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02/03/2011 | FRANCE | N°09-67843

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2011, 09-67843


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Dumas Colinot et compagnie le 6 janvier 1982 en qualité de technicien ; qu'il a été nommé directeur administratif, puis gérant, avant de devenir président directeur général associé le 1er août 2001 ; qu'il a démissionné

de son poste d'administrateur le 29 novembre 2005 et a quitté la société le 28 février...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Dumas Colinot et compagnie le 6 janvier 1982 en qualité de technicien ; qu'il a été nommé directeur administratif, puis gérant, avant de devenir président directeur général associé le 1er août 2001 ; qu'il a démissionné de son poste d'administrateur le 29 novembre 2005 et a quitté la société le 28 février 2006, à la suite de sa cession ; qu'estimant la rupture des relations contractuelles imputable à la société Dumas Colinot et compagnie, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire que son départ de l'entreprise s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt relève que ce dernier a quitté l'entreprise le 28 février 2006 sans que ce départ n'ait fait l'objet d'aucune notification écrite émanant de l'une ou l'autre des parties, que sont versées aux débats une note établie le 15 mars 2006 par le nouveau président directeur général de la société, invitant le personnel de l'entreprise "à dîner" pour fêter le "départ à la retraite" de M. X..., ainsi que sept attestations de salariés précisant avoir participé à cette soirée "bon enfant" au cours de laquelle un cadeau de départ a été remis à l'intéressé, éléments de nature à démontrer, sans aucune ambiguïté, qu'il a quitté l'entreprise de son plein gré et sans aucune réserve même si le terme "retraite" a été utilisé improprement par l'employeur et les salariés pour désigner son départ ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants et sans caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin aux relations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Dumas Colinot et compagnie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dumas Colinot et compagnie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le départ de Monsieur Jean X... découlait d'un accord entre les parties, d'avoir dit et jugé qu'il n'y avait pas eu de licenciement et d'avoir en conséquence débouté Monsieur Jean X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'en droit, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que, dès lors qu'elle résulte d'une volonté claire et non équivoque, la démission rompt valablement le contrat de travail sauf pour le salarié à démontrer qu'elle a été obtenue à l'aide de procédés vexatoires sous la contrainte morale et qu'en conséquence, l'employeur est responsable de la rupture ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a quitté l'entreprise le 28 février 2006 et que ce départ n'a fait l'objet d'aucune notification écrite émanant de l'une ou l'autre des parties ; qu'il est versé aux débats la note établie le 15 mars 2006 par le nouveau PDG de la société, invitant le personnel de l'entreprise « à dîner » le 12 avril suivant et précisant que M. X... serait présent à cette soirée « pour arroser son départ à la retraite » ; que sept salariés attestent avoir participé à cette soirée et confirment qu'il s'agissait de fêter le départ à la retraite de M. X..., l'un d'eux précisant que la soirée a été « bon enfant », qu'il a été remis à M. X... un cadeau de départ et que celui-ci a remercié le personnel pour sa bonne collaboration durant les années passées ensemble ; que M. X... ne conteste pas l'objet de cette soirée ni son caractère convivial ; qu'il soutient avoir été « remercié » par l'employeur mais qu'il ne justifie d'aucun différend avec l'employeur à l'époque de son départ ni d'une quelconque attitude de celui-ci de nature à démontrer qu'il aurait cherché à obtenir son départ contre sa volonté ; qu'au contraire, la manifestation festive qui a été organisée et à laquelle il a participé est de nature à démontrer, sans aucune ambiguïté, qu'il a quitté l'entreprise de son plein gré et sans aucune réserve même si le terme « retraite » a été utilisé improprement par l'employeur et les salariés pour désigner son départ ; qu'il convient de relever qu'à la suite de son départ, M. X... n'a manifesté aucune réaction tendant à remettre en cause le caractère volontaire de sa décision, qu'il n'a formulé aucun grief à l'encontre de l'employeur et qu'il n'a prétendu auprès de l'employeur avoir été « remercié » que par une lettre du 28 mars 2007, soit quatorze mois après son départ ; que même si M. X... n'a rédigé aucune lettre de démission, son attitude lors de la rupture du contrat de travail, démontre que son départ, le 28 février 2006, résulte de sa volonté claire et non équivoque de rompre, à son initiative, le contrat de travail ; qu'il s'ensuit, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le contrat de travail a été ou non régulièrement maintenu pendant la période d'exercice du mandat social, que celui-ci a été, en tout état de cause, rompu par la démission du salarié ; une « lettre d'intention », signée par les repreneurs et Monsieur X... à l'occasion des pourparlers préalables à la cession de la société, avait d'ailleurs prévu que celui-ci « afin d'optimiser la transmission de l'entreprise » resterait dans l'entreprise jusqu'au 31 décembre 2005 ; que même si cette « intention » aurait pu être modifiée par le contrat définitif, comme le soutient M. X..., il reste qu'elle confirme la volonté de ce dernier de quitter l'entreprise ; que cette volonté est également corroborée par l'attestation de M. Y..., magasinier, selon lequel M. X... a annoncé la vente de la société et son départ en retraite en décembre 2005 ;
