006 au 13/ 01/ 2006, Mme X... m'a questionné sur le lieu de classement des dossiers de candidature des salariés en poste chez ses clients. Suite à mon renseignement, Mme X... a procédé à la photocopie de ces dossiers notamment des intérimaires délégués chez notre client Touflet à Saint Etienne du Rouvray. Connaissant bien Mme X... pour avoir travaillé des années sous sa direction, j'ai trouvé son comportement étrange. Par suspicion, j'ai effectué un relevé de compteur sur le télécopieur de l'agence ; entre le lundi 16/ 01/ 2006 à 18h45 (horaire auquel j'ai quitté l'agence) il y a eu 141 (cent quarante et un) photocopies effectuées. J'ai donc alerté ma direction N + 2 ».
Que cette attestation énonce faussement que le lundi 16 janvier 2006 à 18h45, M. Y... a laissé seule à l'agence Mme X... car celle-ci justifie d'un rendez-vous sur le chantier de la construction du sixième pont de Rouen d'1 heure 30 et indique qu'elle a reçu la commande de deux intérimaires transmise le lendemain à M. Y..., rendez-vous que la société ne conteste pas, alléguant qu'elle pouvait ensuite repasser à l'agence ; que Mme X... explique aussi sans être démentie que les photocopies n'ont pu être faites pendant la nuit car la zone industrielle où sont situés les bureaux de Crit est sécurisée à partir de 19h30 et que personne ne peut y entrer sans un sauf-conduit donné au gardien, qu'elle ne détenait pas ;
Qu'aucune valeur probante ne peut être accordée à cette attestation ;
- pièce 15 :
« le vendredi 10 février 2006, M. J... Sylvain, en mission pour notre agence chez EREM, société basée à Sotteville lès Rouen, est venu à l'agence pour remettre à Mme X... son contrat de mission. M. J... était étonné d'avoir un contrat Avenir Intérim de Rouen dont il ne connaissait pas l'existence. Sa mission pour Crit Intérim durait jusqu'au vendredi 10 février 2006 et le contrat Avenir Intérim débutait le 13 février 2006. »
Que cependant M. J... témoigne :
« Je suis passé à l'agence CRIT pour signifier ma fin de mission à la demande du client EREM. J'atteste sur l'honneur que les déclarations de Mme K... et de M. Y... sont complètement fausses puisque Mme X... n'était pas présente lors de mon passage. M. Y... m'a demandé si j'étais libre pour une nouvelle mission. Je lui ai répondu que je travaillais chez le client EREM pour la société Avenir Intérim. Celui s'est empressé de prendre mon original de contrat Avenir Intérim qu'il ne m'a pas rendu. Je me réserve le cas échéant de porter plainte contre l'agence Crit Intérim si les faits ne sont pas annulées. »
Que compte tenu de ces témoignages discordants, la dernière attestation de M. Y... sera écartée et pour les mêmes raisons celle de Mme K... ; qu'il n'est pas non plus établi que les rapports de fax adressées à la société Avenir Intérim avec le curriculum vitae de M. I... aient été envoyés par Mme X... ;
Que M. L..., salarié intérimaire, est revenu sur sa première attestation ;
Que Mme D... indique qu'à la suite d'une erreur de numérotation de fax, celui-ci a été rejeté et qu'elle a ainsi constaté l'envoi à la société Avenir Intérim de la grille de rémunération du client Sogea ; que ce seul élément n'est pas de nature à prouver le débauchage imputé à Mme X... ;
2°) « Vous vous êtes rendue au sein de la société Européenne de Fabrication, client de la société CRIT, accompagnée de Monsieur N..., directeur commercial de la Société de travail Temporaire Avenir Intérim et de Monsieur O..., salarié d'une autre société de travail temporaire »
Que la société CRIT produit les attestations de Mme P..., responsable de l'agence de Rouen (quai Corneille) et salariée protégée :
- pièces 8 et 9 :
« Mardi 31 janvier 2006, M. Q... s'est présenté à l'agence 17 quai Corneille Rouen demandant à me rencontrer personnellement. Dans mon bureau M. Q... responsable de la gestion du personnel Europrefa et des salariés intérimaires m'a expliqué sa démarche inhabituelle au sein de l'agence. En effet, il a été surpris de la visite de Mme X... Martine accompagnée de M. N... Christophe et de M. O... Jean-Christophe. Mme X... souhaitait que les intérimaires CRIT Sotteville et les autres intérimaires des deux agences CRIT Rouen soient transférés sur une nouvelle agence Avenir Intérim dont le responsable est M. N... Christophe, quant à M. O... Jean-Christophe, il est responsable de l'agence SIM à Rouen.

