LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon, 15 avril 2009), que M. X..., qui avait été engagé le 1er octobre 2000 par le GIE Exploitation des carrières de Saint-Pierre-et-Miquelon, a été licencié pour motif économique par lettre du 4 mai 2005 ; qu'il a contesté ce licenciement et sollicité l'indemnisation du préjudice qu'il avait subi pour avoir respecté, après la rupture, la clause de non concurrence stipulée au contrat sans contrepartie financière ; que le tribunal supérieur a jugé que ce licenciement avait une cause réelle et sérieuse, rejeté les demandes de M. X... relatives à la clause de non-concurrence en relevant que celle-ci ne lui interdisait de concurrencer le GIE qu'après la rupture et non pendant l'exécution du contrat et condamné le GIE à payer au salarié le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue au contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que le GIE fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié l'indemnité de licenciement stipulée au contrat de travail, alors, selon le moyen, que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale qui doit être réduite par les juges du fond si elle présente un caractère manifestement excessif ; qu'en se contentant en l'espèce, pour allouer à M. X... le montant qu'il réclamait, d'affirmer que l'indemnité contractuelle aurait été une contrepartie financière à la cession qu'il avait consentie des actifs qu'il détenait dans une société concurrente, sans même rechercher si la faible ancienneté du salarié ainsi que le contexte de difficultés économiques préoccupantes dans lequel la rupture s'inscrivait ne justifiaient pas une réduction du montant de l'indemnité, le tribunal supérieur d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil ;
Mais attendu que le tribunal, qui a souverainement apprécié l'importance du préjudice subi par le salarié en a déduit l'absence de caractère excessif de l'indemnité prévue par la clause pénale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1233-16 et L. 1233-2 du code du travail ;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, le tribunal retient que la lettre de licenciement est ainsi libellée : "A la suite de notre entretien du 5 avril, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant : en effet, votre contrat de travail avec le GIE Exploitation des carrières était un contrat à durée indéterminée, cependant du fait de la baisse globale d'activité de notre entreprise, nous avons été conduits à vous affecter sur deux entités du groupe GIE et EDC ; ce premier redéploiement était annonciateur d'une baisse de nos activités et aujourd'hui nous sommes amenés à vous licencier purement et simplement car le volume de nos affaires est le plus bas enregistré depuis dix ans ; le reclassement partiel envisagé à EDC ne pourra être reconduit, considérant que nous avions envisagé une remise aux normes du bâtiment "La Miquelonnaise", dossier qui n'a pas reçu le soutien des pouvoirs publics et sur lequel vous auriez pu intervenir" et ajoute que les éléments fiscaux produits par le GIE démontrent une baisse considérable du chiffre d'affaire et du bénéfice imposable depuis l'année 2001, cette décrue économique, qui n'est pas ponctuelle, puisqu'affectant une dizaine d'années, étant de nature à fonder un licenciement économique ;
Attendu cependant que lorsque le licenciement est prononcé pour motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois les raisons économiques de celui-ci et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que la lettre de licenciement n'énonçait pas l'incidence des difficultés économiques invoquées sur l'emploi ou sur le contrat de travail du salarié, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a encore retenu que la lettre de licenciement évoque l'échec de la solution de reclassement au sein de l'entreprise ainsi qu'au sein de la société EDC et informe le salarié du plan d'aide au retour à l'emploi et de la priorité à sa réembauche dans un délai d'un an à compter de la fin du préavis ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser l'impossibilité pour l'employeur d'exécuter son obligation de reclassement, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu le principe interdisant au juge de dénaturer les pièces du procès ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de dommages et intérêts du chef d'une clause de non-concurrence arguée d' illicéité, faute de contre-partie financière, l'arrêt retient que le salarié prétend l'avoir respectée "pendant la durée de son contrat de travail", alors que cette clause interdit au salarié "de concurrencer le GIE pendant une durée de deux ans à compter de la cessation des relations de travail et non pas pendant lesdites relations de travail" ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes des écritures d'appel du salarié, celui-ci indiquait : "C'est bien à compter de la rupture de son contrat de travail que M. X... a respecté la clause de non concurrence", le tribunal supérieur d'appel a dénaturé ces conclusions et violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que le tribunal