ET, AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QU'en novembre 2005, à la suite de la cession par les actionnaires de la société DUMAS COLINOT de leurs actions, M. X... a donné sa démission d'administrateur, mais il a continué à percevoir un salaire jusqu'en février 2006 ; qu'il convient de préciser que préalablement à la signature d'un compromis de cession d'actions, il avait été signé par M. X... une lettre d'intention qui précisait « Afin d'optimiser la transmission de l'entreprise, vous resterez jusqu'au 31 décembre 2005 à partir de la cession. Pendant cette période, notre principal objectif sera de rencontrer et de travailler ensemble avec vos clients. » ; qu'il faut remarquer que M. X... détenait près de 50 % des actions de la société, que les autres actionnaires étaient les membres de sa famille et que la totalité de ces actions a été de 1.850.000 euros ; que, par cette lettre d'intention, M. X... accepte de partir après la vente de la société, que même s'il pouvait prétendre avoir un contrat de travail, cette lettre constitue une rupture d'un commun accord entre les parties à ce contrat ; que le délai qui s'est écoulé entre la vente des actions et le départ effectif correspond à un délai raisonnable pour assurer une transmission ; que le « pot » organisé fin février est significatif du départ d'une « patron » qui cède son entreprise ; qu'en conséquence, M. X... est mal venu à prétendre que son départ résulte d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le Conseil de prud'hommes considère que le départ de l'intéressé est la conséquence d'une convention signée et acceptée par ce dernier et qu'il n'y a pas eu de licenciement ;
1°) ALORS QUE la démission, qui ne se présume pas, est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que la démission et la prise de retraite sont deux modes parfaitement distincts de rupture du contrat de travail ; qu'étant nullement établi, ni même soutenu, que Monsieur X... aurait quitté la SA DUMAS COLINOT pour prendre sa retraite, la Cour d'appel, qui, tout en relevant que l'employeur a utilisé improprement le terme de «retraite» pour présenter la rupture du contrat de travail de leur Président directeur général, notamment aux autres salariés de l'entreprise, qualifie néanmoins celle-ci de démission, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.1231-1 et L.1232-1 du Code du Travail, ensemble celles de l'article 1134 du Code Civil ;
2°) ALORS QUE la Cour d'appel, qui, pour considérer que le départ de Monsieur X... avait un caractère volontaire et était la conséquence d'une démission de sa part, s'est, en l'absence de tout écrit en ce sens, uniquement fondée sur les attestations de sept salariés, manifestement induits en erreur par l'entreprise lors d'un dîner organisé par celle-ci, quant à la véritable cause de la rupture du contrat de travail présentée abusivement par l'employeur comme un départ à la retraite, ce qu'admet, d'ailleurs, l'arrêt attaqué, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.1231-1 et L.1232-1 du Code du travail, ensemble celles de l'article 1134 du Code civil ;
3°) ALORS QU' en exigeant du salarié de justifier d'un différent avec son employeur à l'époque de la rupture du contrat de travail ou d'une attitude de ce dernier de nature à démontrer qu'il aurait cherché à obtenir son départ contre sa volonté, quand le fait même de sa démission était contesté par Monsieur X..., la Cour d'appel, dont la seule recherche, en ce cas, doit être celle de la manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de quitter son emploi, a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 et L.1232-1 du Code du travail, ensemble celles de l'article 1134 du Code civil ;
4°) ALORS QUE les dispositions relatives au licenciement ont un caractère d'ordre public impliquant que le salarié ne puisse renoncer par avance aux règles protectrices qui gouvernent la rupture de son contrat de travail ; qu'en considérant que la lettre d'intention préalable à la cession de ses titres dans la société DUMAS COLINOT, signée par Monsieur X... au mois de novembre 2005, révélait son intention future de démissionner de ses fonctions salariées, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.1231-4 du Code du travail ;
5°) ALORS QUE le fait même que Monsieur X... ait continué à percevoir un salaire jusqu'en février 2006 et qu'il ait produit des fiches de paye, révélait incontestablement sa qualité de salarié au sein de la société DUMAS COLINOT jusqu'à cette date ; qu'en dehors de toute manifestation de volonté claire et sans équivoque du salarié de rompre son contrat de travail, sa démission ne saurait s'induire de la cession des parts sociales qu'il détenait dans le capital de son entreprise ; qu'en considérant, néanmoins, qu'il existait une relation de cause à effet entre la cession de ses parts intervenue en novembre 2005 et le départ involontaire de Monsieur X... de la SA DUMAS COLINOT en février 2006, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.1231-1 et L.1232-1 du Code du travail, ensemble celles de l'article 1134 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67843
Date de la décision : 02/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 12 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2011, pourvoi n°09-67843


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.67843
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