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17/02/2011 | FRANCE | N°10-16787

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 février 2011, 10-16787


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 février 2010), que
le 6 décembre 2005, Pierre X..., fonctionnaire territorial, est décédé des suites d'un accident de la circulation dans lequel seul son véhicule, assuré auprès de la société GMF, était impliqué; que Mme Y..., veuve X..., a demandé, pour elle-même et ses deux enfants, Nicolas et Sophie X... (les consorts X...) le bénéfice de la clause "garantie conducteur" ouvrant droit

, en cas de décès imputable à l'accidenté, à la couverture du préjudice économique...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 février 2010), que
le 6 décembre 2005, Pierre X..., fonctionnaire territorial, est décédé des suites d'un accident de la circulation dans lequel seul son véhicule, assuré auprès de la société GMF, était impliqué; que Mme Y..., veuve X..., a demandé, pour elle-même et ses deux enfants, Nicolas et Sophie X... (les consorts X...) le bénéfice de la clause "garantie conducteur" ouvrant droit , en cas de décès imputable à l'accidenté, à la couverture du préjudice économique du conjoint et des personnes à sa charge ; qu'estimant insuffisantes les offres de l'assureur, le 12 novembre 2007, les consorts X... ont assigné la société GMF devant un tribunal de grande instance en paiement, notamment à ce titre, de la somme de 190 904,66 euros à Mme X..., de celle de 14 410,10 euros à M. Nicolas X... et de celle de 6 445,60 euros à Mlle Sophie X... ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait condamné la société GMF à payer la somme de 4 559,25 euros à Mlle Sophie X... et celle de 10 089,58 euros à M. Nicolas X..., de fixer le préjudice économique de Mme X... à la somme de 62 610,97 euros et de condamner la GMF à payer à celle-ci cette somme ;

