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09/02/2011 | FRANCE | N°09-42632

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2011, 09-42632


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 mars 2009), que par délibération en date du 15 décembre 1984, le conseil d'administration de la société Jurassurance a consenti à M. X..., alors directeur salarié, un avantage retraite qui a été dénoncé par l'employeur le 11 mai 2004 ;

Attendu que la société Jurassurance fait grief à l'arrêt de dire que la dénonciation de l'avantage retraite était inopposable à M. X... et de la condamner à régulariser la situation

de celui-ci à compter du mois de juin 2004, alors, selon le moyen, que selon l'article 17...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 mars 2009), que par délibération en date du 15 décembre 1984, le conseil d'administration de la société Jurassurance a consenti à M. X..., alors directeur salarié, un avantage retraite qui a été dénoncé par l'employeur le 11 mai 2004 ;

Attendu que la société Jurassurance fait grief à l'arrêt de dire que la dénonciation de l'avantage retraite était inopposable à M. X... et de la condamner à régulariser la situation de celui-ci à compter du mois de juin 2004, alors, selon le moyen, que selon l'article 17 des statuts de la société Le Jura, société d'assurance à forme mutuelle, l'assemblée générale statue sur tous les intérêts sociaux ; qu'est susceptible de relever d'un tel intérêt la décision d'accorder à un administrateur de la société, occupant également les fonctions de directeur de ladite société, prenant sa retraite, une rente viagère indexée, réversible sur la tête de son conjoint en raison de l'importance de son montant et de sa durée ; qu'ainsi, en décidant que le conseil d'administration pouvait seul consentir à M. X... un tel avantage, ce qui entrait dans ses attributions, quand cet avantage devait précisément en raison de son montant et de sa durée relever du contrôle de l'assemblée générale, la cour viole l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 17 des statuts sociaux ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la société d'assurance mutuelle Jurassurance n'était pas une société commerciale, la cour d'appel, analysant les articles 24, 32 et 17 des statuts applicables en 1984 et procédant à leur interprétation, a retenu qu'il résultait de leur application combinée que si l'assemblée générale avait le pouvoir de statuer sur tous les intérêts sociaux, le conseil d'administration était, quant à lui, titulaire de tout pouvoir qui n'était pas expressément réservé à l'assemblée générale par la réglementation en vigueur ou les statuts et qu'il lui revenait en particulier de prendre toutes les décisions jugées utiles à l'administration et au développement de la société, de fixer la rémunération des directeurs, ajoutant que ce pouvoir n'était pas en opposition avec le texte de l'article 32 des statuts ni avec l'article 25 du décret du 30 décembre 1938 auquel l'article 32 renvoie dès lors que le complément de retraite n'avait vocation à être versé qu'après le départ à la retraite de l'intéressé, à un moment où il n'exerçait plus sa fonction de directeur ; que loin de violer les textes visés au moyen, elle en a fait une exacte application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société d'assurance mutuelle Jurassurance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne cette société à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société d'assurance mutuelle Jurassurance

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'engagement unilatéral à durée déterminée portant sur une rente viagère de retraite au profit de Monsieur X... a été valablement donné par le conseil d'administration de la société JURASSURANCE dans sa délibération du 15 décembre 1984, ensemble d'avoir dit que la dénonciation de l'avantage le 11 mai 2004 est inopposable à Monsieur X... et, en conséquence, d'avoir condamné la société JURASSURANCE à régulariser la situation de M. X... à compter du mois de juin 2004 et condamné la société JURASSURANCE à payer à Monsieur X... la somme de 83.865,67 €uros ;

