LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;
Attendu que le salarié, qui demande le paiement d'heures de coupure en les qualifiant de périodes de travail effectif, doit rapporter la preuve qu'il était pendant ces heures à la disposition de l'employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 1er septembre 2000, par plusieurs contrats à durée déterminée, en qualité de conducteur de tourisme par la société Glaude transports service ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ;
Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt énonce que l'employeur n'ayant pas produit de décompte des divers temps de travail effectués par le salarié ni les disques de chronotachygraphe pour justifier des heures de coupure, il convient de retenir que les heures qualifiées par lui d'amplitude constituent des heures de travail effectif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que compte tenu des dispositions de l'avenant n° 1 à l'accord d'entreprise du 28 décembre 2000 relatif à la réduction du temps de travail prévoyant une rémunération minimale mensuelle garantie sur la base de 190 heures mensuelles incluant 38, 33 heures de coupure indemnisées à 100 % du taux salarial horaire, il incombait au salarié d'établir qu'il se trouvait au cours de ces coupures à la disposition de l'employeur et dans l'impossibilité de vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les trois autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Glaude transports service et la SCP Jean-Marie Taddei-Jean-Patrick Funel, ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société GLAUDE TRANSPORTS SERVICE à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de majorations sur heures supplémentaires, de congés payés sur majorations sur heures supplémentaires et de repos compensateurs, D'AVOIR ordonné la remise par la société GLAUDE TRANSPORTS SERVICE de bulletins de paie rectifiés en conformité avec l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d'une année à compter de la demande en justice ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'ancien article L. 212-4 alinéa 1 (nouvel article L. 3121-1) du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que l'accord du 18 avril 2002 rattaché à la Convention collective nationale des transports routiers en date du 21 décembre 1950 définit en son article 4 le temps de travail effectif des conducteurs, qui comprend les temps de conduite, les temps de travaux annexes et les temps à disposition ; qu'il prévoit par ailleurs, en son article 7, que les temps de coupures, inclus dans l'amplitude de la journée de travail et qui ne sont pas des temps de travail effectif, sont indemnisés à 25 % du temps correspondant si les coupures se déroulent dans un dépôt aménagé dédié aux conducteurs de l'entreprise et à 50 % si elles se déroulent dans tout autre lieu extérieur ;
que l'employeur soutient qu'il a été conclu un accord d'entreprise propre à la société GTS, dont l'activité est essentiellement fondée sur le tourisme réceptif (congrès, séminaires, etc.) générateur de temps de conduite réduits et de nombreux temps de coupures, et qu'aux termes de cet accord, les temps de coupures sont indemnisés à 100 %, soit le double de ce qui est prévu par l'accord de branche du 18 avril 2002 ; qu'il produit l'avenant n° 1, conclu le 28 décembre 2000, à l'accord relatif à la réduction du temps de travail en date du 26 mai 2000, lequel avenant prévoit une rémunération minimale mensuelle garantie au titre de 151. 67 heures de travail complétée par une indemnité d'amplitude calculée sur la base de 100 % du taux salarial horaire pour chaque heure d'amplitude ; qu'il ressort de l'ensemble des bulletins de paie produits par l'appelant que Monsieur Daniel X... a perçu chaque mois, à compter du mois de septembre 2000, une rémunération calculée sur la base de 151. 67 heures mensuelles ou sur son temps de travail effectif et complétée par une indemnité d'amplitude calculée par l'application du taux horaire brut non majoré au nombre d'heures d'amplitude variant d'un mois sur l'autre ; qu'il y a lieu d'observer que le salarié n'a pas perçu une rémunération lissée ;
qu'il n'a pas été appliqué au salarié un régime de modulation du temps de travail, lequel n'a été, en tout état de cause, instauré au sein de l'entreprise que par le protocole d'accord précisant le système de rémunération et accord de modulation applicable aux conducteurs de la société GTS en date du 10 juin 2005 (le document produit par le salarié, daté en dernière page du 28 juin 2002, précise que cet accord s'applique à compter du 1er avril 2007, l'avenant n° 1 à l'accord relatif à la réduction du temps de travail qui instaure une rémunération minimale garantie ne prévoit pas un régime de modulation du temps de travail) ; que les observations des parties sur la licéité de l'accord d'entreprise du 10 juin 2005 et sa conformité aux dispositions conventionnelles sont sans intérêt compte tenu que les réclamations salariales de Monsieur X... portent sur une période antérieure à cet accord, de septembre 2000 à novembre 2004 ; que Monsieur Daniel X... discute la véracité des tableaux mensuels des horaires produits par l'employeur sur la période de mars à novembre 2004 et produit des « relevés des heures » au nom de « X... » des mois de septembre 2000 à novembre 2004 (sur les mois d'embauche du salarié) ;
qu'il y a lieu de relever que, sur les bulletins de salaire produits par l'appelant sur la période de septembre 2000 à novembre 2004, le nombre d'heures d'amplitude indemnisées correspond à celui mentionné sur les relevés produits par le salarié avec le plus souvent un décalage d'un mois ; qu'il résulte de la comparaison des documents produits par le salarié que « les relevés d'heures » qu'il verse aux débats sont authentiques alors que l'employeur ne justifie pas de l'authenticité des relevés qu'il produit sur la seule période de mai 2004 à novembre 2004 (les heures d'amplitude ne correspondant pas à celles mentionnées sur les bulletins de paie) ; qu'à partir de ses propres relevés d'heures, Monsieur Daniel X... présente un calcul d'heures supplémentaires en retenant chaque mois comme heures travaillées la totalité des heures d'amplitude, soutenant que l'employeur a faussement qualifié d'heures d'amplitude des heures de travail effectif pour les payer au taux non majoré du salaire horaire ; que la SAS GLAUDE TRANSPORTS SERVICE, qui a qualifié certaines des heures comprises dans l'amplitude de travail d'heures d'amplitude, indemnisées à 100 % du taux horaire salarial non majoré, ne verse aucun décompte des heures de travail effectif, des heures pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l'employeur et des heures de coupures pendant lesquelles le salarié vaque librement à ses occupations ;