Mais attendu qu'après avoir procédé à la recherche prétendument omise, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'aléa correspondant aux perspectives de carrière de la victime que la cour d'appel a retenu que celui-ci était trop important pour permettre de retenir le montant de revenu annuel revendiqué ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la GMF à payer la somme de 4.559,25 euros à Sophie X... et celle de 10.089,58 euros à Nicolas X..., d'avoir fixé le préjudice économique de Madame Françoise X... à la somme de 62.610,97 euros et d'avoir condamné la GMF à payer à Madame Françoise X... la somme de 62.610,97 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la GMF ne conteste pas devoir, au titre de la garantie individuelle conducteur souscrite, l'indemnisation des préjudices économiques de Madame X... ainsi que ceux de Sophie et Nicolas X... ; qu'il résulte des conditions générales du contrat d'assurance que l'indemnisation des préjudices économiques doit se faire selon les règles du droit commun de l'indemnisation ; que le décès du conjoint survivant engendre pour le conjoint survivant et les enfants un préjudice économique dont le processus d'évaluation consiste à rechercher la perte annuelle pour les survivants et à la répartir entre eux en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient y prétendre ; qu'il résulte des pièces du dossier que Monsieur X..., âgé de 47 ans au moment du décès, était éducateur sportif, fonctionnaire territorial et percevait un salaire mensuel de 1.694 euros ; que Madame X... et ses enfants demandent qu'il soit tenu compte de l'évolution de carrière que Monsieur X... aurait connu s'il n'était pas décédé, évolution quasi automatique s'agissant d'un fonctionnaire ; qu'il convient d'écarter cette méthode de calcul en raison du caractère aléatoire de la perte de chance d'une amélioration de carrière interrompue prématurément par le décès accidentel de Monsieur X... ; que le revenu annuel global du ménage était à la date du décès de 21.395 euros + 28.204 euros = 49.727 euros ; que l'on peut estimer la part de consommation personnelle du mari à 20 % soit 9.945,50 euros ; qu'il reste 39.781,60 euros ; que les revenus de l'épouse qu'elle perçoit encore doivent être déduits de cette somme ; que la somme de 11.577,60 euros constitue la perte patrimoniale annuelle du conjoint survivant et des enfants ; qu'elle sera partagée à hauteur de 60 % pour la veuve et de 20 % pour chacun des enfants soit 6.646,56 euros (en réalité 6.946,56 euros) pour Françoise X... et 2.315,52 euros pour Sophie et Nicolas X... ; que ces pertes annuelles seront capitalisées selon les modalités de la table de capitalisation publiées à la Gazette du Palais (7-9 novembre 2004) ; que le préjudice économique et perpétuel de Françoise X... sera capitalisé en fonction du barème de capitalisation des rentes viagères compte tenu de l'age du défunt au jour du décès soit 6.946,56 x 19,402 = 134.777,16 euros, dont il convient de déduire la pension de réversion de 72.167,08 euros soit un solde de 62.610,07 euros que le préjudice économique de Sophie X..., âgée de 23 ans lors du décès de son père, est limité à la période courrant de la date du décès à l'âge de 25 ans, âge auquel on peut estimer qu'elle sera autonome soit 2.315,52 x 1,969 = 4.559,26 euros ; que le préjudice de Nicolas X..., âgé de 20 ans au moment du décès, sera limité à 5 ans courant du décès à son 25e anniversaire soit 2.315,52 x 4.690 = 10.859,59 euros, dont il convient de déduire la rente d'orphelin de 770,20 euros soit un solde de 10.089,56 euros ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des pièces du dossier que Monsieur X..., âgé de 47 ans, au moment de son décès, était éducateur sportif de 1re classe 5e échelon, fonctionnaire territorial et que la reconstitution théorique de sa carrière démontre qu'il pouvait prétendre théoriquement à atteindre le 1er juillet 2015, date de son départ à la retraite, le 7e échelon (IM 514) ; que le contrat d'assurance prévoit dans ses conditions générales que l'indemnisation des préjudices économiques doit se faire selon les règles du droit commun de l'indemnisation ; qu'en vertu de cette règle, il convient de rappeler que le préjudice patrimonial des proches de la victime est constitué par les pertes de revenus de celle-ci ; que le processus d'évaluation de ce préjudice consiste à rechercher la perte annuelle pour les survivants, à la répartir entre eux, en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient normalement y prétendre ; que le revenu annuel global du ménage à la date du décès est de 49.727 euros (21.523 euros + 28.204 euros) ; que la demande des consorts X... consiste à appliquer un revenu annuel égal à la somme perçue en fin de carrière, soit 27.926,43 euros soit 6.444,43 euros de plus par an par rapport au revenu annuel au moment du décès ; que cette évaluation qui arrive à majorer d'une très forte somme le revenu annuel de Monsieur X... n'est pas compatible avec le principe selon lequel l'évaluation doit se faire in concreto ; que la majoration sollicitée ne résulte que de l'hypothèse aléatoire que Monsieur X... aurait terminé sa carrière, 10 ans plus tard, dans les mêmes fonctions et auprès du même employeur ; que l'aléa est trop important sur l'évolution de la carrière pour permettre de retenir un revenu annuel de 27.967,43 euros qui n'aurait été de toutes façons obtenu qu'en fin de carrière et qui ne correspond pas à la réalité du revenu perçu au moment du décès ; qu'il convient donc de retenir un revenu annuel du couple de 49.727 euros d'où sera déduite la part de dépenses personnelles du défunt, soit 20 % ; qu'il reste un solde de 39.781,60 euros, que de cette somme seront déduits les revenus de l'épouse, d'où un solde de 11.577,60 euros ; que cette somme de 11.577,60 euros constitue la perte patrimoniale annuelle du conjoint survivant et des enfants ; qu'il convient de partager cette perte annuelle ; que ce partage peut s'effectuer selon la demande faite à hauteur de 60 % pour Madame X... et 20 % pour chacun des enfants ; qu'il s'en déduit que Madame X... obtiendra la somme de 6.946,56 euros, qui sera capitalisée ; que pour Mademoiselle X..., le préjudice économique est limité à 2 ans ; que la part des ressources disponibles est fixée à 20 % ; que l'indemnisation s'établit à 2.315,52 euros x 1,969 = 4.559,25 euros ; que pour Nicolas X... dont la part de ressources est également fixée à 20 %, ce préjudice est limité à 5 ans, courant du décès à son 25e anniversaire ; que le capital dû est de 2.315,52 7 euros x 4,690 = 10.859,78 euros, dont il convient de déduire la rente d'orphelin de 770,20 euros soit un solde de 10.089,58 euros ;

ALORS QUE, D'UNE PART, l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance peut présenter en lui-même un caractère certain et direct chaque fois qu'est constatée la disparition de la probabilité d'un évènement favorable, telle que celle d'évolution favorable de la carrière professionnelle ;qu'en refusant de tenir compte, dans l'évaluation de l'indemnité due au titre du contrat d'assurance prévoyant l'indemnisation des préjudices économiques des ayants droit selon les règles du droit commun, de l'évolution de carrière que Monsieur X... aurait connue s'il n'était pas décédé, «en raison du caractère aléatoire de la perte de chance d'une amélioration de carrière interrompue prématurément par le décès accidentel de Monsieur X...», la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, les consorts X... avaient produit une attestation du centre départemental de gestion de la fonction territoriale de Tarn et Garonne décrivant le déroulement théorique de la carrière de Monsieur X... à compter de son décès ; qu'ils avaient fait valoir que, depuis sa titularisation en avril 1992, il avait progressé d'échelon en échelon de façon continue et régulière et qu'il était prévisible que son évolution de carrière dans la fonction publique se serait ainsi poursuivie ; qu'en se bornant à retenir que cette évolution de carrière était trop aléatoire, sans rechercher si les consorts X... ne rapportaient pas la preuve que le défunt avait perdu une chance réelle et sérieuse d'accéder à un niveau supérieur de rémunération qui aurait eu une incidence sur les subsides dont ses proches ont été privés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-16787
Date de la décision : 17/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 fév. 2011, pourvoi n°10-16787


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16787
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