LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2009), que M. X... a été engagé par l'association Ensemble orchestral de Paris, selon contrat à durée indéterminée du 28 août 1978, en qualité de premier violon solo 1re catégorie; que l'association Ensemble orchestral de Paris a créé un poste de premier violon super soliste, et a engagé à cette fin, à compter du 24 août 2000, un tiers ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes pour déclassement et discrimination professionnelle ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 21 des statuts de l'association EOP prévoit que la création des emplois et le montant des rémunérations sont décidés par le conseil d'administration sur proposition du directeur général ; qu'en se bornant à reprocher à M. X... de ne pas démontrer que le poste de "violon solo super-soliste" n'avait pas été créé par une décision du conseil d'administration, sans déterminer si celui-ci avait ou non créé le poste, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le juge doit respecter l'engagement unilatéral de l'employeur en matière de classification des emplois ; que le règlement du personnel artistique de l'association EOP prévoit, en son article 8, une classification des postes de travail ; que cette classification ne mentionne pas celui de "violon solo super-soliste" ; qu'en relevant que l'association pouvait créer ce poste au motif que la classification précitée ne concernerait que la rémunération, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'en se bornant à relever que M. X... faisait état de ce que deux de ses bulletins de salaire en 1998 mentionnaient de façon erronée l'emploi de "violon solo" et qu'il reconnaissait que, par la suite, les bulletins de salaire avaient correctement indiqué le poste qu'il occupait, sans rechercher, comme l'y invitait le salarié dans ses conclusions d'appel, si cette attitude de l'employeur n'avait pas été délibérée, et partant, si elle n'avait pas revêtu pour le salarié un caractère vexatoire et humiliant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
4°/ que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le déplacement de M. X... à la deuxième chaise pour les concerts de haute qualité n'avait pas été justifié par l'employeur par les qualités professionnelles de l'exposant de sorte que ce déplacement portait atteinte à sa dignité, peu important le souci de l'employeur d'élever la qualité de l'orchestre ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 1222-1, L. 1121-1 du code du travail, et 1134, alinéa 3, du code civil ;
5°/ qu'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'un côté, que M. X... était déplacé systématiquement de la première chaise à la deuxième chaise pour tous les concerts de grande qualité, et, de l'autre, qu'il n'avait pas été porté atteinte à ses attributions, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs équivalant à un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en opposant aux demandes du salarié l'autorité de la chose jugée au pénal quand celui-ci avait demandé devant la juridiction prud'homale la réparation du dommage résultant d'une atteinte à ses attributions, manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles qui ne supposait pas, pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, que soient établis des faits répétés constitutifs de harcèlement moral, et que le tribunal correctionnel, qui avait été saisi du chef des délits de harcèlement moral et de dégradation des conditions de travail, les avait écartés en l'absence de répétition des faits par des motifs qui avaient été adoptés par la cour d'appel, ce dont il résultait que la condition légale d'identité d'objet et de cause n'était pas remplie, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que, dans ses conclusions d'appel, M. X... demandait de confirmer le jugement en ce qu'il avait dit qu'il n'appartenait pas au juge de discuter de la création du poste de premier violon super soliste ; que les deux premières branches sont contraires à ce qui était soutenu devant les juges du fond ;
Attendu, ensuite, que la création d'un niveau intermédiaire entre un salarié et son supérieur hiérarchique n'entraîne pas en soi une rétrogradation ; que la cour d'appel, s'étant fondée, sans se contredire, sur les fonctions effectivement exercées par le salarié, et ayant constaté que celui-ci conservait, en dépit de la création d'un poste de premier violon super soliste décidée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de gestion et de direction, l'essentiel de ses attributions ainsi que sa qualification et sa rémunération, n'encourt pas les griefs des troisième, quatrième et cinquième branches ;
Attendu, enfin, que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ; que la cour d'appel, qui a relevé que les faits constitutifs, selon le salarié, d'une atteinte à ses fonctions, étaient les mêmes que ceux examinés par la juridiction pénale, en a exactement déduit que la relaxe intervenue ne permettait pas de les retenir dans le cadre du litige dont elle était saisie ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit ordonné à l'Association ENSEMBLE ORCHESTRAL DE PARIS (employeur) de faire cesser, sous astreinte, toute atteinte dans l'attribution de la 1ère chaise lors des programmes de concerts auxquels le salarié participait, et, d'autre part, à ce que l'Association employeur soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts d'un montant de 45.000 € en réparation de l'atteinte à ses fonctions ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a été engagé le 28 août 1978 en qualité de 1er violon-solo, 1ère catégorie, par l'Association l'Ensemble Orchestral de Paris (l'EOP) ; que la direction de l'EOP a engagé par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à partir du 24 août 2000 Monsieur Y... en qualité de "violon super soliste" ; que le concours pour ce poste était ouvert à tous ; que sous le terme "d'atteinte à ses fonctions" Monsieur X... vise des faits qu'il qualifie de "brimades et de manoeuvres humiliantes et déstabilisantes" ; que ces faits sont inclus dans les poursuites exercées par lui devant la juridiction pénale sous la qualification de harcèlement moral et de dégradation des conditions de travail ; que par jugement du 22 septembre 