M. Q... a réalisé la motivation de Mme X... Martine à ne pas respecter la date de fin de contrat prévue le 31 mars 2006 et qu'elle voulait absolument pour le 10 février 2006 pour ses intérimaires. M. Q... a exigé que les contrats soient établis selon sa demande. »
« Lors de ma visite commerciale ce jour à l'entreprise Europrefa à Dévillelès-Rouen, M. Q... responsable de la gestion du personnel et des salariés intérimaires m'a fait part de la récidive de Mme X... Martine. Toujours avec la même motivation, Mme X... Martine s'est présentée le 7 février 2006 à son entreprise Europrefa accompagnée de M. N... Christophe demandant à M. Q... de changer les intérimaires Crit Intérim dans une autre agence « Avenir Intérim » dont le responsable commercial est M. N... Christophe. N'obtenant pas satisfaction, ils ont souhaité rencontrer M. R... dirigeant de l'entreprise au même titre que M. Q.... Les contrats établis jusqu'au 31 mars 2006, la situation était donc bloquée. »
Que sont versées trois avenants de renouvellement avec instructions de M. Q... d'« établir ce (s) contrats jusqu'au 28 février 2006 comme signifié » ;
Que cependant le témoignage de Mme P... se borne à rapporter les propos qu'aurait tenu M. Q... responsable de la gestion du personnel et des salariés intérimaires de l'entreprise Europrefa, lequel n'a établi aucune attestation alors en outre que M. R..., PDG de Europrefa indique :
« Je tiens à clarifier différents points calomnieux.
J'ai effectivement rencontré M. N... (ami de longue date) le 7 février 2006, seul, qui m'a exposé son nouveau projet professionnel.
Contrairement au dire de la société Crit Intérim, quant à la présence de M. O... de l'entreprise SIM Intérim, j'atteste sur l'honneur de ne pas l'avoir rencontré cette année 2006. Vous concernant, Mme X..., vous aviez effectivement rendez-vous avec l'un de mes collaborateurs concernant nos prestations d'intérim en cours ce jour là.
En aucun cas, M. N..., M. O... et vous-même avez détournés nos salariés de travails temporaires vers une autre société d'intérim.
Je vous rappelle à titre informatif que je suis encore maitre de mon entreprise et seul décideur concernant mes prestataires de service.
Je trouve déplorable que la société CRIT se permette de m'impliquer directement ou indirectement dans cette affaire douteuse.
Pour information, j'ai demandé à plusieurs reprises aux 3 sociétés CRIT d'uniformiser leurs tarifs sans qu'aucun des responsables ne donnent suite à ma demande.
