LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 1999 en qualité de médecin-conseil par la caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Atlantiques après l'exécution depuis 1995 de sept contrats à durée déterminée, a été licenciée le 11 février 2004 pour faute d'insubordination à l'égard du chef de service affectant le fonctionnement de service public ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en nullité de son licenciement pour cause de harcèlement moral et en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il résulte des attestations des responsables du service social de la caisse et du chef du service santé de la caisse que plusieurs adhérents se sont plaints des décisions prises par Mme X... ainsi que de son attitude méprisante à leur encontre et de onze attestations de personnes ayant travaillé avec le chef de service de la salariée témoignant de l'excellence de leurs relations professionnelles et des qualités d'organisateur de celui-ci et en déduit que le chef de service du contrôle médical de la caisse et la caisse n'ont fait qu'exercer leur pouvoir d'organisation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée invoquait la pratique par son chef de service de la validation par les autres médecins de ses avis de rejet, le retrait de l'intégralité des missions d'expertise, le cantonnement de ses activités à une mission locale ne l'occupant qu'une demi-journée par semaine et la proposition de la caisse d'un poste ne correspondant pas à ses attributions et nécessitant une formation de plus de deux ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Atlantiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse de mutualité sociale agricole des Pyrénées-Atlantiques à payer à Mme X...-Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...-Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Madame X...-Y... n'a pas été victime de harcèlement moral et de l'avoir déboutée de ses demandes en nullité de son licenciement et en paiement de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des attestations régulières en la forme délivrées par l'employeur que plusieurs adhérents s'étaient plaints des décisions prises par Madame Nicole X...-Y..., ainsi que de son attitude méprisante à leur encontre ; que plusieurs personnes ayant travaillé avec le docteur Z...témoignent de l'excellence constante de leurs relations avec ce dernier et de ses qualités d'organisateur ; qu'il apparaît que la Mutualité Sociale Agricole et en particulier le docteur Z..., chef du service du contrôle médical, n'ont fait qu'exercer leur pouvoir d'organisation et que leurs décisions prises dans ce cadre, ne sauraient en aucun cas constituer des agissements de harcèlement moral à l'encontre de Madame X...-Y... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les agissements dénoncés par la salariée n'ont pas un caractère de harcèlement dans la mesure où ce sont des décisions d'ordre professionnel relevant du pouvoir de décision de l'employeur ; que le service régional de l'inspection du travail de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt reconnaît dans sa lettre du 1er mars 2005 qu'aucun élément objectif ne vient corroborer la thèse du harcèlement moral ; que les certificats médicaux établissent bien une relation entre dégradation de l'état de santé et les conditions de travail devenues difficiles mais ne prouvent pas que les conditions de travail sont devenues difficiles à cause d'un harcèlement moral ;
ALORS QU'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; que le retrait des principales responsabilités d'une salariée, son cantonnement à une mission ne l'occupant qu'une demi-journée par semaine, la proposition d'un poste ne correspondant pas à ses attributions et nécessitant une formation de plus de deux ans, faits ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité et à sa santé, caractérisent un harcèlement moral ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en se bornant à affirmer que l'employeur n'avait fait qu'exercer son pouvoir d'organisation, sans s'expliquer sur l'ensemble des faits invoqués par la salariée, et notamment sur le fait que dessaisie par l'employeur de sa fonction d'expertise médicale, elle n'était plus occupée qu'une demi journée par semaine, la Cour d'appel, qui a statué par un motif général et inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de Madame X...-Y... repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de ses demandes en paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur reproche à Madame X...-Y... d'entretenir avec le docteur Z...une relation conflictuelle qui emprunte la forme d'une mise en cause permanente de son autorité, assimilable à un véritable refus de subordination hiérarchique ce qui crée un trouble objectif nuisible au bon fonctionnement du service ; que deux membres du conseil d'administration de la caisse ont eu le 30 janvier 2003 un entretien avec Madame X...