LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen soulevé d'office, après avis donné aux parties :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et les articles L. 2411-3, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée par la société Comasec (la société) comme ouvrière spécialisée depuis 1976, représentant du personnel et délégué syndical, a saisi le conseil de prud'hommes le 25 mai 2007 d'une demande de résiliation judiciaire en alléguant le fait que son employeur lui avait imposé un changement de ses conditions de travail en l'affectant dans un atelier autre que celui dans lequel elle travaillait ; que statuant par une décision en date du 6 juin 2007 qui n'a pas fait l'objet d'un recours sur la demande qui avait été formée par l'employeur le 10 avril 2007, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme X... pour motif économique ; que la salariée a été licenciée par lettre du 13 juin 2007 ;
Attendu que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société à la date du 13 juin 2007, dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et allouer diverses sommes à Mme X..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la salariée protégée ne pouvait, compte tenu de son statut, se voir imposer par son employeur un changement de ses conditions de travail, que s'il était loisible à la société de lui proposer un tel changement, celui-ci ne pouvait être réalisé qu'avec l'accord exprès de la salariée, que cet accord ne pouvait résulter ni de l'absence de protestation, ni de la poursuite par celle-ci de l'exécution de son contrat ;
Attendu, cependant, que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire antérieure formée par le salarié ; que s'il reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, il ne peut apprécier ces fautes lorsque les manquements invoqués par le salarié ont été nécessairement contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire, la salariée avait été licenciée après autorisation administrative de licenciement pour motif économique le 13 juin 2007, la cour d'appel qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes et le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société et la condamne à payer à la salariée des sommes au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur et des dommages-intérêts pour nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 26 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Béraud, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Comasec
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail conclu entre la Société COMASEC et Madame Y... s'analysait en un licenciement nul pour violation du statut protecteur et d'avoir, en conséquence, condamné la Société COMASEC à payer à cette dernière, à titre de dommages-intérêts, les sommes de 42.602,38 euros pour violation du statut protecteur, 11.000 euros pour nullité du licenciement et 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie par la suite, le juge doit d'abord rechercher si cette demande était justifiée ; que si tel est le cas, le juge fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Conseil de prud'hommes a jugé que Madame Y..., compte tenu de son statut de salariée protégée du fait de ses mandats représentatifs, ne pouvait se voir imposer par son employeur un changement de ses conditions de travail ; que s'il était loisible à la Société COMASEC de lui proposer un tel changement, celui-ci ne pouvait être réalisé qu'avec l'accord exprès de la salariée ; que cet accord ne pouvait résulter ni de l'absence de protestation, ni de la poursuite par Madame Y... de l'exécution de son contrat de travail selon ce changement ; que la salariée n'ayant jamais formalisé la moindre acceptation à cet égard, sa nouvelle affectation à l'atelier de finition des gants trempés constituait une atteinte à son statut protecteur ; qu'en conséquence, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens formulés par l'intimée à l'appui de sa demande, Madame Y... est nécessairement fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail que les premiers juges ont, à bon droit, prononcée ; que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en droit, aucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé (Cass. Soc., 6 avr. 1999, n°97-40.499) et l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son travail (Cass. Soc., 13 janv. 1999, n°97-41.519, Sté Cophoc) ; que, dès lors, toute modification de la relation de travail, quelle que soit sa nature ou son importance, doit faire l'objet d'un accord exprès du salarié protégé, préalablement à sa mise en oeuvre effective (Cass. Soc., 14 nov. 2000, n°99-43.270, Bull. Civ V, n°373) ; qu'en l'espèce, force est de constater que Madame Fatiha X... n'a jamais formalisé le moindre accord pour être affectée au sein de l'atelier finition des gants trempés, peu important à cet égard qu'elle n'ait exprimé son refus du nouveau poste lui ayant été confié le 23 avril 2007 que le 3 mai 2007, ou que le compte-rendu des délégués du personnel du 22 mai 2007 fasse état de ce que « Monsieur Z... ne l'avait pas placée de force sur le poste » dont s'agit ; que la salariée est donc nécessairement en droit d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 13 juin 2007 aux torts de l'employeur, cette rupture produisant corrélativement les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur (Cass. Soc., 28 sept. 2006, n°05-41.890, n°2112 D) ; qu'il s'ensuit que la SAS COMASEC sera condamnée à payer à Madame Fatiha X... les sommes de 42.602,38 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, outre 7.500 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, conformément aux dispositions de l'article L.122-14-4 du code du travail ; que ces sommes emporteront intérêts au taux légal à compter de ce jour par application des dispositions de l'article 1153-1 du Code civil ;
ALORS QUE, si un salarié protégé peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail lorsque son employeur modifie ses conditions de travail sans son accord, aucune résiliation aux torts de l'employeur ne saurait être prononcée lorsque le salarié a exprimé son désaccord après avoir initialement accepté la modification de ses conditions de travail ; qu'en prononçant néanmoins la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Y... aux torts de la Société COMASEC, motifs pris qu'elle se serait vue imposer une modification de ses conditions de travail en violation de son statut protecteur, après avoir pourtant constaté que Madame Y..., qui avait intégré l'atelier finition le 23 avril 2006, avait expressément admis qu'elle n'avait pas été placée à son nouveau poste contre sa volonté, de sorte qu'elle avait accepté cette modification de ses conditions de travail, puis n'avait manifesté son désaccord que le 4 mai 2006, ce dont il résultait qu'aucune modification de ses conditions de travail ne lui avait été imposée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L 2421-3 du Code du travail et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Société COMASEC de sa demande tendant à voir condamner Madame Y... à lui restituer les sommes versées au titre de son licenciement pour motif économique et en exécution du plan de sauvegarde de l'emploi et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la Société COMASEC fait valoir au soutien de cette demande que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail a été prononcée aux torts de l'employeur, le licenciement notifié par ce dernier postérieurement à la demande de résiliation formée par le salarié est sans effet ; que, cependant, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que les effets du licenciement d'un salarié protégé autorisé par l'administration puissent être contestés devant le juge judiciaire ; que seule l'annulation de cette décision sur recours hiérarchique ou par le juge administratif est susceptible de priver d'effet un licenciement prononcé par l'employeur ; que le licenciement pour motif économique de Madame Y... ayant été autorisé par une décision de l'Inspecteur du travail en date du 6 juin 2007 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, a dès lors produit son plein et entier effet ; que c'est en conséquence à bon droit que la salariée a perçu les indemnités de rupture ainsi que l'indemnité complémentaire prévue au plan de sauvegarde de l'emploi ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'en droit, lorsque le licenciement est nul, le salarié peut prétendre à une indemnisation correspondant à la totalité de son préjudice ouvrant droit le cas échéant aux indemnités dues au salarié selon le droit commun en cas de licenciement, s'il en remplit les conditions ; que, dès lors, l'annulation du licenciement litigieux ne saurait remettre en cause le droit pour le salarié d'obtenir et de conserver les sommes allouées dans le cadre du PSE, étant observé d'une part que la validité de ce dernier n'est nullement affectée par le présent jugement et d'autre part que l'indemnisation du préjudice subi tient nécessairement compte des sommes précédemment attribuées ; qu'il en résulte que la SAS COMASEC sera déboutée de sa demande de ce chef ;
1°) ALORS QUE, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour motif économique, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, le licenciement étant, en présence d'une telle justification, non avenu ; que le salarié, qui peut alors prétendre à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, doit néanmoins restituer les sommes perçues en vertu du licenciement déclaré non avenu ; qu'en déboutant la Société COMASEC de sa demande en restitution des sommes perçues par Madame Y... dans le cadre de son licenciement pour motif économique, au motif inopérant que le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que les effets du licenciement d'un salarié protégé autorisé par l'administration puissent être contestés devant le juge judiciaire, bien qu'elle ait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, de sorte que le licenciement de Madame Y... pour motif économique était non avenu et justifiait la restitution à la Société COMASEC des sommes qu'elle avait perçues à ce titre, la Cour d'appel a violé les articles L 1231-1 et L 2421-3 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour motif économique, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, le licenciement étant, en présence d'une telle justification, non avenu ; que le salarié qui peut alors prétendre à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, doit néanmoins restituer les sommes perçues en vertu du licenciement déclaré non avenu ; qu'en déboutant la Société COMASEC de sa demande en restitution des sommes perçues par Madame Y... dans le cadre de son licenciement pour motif économique, motif pris que l'indemnisation du préjudice subi tient nécessairement compte des sommes précédemment attribués, bien qu'ayant prononcé la résiliation du contrat de travail, il lui appartenait d'ordonner à Madame Y... de restituer les sommes qu'elle avait perçues dans le cadre de son licenciement économique et de chiffrer le préjudice qu'elle avait effectivement subi au titre de son licenciement nul pour violation du statut protecteur, la Cour d'appel a violé les articles L 1231-1 et L 2421-3 du Code du travail.