AUX MOTIFS QUE M. Henri X..., né en août 1919, en retraite depuis le 31 décembre 1984, conteste la décision prise par son ancien employeur, la société d'assurance mutuelle JURASSURANCE, par délibération du conseil d'administration en date du 14 avril 2004, de supprimer à compter du 1er juin 2004 la rente qui lui a été attribuée à titre de complément de retraite par délibération manuscrite du conseil d'administration en date du 15 décembre 1984, avec effet à compter du 1er janvier 1985, ainsi que rappelé ci-dessus et dans le précédent arrêt rendu le 29 mai 2007, lequel avait renvoyé l'affaire au conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, après avoir retenu la compétence de celui-ci pour statuer sur le litige opposant les parties à la suite de la suppression de cet avantage qui, selon la cour, résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur et était nécessairement lié au contrat de travail conclu entre les parties le 15 juillet 1949 ; que ce complément de retraite versé régulièrement et mensuellement à M. X... pendant près de 20 ans a été remis en cause en avril 2004 par son ancien employeur à la suite d'un contrôle fiscal suivi d'un redressement pour les exercices 1995 et 1996, la direction générale des impôts écrivant dans son rapport que la situation sociale de M. X..., qui disposait en retraite de revenus comparables à ceux de sa période d'activité, ne justifiait aucune aide particulière de la part de son ancien employeur ; qu'un tel rapport n'avait pas pour objet la remise en cause du complément de retraite mais seulement la déduction des sommes versées de l'assiette de l'impôt, étant relevé que les sommes versées étaient accompagnées d'un bulletin de salaire, ce qui a au demeurant fait l'objet d'une observation de l'inspecteur du travail lors de son contrôle du 28 janvier 2004 ; que c'est par un moyen dépourvu de toute pertinence que la société JURASSURANCE soutient que le conseil d'administration ne pouvait accorder à M. X... un avantage extra contractuel à hauteur de 1.500.000 F en 1984, qualifié de somme colossale, alors que conseil d'administration n'a fait qu'accorder à son ancien directeur et administrateur un complément de retraite mensuelle de 4.000 F, ce qui n'est certes pas négligeable, et ce d'autant plus que la société intimée précise page 5 de ses conclusions que cette rente a été accordée à M. X... et subséquemment à sa femme à vie, le caractère viager étant au demeurant contesté page 13 de ses conclusions ; qu'il résulte de l'article 24 des statuts de la société LE JURA, devenue JURASSURANCE, applicables en 1984 que le conseil d'administration prenait toutes les décision jugées utiles à l'administration et au développement de la société, nommait le ou les directeurs de la société, fixait la rémunération et exerçait tout pouvoir qui n'était pas expressément réservé à l'assemblée générale par la réglementation en vigueur ou les statuts ; qu'ainsi que le soutient à bon droit M. X..., le conseil d'administration avait donc une compétence générale pour engager la société et pouvait consentir à celui-ci un avantage retraite dont le montant est fixe sans être en opposition avec les statuts ni même avec l'article 25 du décret du 30 décembre 1938 auquel renvoie l'article 32 des statuts, le complément de retraite n'ayant vocation à être versé qu'après le départ à la retraite de l'intéressé, à un moment où il n'exerçait plus sa fonction de directeur ;

ALORS QUE selon l'article 17 des statuts de la société LE JURA, société d'assurance à forme mutuelle, l'assemblée générale statue sur tous les intérêts sociaux ; qu'est susceptible de relever d'un tel intérêt la décision d'accorder à un administrateur de la société, occupant également les fonctions de directeur de ladite société, prenant sa retraite, une rente viagère indexée, réversible sur la tête de son conjoint en raison de l'importance de son montant et de sa durée ; qu'ainsi, en décidant que le conseil d'administration pouvait seul consentir à M. X... un tel avantage, ce qui entrait dans ses attributions, quand cet avantage devait précisément en raison de son montant et de sa durée relever du contrôle de l'assemblée générale, la Cour viole l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 17 des statuts sociaux.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'engagement unilatéral à durée déterminée portant sur une rente viagère de retraite au profit de Monsieur X... a été valablement donné par le conseil d'administration de la société JURASSURANCE dans sa délibération du 15 décembre 1984, dit que la dénonciation de l'avantage le 11 mai 2004 est inopposable à Monsieur X... et, en conséquence, d'avoir condamné la société JURASSURANCE à régulariser la situation de M. X... à compter du mois de juin 2004 et condamné la société JURASSURANCE à payer à Monsieur X... la somme de 83.865,67 €uros ;