-Y... ; que cette dernière a été informée que la mission sur l'EMSI lui serait à nouveau confiée sachant que parallèlement, un contrôle qualité a priori serait assuré par le médecin conseil chef sur l'ensemble des dossiers dans un souci d'harmonisation des avis médicaux ; qu'elle a tenu à préciser que le médecin conseil chef ne pouvait modifier la décision du médecin conseil ; qu'elle demeurait toutefois ouverte au dialogue nécessaire à l'harmonisation des avis médicaux entre médecins conseils ; que sur la mission de Sauveterre, elle a déclaré qu'elle ne pourrait assumer la mission de médecin coordonnateur qu'à la condition que le docteur Z...n'intervienne en aucune manière à Sauveterre, que ce soit par sa présence, par écrit, ou par téléphone, et que tout manquement à cet engagement, qui devrait être écrit, remettrait en cause immédiatement sa participation à Sauveterre ; que conscient des difficultés relationnelles existant entre le médecin chef du service du contrôle médical et un médecin conseil, le directeur de la caisse des Pyrénées atlantiques a obtenu la médiation d'une équipe médico-administrative de la caisse centrale ; qu'il résulte du rapport de mission que le docteur Z...constate l'absence de confiance dont fait preuve le docteur X... à son égard, ainsi que les relations conflictuelles existant entre eux et nées des remarques formulées par le docteur Z...sur les avis individuels rendus par le docteur X... ; que le docteur Z...reproche à sa consoeur la rigidité avec laquelle elle applique la législation ; que le docteur X... affirme ne pas comprendre les raisons de cette situation, mettant en avant l'absence de communication du docteur Z...et les dysfonctionnements qui en découlent ; qu'elle dit ne pas refuser d'autres tâches quelles qu'elles soient, à condition qu'elle ne dépende en aucun cas du docteur Z...; que l'absence totale de relation entre le médecin conseil chef et ce médecin conseil nuit à l'évidence à la bonne organisation du service et à la réalisation des missions du contrôle médical ; que cette situation ne paraît pouvoir être résolue entre maintenant au sein de la même caisse deux médecins que tout oppose ; que la seule solution envisageable est donc le départ d'un des deux médecins ; que la commission disciplinaire a émis un avis défavorable à la procédure de licenciement ; que cet avis ne lie pas la Cour ; qu'il convient de rappeler que dans chaque caisse de mutualité sociale agricole le service du contrôle médical des régimes agricoles de protection sociale est placé sous la responsabilité d'un médecin conseil, chef de service ; qu'en l'espèce, le docteur Z...dirige le service dont Madame X...-Y... est membre ; qu'il est certain que la mésentente chronique entre les deux médecins a eu des répercussions négatives sur la bonne marche du service ; qu'en formulant l'exigence de ne plus être placée sous l'autorité du docteur Z...pour exercer la mission de médecin coordinateur, Madame X...-Y... a manifesté clairement sa volonté de s'affranchir de tout contrôle hiérarchique et de se soustraire au pouvoir de direction de l'employeur ; que son licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la mésentente ne constitue une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié ; qu'en décidant que le grief de mésentente justifiait le licenciement de la salariée, en raison des répercussions négatives de cette mésentente sur la bonne marche du service, la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que la mésentente avait pour origine des faits objectivement imputables à la salariée licenciée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'acceptation sous condition d'une modification du contrat de travail ne constitue pas une insubordination ; qu'en retenant que constituait un acte d'insubordination le fait pour la salariée de subordonner son acceptation d'un poste de coordinateur, qui modifiait son contrat de travail, à la condition de ne pas être soumise à l'autorité de Monsieur Z...dans l'exercice de cette nouvelle mission, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du même texte ;
ALORS, EN TOUT DE CAUSE, QU'en statuant comme elle l'a fait sans répondre au moyen de la salariée qui faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 20) que le poste de coordinateur emportait modification de son contrat de travail, ce dont il résultait qu'elle pouvait subordonner l'acceptation de ce poste à la condition de ne pas être placée sous l'autorité de Monsieur Z..., compte tenu de leur mésentente, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.