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01/02/2011 | FRANCE | N°09-71841

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 février 2011, 09-71841


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 § 5 du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., salariés de la SNCF exercent depuis 1998 les fonctions de conducteur de manoeuvre et de lignes locales en charge de conduire des trains entre Hourcade, lieu de leur affectation, et Bassens ; que jusqu'en juin 2005, les intéressés ont été régis par le titre Ier, relatif au personnel roulant, du référ

entiel ressources humaines RH 077 de la SNCF résultant du décret du 29 décembre 19...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 § 5 du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., salariés de la SNCF exercent depuis 1998 les fonctions de conducteur de manoeuvre et de lignes locales en charge de conduire des trains entre Hourcade, lieu de leur affectation, et Bassens ; que jusqu'en juin 2005, les intéressés ont été régis par le titre Ier, relatif au personnel roulant, du référentiel ressources humaines RH 077 de la SNCF résultant du décret du 29 décembre 1999 susvisé ; au motif, notamment, que l'activité assurée par les intéressés consistait en un trafic de "navette" défini par l'article 3 § 5 du texte précité, MM. X... et Y... se sont ensuite trouvés partiellement régis par son titre II, relatif au personnel sédentaire ; qu'estimant avoir subi une diminution de leur rémunération et de leur droit à repos, les deux salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour faire partiellement droit aux demandes en paiement des salariés, l'arrêt retient qu'eu égard à son emplacement dans le titre relatif au personnel sédentaire, à sa proximité avec les termes "remonte de manoeuvre ou de dépôt", et à sa définition, le terme "navette" correspond à une activité brève, manoeuvrière et technique et non pas à une activité de transport et de déplacement et qu'il ne peut donc correspondre à une ligne ferroviaire normale sur laquelle circule des trains conduits par des agents relevant normalement du titre I ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un service de navette s'entend du mouvement aller retour entre deux gares d'une section de ligne déterminée et pouvant se reproduire à plusieurs reprises au cours de la journée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par de la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Société nationale des chemins de fer français

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les mouvements de train institués à compter de l'été 2005 et qualifiés de «navette» ou «train navette» n'étaient pas conformes à la définition de ce mot au sens du titre II du Référentiel RH 077, de sorte que l'employeur (la SNCF) ne pouvait pas rémunérer les conducteurs de «trains navette» (dont MM. X... et Y...), selon le grade (TA/TB), des agents de conduite ;

