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08/03/2011 | FRANCE | N°10-11976

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 mars 2011, 10-11976


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 décembre 2009), que la société PT Satu Tiga Enam Delapan a vendu à la société Frial en France des queues de crevettes ; que la marchandise empotée dans un conteneur réfrigéré a été prise en charge à Surabaya (Indonésie) sur le navire " Providence " par la société Ocean Overseas Container Line (OOCL) suivant connaissement du 24 juillet 2005 sous température de consigne de-18° C ; qu'après transbordement sur le navire " NYK Cas

tor ", les marchandises sont parvenues à destination au Havre le 20 août 2005 ; q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 décembre 2009), que la société PT Satu Tiga Enam Delapan a vendu à la société Frial en France des queues de crevettes ; que la marchandise empotée dans un conteneur réfrigéré a été prise en charge à Surabaya (Indonésie) sur le navire " Providence " par la société Ocean Overseas Container Line (OOCL) suivant connaissement du 24 juillet 2005 sous température de consigne de-18° C ; qu'après transbordement sur le navire " NYK Castor ", les marchandises sont parvenues à destination au Havre le 20 août 2005 ; que le 24 août 2005, les services vétérinaires du port du Havre ont constaté des températures au coeur du chargement de l'ordre de-7, 3° C à-12, 4° C et la présence de givre à l'intérieur des sachets de crevettes et refusé l'importation des marchandises sur le territoire de l'Union européenne ; qu'invoquant sa subrogation dans les droits de la société Frial, la société Allianz marine et aviation, aux droits de laquelle vient la société Allianz Global Corporate et Speciality France (la société Allianz), a assigné la société OOCL en paiement ; que cette dernière a appelé en garantie la société Générale de manutention portuaire (la société GMP) ;

Attendu que la société GMP fait grief à l'arrêt de sa condamnation à garantir la société OOCL de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Allianz, soit 83 049, 28 euros, outre intérêts au taux légal sur la somme de 78 996, 58 euros à compter du 12 juillet 2006, avec capitalisation des intérêts, et de sa condamnation à payer à la société OOCL 993, 44 euros en réparation de son préjudice propre, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne peuvent entacher leurs décisions d'une contradiction de motifs, qui équivaut à un défaut de motifs ; que dès lors, la cour d'appel, en jugeant que la société GMP ne rapportait pas la preuve de la défectuosité de la qualité de la marchandise qui lui avait été remise et en la déclarant par conséquent entièrement responsable des avaries, cependant, d'une part, qu'elle a adhéré aux conclusions des experts qui s'accordaient pour estimer que le conteneur fourni par la société OOCL était défectueux, et, d'autre part, qu'elle a constaté que le défaut de branchement du groupe réfrigérant n'expliquait pas, à lui seul, le dommage, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, équivalant à un défaut de motif, et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, s'agissant des opérations accessoires aux opérations de manutention proprement dites, le manutentionnaire de transport s'exonère totalement ou partiellement de la responsabilité, qui est présumée à son encontre quant aux pertes ou avaries aux marchandises transportées, s'il démontre l'existence de l'une des causes d'exonération admises par l'article 53 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ; que lorsqu'il est établi que le transporteur, tenu dans les mêmes termes que le manutentionnaire selon l'article 27 de la loi de 1966, a contribué au dommage, les juges doivent prononcer un partage de responsabilité ; que dès lors, en faisant peser sur la société GMP l'entière responsabilité du dommage en la condamnant à garantir intégralement la société OOCL, cependant qu'elle a constaté que cette dernière avait, à tout le moins, partiellement contribué au dommage en fournissant un conteneur défectueux et dont l'alarme ne fonctionnait pas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé les articles 53 b) 4° et 27 de la loi de 1966 par refus d'application ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'existe aucun élément permettant de dire que les crevettes n'étaient pas propres au transport pour avoir été remises encore chaudes ou, en tout cas, insuffisamment congelées au transporteur ; qu'il relève encore que lors de la garde du conteneur par la société GMP et après dépose du disque partlow le 22 août, le reffer log affichait des valeurs nettement inférieures à la température préconisée de-18° C, et enfin que la circonstance que l'alarme du groupe ne fonctionnait pas est sans incidence sur l'obligation de vigilance de la société GMP, celle-ci étant en mesure d'apprécier que le groupe de réfrigération ne fonctionnait pas correctement et de solliciter l'intervention d'un réparateur, ce qu'elle a fait tardivement ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu décider que la société GMP ne s'exonérait pas de la responsabilité de plein droit pesant sur elle, faute de démontrer que la perte procédait d'un cas excepté ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Générale de manutention portuaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Orient Overseas Container Line et la somme de 1 500 euros à la société Allianz Global Corporate et Speciality France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du huit mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour la société Générale de manutention portuaire

