LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2009), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3°, 28 novembre 2007, pourvoi n° Q 06-16. 758), que Mme X... et la société Trigo Immo, propriétaires de locaux à usage commercial, les ont donnés à bail à la société Optique Lachal ; que cette dernière, par acte du 19 mars 1997 auquel sont intervenues les bailleresses, a sous loué les locaux à la société Greenwich Optique ; que le 25 juin 2003, les propriétaires ont notifié à la locataire principale un congé au 1er janvier 2004 avec offre de renouvellement pour un nouveau loyer, puis ont rétracté cette offre de renouvellement le 30 mars 2004 au motif que cette société n'était pas immatriculée au registre du commerce au titre des lieux loués et l'ont assignée aux fins d'expulsion ; que la sous locataire est volontairement intervenue à l'instance pour voir dire qu'elle disposait d'un droit direct au renouvellement de son bail auprès des propriétaires ;
Attendu que pour reconnaître à la société Greenwich Optique un droit direct au renouvellement de son bail, l'arrêt retient que dans la mesure où le congé donné par les bailleresses a été rétracté et où cette rétractation a été acceptée par les société Optic Lachal et Greenwich Optique, le droit au bail s'est poursuivi et qu'il ne peut être opposé à la sous locataire la prescription biennale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les bailleresses ont, après avoir notifié à la locataire principale un congé avec offre de renouvellement, rétracté cette offre de renouvellement par acte du 30 mars 2004, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les sociétés Optic Lachal et Greenwich Optique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Optic Lachal et Greenwich Optique à payer à la société Trigo Immo et à Mme X..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des sociétés Optic Lachal et Greenwich Optique ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Trigo Immo et Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Greenwich Optique était titulaire d'un droit direct au renouvellement du bail principal à compter du 1er janvier 2004 aux mêmes conditions que celles du contrat de sous-location du 19 mars 1997 ;
AUX MOTIFS QUE la renonciation au droit direct du sous-locataire au renouvellement du bail commercial ne peut être antérieure à la naissance de ce droit acquis à l'expiration du bail principal ; en l'espèce, dans la mesure où le congé donné par le bailleur a été rétracté, et où cette rétractation a été acceptée par les sociétés Optic Lachal et Greenwich Optique, le droit au bail s'est poursuivi ; par suite, le sous-locataire ne pouvait demander le renouvellement du bail tant que celui-ci se poursuivait et il ne peut donc lui être opposé la prescription prévue par l'article L 145-10 du code de commerce ; par ailleurs, le sous-locataire a été agréé par les propriétaires, ainsi qu'il ressort du mandat général du 6 décembre 1996, donné par acte notarié, dans lequel la société Trigo Immo et Mme X... ont « donné tout pouvoir à tout clec de notaire en l'office notarial de Me Y... notaire à effet d'intervenir à un acte à recevoir par ledit Me Y... contenant la sous-location des locaux commerciaux sus désignés par la SA Optique Lachal à la société Greenwich Optique, déclarer audit acte confirmer en tant que de besoin l'accord donné par les soussignés à cette sous-location aux termes de l'acte reçu par Me Y... le 5 septembre 1996 susvisé dispenser les soussignés de la signification prévue par l'article 1690 du code civil » ; cet agrément du sous-locataire par le propriétaire a été fait avec toutes les garanties dont il pouvait s'entourer, un notaire étant là pour les représenter et les conseiller ; la société Trigo Immo et Mme X... ne peuvent donc prétendre que leur consentement à la sous-location a été donné à la condition substantielle et déterminante que cette dernière ne puisse pas prétendre à un droit direct au renouvellement du bail principal après expiration ; il convient donc de réformer la décision déférée et de dire que la société Greenwich Optique était titulaire d'un droit direct au renouvellement du bail principal à compter du 1er janvier 2004 aux mêmes conditions que celles du contrat de sous-location du 19 mars 1997 ;
ALORS 1° QUE par acte extra-judiciaire du 30 mars 2004, les exposantes avaient expressément rétracté l'offre de renouvellement figurant au congé avec offre de renouvellement délivré le 25 juin 2003 ; qu'en considérant que le congé lui-même avait été rétracté, la Cour a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS 2° QUE l'offre de renouvellement dans un congé peut être rétractée s'il apparaît que le preneur n'est plus immatriculé au RCS ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la rétractation de congé délivrée par les exposantes ne se limitait pas à revenir sur l'offre de renouvellement, le congé étant pour sa part expressément maintenu, de sorte que le bail principal avait bien été résilié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-9 du code de commerce ;
ALORS 3° QUE la demande de renouvellement d'un bail commercial ne peut être faite que par signification d'acte extra-judiciaire ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Greenwich Optique ne s'était pas abstenue de respecter cette obligation de forme, de sorte que sa demande de renouvellement faite par voie de conclusions était irrecevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-10 du code de commerce ;
ALORS 4°, SUBSIDIAIREMENT, QUE le sous-locataire n'a pas de droit direct au renouvellement de son bail dès lors que le bail principal se poursuit ; que la cour d'appel a estimé que, du fait de la rétraction du congé, le bail principal s'était poursuivi ; qu'à supposer, pour le bénéfice de la discussion, cette affirmation exacte, la cour d'appel, en reconnaissant un droit direct au renouvellement à la société Greenwich Optique, a violé l'article L 145-32 du code de commerce ;
ALORS 5° ENFIN QUE l'erreur de droit peut constituer un vice du consentement ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Trigo Immo et Mme X... n'avaient pas autorisé la sous-location dans la croyance erronée, confortée par le contenu du contrat, que le sous-locataire n'aurait aucun droit au renouvellement, la simple présence d'un notaire étant indifférente, faute de constatation selon laquelle il aurait éclairé les exposantes sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil.