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09/03/2011 | FRANCE | N°09-67063

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mars 2011, 09-67063


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé verbalement à compter du 1er novembre 2001 par la société Sedac, exploitant le théâtre Dejazet, a été licencié le 15 octobre 2004 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il

exerce réellement, sauf accord non équivoque de surclassement ; que la simple mention sur le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé verbalement à compter du 1er novembre 2001 par la société Sedac, exploitant le théâtre Dejazet, a été licencié le 15 octobre 2004 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement, sauf accord non équivoque de surclassement ; que la simple mention sur le bulletin de paie d'une qualification professionnelle, dès lors que la rémunération correspondante n'a pas été versée, est insuffisante à elle seule à caractériser une volonté claire et non équivoque de l'employeur de surclasser l'intéressé ; qu'en décidant néanmoins qu'elle marquait l'engagement clair et non équivoque de l'employeur d'accorder cette qualification à son salarié, sans qu'il soit nécessaire de rechercher les fonctions réellement exercées, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que pour déterminer la catégorie professionnelle d'un salarié, il appartient au juge du fond de rechercher les fonctions qu'il exerce réellement ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette recherche et en se bornant à prendre en compte la qualification indiquée sur les bulletins de paie de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la convention collective des théâtres privés, l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1 al. 1) du code du travail et de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a, par une appréciation des éléments de preuve soumis à son examen, retenu qu'il résultait des bulletins de paie délivrés au salarié et des termes de la promesse d'embauche la volonté de l'employeur de lui attribuer les qualifications successives de régisseur son et régisseur lumière ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :

Vu les articles L. 1232-1, L. 1331-1 et L. 1332-4 du code du travail ;

Attendu que pour dire que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'intéressé a, par son comportement répété d'agressivité, de refus de prendre en compte les observations de ses supérieurs, des comédiens ou des compagnies de théâtre avec lesquels il travaillait à un poste particulièrement sensible pour le succès de la représentation, créé un trouble objectif dans le fonctionnement même du théâtre ; que l'accumulation des manquements à des obligations essentielles de son contrat de travail, comme les conséquences de ceux-ci sur les contrats passés par les compagnies et les comédiens avec le théâtre, constituent une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement, étant observé que la procédure engagée repose sur des motifs personnels et non sur des motifs disciplinaires, de sorte que l'argument tiré de la prescription des faits reprochés n'est pas pertinent ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le licenciement avait été prononcé pour motifs disciplinaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :

Vu l'article 10 de l'annexe "régisseurs" à la convention collective nationale des théâtres privés ;