supérieur d'appel a jugé le licenciement fondé sur un motif économique et rejeté la demande du salarié tendant au paiement d'une contre-partie financière à la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 15 avril 2009, entre les parties, par le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condame le GIE Exploitation des carrières de Saint-Pierre-et-Miquelon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le GIE Exploitation des carrières de Saint-Pierre-et-Miquelon à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... par le Gie reposait sur une cause économique réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le Gie soutient que le licenciement de l'appelant est de nature économique, alors que l"appelant expose que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; QU'aux termes des alinéas 1 et 3 de l'article L. 321-1 du code du travail, devenus respectivement les nouveaux articles L. 1233-3 et 1233-4 « Constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi, d'une modification, refusée par le salarie, d'un élément essentiel du contrai de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; (…) le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, le sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; les offres de reclassement proposées au salarié doivent me écrites et précises » ; QUE le tribunal examinera la motivation de la lettre de licenciement en date du 4 mai 2005, qui expose les éléments suivants : « A la suite de notre entretien du 5 avril, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant : en effet, votre contrat de travail avec le Gie Exploitation des Carrières était un contrat à durée indéterminée, cependant du fait de la baisse globale de l'activité de notre entreprise, nous avons été conduits à vous affecter sur deux entités du groupe GIE et EDC ; ce premier redéploiement était annonciateur d'une baisse de nos activités et aujourd'hui nous sommes amenés à vous licencier purement et simplement car le volume de nos affaires est le plus bas enregistré depuis 10 ans ; le reclassement partiel envisagé à EDC ne pourra être reconduit, considérant que nous avions envisagé une remise aux normes du bâtiment « La Miquelonnaise » dossier qui n'a pas reçu le soutien des pouvoirs publics et sur lequel vous auriez pu intervenir » ; QU'à l'appui de sa demande, le GIE produit des éléments fiscaux pour les années 2001 à 2004 dont la base d'imposition correspond aux montants suivants du chiffre d'affaire total ; 7 546 316 € pour 2001, 8 962 599 € pour 2002, 6 925 109 € pour 2003 et 5 619 860 € pour 2004 ; QUE ces montants sont à comparer aux chiffres d'affaires des années 1995, à savoir 12 407 906 € et 1996, 12 388 291 € ; QUE s'agissant du bénéfice imposable, selon les mêmes documents fiscaux, les montants s'établissent en 2001 à 623 685 €, en 2002 à 416 058 €, en 2003 à 337 468 € et en 2004 à 288 459 € ; QU'en outre la partie adverse produit un document extrait de l'hebdomadaire local, l'Echo des Caps, qui fait état de marchés attribués au GIE en 2005 par la puissance publique pour un montant total de 3 165 082,72 €, montrant que le mouvement de baisse économique ne s'est pas inversé au cours de l'exercice 2005 ; QUE le tribunal considère que cette situation de décrue économique n'est pas liée aux seules fluctuations ponctuelles, normales, du marché, qu'elle affecte une période d'une dizaine d'années, et qu'elle est de nature à fonder un licenciement pour motif économique ; QU'il considèrera comme le premier juge que le licenciement n'est pas lié à l'état de santé de M. X... dont les absences pour raison de maladie étaient moins sensibles pour l'entreprise qu'en période de pleine activité ; QUE le tribunal dira que le licenciement de M. X... par le Gie repose sur une cause réelle et sérieuse fondée sur un motif économique ; QUE, sur le reclassement, la lettre de licenciement évoque l'échec de la solution de reclassement au sein de l'entreprise ainsi qu'au sein de la société EDC, et informe le salarié du dispositif du plan d'aide au retour à l'emploi ainsi que de la priorité à sa réembauche dans un délai d'un an à compter de la fin du préavis ; QUE le tribunal jugera que l'employeur a satisfait aux dispositions de l'article L. 1233-4 (nouveau) du code du travail et déboutera M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1- ALORS QUE la lettre de licenciement pour motif économique doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que la lettre de licenciement comportait la seule allégation par l'employeur d'une baisse d'activité et de ce que « le volume de (ses) affaires est le plus bas enregistré depuis 10 ans », et ne précisait pas en quoi ces circonstances devraient conduire à la suppression du poste litigieux ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement était fondé sur un motif économique réel et sérieux, le tribunal supérieur d'appel a violé l'article L. 1233-16 et L. 1233-2 du code du travail ;
