LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble le principe de proportionnalité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société minière Koinde Boulouparis (la Somikob) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 16 février 2000 et 17 avril 2002 ; que, le 11 avril 2005, le liquidateur, M. X..., a assigné ses gérants, MM. Y... et Z..., en paiement de l'insuffisance d'actif ; que, par jugement du 16 juin 2008, le tribunal, retenant diverses fautes de gestion imputables à ces derniers, a accueilli cette demande à concurrence, pour chacun, de 200 000 000 francs pacifiques ;
Attendu que pour condamner M. Y... à supporter les dettes de la Somikob à concurrence d'une somme de 200 000 000 francs pacifiques et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de cinq ans, l'arrêt retient qu'au regard de l'importance du passif exigible, le montant des actifs recouvrés était insignifiant ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser l'existence ou le montant de l'actif disponible, au jour retenu comme celui de la cessation des paiements, pour caractériser à l'encontre du dirigeant la déclaration tardive de la cessation des paiements, la cour d'appel, qui a pris cette faute en considération, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de M. Y..., l'arrêt rendu le 20 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour M. Y...
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur Y... à supporter les dettes de la SOCIETE SOMIKOB à hauteur d'une somme de 200. 000. 000 FCFP, et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de cinq ans, emportant interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique ;
AUX MOTIFS QUE
« Attendu qu'il résulte des pièces versées et des débats que la procédure de liquidation judiciaire de la SOCIETE SOMIKOB donne lieu à une insuffisance d'actifs avérée.
Qu'en effet, le montant des créances déclarées s'élève à 891. 299. 811 F. CFP, outre des créances salariales à hauteur de 8. 028. 741 F. CFP.
Que le montant des actifs recouvrés est insignifiant au regard de l'importance du passif.
Que, dans ces conditions, Monsieur Max Y... est mal fondé à soutenir que la somme mise à sa charge au titre du comblement du passif excède le passif de la SOCIETE SOMIKOB.
Attendu que le premier juge a parfaitement démontré que cette insuffisance d'actif avait pour origine les fautes de gestion commises par les dirigeants de la SOCIETE SOMIKOB :
• non paiement des cotisations de la CAFAT depuis 1994 et des cotisations CRE à compter du second trimestre 1997, situation qui a engendré des pénalités de retard jusqu'au jour du jugement de redressement judiciaire,
• ouverture la procédure de redressement judiciaire sur assignation de la CAFAT et non sur la déclaration de cessation des paiements du fait des gérants de la société,
• non paiement de divers impôts et de très nombreuses factures depuis 1996,
autant d'éléments qui l'ont amené à considérer que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans les délais légaux constituait une faute de gestion des dirigeants de la SOCIETE SOMIKOB qui a incontestablement contribué à I'insuffisance d'actif
Attendu que le premier juge a également relevé la poursuite d'une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.
Que c'est à juste titre que le premier juge a estimé que cette poursuite abusive présentait un intérêt personnel pour Monsieur Max Y... qui était caution solidaire, avec son épouse, des engagements souscrits par la SOCIETE SOMIKOB envers la BANQUE DE NOUVELLE CALEDONIE, en retardant au maximum la mise en oeuvre de ces cautions.
Qu'il a également estimé que cette poursuite d'activité présentait également un intérêt personnel pour Monsieur Nazaire Z... qui percevait une rémunération de gérance et lui a donc permis de maintenir ses revenus.
Qu'il est donc établi que les gérants de la SOCIETE SOMIKOB ont poursuivi une exploitation déficitaire dans un but personnel.
Attendu que le premier juge a également relevé l'utilisation de moyens ruineux de financement qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, dans le but de retarder l'ouverture de la procédure collective.
Qu'il a notamment mentionné le recours au découvert bancaire pour compenser les pertes des exercices 1994, 1995, 1997 et 2000, à une hauteur variant de 115. 000. 000 F. CFP en 1995 à 179. 000. 000 F. CFP en 2000, situation entraînant des frais financiers très importants, de l'ordre de 20. 000. 000 F. CFP par an.
Attendu que le premier juge a encore relevé l'absence de comptabilité régulière au regard des prescriptions légales, le dirigeant se privant des outils de gestion destinés à lui permettre d'appréhender la situation économique et financière de la société et de prendre en temps utile les mesures de redressement nécessaires.
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est par des motifs pertinents que la Cour entend adopter que le premier juge a exactement retenu que les fautes de gestion imputables aux gérants de droit de la SOCIETE SOMIKOB, à savoir Monsieur Max Y... et Monsieur Nazaire Z..., ont contribué à l'insuffisance d'actif de ladite société et les a condamnés à supporter les dettes de la SOCIETE SOMIKOB à hauteur de la somme de 200. 000. 000 F. CFP chacun »,
ALORS QUE
L'action en comblement de passif, exercée sur le fondement de l'article L. 624-3 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 2005 applicable au litige, suppose que la réalité d'une insuffisance d'actif soit établie ; qu'en se bornant à affirmer que l'insuffisance d'actif était certaine au motif que le montant des actifs recouvrés apparaissait insignifiant au regard de l'importance du passif, sans apporter la moindre précision sur le niveau ou la composition dudit actif, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 624-3 ancien du Code de commerce.