La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2009 | FRANCE | N°08/06079

France | France, Cour d'appel de Paris, 1ère chambre - section c, 09 avril 2009, 08/06079


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



1ère Chambre - Section C



ARRET DU 09 AVRIL 2009



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06079



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/01305







APPELANTE



Madame [H] [S] épouse [Z]

demeurant : [Adresse 2]

[Locali

té 3]

représentée par Me Bruno NUT, avoué à la Cour

assistée de Maître Laure BOULEGUE avocat au barreau de Paris Toque D

802



AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE

numéro 08/10372 du 19/03/2008

accor...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section C

ARRET DU 09 AVRIL 2009

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06079

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/01305

APPELANTE

Madame [H] [S] épouse [Z]

demeurant : [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno NUT, avoué à la Cour

assistée de Maître Laure BOULEGUE avocat au barreau de Paris Toque D

802

AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE

numéro 08/10372 du 19/03/2008

accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS

INTIME

Monsieur [R] [Z]

demeurant :[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me ETEVENARD Suppléante de Me HANINE,

avoué à la Cour

assisté de Maître Odile CHARBOIS,

avocat au barreau de Paris Toque C 1405

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2009, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-François PERIE, Président

Monsieur Patrick MATET, Conseiller

Madame Frédérique BOZZI, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Raymonde FALIGAND

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Madame ROUCHEREAU, avocat général

qui a développé oralement ses conclusions écrites

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Jean-François PERIE, Président

- signé par Monsieur Jean-François PERIE, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'ordonnance de la Cour d'appel de Paris du 27 mars 2009

Par jugement en date du 9 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Paris a dit exécutoire en France le jugement de divorce prononcé le 19 juillet 1994 par le tribunal d'AZAZGA (Algérie) entre M. [R] [Z] et Mme [H] [S], de nationalité française et algérienne, déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles formées par l'épouse, condamné cette dernière aux dépens ainsi qu'à verser à M. [Z] la somme de 1500 € pour résistance abusive et de 1500 € pour frais de procédure.

Appelante de ce jugement Mme [S] demande à titre principal, à la cour de l'infirmer et en particulier de dire n'y avoir lieu à exequatur du jugement algérien et à titre subsidiaire, au cas où il serait fait droit à la demande, de condamner M. [Z] au paiement des sommes de 500'000 €, au titre de la prestation compensatoire et de 1500 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de désigner le président de la chambre des notaires de [Localité 3] aux fins de procéder à la liquidation et au partage des intérêts matrimoniaux des époux.

Au soutien de son appel Mme [S] expose que les conditions de l'exequatur ne sont pas réunies puisque le tribunal n'était pas territorialement compétent pour prononcer le divorce, qu'elle n'a pas été informée de cette procédure à laquelle elle n'a pas été représentée et que M. [Z] n'a pas remis à l'appui de sa demande d'exequatur l'intégralité des pièces exigées par l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964. Elle précise à cet égard que le jugement algérien n'est pas authentique en ce qu'il présente des incohérences entre la date de l'introduction de la requête: le 16 novembre 1994 et la date du prononcé de la décision : le 19 juillet 1994 et qu'il fait mention d'un mariage célébré devant la municipalité alors qu'en Algérie, les mariages sont célébrés en mairie, le jugement comportant des ratures et une des copies produites n' ayant pas été traduite par un traducteur juré. Elle ajoute que ni la signification du jugement, ni la copie certifiée conforme de l'assignation n'ont été produites.

L'appelante fait également valoir que le divorce litigieux constituant en réalité une répudiation unilatérale de la femme par son mari, il ne peut qu'être déclaré contraire à la conception française de l'ordre public international. Elle considère être en droit, compte tenu de la disparité des situations existant entre elle-même et son mari, de voir condamner ce dernier au paiement d'une prestation compensatoire ainsi que de voir ordonner la liquidation des droits matrimoniaux, au cas où la cour confirmerait le jugement dont appel.

M. [Z] sollicite pour sa part de la cour qu'elle confirme la décision et qu'elle condamne Mme [S] à lui verser 2000 € au titre des dommages et intérêts du chef d'abus de procédure et 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il expose que le tribunal algérien était effectivement compétent, le mariage ayant été célébré en Algérie et lui-même résidant dans ce pays à l'époque à laquelle la requête a été déposée et que Mme [S] a effectivement été représentée à la procédure, celle-ci ne consistant nullement en une répudiation. Il observe par ailleurs que Mme [S] s'était prévalue du jugement litigieux pour faire déclarer irrecevable la requête en divorce qu'il avait ultérieurement présentée devant le juge français et qu'elle est dès lors malvenue à s'opposer à l'exequatur, son comportement excessivement procédurier justifiant qu'elle soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts, les demandes qu'elle a formées à titre subsidiaire, totalement infondées, devant être en outre, rejetées.

Le ministère public demande en ce qui le concerne, à la cour de confirmer le jugement entrepris, les conditions de l'exequatur posées par les dispositions de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, lui paraissant réunies.