2 - ALORS QUE, subsidiairement, le licenciement pour motif économique n'a une cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent, ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que le tribunal supérieur d'appel, qui n'a pas recherché si l'employeur avait recherché et proposé à M. X... un reclassement en interne, fût-ce sur un poste de catégorie inférieure, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant au paiement d'une contre-partie financière à la clause de non-concurrence,
AUX MOTIFS QUE l'article 11 du contrat de travail de M. X... comportait une clause lui interdisant toute concurrence ; QUE l'ex-salarié prétend qu'en l'absence de contre partie financière, celte clause de non concurrence est illicite, mais que l'ayant respectée pendant la durée de son contrat de travail, il est fondé à demander la condamnation de son employeur à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 € ; QUE le tribunal confirmera sur ce point la décision du premier juge, considérant que la clause incriminée interdit au salarié de concurrencer le GIE pendant une durée de deux ans à compter de la cessation des relations de travail et non pas pendant lesdites relations de travail ;
ALORS QUE dans ses écritures d'appel (p. 19, al. 6), M. X... avait soutenu avoir respecté la clause de non-concurrence postérieurement à la fin du contrat de travail : que le tribunal supérieur d'appel, en énonçant que le salarié prétendait avoir respecté la clause pendant la durée de son contrat de travail, a donc dénaturé les conclusions et violé les articles 4 du code de procédure civile et 1134 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le GIE Exploitation des carrières de Saint-Pierre-et-Miquelon et la société Exploitation des coquilles.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le GIE EXPLOITATION DES CARRIERES DE SAINT PIERRE ET MIQUELON à verser à M. X... la somme de 122.407,79 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, outre intérêts légaux ;
AUX MOTIFS QUE sur l'indemnité conventionnelle de licenciement par le GIE, aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi ; qu'aux termes de l'article 1152 du Code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ou moindre ; néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; toute stipulation contraire sera réputée non écrite ; que dans son article 9 intitulé « Clause pénale », le contrat de travail liant M. X... au GIE précise : « Pendant les 10 premières années d'exécution du contrat, une indemnité unique de rupture fixée à 840.000 Francs (128.057,17 €) sera versée au salarié exclusivement en cas de rupture à caractère normal ; l'indemnité ne pourra être ni révisée, ni réactualisée ; ladite indemnité n'est pas due en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ; à l'issue de cette période décennale, pour le calcul des indemnités de rupture, il sera fait application des règles légales et de la convention collective » ; que M. X... demande au Tribunal supérieur d'appel de confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes qui a condamné l'employeur à lui verser la somme de 122.407,77 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2005 ; que la somme de 122.407,79 € provient de la différence entre le montant fixé par le contrat de travail conclu avec le GIE d'une indemnité unique de rupture de 840.000 Francs soit 128.057,17 € et la somme de 5,649,38 € correspondant à l'indemnité légale de licenciement versée par le GIE le 19 septembre 2005 ; que le GIE demande le débouté de l'appelant au motif que cette clause est manifestement excessive et subsidiairement demande au juge d'en ramener le montant à de plus justes proportions ; que le Tribunal considérera que l'article 9 du contrat de travail liant M. X... à son employeur le GIE, n'est pas une clause léonine ; que c'est une clause rédigée par l'entreprise et acceptée par le salarié au moment de la signature du contrat ; que le Tribunal considérera comme le premier juge, que cette clause est manifestement la contrepartie financière à la cession consentie au GIE par M. X... des actifs de la société qu'il dirigeait jusqu'à la signature de son contrat de travail avec le GIE, La Générale de Construction, société concurrente du GIE qui, alors, assurait exclusivement les moyens de subsistance de M. X... ; qu'en conséquence, le GIE sera débouté de sa demande reconventionnelle de restitution de la somme de 122.407,79 € déjà versée et sera condamné à payer à M. X... ladite somme au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2005 ;
ALORS QUE l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale qui doit être réduite par les juges du fond si elle présente un caractère manifestement excessif ; qu'en se contentant en l'espèce, pour allouer à M. X... le montant qu'il réclamait, d'affirmer que l'indemnité contractuelle aurait été une contrepartie financière à la cession qu'il avait consentie des actifs qu'il détenait dans une société concurrente, sans même rechercher si la faible ancienneté du salarié ainsi que le contexte de difficultés économiques préoccupantes dans lequel la rupture s'inscrivait ne justifiaient pas une réduction du montant de l'indemnité, le Tribunal supérieur d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du Code civil.