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société GMP à garantir la compagnie OOCL de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la compagnie ALLIANZ MARINE et AVIATION, soit 83. 049, 28 euros, outre intérêts au taux légal sur la somme de 78. 996, 58 euros à compter du 12 juillet 2006, avec capitalisation des intérêts, et d'avoir condamné la société GMP à payer à la société OOCL 993, 44 euros en réparation de son préjudice propre,

AUX MOTIFS QUE

" (…) Monsieur X..., retient qu'il s'est produit une interruption de fonctionnement d'environ 18 heures dans les journées repérées 19 (à 24 heures) et 20 sur le disque PARTLOW, interruption correspondant aux opérations de débarquement (débranchement, débarquement, mise à quai, transfert et branchement électrique sur secteur), mais que ces interruptions de fonctionnement ne peuvent être évitées, qu'elles sont liées aux opérations commerciales, que leur durée est en général inférieure à 12 heures, que l'élévation de température à coeur du chargement due à une interruption de fonctionnement du groupe pendant 24 heures n'est pas, dans les cas les plus défavorables, supérieure à 2° C maximum.

L'expert X... joint à son avis une note de calcul thermique tendant à démontrer que l'élévation de température, compte tenu de la température extérieure (suivant certificat de Météo France indiquant une température extérieure maximale de 16, 4° C) n'a pu être que de 2, 89° C au terme de 18 heures d'arrêt de fonctionnement.

OOCL réplique que le calcul théorique de la perte de valeur thermique repose sur une donnée inexacte – à savoir les températures sous abri données par Météo France alors que le container n'était pas sous abri, mais était au contraire exposé aux rayonnements solaires.

Sur ce point, le bulletin de Météo France précise, pour la journée du 20 août 2005, " alternance d'éclaircies et de passages nuageux accompagnées d'averses ", de sorte que, outre le fait que la température extérieure était relativement basse pour la saison, il y a lieu de retenir que le container n'a pas subi véritablement de rayonnement solaire ce jour là.

La société OOCL ne produit d'ailleurs elle-même aucun argument technique susceptible de contredire l'avis argumenté de l'expert X... concernant l'impact de l'arrêt de l'alimentation électrique du container sur la température des marchandises à coeur ; l'expert Z...ne s'est pas expliqué sur ce point et n'a d'ailleurs procédé à aucune analyse détaillée du disque PARTLOW pour la période du 20 au 22 août (…)

L'entreprise de manutention, s'agissant des opérations accessoires à son obligation de manutention proprement dite, et notamment s'agissant de la garde des containers à quai, est tenue, à l'égard de son mandant, d'une obligation de résultat et elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve d'un cas excepté.

Elle fait valoir à cet égard qu'après la reprise de l'alimentation électrique du container, soit postérieurement au 22 août, la température du container a subi des variations qui révèlent des anomalies de fonctionnement du groupe électrique ; qu'elle a d'ailleurs dû faire appel à un réparateur, contrairement à ce que la société de transport a indiqué à l'expert Z..., et que ce sont ces problèmes de fonctionnement qui n'ont pu être décelés avant la visite des services vétérinaires, du fait de l'absence d'alarme, qui sont à l'origine de leur décision de rejet. Il apparaît, en effet, qu'après dépose du disque PARTLOW le 22 août, le reffer log du container affichait les températures suivantes : 22/ 08 :-15° C ; 22/ 08 :-18° C ; 23/ 08 :-10° C ; 23/ 08 :-16° C ; 24/ 08 :-10° C, soit des valeurs nettement inférieures, pour la plupart, à la température préconisée de – 18° C. Or, la société GMP ne justifie pas avoir alerté la société de transport OOCL, ou encore avoir fait appel à un réparateur en présence de cette succession de températures supérieures à la valeur autorisée puisque ce n'est que le 26 août, soit postérieurement au contrôle des autorités sanitaires ayant décidé de refouler les marchandises, qu'elle justifie de l'intervention d'un réparateur, la société ASCOTT.