AUX MOTIFS QU'il résultait des écritures mêmes de la SNCF que M. Y..., comme M. X..., étaient tous deux employés à l'établissement traction de Bordeaux en qualité de conducteurs de manoeuvres et de ligne local principal, ce qui correspondait à une qualification TA ; qu'en cause d'appel, M. X... était devenu conducteur de ligne ressortant de la qualification TB : que les agents de qualification TB, à la lecture du RH 0263, relèvent d'une qualification «se rapportant à une maîtrise globale parfaite de procédures liées à la sécurité, à la technique et aux principes essentiels correspondants, le premier niveau concernant une période d'acquisition progressive de l'expérience et de perfectionnement pour la conduite en ligne» ; que les agents de qualification TA, à la lecture du même document, relèvent d'une qualification «plus limitée au niveau du volume des compétences à maîtriser, dans le cadre de manoeuvres, d'évolutions ou d'un service de trains» ; qu'y étaient définis les CRL et CRML ou CRMLP ; que, pour sa part, le Référentiel ressources hum aines RH 077, réglementant le travail au sein de la SNCF, contient un titre I concernant exclusivement le personnel roulant et un titre II concernant exclusivement le personnel sédentaire ; qu'au vu de ces règlements, M. X..., comme M. Y..., faisaient indiscutablement partie du personnel considéré comme «roulant» ; qu'il n'était d'ailleurs pas discuté qu'en application des principes ainsi posés, M. X..., comme M. Y..., avaient exercé leur activité en cette qualité au sein de la SNCF jusqu'en juin 2005 ; qu'à cette date, s'était effectuée la mise en place du «métier CRML», présenté par la SNCF dans son courrier du 8 juillet 2005 adressé à l'ensemble des directions régionales comme permettant aux personnels concernés «de recevoir une formation complémentaire, développer l'éventail de leurs compétences et enrichir leur potentiel d'acquisition» ; qu'il n'en demeurait pas moins que cette mise en place avait eu pour effet de remettre en cause implicitement le titre applicable à ce «métier» au niveau de la réglementation du travail puisque, par ce même courrier du 8 juillet 2005, le directeur de la Traction s'était cru obligé de préciser qu'il n'y avait pas lieu d'assimiler grade et réglementation du travail : titre I personnel roulant aux personnels CRL et titre II personnel sédentaire ; que, précisément à ce courrier, il n'apparaissait pas que les CRML ou CRMLP aient pu être considérés comme relevant du titre II, dès lors qu'ils participaient à la conduite des trains ; qu'en même temps, la «typologie des circulations concernées» évoquée dans ce même courrier avait manifestement amené certaines directions régionales de la SNCF à rebaptiser «trafic de navette», c'est-à-dire relevant du titre II (sédentaire) certaines activités ferroviaires qui. jusqu'à cette date, relevaient du titre I : que, dès lors, «la subtilité et la complexité de l'application de la réglementation SNCF» que reconnaissait elle-même, dans ses conclusions d'appel, la SNCF. avait permis à cette dernière de faire réaliser par le même agent, y compris au sein d'une même journée, des tâches relevant du titre I comme du titre Il et cela d'autant plus aisément que certaines lignes ferroviaires étaient devenues, à compter de 2005, des «trafics de navette» relevant exclusivement du titre Il (sédentaire) ; que c'était dans ce contexte que devaient être examinées les réclamations de MM. Y... et X... ; que ceux-ci avaient souligné que cette nouvelle interprétation de la réglementation avait entraîné une diminution sensible de leurs salaires et une diminution de leurs jours de repos, ce qui n'était pas discuté par la SNCF, le manque à gagner en cause ayant d'ailleurs conduit la direction de l'établissement de Bordeaux à verser aux agents une « indemnité temporaire de transition» destinée à compenser la perte financière résultant directement de cette nouvelle interprétation de la réglementation ; que la SNCF n'apportait pas la preuve d'avoir préalablement consulté les comités d'établissement ou le CHSCT préalablement à la mise en oeuvre de cette «réforme» ; que se posait ensuite la question du bien-fondé du changement de dénomination de certains parcours, particulièrement celui de l'aller-retour Hourcade-Bassens devenu à compter de 2005 un «parcours de navette» ; que le RH 077 ne définissait pas la navette comme «un mouvement aller-retour entre deux gares», mais comme un mouvement aller-retour pouvant circuler entre deux gares», ce qui non seulement permettait de distinguer les mouvements de navette des mouvements habituels de circulation des trains, mais éclairait aussi la définition technique du terme en le rapprochant de sa terminologie de droit commun qu'en tout état de cause, l'article 3-5 devait être replacé dans son contexte, le titre Il du RH 077 où le terme «navette» avoisine ceux de «remonte de manoeuvre ou de dépôt» ; que, dès lors, apparaissaient clairement les spécificités essentielles de cette activité, caractérisées par sa brièveté et son aspect essentiellement manoeuvrier et technique par opposition à une activité de circulation, généralement plus longue dans sa durée, mais surtout affectée à une activité de transport et de déplacement, ce qui ne résultait ni du terme navette, ni de l'activité sédentaire dans laquelle elle était supposée se dérouler ; que M. Y... avait d'ailleurs rappelé dans ses conclusions devant la cour que les navettes doivent circuler sur des lignes désignées après avis du comité d'établissement compétent, en application des dispositions de l'article 44-6 du RH 077, ce qui soulignait davantage encore leur caractère spécifique ; que la SNCF avait soutenu dans ses conclusions que le parcours Hourcade-Bassens aurait été identifié sur avis du comité d'établissement compétent lors d'une séance en date du 27 octobre 1998 comme une ligne sur laquelle un parcours de navette pouvait être mis en place ; que la SNCF n'avait cependant pas produit ce document aux débats et le compte rendu partiel produit par M. Y... permettait de retenir que le débat n'avait nullement porté sur la définition du terme «navette» que le CER n'avait pas davantage donné un avis favorable à l'établissement d'un parcours navette sur le trajet Hourcade-Bassens pourtant évoqué par ailleurs ; que la SNCF avait indiqué qu'en tout état de cause l'avis du CER avait été demandé sur ce point lors des réunions d'avril et mai 2006 ; que le document dont il s'agissait, daté effectivement du 23 mai 2006 et versé aux débats par les salariés, permettait surtout de mesurer l'ampleur du différend existant désormais entre direction et organisations syndicales sur le sens et le contenu du terme «navette», dès lors que le projet de la SNCF, présenté lors du CER, était de mettre en circulation des trains de type «navette» sur la quasi-totalité des lignes ferroviaires de la région Poitou-Charente-Aquitaine ; que, d' une part, l'avis du CER avait été clairement négatif sur ce point et, d'autre part, il n'apparaissait pas que la définition que la SNCF voulait donner du terme «navette» soit conforme à la réglementation existante ; que la SNCF n'avait nullement apporté la preuve qu'à un seul moment, avant 2005, la ligne Hourcade-Bassens avait été autre chose qu'une ligne ferroviaire normale sur laquelle circulait des trains conduits par des agents relevant normalement du titre I ; que la différence de rémunération dénoncée par les salariés reposait sur la seule différence de grade ; qu'il en résultait la violation alléguée des dispositions de l'article 4 du référentiel Ressources Humaines RH 077 ;

