LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper, 11 janvier 2010) rendu en dernier ressort, que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (la caisse) estimant que les soins facturés à une assurée par Mme X..., infirmière libérale, avaient été prodigués par un service de soins infirmiers pour personnes âgées, a émis contre l'infirmière un titre exécutoire pour recouvrer les prestations servies ; que Mme X... a contesté ce titre ;
Attendu que la caisse fait grief au jugement attaqué d'accueillir le recours de Mme X..., alors, selon le moyen, qu'il appartient au juge de vérifier la régularité de sa saisine ; que la fin de non-recevoir tenant au délai pour exercer un recours doit le cas échéant être relevée d'office par le juge en application de l'article 125 du code de procédure civile ; de sorte qu'en accueillant la contestation d'indu de Mme X..., fondée sur la simple lettre de relance du 5 août 2008, sans vérifier si le professionnel se trouvait toujours dans le délai pour exercer un recours à l'encontre de la demande de remboursement, au regard notamment de la mise en demeure de procéder au remboursement de l'indu qui lui avait été adressée le 30 mai 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale a méconnu son office au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que le tribunal des affaires de sécurité sociale ayant compétence exclusive en application des articles L. 133-4 et L. 142-2 du code de la sécurité sociale pour apprécier le bien fondé de l'action en recouvrement et ce recours n'étant pas mentionné par le titre exécutoire ni par la mise en demeure invoquée par le moyen, aucun délai de forclusion n'a pu courir contre Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse nationale militaire de sécurité sociale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux conseils pour la caisse Nationale militaire de sécurité sociale ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir dit Mme X... recevable et bien fondée dans son recours visant à contester l'existence d'un indu de prestations d'un montant de 2.719,32 €, objet d'un titre exécutoire n° 1433 du 2 août 2007 et débouté la CNMSS de sa demande de remboursement de cette somme ;
AUX MOTIFS QUE le recours de Mme X... consiste en une contestation d'une somme de 2.719,32 € qui lui est réclamée par lettre de l'agent comptable de la CNMSS du 5 août 2008, représentant des frais de soins infirmiers dont le remboursement lui est demandé à titre d'indu ;
Que les litiges concernant des prestations sociales sont bien de la compétence du Tribunal des affaires de sécurité sociale et le recours apparaît donc recevable, nonobstant l'indication figurant au pied de la copie du titre exécutoire, jointe au courrier de réclamation du 2 septembre 2008, dont le bien fondé juridique resterait à démontrer ;
ALORS QUE il appartient au juge de vérifier la régularité de sa saisine ; que la fin de non-recevoir tenant au délai pour exercer un recours doit le cas échéant être relevée d'office par le juge en application de l'article 125 du Code de procédure civile ;
De sorte qu'en accueillant la contestation d'indu de Mme X..., fondée sur la simple lettre de relance du 5 août 2008, sans vérifier si le professionnel se trouvait toujours dans le délai pour exercer un recours à l'encontre de la demande de remboursement, au regard notamment de la mise en demeure de procéder au remboursement de l'indu qui lui avait été adressée le 30 mai 2007, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a méconnu son office au regard du texte susvisé, ensemble l'article L 133-4 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QU'EN TOUT ETAT en s'abstenant de répondre aux conclusions de la caisse de sécurité sociale, faisant valoir qu'à défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable la contestation directement portée devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale était irrecevable, conclusions pourtant déterminantes sur l'issue du litige, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir dit Mme X... fondée dans son recours visant à contester l'existence d'un indu de prestations d'un montant de 2.719,32 euros, objet d'un titre exécutoire n°1433 du 2 août 2007, et partant d'avoir débouté la CNMSS de sa demande de remboursement de cette somme, non justifiée ;
AUX MOTIFS QUE au fond, il appartient à la Caisse d'apporter la preuve de l'existence de l'indu qu'elle invoque, contesté par Mme X... qui affirme avoir bien effectué les actes facturés ;
Qu'il faut observer tout d'abord que le contrôle a posteriori à la base de la constatation de cet indu litigieux a été réalisé tardivement, soit près de trois ans après la période des soins en litige, alors que la bénéficiaire des soins était décédée et que Mme X... avait elle-même quitté la région, ce qui la place dans l'impossibilité d'apporter la preuve de l'existence des actes facturés par le témoignage de Mme Y... ellemême, et de son voisinage, et celui du médecin prescripteur ;