La société GMP prétend que ces valeurs ont été interprétées par elle comme correspondant aux phases normales de dégivrage, ce qui a été formellement exclu par l'expert Z...dans la conclusion de son rapport, et qui, compte tenu de la succession de températures supérieures à la valeur autorisée, ne peut effectivement correspondre aux phases de dégivrage ; l'expert X... ne retient d'ailleurs pas davantage cette hypothèse, puisqu'il évoque de son côté des anomalies de fonctionnement du groupe de réfrigération du container.

La circonstance, non contestée par la société OOCL, que l'alarme du groupe ne fonctionnait pas est sans incidence sur l'obligation de vigilance de la société GMP puisque, les températures affichées étant très sensiblement inférieures à celle recommandée, elle était en mesure d'apprécier que le groupe de réfrigération ne fonctionnait pas correctement et de solliciter l'intervention d'un réparateur, ce qu'elle a d'ailleurs fait, mais tardivement.

Il faut donc retenir que si une interruption d'alimentation électrique du container pendant 18 heures (du 19 au 20 août 2005) consécutive aux opérations de débarquement et de mise à quai n'a pu conduire à une baisse de la température au coeur du chargement, telle que celle relevée par les autorités sanitaires le 24 août 2005, en revanche, le fait que postérieurement, le container n'ait pu à nouveau atteindre de manière constante la température recommandée de – 18° C ne constitue pas pour l'entreprise de manutention un fait exonératoire de sa responsabilité dans la mesure où ce fait n'était ni imprévisible – la lecture du disque PARTLOW révélait la difficulté du groupe d'atteindre la température de consigne – ni surtout insurmontable, la société GMP pouvant sans difficulté faire intervenir un réparateur.

Il s'ensuit qu'en n'apportant pas aux marchandises qui étaient sous sa garde et dont elle ne rapporte pas la preuve qu'elles étaient de qualité défectueuse avant qu'elles lui soient remises, les soins requis pour leur conservation, l'entreprise GMP a failli à son obligation de résultat et ne peut invoquer aucun fait exonératoire ayant à son égard les caractères de la force majeure ",

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges ne peuvent entacher leurs décisions d'une contradiction de motifs, qui équivaut à un défaut de motifs ; que dès lors, la Cour d'appel, en jugeant que la société GMP ne rapportait pas la preuve de la défectuosité de la qualité de la marchandise qui lui avait été remise et en la déclarant par conséquent entièrement responsable des avaries, cependant, d'une part, qu'elle a adhéré aux conclusions des experts qui s'accordaient pour estimer que le conteneur fourni par la société OOCL était défectueux, et, d'autre part, qu'elle a constaté que le défaut de branchement du groupe réfrigérant n'expliquait pas, à lui seul, le dommage, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, équivalant à un défaut de motif, et ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile,

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, s'agissant des opérations accessoires aux opérations de manutention proprement dites, le manutentionnaire de transport s'exonère totalement ou partiellement de la responsabilité, qui est présumée à son encontre quant aux pertes ou avaries aux marchandises transportées, s'il démontre l'existence de l'une des causes d'exonération admises par l'article 53 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ; que lorsqu'il est établi que le transporteur, tenu dans les mêmes termes que le manutentionnaire selon l'article 27 de la loi de 1966, a contribué au dommage, les juges doivent prononcer un partage de responsabilité ; que dès lors, en faisant peser sur la société GMP l'entière responsabilité du dommage en la condamnant à garantir intégralement la société OOCL, cependant qu'elle a constaté que cette dernière avait, à tout le moins, partiellement contribué au dommage en fournissant un conteneur défectueux et dont l'alarme ne fonctionnait pas, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé les articles 53 b) 4° et 27 de la loi de 1966 par refus d'application.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-11976
Date de la décision : 08/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 10 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 mar. 2011, pourvoi n°10-11976


Composition du Tribunal
Président : Mme Pinot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11976
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