Attendu, selon ce texte, que le droit à indemnité conventionnelle de licenciement du collaborateur n'est exclu qu'en cas de faute grave ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de ses demandes d'indemnité pour rupture abusive et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 9 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Sedac aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sedac à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Sedac.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société Sedac à payer à Monsieur X... une sommes à titre de rappel de salaire du 1er novembre 2001 au 17 janvier 2005 avec les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU' en l'absence de contrat de travail, les bulletins de paie délivrés par l'employeur pendant 3 ans doivent être considérés comme contractualisant les conditions d'emploi du salarié ; que lesdits bulletins de paie mentionnent une qualification de régisseur son jusqu'au mois d'avril 2002 puis à compter du mois de mai 2002, une qualification de régisseur lumière ; que les termes de la promesse d'embauche délivrée à Monsieur X... par le directeur du théâtre le 30 juillet 2001, confirment l'intention de l'engager comme technicien son et plateau ; qu'en conséquence, la rémunération du salarié doit être calculée sur la base de ces 2 qualifications successives, par référence à la grille des salaires minima conventionnels applicables à l'emploi régisseur son et lumière ou de scène ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement, sauf accord non équivoque de surclassement ; que la simple mention sur le bulletin de paie d'une qualification professionnelle, dès lors que la rémunération correspondante n'a pas été versée, est insuffisante à elle seule à caractériser une volonté claire et non équivoque de l'employeur de surclasser l'intéressé ; qu'en décidant néanmoins qu'elle marquait l'engagement clair et non équivoque de l'employeur d'accorder cette qualification à son salarié, sans qu'il soit nécessaire de rechercher les fonctions réellement exercées, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour déterminer la catégorie professionnelle d'un salarié, il appartient au juge du fond de rechercher les fonctions qu'il exerce réellement ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette recherche et en se bornant à prendre en compte la qualification indiquée sur les bulletins de paie de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la convention collective des théâtres privés, l'article L.1221-1 (anciennement L.121-1 al. 1) du Code du travail et de l'article 1134 du Code civil.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement prononcé par la société SEDAC à l'encontre de M. Benoît X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et n'avait pas un caractère disciplinaire ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait état d'une part d'un comportement irascible, incontrôlable, imprévisible et coléreux de M. X..., de retards et d'absences très importants, répétitifs et généralement non motivés, qui désorganisent le théâtre et d'un appel téléphonique des services de police le 5 février 2004 ; que la société SEDAC expose que M. X... a peu travaillé pour le théâtre parce que celui-ci faisait relâche d'avril à septembre, le salarié étant payé pendant cette période, et parce qu'il a eu de nombreux arrêts de maladie en l'espace de quelques mois, suivis de congés payés du 1er au 30 septembre 2004 ; qu'elle souligne que M.. VALAIS a été averti par courrier du 28 juillet 2003, mis à pied à titre conservatoire le 6 février 2004, en raison d'une nouvelle absence injustifiée et mis en garde le 28 juillet 2004, cette dernière absence ayant donné lieu par la suite à la remise d'un certificat médical ; qu'elle soutient que le comportement de son salarié n'a cessé de perturber le fonctionnement du théâtre, créant des difficultés avec les compagnies ; que la société SEDAC produit différentes attestations, de Mlle Farah Y..., comédienne, de M. Matthieu Z..., costumier, de M. Dominique A..., ancien employé à la régie technique et supérieur de M. X... depuis 2001 ; que de ce ces éléments, il résulte que M. X... a, par son comportement répété d'agressivité, de refus de prendre en compte les observations de ses supérieurs, des comédiens ou des compagnies de théâtre avec lesquels il travaillait à un poste particulièrement sensible pour le succès de la représentation, créé un trouble objectif dans le fonctionnement même du théâtre ; que l'accumulation des manquements à des obligations essentielles de son contrat de travail, comme les conséquences de ceux-ci sur les contrats passés par les compagnies et les comédiens avec le théâtre, constituent une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement, étant observé que la procédure engagée par l'employeur à l'encontre du salarié repose sur des motifs personnels et non sur des motifs disciplinaires, de sorte que l'argument tiré par M. X... de la prescription des faits reprochés n'est pas pertinent ;

1°/ ALORS QUE la qualification du licenciement diffère selon que ses motifs sont inhérents à la personne du salarié ou ne le sont pas ; que dans le premier cas il s'agit d'un licenciement pour motif personnel, que celui-ci soit prononcé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction sans faute reprochée , ou dans le cadre de son pouvoir disciplinaire avec faute reprochée ; qu'ainsi, le licenciement disciplinaire est, nécessairement, un licenciement pour motif personnel ; qu'en décidant dès lors, pour exclure les règles spécifiques de la prescription des faits, attachées au licenciement disciplinaire, qu'il ne s'agissait pas ici d'un licenciement disciplinaire mais d'un licenciement personnel, la cour, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé les articles L.1232-1 et L.1332-4 du code du travail ;

