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16/02/2011 | FRANCE | N°09-42677

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 2011, 09-42677


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Thionville, 6 mai 2009) que M. X..., employé comme conducteur par la société Trans Fensch, ne s'est pas rendu à son travail pour garder sa fille malade les 21, 22 et 23 janvier 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir le paiement de ses journées d'absence ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'ordonnance de déclarer recevables les demandes du salarié et de le condamner à lui pa

yer une somme alors, selon le moyen :
1°/ qu'il existe une contestation sé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Thionville, 6 mai 2009) que M. X..., employé comme conducteur par la société Trans Fensch, ne s'est pas rendu à son travail pour garder sa fille malade les 21, 22 et 23 janvier 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir le paiement de ses journées d'absence ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'ordonnance de déclarer recevables les demandes du salarié et de le condamner à lui payer une somme alors, selon le moyen :
1°/ qu'il existe une contestation sérieuse lorsque l'examen de la demande présentée en référé appelle nécessairement une appréciation sur l'existence des droits invoqués ; qu'en estimant que la demande en paiement de salaire présentée par M. X... ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, au motif que M. X... ne percevait qu'une rémunération de 1 516 euros brut mensuels, qu'il établissait être resté au chevet de sa fille malade et qu'il se trouvait séparé de la mère de l'enfant, tout en constatant que la résolution du litige rendait nécessaire, dans le cadre de la mise en oeuvre des articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail, une définition de la notion «d'accident», interprétée au regard du mot allemand «ungluck», ainsi que l'interprétation de la notion de «commis commercial», le juge des référés n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article R. 1455-5 du code du travail ;
2°/ que le trouble manifestement illicite procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou, corrélativement, d'une interdiction les protégeant ; qu'en estimant qu'il convenait en l'espèce de mettre fin à un trouble manifestement illicite, sans caractériser la méconnaissance d'un droit dont M. X... aurait été la victime, dès lors qu'il n'apparaît en rien évident que ce dernier soit en mesure de revendiquer la qualité de «commis commercial», et que le contrat de travail de M. X... n'avait pas été suspendu, de sorte que le salarié ne pouvait revendiquer l'application à son profit des dispositions des articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail, le juge des référés a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3°/qu'aux termes de l'article L. 1226-23 du code du travail (ancien article 616 du code civil local), «le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire» ; qu'en estimant que M. X... était fondé à se prévaloir de ces dispositions, cependant que le contrat de travail de l'intéressé n'a nullement été suspendu, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
4°/ qu'aux termes de l'article L. 1226-24 du code du travail (ancien article 63 du code de commerce local), «le commis commercial qui, par suite d'un accident dont il n'est pas fautif, est dans l'impossibilité d'exécuter son contrat de travail a droit à son salaire pour une durée maximale de six semaines» ; qu'en estimant que M. X... était fondé à se prévaloir de ces dispositions, cependant que l'intéressé n'avait pas la qualité de commis commercial mais occupait un poste de conducteur de bus, et qu'il n'avait de surcroît nullement été victime d'un accident, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
5°/ qu'en estimant que «la combinaison des articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail impose à l'employeur le maintien du salaire» et «que l'employeur n'a pas rempli son obligation en l'espèce», cependant que chacun des deux textes répond à des conditions spécifiques et qu'il convenait nécessairement de préciser de quel régime relevait M. X..., la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L.1226-24 du code du travail, applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le commis commercial qui, par suite d'un accident dont il n'est pas fautif, est dans l'impossibilité d'exécuter son contrat de travail, a droit à son salaire pour une durée maximale de six semaines ; que l'absence du salarié pour une courte durée, nécessitée par la garde de son enfant malade, qui suspend le contrat de travail pendant la durée de l'absence, entre dans les prévisions de ce texte ;
Et attendu qu'ayant constaté que M. X..., qui a la qualité de commis commercial, n'avait été absent que trois jours pour rester auprès de son enfant malade, le conseil de prud'hommes, statuant en référé, a pu décider que l'employeur était tenu, en application du droit local, de lui maintenir sa rémunération ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Trans Fensch aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Trans Fensch à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour la société Trans Fensch