AUX MOTIFS QUE M. Henri X..., né en août 1919, en retraite depuis le 31 décembre 1984, conteste la décision prise par son ancien employeur, la société d'assurance mutuelle JURASSURANCE, par délibération du conseil d'administration en date du 14 avril 2004, de supprimer à compter du 1er juin 2004 la rente qui lui a été attribuée à titre de complément de retraite par délibération manuscrite du conseil d'administration en date du 15 décembre 1984, avec effet à compter du 1er janvier 1985, ainsi que rappelé ci-dessus et dans le précédent arrêt rendu le 29 mai 2007, lequel avait renvoyé l'affaire au conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, après avoir retenu la compétence de celui-ci pour statuer sur le litige opposant les parties à la suite de la suppression de cet avantage qui, selon la cour, résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur et était nécessairement lié au contrat de travail conclu entre les parties le 15 juillet 1949 ; que ce complément de retraite versé régulièrement et mensuellement à M. X... pendant près de 20 ans a été remis en cause en avril 2004 par son ancien employeur à la suite d'un contrôle fiscal suivi d'un redressement pour les exercices 1995 et 1996, la direction générale des impôts écrivant dans son rapport que la situation sociale de M. X..., qui disposait en retraite de revenus comparables à ceux de sa période d'activité, ne justifiait aucune aide particulière de la part de son ancien employeur ; qu'un tel rapport n'avait pas pour objet la remise en cause du complément de retraite mais seulement la déduction des sommes versées de l'assiette de l'impôt, étant relevé que les sommes versées étaient accompagnées d'un bulletin de salaire, ce qui a au demeurant fait l'objet d'une observation de l'inspecteur du travail lors de son contrôle du 28 janvier 2004 ; que s'il est vrai que l'article 1131 du code civil dispose que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet, la société JURASSURANCE peut difficilement soutenir comme elle le fait que l'engagement est dépourvu de toute cause car aucune prestation de travail n'a été réalisée en contrepartie de la rente mensuelle allouée alors que l'avantage consenti est un complément de retraite destiné à être versé à la fin de l'exécution du contrat de travail et que dans la délibération même de 1984, tous les membres du conseil d'administration de l'époque ont accordé cet avantage non seulement pour le remercier de son travail acharné, mais également pour avoir fait évoluer les résultats de la société ; que s'il est normal que M. X... ait travaillé "de manière acharnée" dans l'intérêt de la société dont il était le directeur depuis le 29 avril 1957 ainsi qu'administrateur depuis le 30 décembre 1974, il n'était pas acquis que les résultats de la société évoluent et que c'est précisément cette évolution qui a incité les administrateurs à accorder à l'intéressé le comblement (sic !) retraite aujourd'hui contesté par de nouveaux administrateurs, alors qu'entre le début de l'année 1985 et le mois d'avril 2004 aucun des administrateurs qui se sont succédés n'ont songé à remettre en cause un tel avantage qui au demeurant n'a jamais fait l'objet d'une quelconque observation de la part des organes de contrôle ; que cet engagement unilatéral n'encourt en conséquence pas la nullité sur le fondement de l'article 1131 du Code civil ; ALORS QUE l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ; qu'en se bornant à retenir que l'évolution des résultats de la société, qui n'était pas acquise, avait incité les administrateurs à accorder à l'intéressé le "comblement" (sic !) retraite, constitué par la rente mensuelle viagère réversible, pour en déduire que cet engagement unilatéral de la société était causé, sans vérifier que l'évolution des résultats de la société qui aurait été obtenu par le travail de M. X... excédait de manière significative ce qui pouvait être attendu de lui au titre de l'exécution de son contrat de travail pour lequel il avait reçu une rémunération et bénéficié d'avantages substantiels, la Cour d'appel a privé son arrêt de toute base légale au regard de l'article 1131 du Code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société d'assurance mutuelle JURASSURANCE à payer à M. Henri X... la somme de 10.000 €uros en réparation de son préjudice distinct ;

AUX MOTIFS QUE M. X..., âgé de 89 ans, a incontestablement subi un préjudice moral compte tenu des conditions dans lesquelles la suppression du complément de retraite a été décidé le 14 avril 2004 avec effet à compter du 1er juin 2004 ; qu'une somme de 10.000 € lui sera alloué en réparation de son préjudice ;

ALORS QUE D'UNE PART la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier et ou deuxième moyen entrainera par voie de conséquence l'annulation en application de l'article 624 du Code de procédure civile du chef ici querellé de l'arrêt pour perte de fondement juridique ;

ET ALORS QU'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation, sans caractériser la faute commise par la société JURASSURANCE dans l'exercice de ses droits, dont le bien fondé avait d'ailleurs été reconnu par le conseil de prud'hommes dans son jugement du 21 décembre 2007, la Cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42632
Date de la décision : 09/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 20 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2011, pourvoi n°09-42632


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42632
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