2005, le tribunal correctionnel de PARIS a relaxé Monsieur Z... et l'EOP des faits qualifiés de harcèlement moral qui portaient sur le concert de REIMS de juillet 2004 et les concerts de la saison 2004-2005, sur diverses correspondances et sur l'audition de contrôle qui aurait dû avoir lieu en 2005 ; que ce jugement a été partiellement confirmé par la Cour d'appel de PARIS ; que ces faits considérés comme non délictueux sont les mêmes que ceux sur lesquels Monsieur X... fonde en partie sa demande pour atteinte à ses fonctions ; que la relaxe ne permet pas de retenir de tels faits dans le cadre du présent litige ; que l'article L.1222-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; que l'employeur qui dirige et gère une collectivité organisée est investi du pouvoir de direction ; que Monsieur X... prétend que le poste de "violon solo super-soliste" n'a pas été créé par une décision du Conseil d'administration comme prévu par l'article 21 des statuts de l'EOP mais qu'il ne rapporte pas la preuve de l'absence de cette décision ; que Monsieur X... allègue que ce poste de "violon solo super-soliste" ne figure pas dans la classification du règlement intérieur mais que celle-ci concerne avant tout la rémunération des artistes et que cet élément est donc inopérant en raison de la nature du litige concernant l'atteinte à la fonction de Monsieur X... dès lors que son traitement a été maintenu ; que Monsieur X... fait état de ce que deux de ses bulletins de salaire en 1998 mentionnaient uniquement l'emploi de "violon solo" ; qu'il reconnaît que depuis les bulletins de salarie indiquent correctement le poste qu'il occupe ; que Monsieur X... veut pour preuve de son déclassement et de sa rétrogradation liés à l'arrivée du "violon solo super-soliste" le fait qu'il est appelé à occuper une place secondaire et qu'il est déplacé à la deuxième chaise ; que la direction musicale relève du chef d'orchestre; que l'existence du "violon solo super-soliste" tout comme le second poste de "premier violon-solo" implique le déplacement de Monsieur X... à la deuxième chaise ; que Monsieur X... ne peut prétendre pouvoir occuper la première chaise à tous les concerts même en l'absence du poste de "violon solo supersoliste" ; qu'il ne démontre pas la survenance d'un changement important de sa situation professionnelle d'autant qu'il n'est pas contesté que la prestation du "violon solo super-soliste" reste limitée aux concerts nécessitant un haut niveau artistique ; qu'il en résulte que Monsieur X... a conservé l'essentiel de ses attributions, sa qualification et sa rémunération et que la mise en place du "violon solo super-soliste", justifiée par la haute qualité exigée pour certaines prestations pour élever le niveau de l'orchestre, ne saurait être considérée comme un déclassement pour l'intéressé qui conserve sa position hiérarchique de "premier violon-solo" ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'article 21 des statuts de l'Association EOP prévoit que la création des emplois et le montant des rémunérations sont décidés par le Conseil d'administration sur proposition du directeur général ; qu'en se bornant à reprocher à Monsieur X... de ne pas démontrer que le poste de "violon solo super-soliste" n'avait pas été créé par une décision du Conseil d'administration, sans déterminer si celui-ci avait ou non créé le poste, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le juge doit respecter l'engagement unilatéral de l'employeur en matière de classification des emplois ; que le Règlement du personnel artistique de l'association EOP prévoit, en son article 8, une classification des postes de travail ; que cette classification ne mentionne pas celui de "violon solo super-soliste" ; qu'en relevant que l'Association pouvait créer ce poste au motif que la classification précitée ne concernerait que la rémunération, la Cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'en se bornant à relever que Monsieur X... faisait état de ce que deux de ses bulletins de salaire en 1998 mentionnaient de façon erronée l'emploi de "violon solo" et qu'il reconnaissait que, par la suite, les bulletins de salaire avaient correctement indiqué le poste qu'il occupait, sans rechercher, comme l'y invitait le salarié dans ses conclusions d'appel, si cette attitude de l'employeur n'avait pas été délibérée, et partant, si elle n'avait pas revêtu pour le salarié un caractère vexatoire et humiliant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L.1222-1 du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le déplacement de Monsieur X... à la deuxième chaise pour les concerts de haute qualité n'avait pas été justifié par l'employeur par les qualités professionnelles de l'exposant de sorte que ce déplacement portait atteinte à sa dignité, peu important le souci de l'employeur d'élever la qualité de l'orchestre ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L.1222-1, L.1121-1 du Code du travail, et 1134 alinéa 3 du Code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QU'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'un côté, que Monsieur X... était déplacé systématiquement de la première chaise à la deuxième chaise pour tous les concerts de grande qualité, et, de l'autre, qu'il n'avait pas été porté atteinte à ses attributions, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs équivalant à un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS, DE SIXIEME PART ET ENFIN QU'en opposant aux demandes du salarié l'autorité de la chose jugée au pénal quand celui-ci avait demandé devant la juridiction prud'homale la réparation du dommage résultant d'une atteinte à ses attributions, manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles qui ne supposait pas, pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, que soient établis des faits répétés constitutifs de harcèlement moral, et que le Tribunal correctionnel, qui avait été saisi du chef des délits de harcèlement moral et de dégradation des conditions de travail, les avait écartés en l'absence de répétition des faits par des motifs qui avaient été adoptés par la Cour d'appel, ce dont il résultait que la condition légale d'identité d'objet et de cause n'était pas remplie, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1351 du Code civil.