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevables les demandes de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QU' il s'agit de veiller à distinguer incompétence (territoriale ou matérielle) et excès de pouvoir de la formation de référé ; que la formation de référé ne peut statuer sur un point qui excéderait ses pouvoirs ce qui n'est pas le cas ici ; que les seuls juges « de la forme » dénommés comme tels sont les magistrats de la Cour de cassation, les autres étant juges du fond ; que la compétence de la formation de référé relève de la même compétence que celle du conseil des prud'hommes ; que c'est seulement l'étendue des pouvoirs de la formation de référé qui est différente ; que le fait de savoir si une loi est appliquée ou violée relève bien de la compétence du conseil de prud'hommes et/ou de la formation de référé ; qu'en l'espèce, il s'agit d'appliquer des dispositions d'ordre public, en l'occurrence, les articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail ; que pour examiner l'application du droit local d'Alsace-Moselle, recodifié dans le Code du travail, il n'est pas possible de se passer d'un examen au fond de l'affaire pour vérifier sur quels éléments de faits il repose ; qu'il s'agit d'apprécier ici bien sûr, l'urgence, l'évidence, l'absence de contestation sérieuse, mais également le trouble manifestement illicite, c'est-à-dire l'application de la violation de la loi, dans la limite des pouvoirs de la formation de référé tel qu'en disposent les articles R.1455-5 et R.1455-6 du Code du travail ; que la formation de référé se déclare donc compétente ; que Monsieur X... déclare avoir été pris en charge pour des faits similaires l'an dernier ; que Monsieur X... produit, à l'appui de sa demande, les pointages de l'an passé qui attestent de sa prise en charge sous forme de codage ADL, absent au titre du droit local ; que Monsieur X... produit la question de Monsieur A..., délégué du personnel, question à laquelle la direction de la TRANS FENSCH acte qu'elle applique le droit local en matière d'enfant malade en précisant qu'il faut veiller à prouver un empêchement personnel ; que la somme de 299,18 € brut est une créance salariale ; que cette somme n'est pas versée depuis janvier et qu'il s'agit d'une somme importante pour tout salarié disposant de 1.516 € brut mensuel sans qu'il soit nécessaire de recourir à une grande démonstration financière ; que l'employeur n'a pas à s'immiscer dans la vie personnelle de son salarié en demandant à connaître la maladie de l'enfant ; que l'article 9 du Code civil stipule que chacun a droit au respect de sa vie privée et que priver le salarié de ce montant s'il est dû sous couvert que l'employeur ne connaît pas la maladie de l'enfant d'un de ses salariés ne peut être admis alors que le certificat médical justifie son absence qui n'est somme toute pas contestée par le défendeur qui n'en conteste que le paiement ; que l'empêchement personnel de Monsieur X... est directement lié à son lien de paternité et au certificat médical qui précise que c'est bien lui en personne qui doit rester auprès de son enfant ; que Monsieur X... est séparé de la maman de l'enfant depuis trois ans et qu'il travaille en qualité de chauffeur de bus ; que la partie défenderesse se borne à alléguer qu'il s'agit d'une situation non similaire en 2009 par rapport à 2008 mais qu'elle ne produit aucune pièce relative à cette question ; que la partie défenderesse se contente d'alléguer de la même façon qu'il n'y aurait pas suspension du contrat de travail alors que le salarié est bien absent de son travail et que son code n'a été validé qu'en partie ; que la contestation n'est pas sérieuse ; qu'à l'origine, le droit local est en allemand ; que la traduction allemande de « ungluck » se déclinant en trois définitions possibles selon le Larousse, le législateur a utilisé le terme d'accident pour caractériser le côté imprévu et malchanceux, qui s'impose à la personne, que la jurisprudence constante en la matière retient l'accident de la vie dans sa définition moderne ; que la jurisprudence de la Cour de cassation, constante sur ce sujet, retient aussi bien la maladie personnelle que le décès d'un proche, la garde d'un enfant malade, une inondation parfois et bien d'autres faits ; qu'il faut que ce malheur affecte directement ou indirectement la personne et qu'il soit réellement empêché ; que Monsieur X... est le père de l'enfant et qu'il justifie d'un certificat médical stipulant qu'il doit rester personnellement auprès de son enfant ; que la formation de référé déclare que ces conditions sont remplies ; que la Société TRANS FENSCH est immatriculée au RCS et relève habituellement de la section commerce du conseil de prud'hommes ; que Monsieur X... est chauffeur de bus et la jurisprudence ne fait pas figurer cette profession comme exclue de l'application de l'article 63 du Code de commerce ; que de façon plus positive, le commerçant est défini par l'article L.120-1 du Code de commerce ; que l'article L.110-1 du Code de commerce définit les actes de transport terrestre ou maritime comme étant des actes de commerce ; que la notion de service commercial est plus large que celle relative aux services en rapport avec la vente et que si le Code de commerce vise particulièrement les commis, le Code civil local vise lui tous les salariés, sans condition d'ancienneté ; que la combinaison des articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail impose à l'employeur le maintien du salaire ; que l'employeur n'a pas rempli son obligation en l'espèce ; que l'absence étant justifiée, sa durée étant limitée à trois jours, l'empêchement étant réel, cet empêchement étant personnel et lié à sa paternité tel que l'atteste le certificat médical, le salaire est dû ; qu'il s'agit là d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;