qu'elle se contente de verser quelques « billets collectes » des 26 janvier, 7 février, 13 février et 9 mars 2006 au nom de différents conducteurs, lesquels billets précisent tout au plus l'heure de rendez-vous et de prise en charge du client ainsi que l'heure de « dépose estimée du client » sans apporter aucune précision sur les temps à disposition et les temps de coupures en journée des conducteurs, ainsi qu'un document présentant à titre de modèle la décomposition des temps d'un conducteur de tourisme ;
qu'elle ne fournit pas les disques chrono tachygraphes, dont la communication a pourtant été réclamée par Monsieur Daniel X..., aux fins de vérifier les modalités de décompte du-temps de travail effectif et des temps de coupures, étant rappelé que l'employeur est tenu de remettre au conducteur qui en fait la demande une copie des feuilles d'enregistrement de l'appareil de contrôle ayant servi de base à l'élaboration de ses bulletins de paie en vertu des dispositions du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes (article 10) ; qu'à défaut pour l'employeur de produire un décompte du temps de travail du salarié et de justifier de la réalité des heures qualifiées par lui d'((heures d'amplitude » et au vu des bulletins de salaire de Monsieur X..., il convient de réformer le jugement sur ce point et de retenir que les heures qualifiées d'amplitude constituent des heures de travail effectif ;
qu'il y a lieu d'observer que l'ensemble des heures mentionnées sur les bulletins de salaire de Monsieur X... (heures de travail correspondant au salaire de base + heures d'amplitude avec un décalage d'un mois) ont été rémunérées aux taux horaire normal et que c'est à tort que l'appelant présente un calcul distinguant les heures supplémentaires payées mais non majoré, es et les heures supplémentaires non payées ; que seules les majorations sur heures supplémentaires sont dues au salarié ; qu'au titre des majorations sur heures supplémentaires, il y a lieu d'accorder à Monsieur Daniel X... les sommes brutes suivantes : 858, 31 € (soit 5630, 20 F) au titre de 44, 64 heures majorées à 10 %, 34, 64 heures majorées à 25 % et 198, 96 heures majorées à 50 % en 2000, 883, 47 € (soit 5795, 22 F) au titre de 366, 12 heures supplémentaires en 2001, 1116, 96 € au titre de 369, 83 heures supplémentaires en 2002, 1532, 49 € au titre de 486, 46 heures supplémentaire s en 2003, 2432, 82 € au titre de 748, 82 heures supplémentaires en 2004, soit au total la somme de 6824, 05 € au titre des majorations sur heures supplémentaires ainsi que la somme de 682, 40 € au titre des congés payés y afférents ;
que l'appelant présente un décompte des repos compensateurs sur heures supplémentaires accomplies au-delà de 41 heures hebdomadaires, calculé sur la totalité des heures supplémentaires exécutées annuellement alors que les heures supplémentaires ouvrant droit à un repos compensateur de 50 % du temps de travail sont celles effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel (contingent de 195 heures en 2000, 2001 et 2002, de 150 heures en 2003 et de 130 heures en 2004), les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel ouvrant droit à un repos compensateur égal à 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés ; qu'il convient d'allouer à Monsieur Daniel X... la somme de 2182, 81 € titre des repos compensateurs sur heures supplémentaires accomplies au-delà de 41 heures hebdomadaires à l'intérieur du contingent conventionnel, soit : 533, 57 € (3500 F) de repos compensateurs en 2000, 432, 19 € (2835 F) de repos compensateurs en 2001, 385, 82 € de repos compensateurs en 2002, 444, 42 € de repos compensateurs en 2003, 386, 81 € de repos compensateurs en 2004, ainsi que la somme de 11117, 08 € au titre des repos compensateurs sur heures supplémentaires effectuées audelà du contingent conventionné » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE selon l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il appartient ainsi au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il résulte cependant de l'arrêt que le salarié s'est borné à soutenir, sans le moindre élément de preuve au soutien de cette affirmation, que l'employeur avait faussement qualifié d'heures d'amplitude les heures excédant la base de 151, 67 heures et rémunérées à 100 % du taux salarial horaire sur ses bulletins de paie ; qu'en faisant droit à la demande du salarié au titre des majorations pour heures supplémentaires sur cette base, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en reprochant à la Société GLAUDE TRANSPORTS SERVICE de ne pas justifier de la réalité des heures d'amplitude dont le principe était pourtant admis par les accords collectifs en vigueur dans l'entreprise, la cour d'appel a fait peser sur cette dernière l'intégralité de la charge de la preuve, en violation des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'activité de la Société GLAUDE TRANSPORTS SERVICE consistant à assurer le transport et le transfert de congressistes n'amenait pas les chauffeurs à bénéficier de nombreux temps de coupures pendant lesquels ils étaient libres de vaquer à des occupations personnelles, sans avoir à se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN QUE la contradiction de motifs est équivalente à un défaut de motifs ; que s'est contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui a constaté dans un premier temps que la société GTS avait produit des tableaux mensuels des horaires quotidiens du salarié pour la période de mai à décembre 2004, en précisant que ces tableaux distinguaient les temps de travail effectif et les temps de coupure (arrêt attaqué, p. 5), et retenu dans un second temps que l'employeur n'avait pas produit de décompte du temps de travail du salarié (arrêt attaqué, p. 6).