Sur ce, la cour,

Considérant qu'une décision étrangère ne peut produire de plein droit autorité en France qu'à la condition d'être régulière et d'avoir été rendue conformément aux règles du droit international privé français et à celles édictées par les conventions internationales, lorsqu'elles existent, comme c'est le cas de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 applicable aux rapports juridiques entre la France et l'Algérie ; qu'en l'espèce M. [Z] a demandé à la cour de déclarer exécutoire en France le jugement du tribunal d'AZAZGA en date du19 juillet 1994;

Considérant que d'après l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à l'extradition, la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire :

- a) une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité;

- b) l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout autre à ce qui tient lieu de signification ;

- c) un certificat des greffiers compétents constatant qu'il n'existe contre la décision ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation ;

- d) une copie authentique de la citation de la partie qui a fait défaut à l'instance, en cas de condamnation par défaut ;

- e) le cas échéant, une traduction complète des pièces énumérées ci-dessus certifiées conformes par un traducteur assermenté agréé, conformément à la réglementation de l'État requérant ;

et que d'après l'article premier de la convention précitée, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses, rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit à l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre État si elles réunissent les conditions suivantes :

-a) la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans les cas où la décision doit être exécutée, ;

- b) les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, selon la loi de l'État où la décision a été rendue ;

- c) la décision est, d'après la loi de l'État où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ;

- d) la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicable dans cet État. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée;

Considérant que M. [R] [Z] a produit une copie du jugement du tribunal en langue arabe et sa traduction en français par M. [C] [P], expert traducteur- interprète et datée du 7 septembre 1994 ; que si cette pièce comporte quelque ratures notamment en ce qui concerne la date de la requête en divorce, rectifiée à la main et de modestes anomalies tenant à des maladresses de traduction, celles-ci n'ont pas pour effet de remettre en cause l'authenticité de la décision produite ;

que par ailleurs, Mme [S] qui s'est prévalue ainsi que cela ressort de l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 20 juin 2005, de l'autorité de la chose jugée acquise par le jugement de divorce litigieux, pour voir dire irrecevable la demande en divorce formée par son mari devant le juge français, est aujourd'hui malvenue à soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance de ce jugement, qu'il ne lui a pas été signifié et que la preuve de son caractère définitif n'est pas rapportée, dès lors que, au surplus, selon l'article 57 du code de la famille algérien, issu de la loi du 9 avril 1984 et complété par l'ordonnance du 27 février 2005, les jugements de divorce ne sont pas susceptibles d'appel, excepté en ce qui concerne leurs aspects matériels, le caractère irrévocable du divorce résultant de plus, de la mention qui en a été portée en marge des actes de l'état civil des époux tels que dressés sur les registres algériens ;

qu'il n'est donc pas contrevenu aux exigences de l'article 6 de la convention précitée ;

Considérant s'agissant de la compétence du juge algérien, que celle-ci s'apprécie, comme cela résulte de l'article premier a) de la Convention franco-algérienne ainsi que des principes généraux qui régissent la compétence internationale, selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'État où la décision doit être exécutée, et que, toutes les fois que la règle française de solution de conflits de juridiction n'attribue pas de compétence exclusive aux tribunaux français, comme c'est le cas en matière de divorce, le tribunal étranger doit être reconnu pour compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge est saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ;

Considérant que les deux époux étaient algériens lors de la saisine du tribunal d'AZAZGA, leur réintégration dans la nationalité française n'étant intervenue que le 9 février 2000 et qu'il n'est pas contesté que le mari vivait en Algérie au jour du dépôt de la requête ; que le litige présente donc des liens de rattachement suffisamment caractérisés à l'égard de l'Algérie, pour que la compétence de la juridiction algérienne puisse être reconnue, Mme [S] n'alléguant ni ne démontrant le caractère frauduleux du choix fait par M. [Z] de cette juridiction.

Considérant que l'examen du jugement litigieux fait apparaître que, contrairement à ses affirmations, Mme [S] a effectivement été représentée à la procédure par Me [T] [O] et qu'elle a refusé de comparaître à trois reprises à l'audience de conciliation, de même qu'elle a formé des demandes notamment aux fins de voir prononcer le divorce aux torts de son mari « avec octroi des droits subséquents », le tribunal ayant accueilli ses demandes, condamné le mari à lui verser 30'000 dinars pour divorce abusif et 8000 dinars au titre du délai de viduité et ayant au surcroît, confié la garde des enfants à la mère et prévu une pension alimentaire ainsi que les modalités d'exercice par le père des droits de visite et d'hébergement; que la procédure suivie par le juge algérien ne peut dès lors, être considérée

comme irrégulière;

Considérant enfin que l'examen de la décision étrangère ne fait pas apparaître que l'épouse ait fait l'objet d'une répudiation unilatérale par son mari; qu'il n'y a donc pas lieu de la dire contraire à la conception française de l'ordre public international;

Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont conféré l'exequatur au jugement du tribunal d'AZAZGA en date du 19 juillet 1994 et que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que les demandes subsidiaires qui tendent à voir ajouter au jugement étranger et partant, à en obtenir la révision laquelle est interdite au juge de l'exequatur, seront rejetées;

Considérant que Mme [S] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant qu'il n'est pas établi que Mme [S] ait agi par malice, intention de nuire ou erreur équipollente au dol; que la demande en réparation du préjudice formée de ce chef par M.[Z], ne peut être accueillie; que le jugement est infirmé sur ce point ainsi que sur l'octroi à M.[Z] d'une somme de 1500 € au titre des frais de procédure; que l'équité commande cependant que l'appelante soit condamnée à verser à l'intimé une indemnité de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par ces motifs,

- confirme le jugement en ce qu'il a accordé l'exequatur au jugement rendu par le tribunal d'AZAZGA le 19 juillet 1994 ;

- l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau:

- condamne Mme [S] à verser à M.[Z] une indemnité de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rejette tout autre demande ;

' condamne Mme [S] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT

R. FALIGAND J.F. PERIE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre - section c
Numéro d'arrêt : 08/06079
Date de la décision : 09/04/2009

Références :

Cour d'appel de Paris 1C, arrêt n°08/06079 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-04-09;08.06079 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award