Que par ailleurs, comme le souligne Mme X..., il n'est pas concevable – sauf erreur grave de sa part – que la CNMSS lui ait télétransmis le règlement de soins quotidiennement assurés à Mme Y... du 1er décembre 2003 au 7 mars 2004, sans avoir été au préalable en possession d'une prescription médicale et d'une démarche de soins ayant reçu l'accord préalable de son service médical ;
Qu'enfin, la CNMSS ne peut avancer comme preuve a contrario de cet indu le fait que les soins de Mme Y... étaient assurés par le service de soins à domicile de personnes âgés à la même époque ;
Que des fiches d'intervention produites par ce service semblent l'établir en effet, quoiqu'insuffisamment précises (pas de mention de l'année et noms des mois souvent illisibles) ; qu'il en résulte cependant que ce service intervenait seulement chez Mme Y... le matin, pour le lever, les heures et la durée d'intervention étant notés jour par jour ; que la prestation de «coucher» et des horaires du soir n'y sont par contre jamais cochés ni mentionnés ;
Qu'or, Mme Y..., née en 1909, atteinte d'une maladie exonérante et âgée de 95 ans, avait nécessairement besoin de soins et d'aide lors de son coucher comme de son lever ;
Qu'il apparaît ainsi très vraisemblable que Mme X... ainsi qu'elle l'affirme (sans pouvoir elle-même en justifier en raison de l'ancienneté des faits et du décès de Mme Y...), soit intervenue auprès de celleci pour les soins et aide nécessités par le coucher, au vu d'une prescription médicale, sans laquelle la CNMSS n'aurait en tout état de cause pu lui télétransmettre le règlement des prestations dont elle lui demande aujourd'hui le remboursement ;
Que dans ces conditions, il convient de constater que la CNMSS ne rapporte pas de preuve véritable de l'indu de prestations de 2.719,32 € (objet du titre exécutoire n°1433 du 2 août 2007) réclamé à Mme X... ;
Que celle-ci doit en conséquence être déclarée fondée dans son recours ;
ALORS QUE lorsque les éléments produits par l'organisme de sécurité sociale permettent de présumer l'absence de réalisation d'un acte, il appartient au professionnel d'établir que celui-ci a bien été réalisé ;
Qu'en l'état des éléments produits par la CNMSS, démontrant que les soins de Mme Y... étaient assurés à la même époque par le service de soins à domicile de personnes âgés (SSIAD), organisme ayant attesté que Mme X... n'était jamais intervenue auprès de l'assurée et que d'une manière plus générale les soins dits de nursing n'étaient pas assurés par des infirmiers libéraux mais confiés aux aides soignantes du service, et qu'aucune prescription des soins d'hygiène ni demande d'entente préalable ne lui avaient été adressées, il incombait à l'infirmière d'établir qu'elle avait bien réalisé des soins auprès de l'assurée sociale militaire, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en déclarant néanmoins, dans de telles circonstances, l'infirmière fondée dans son recours, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a méconnu les règles de preuve du caractère indu des prestations facturées par un professionnel, en violation des articles 1315 du Code civil et L 133-4 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QU'EN OUTRE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; d'où il résulte qu'en déboutant la CNMSS de sa demande de remboursement, aux motifs qu'il apparaît ainsi très vraisemblable que Mme X... ainsi qu'elle l'affirme (sans pouvoir elle-même en justifier en raison de l'ancienneté des faits et du décès de Mme Y...), soit intervenue auprès de celle-ci pour les soins et aide nécessités par le coucher, au vu d'une prescription médicale, sans laquelle la CNMSS n'aurait en tout état de cause pu lui télétransmettre le règlement des prestations dont elle lui demande aujourd'hui le remboursement, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN TOUT ETAT les SSIAD bénéficient d'une dotation globale versée par l'assurance maladie pour assurer la prise en charge des frais afférents aux soins à domicile dispensés aux assurés sociaux ; qu'il appartenait dès lors au seul SSIAD de Saint Jean de Monts de supporter les frais liés aux soins dispensés, le cas échéant, par Mme X... à Mme Y... ;
De sorte qu'en déboutant néanmoins, dans de telles circonstances, la CNMSS, qui avait ainsi pris en charge deux fois les mêmes soins, de sa demande de remboursement des prestations indument versées à l'infirmière libérale, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles R 174-16-1 et L 133-4 du Code de la sécurité sociale ;