1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent forger leur décision à partir d'un moyen qu'ils ont soulevé d'office, sans avoir invité les parties à s'en expliquer au préalable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a dit que les mouvements de train institués par la SNCF à compter de l'été 2005 n'étaient pas conformes à la réglementation, en particulier parce que le changement de dénomination du roulement Hourcade-Bassens n'avait pas reçu l'avis favorable du Comité d'Etablissement Régional compétent, quand les parties s'étaient accordées sur le fait qu'il ne s'agissait que d'une formalité de consultation, a méconnu le principe du contradictoire et, partant, violé l'article 16 du code de procédure civile :

2°/ ALORS QUE les parcours ferroviaires sur lesquels s'effectuent des navettes sont désignés après un simple avis du Comité d'Etablissement Régional compétent ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que le changement de dénomination du roulement Hourcade-Bassens avait été irrégulièrement décidé, dès lors que le CER compétent n'avait pas donné son accord pour que ce parcours devienne une navette, quand seul un simple avis de ce comité était requis, a violé l'article 44-6 du Référentiel RH 077 de la SNCF ;

3°/ ALORS QUE les lignes ferroviaires sur lesquelles s'effectuent des parcours de navette sont désignées après simple avis du CER compétent ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir relevé que le CER avait, dans sa séance du 27 octobre 1998, évoqué le changement de dénomination du parcours Hourcade-Bassens en navette, puis l'avait clairement refusé dans sa séance du 23 mai 2006, n'en a pas déduit que les formalités de consultation du CER avaient été respectées, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard de l'article 44-6 du Référentiel RH 077 de la SNCF ;

4°/ ALORS QU'un parcours de navette est, sur une ligne ferroviaire, «un mouvement aller et retour pouvant circuler entre deux gares d'une section de ligne déterminée et pouvant se reproduire une ou plusieurs fois au cours de la journée» ; qu'en l'espèce, la cour. qui a estimé que cette définition devait s'entendre non d'une circulation de train mais d'une brève manoeuvre technique, a violé l'article 3-5 du Référentiel RH 077 de la SNCF qui a un
caractère réglementaire.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71841
Date de la décision : 01/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 08 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 fév. 2011, pourvoi n°09-71841


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71841
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