2°/ ALORS QUE le caractère répétitif des manquements reprochés dans la lettre de licenciement et l'indication de la gravité de certains d'entre eux, avec l'indication de ce que les griefs qui en sont tirés font suite à un ou des avertissements, place nécessairement le débat dans le cadre du licenciement disciplinaire ; qu'en l'espèce, outre qu'elle a reproché à M. X... son tempérament coléreux et les difficultés survenues avec d'autres professionnels, la lettre de licenciement lui fait grief, par cinq fois, de « retards et absences répétées », « très importants, répétitifs et généralement non motivés », « caus ant une très grave désorganisation des activités du théâtre », ainsi que d'actes de destructions volontaire et d'insubordination ; que l'ensemble de ces reproches sont des reproches de fautes ; que de surcroît la lettre de licenciement fait état de multiples « mises en garde », qui ont été, selon les propres conclusions de l'employeur (p.9), des avertissements écrits, séparés par une mise à pied à titre conservatoire, toutes mesures qui constituent des sanctions disciplinaires ; qu'enfin, la cour a elle-même constaté que « l'accumulation » de ces éléments constituait, de la part du salarié, et malgré ces sanctions, des « manquements à des obligations essentielles de son contrat de travail » ; qu'en décidant pourtant que le licenciement prononcé ne reposait pas sur des motifs disciplinaires, la cour a violé les articles L.1232-1, L.1331-1 et L.1332-4 du code du travail ;

3°/ ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner à lui seul lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la maladie du salarié n'a pas pour effet de suspendre ce délai ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il l'a soutenu dans ses écritures, M. X... a été en arrêt de maladie du 28 juillet 2004 au 1er septembre 2004, puis en congés payés jusqu'au 30 septembre 2004 ; que tous les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement sont antérieurs à son arrêt de maladie, M. X... ayant été convoqué à son retour de congés payés, le 1er octobre 2004, soit plus de deux mois après les faits tenus pour fautifs ; que les faits reprochés étaient donc prescrits ; qu'en refusant dès lors d'opérer ce constat et d'en tirer la conséquence que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour a violé l'article L.1332-4du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, infirmant le jugement rendu le 23 février 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris, en ce qu'il avait notamment condamné la société SEDAC à verser une somme de 5.215,93 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, débouté M. X... du surplus de ses demandes, lesquelles étaient en particulier relatives à ce complément ;

AUX MOTIFS QUE l'accumulation des manquements (par M. X...) à des obligations essentielles de son contrat de travail, comme les conséquences de ceux-ci sur les contrats passés par les compagnies et les comédiens avec le théâtre, constituent une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement, étant observé que la procédure engagée par l'employeur à l'encontre du salarié repose sur des motifs personnels et non sur des motifs disciplinaires ; que la décision des premiers juges doit en conséquence être infirmée et M. Benoît X... doit être débouté de ses demandes d'indemnités ;

1°/ ALORS QUE les parties peuvent convenir entre elles d'une indemnité dite "conventionnelle", soit qu'elle résulte du contrat de travail conclu, soit qu'elle résulte de l'application d'une convention collective ; que les termes de cette convention collective, lient le juge ; que l'article 10 de l'Annexe "Régisseurs" à la Convention collective nationale des théâtres privés, applicable en l'espèce, stipule qu'indépendamment du délai congé fixé à trois mois, « il sera alloué au collaborateur licencié, au moment de son licenciement, sauf dans le cas de faute grave dûment constatée, une indemnité distincte du préavis, tenant compte de son ancienneté dans l'établissement avec des directions successives ou dans des établissements différents avec la même direction » ; qu'il s'ensuit que M. X..., qui a été licencié pour une cause jugée réelle et sérieuse par la cour d'appel, sans qu'ait été retenue une faute grave à sa charge, avait droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement – qu'il a justement réclamée dans ses conclusions ; qu'en décidant de rejeter les demandes d'indemnités de M. X..., qui incluaient un complément d'indemnité conventionnelle sur le fondement du texte susvisé, et cela comme conséquence prétendue de ce qu'il avait été licencié pour cause réelle et sérieuse et pour motif personnel, la cour a violé l'article L.1232-1 du code du travail ;

2°/ ALORS QU'en décidant, contrairement aux premiers juges, de « débouter (M. X...) de ses demandes d'indemnités », qui incluaient la demande d'indemnité conventionnelle, et en refusant dès lors de la lui accorder, contrairement à son droit, la cour a violé l'article 10 de l'Annexe "Régisseurs " de la convention collective nationale des théâtres privés du 25 novembre 1977.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67063
Date de la décision : 09/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mar. 2011, pourvoi n°09-67063


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.67063
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