ALORS, D'UNE PART, QU' il existe une contestation sérieuse lorsque l'examen de la demande présentée en référé appelle nécessairement une appréciation sur l'existence des droits invoqués ; qu'en estimant que la demande en paiement de salaire présentée par Monsieur X... ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, au motif que Monsieur X... ne percevait qu'une rémunération de 1.516 € brut mensuels, qu'il établissait être resté au chevet de sa fille malade et qu'il se trouvait séparé de la mère de l'enfant, tout en constatant que la résolution du litige rendait nécessaire, dans le cadre de la mise en oeuvre des articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail, une définition de la notion «d'accident », interprétée au regard du mot allemand « ungluck », ainsi que l'interprétation de la notion de « commis commercial », le juge des référés n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article R.1455-5 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le trouble manifestement illicite procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou, corrélativement, d'une interdiction les protégeant ; qu'en estimant qu'il convenait en l'espèce de mettre fin à un trouble manifestement illicite, sans caractériser la méconnaissance d'un droit dont Monsieur X... aurait été la victime, dès lors qu'il n'apparaît en rien évident que ce dernier soit en mesure de revendiquer la qualité de « commis commercial », et que le contrat de travail de Monsieur X... n'avait pas été suspendu, de sorte que le salarié ne pouvait revendiquer l'application à son profit des dispositions des articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail, le juge des référés a violé l'article R.1455-6 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné à la Société TRANS FENSCH de payer à Monsieur X... la somme de 299,18 € au titre de l'application du droit local ;
AUX MOTIFS QU' à l'origine, le droit local est en allemand ; que la traduction allemande de « ungluck » se déclinant en trois définitions possibles selon le Larousse, le législateur a utilisé le terme d'accident pour caractériser le côté imprévu et malchanceux, qui s'impose à la personne, que la jurisprudence constante en la matière retient l'accident de la vie dans sa définition moderne ; que la jurisprudence de la Cour de cassation, constante sur ce sujet, retient aussi bien la maladie personnelle que le décès d'un proche, la garde d'un enfant malade, une inondation parfois et bien d'autres faits ; qu'il faut que ce malheur affecte directement ou indirectement la personne et qu'il soit réellement empêché ; que Monsieur X... est le père de l'enfant et qu'il justifie d'un certificat médical stipulant qu'il doit rester personnellement auprès de son enfant ; que la formation de référé déclare que ces conditions sont remplies ; que la Société TRANS FENSCH est immatriculée au RCS et relève habituellement de la section commerce du conseil de prud'hommes ; que Monsieur X... est chauffeur de bus et la jurisprudence ne fait pas figurer cette profession comme exclue de l'application de l'article 63 du Code de commerce ; que de façon plus positive, le commerçant est défini par l'article L.120-1 du Code de commerce ; que l'article L.110-1 du Code de commerce définit les actes de transport terrestre ou maritime comme étant des actes de commerce ; que la notion de service commercial est plus large que celle relative aux services en rapport avec la vente et que si le Code de commerce vise particulièrement les commis, le Code civil local vise lui tous les salariés, sans condition d'ancienneté ; que la combinaison des articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail impose à l'employeur le maintien du salaire ; que l'employeur n'a pas rempli son obligation en l'espèce ; que l'absence étant justifiée, sa durée étant limitée à trois jours, l'empêchement étant réel, cet empêchement étant personnel et lié à sa paternité tel que l'atteste le certificat médical, le salaire est dû ; qu'il s'agit là d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;
ALORS, D'UNE PART, QU' aux termes de l'article L.1226-23 du Code du travail (ancien article 616 du Code civil local), « le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire » ; qu'en estimant que Monsieur X... était fondé à se prévaloir de ces dispositions, cependant que le contrat de travail de l'intéressé n'a nullement été suspendu, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' aux termes de l'article L.1226-24 du Code du travail (ancien article 63 du Code de commerce local), « le commis commercial qui, par suite d'un accident dont il n'est pas fautif, est dans l'impossibilité d'exécuter son contrat de travail a droit à son salaire pour une durée maximale de six semaines » ; qu'en estimant que Monsieur X... était fondé à se prévaloir de ces dispositions, cependant que l'intéressé n'avait pas la qualité de commis commercial mais occupait un poste de conducteur de bus, et qu'il n'avait de surcroît nullement été victime d'un accident, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
ALORS, ENFIN, QU' en estimant que « la combinaison des articles L.1226-23 et L.1226-24 du Code du travail impose à l'employeur le maintien du salaire » et « que l'employeur n'a pas rempli son obligation en l'espèce» (ordonnance attaquée, p. 6, alinéas 3 et 4), cependant que chacun des deux textes répond à des conditions spécifiques et qu'il convenait nécessairement de préciser de quel régime relevait Monsieur X..., la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42677
Date de la décision : 16/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Thionville, 06 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 2011, pourvoi n°09-42677


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42677
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