C'est pourquoi, après étude de nos 7 prestataires de services, nous avons décidé de sélectionner 3 entreprises en mai 2006, afin d'optimiser notre gestion et d'uniformiser l'ensemble de nos tarifs (Avenir Intérim Nord, Crit Intérim Champlain, Acterim) » ;
Que la société Europrefa est toujours cliente de CRIT ; que le grief imputé à la salariée n'est donc pas démontrée ;
3°) « Vous avez divulgué des éléments confidentiels concernant le personnel intérimaire de la société CRIT » 4°) « Vous avez procédé à la photocopie de dossiers d'intérimaires » 5°) « Vous avez divulgué des éléments confidentiels concernant les clients de la société CRIT »

Que ces reproches ne sont étayés d'aucun élément probant ;
Que le procès-verbal de constat du 10 mai 2006 dans les locaux de l'agence de la société Avenir Intérim ne prouve rien sur le comportement de la salariée pas plus que les jugements du Tribunal de commerce de Rouen du 25 juin 2007 ayant retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale de la société Avenir Intérim au détriment de la société CRIT et 13 juin 2008 condamnant la société Avenir Intérim à payer des dommages et intérêts ;
Que la société CRIT ne rapportant pas la preuve qui lui incombe des actes de concurrence déloyale qu'elle impute à Mme X..., son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu des circonstances de la cause, il convient lui allouer une somme de 33. 000 euros à titre de dommages intérêts ;
ALORS QUE en relevant que le jugement du Tribunal de commerce de Rouen du 25 juin 2007, ayant retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale par la société Avenir Intérim au préjudice de la société CRIT, ne prouvait rien sur le comportement de la salariée, lorsque ce jugement retenait expressément, par des motifs clairs et précis, que la société Avenir Intérim avait commis ces actes de concurrence déloyale par l'intermédiaire de Mme X..., qui avait « donc donné sciemment des informations confidentielles sur l'activité de Crit à la société Avenir Intérim Nord », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QU'EN OUTRE les rapports d'activité d'un fax, établissant que plusieurs télécopies avaient été envoyées à un numéro correspondant à une agence concurrente, démontraient que la salariée, ayant ainsi communiqué des informations confidentielles concernant notamment le personnel intérimaire et les clients de l'agence, avait commis une faute grave ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-9 et L 1235-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENSUITE en l'état du témoignage de M. Y..., recruteur de la société Crit, attestant que le vendredi 10/ 02/ 2006 il avait constaté que Mme X... avait sorti de son classement le dossier de M. Z..., salarié chez Eiffage, client de la société Crit, et l'avait faxé à un numéro dont il avait constaté qu'il correspondait à celui de la société Avenir, la Cour d'appel ne pouvait, pour écarter ce témoignage à l'appui duquel était produit également le rapport d'activité du fax de Crit conservé en mémoire par le télécopieur, relever que « Il est étonnant que Mme X... ait agi au vu de tous les membres de l'agence et notamment M. Y... et qu'elle n'ait pas cherché à récupérer un récépissé d'envoi qui aurait contenu des données compromettantes alors en outre que M. Y... dit s'être approché du fax pour voir le numéro composé » ; qu'elle a ainsi statué par un motif inopérant à justifier le rejet des pièces produites par la société Crit et l'absence de comportement fautif de la salariée, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS EGALEMENT QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ;
De sorte que la Cour d'appel ne pouvait dire le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse, sans avoir préalablement examiné l'ensemble des éléments de preuve qui lui étaient proposés par l'employeur, notamment les attestations de M. A..., travaillant à l'agence de Saint Sever, des intérimaires MM. B... et C... ainsi que les différents contrats d'intérimaires établissant que leur mission auprès du même employeur s'était poursuivie avec la société Avenir Intérim Nord, sans méconnaitre les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ;
De sorte qu'en jugeant le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans avoir examiné les reproches formulés à l'encontre de cette dernière concernant la société EMI, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1 et L 1235-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN en retenant, pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, que « Mme D... indique qu'à la suite d'une erreur de numérotation de fax, celui-ci a été rejeté et qu'elle a ainsi constaté l'envoi à la société Avenir Intérim de la grille de rémunération du client Sogea. Elle atteste que Mme X... a envoyé ce fax le 10 février 2006. Ce seul élément n'est pas de nature à prouver le débauchage imputé à Mme X... », lorsque cette attestation permettait de caractériser le grief selon lequel la salariée avait divulgué des éléments confidentiels concernant les clients de la société CRIT, en transmettant à sa concurrente, la société Avenir Intérim, les grilles de salaires du client Sogea Nord Ouest, et partant de justifier à lui seul le licenciement pour faute grave de la salariée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L 1234-1 du Code du travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Crit Intérim à verser à Mme X... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts spécifiques pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE l'attestation de Mme U... et M. V... se bornent à rapporter les doléances de la salariée sur son supérieur hiérarchique ; que M. W..., gérant de BMTP (client commun à la société Crit et Avenir Intérim selon le procès-verbal de constat dont l'attestation ne peut être écartée en raison de cette qualité de même que celle-ci-après de M. XX..., gérant d'entreprise BTP) qui précise : « C'est dommage qu'une personne aussi professionnelle soit traitée de cette façon par sa hiérarchie (M. YY...) nous l'avons soutenue moralement dans cette période difficile voyant que les relations se dégradaient entre elle et la société Crit, nous avons décidé d'arrêter nos relations commerciales avec celle-ci ; qu'il est dommage que le représentant de Crit ait essayé de faire pression sur nos intérimaires » ; M. XX... : « Nous avons pu constater que depuis plusieurs mois, Mme X... faisait l'objet de pressions continuelles voire de harcèlement moral par sa hiérarchie. J'ai trouvé intolérable le comportement de M. YY... et de son équipe d'avoir fait pression sur notre personnel à plusieurs reprises les menaçant » ;
Qu'au surplus, il résulte du compte rendu d'entretien préalable établi par le conseiller de la salariée que Mme ZZ..., directrice régionale, a dit :
« J'ai demandé à Eric YY... d'arrêter de vous harceler : tu vois, je lui ai demandé mais il ne l'a pas fait (…) Je l'ai appelé en lui disant mais qu'est ce que tu fous encore, tu ne peux pas arrêter de la harceler ? eh bien tu vois à peine raccroché, il t'a à nouveau appelée » ; que compte tenu de la précision des propos rapportés, la société Crit ne peut sérieusement soutenir qu'ils ont été déformés ; que Mme ZZ... ne fournit d'ailleurs aucune attestation contestant ces propos ;
Que Mme X... produit un certificat médical de son médecin traitant constatant que son état a nécessité des arrêts de travail ; que le harcèlement moral est donc établi ; que le préjudice de la salariée sera réparé par la somme de 5. 000 euros ;

ALORS QUE le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en estimant que la salariée avait été victime de harcèlement moral, sans préciser quels agissements reprochés à l'employeur étaient susceptibles de caractériser les faits de harcèlement moral, qui ne pouvaient se déduire des seules relations conflictuelles existant entre la salariée et son supérieur hiérarchique, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1152-1 et suivants du Code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crit de sa demande tendant au remboursement de la somme de 2. 133, 72 euros qu'elle avait trop versé à la salariée en exécution de la clause de non-concurrence ;
AUX MOTIFS QUE la société CRIT n'est pas fondée en cette demande car elle a entendu se prévaloir du bénéfice de cette clause conformément au contrat de travail et indiqué à la salariée qu'elle restait liée à son égard durant les deux années suivant la cessation de son contrat de travail (lettre du 30 mai 2006) ; elle a régulièrement payé les indemnités afférentes et rien ne prouve que le montant des versements était erroné ; que par ailleurs aucun manquement n'est établi à l'encontre de la salariée ;
ALORS QUE l'avenant au contrat de travail liant les parties prévoyait que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence était fixée à « un montant mensuel égal à 20 % de la moyenne mensuelle de la rémunération des trois derniers mois civils de présence effective dans la société, pour la première année et à 10 % pour seconde année » ; De sorte qu'en déboutant l'employeur de sa demande de restitution de la somme qu'elle avait trop versé à la salariée en exécution de la clause de non-concurrence, aux motifs que « rien ne prouve que le montant des versements était erroné », lorsque cette erreur ressortait clairement de l'application des stipulations contractuelles, la somme de 21. 336, 60 euros allouée à ce titre à la salariée ayant été calculée sur la base de 20 % pour les deux années, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Crit de sa demande tendant à voir condamner Mme X... au paiement de la somme de 87. 437, 30 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en raison des agissements déloyaux de la salariée ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du Tribunal de commerce du 13 juin 2008 ; que la demande n'est pas fondée ;
ALORS QUE l'employeur, victime d'agissements déloyaux commis par son salarié, est fondé à solliciter de ce dernier la réparation du préjudice qu'il a causé par sa faute, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
D'où il résulte que la Cour d'appel ne pouvait se borner à retenir que Mme X... n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du Tribunal de commerce condamnant la société Avenir Intérim pour débouter l'employeur qui n'invoquait ce jugement que concernant le montant de son préjudice, sans vérifier si les conditions d'engagement de la responsabilité de la salariée du fait de ses engagements déloyaux étaient remplies ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard des textes susvisés ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-69001
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 23 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mar. 2011, pourvoi n°09-69001


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.69001
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