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01/02/2011 | FRANCE | N°09-40709

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 février 2011, 09-40709


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... épouse X...a été engagée le 1er janvier 2000 en qualité de chef de produit senior international par la société Sodiaal GmbH, filiale de droit allemand de la société Sodiaal International, aux droits de laquelle vient la société Compagnie des fromages et Richesmonts ; qu'à la suite d'un accord de mutation conclu le 31 décembre 2002 entre la salariée et les sociétés Sodiaal GmbH et Sodiaal International, celle-ci a été affectée à l'établissement de Metz de la

société Sodiaal International, son poste de travail étant cependant basé à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... épouse X...a été engagée le 1er janvier 2000 en qualité de chef de produit senior international par la société Sodiaal GmbH, filiale de droit allemand de la société Sodiaal International, aux droits de laquelle vient la société Compagnie des fromages et Richesmonts ; qu'à la suite d'un accord de mutation conclu le 31 décembre 2002 entre la salariée et les sociétés Sodiaal GmbH et Sodiaal International, celle-ci a été affectée à l'établissement de Metz de la société Sodiaal International, son poste de travail étant cependant basé à Paris ; que, le 30 août 2005, Mme X...a été informée par son employeur de sa nomination au poste de chef de groupe pâtes molles France et international à Metz ; qu'ayant refusé de voir fixer son lieu de travail à Metz, elle a été licenciée le 18 octobre 2005 pour cause réelle et sérieuse ; que, contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen que si un salarié est toujours en droit de refuser la modification de son contrat de travail et si l'employeur, qui entend maintenir cette modification, est alors tenu de le licencier, le licenciement qui est prononcé n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il appartient au juge, saisi du litige, de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en se bornant à déduire l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du refus par Mme X...de la modification de son contrat de travail, sans rechercher si le motif de la modification du contrat, à savoir la réorganisation de la direction marketing, recherche et développement, impliquant un regroupement de tous les membres de cette direction au siège de la société à Metz, répondait à des nécessités de l'entreprise et de son intérêt et constituait ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122-14-3 (recodifié article L. 1235-1) du code du travail ;
Mais attendu que pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activité ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que dès lors que l'employeur ne se prévalait ni de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ni de difficultés économiques, le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-16 et L. 1233-45 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour absence de mention de la priorité de réembauche dans la lettre de licenciement, l'arrêt retient que le refus par l'intéressée de la modification de son contrat de travail ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que pour autant, la réorganisation des services de l'employeur qui l'a conduit à imposer abusivement cette mutation puisse s'analyser en un licenciement économique déguisé ;
Attendu, cependant, que le licenciement résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne est de nature économique, sans que le défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement puisse lui enlever cette nature ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait été licenciée pour avoir refusé une proposition de modification de son contrat de travail faisant suite à la réorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X...de sa demande d'indemnité pour absence de mention de la priorité de réembauche dans la lettre de licenciement, l'arrêt rendu le 18 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Compagnie des fromages et Richesmonts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Compagnie des fromages et Richesmonts à payer à Mme X...la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze, et signé par M. Richard, greffier de chambre, présent lors du prononcé.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Compagnie des fromages et Richesmonts.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X...était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Compagnie des Fromages et Richemonts à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la somme de 42. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonné, dans les limites de l'article L 122-14-4 alinéa 2 ancien, devenu L. 1235-4 du Code du travail, le remboursement par l'employeur à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Madame X...;
AUX MOTIFS QU'aux termes du contrat d'engagement signé le 22 janvier 2003 avec effet au 1er janvier 2003, il a été convenu entre les parties que Madame Stéphanie X...exercerait la fonction de chef de produit senior international ; que l'article 3 du contrat de travail relatif au lieu de travail précisait que la salariée exercerait ses fonctions à Paris et serait susceptible d'être transférée en région parisienne ; que cet article prévoyait en outre, « il est d'autre part entendu que, pour les besoins du service, Mme Stéphanie X...pourra éventuellement recevoir une nouvelle affectation sur place ou dans un lieu différent, sans que cela constitue une cause de rupture du présent contrat de travail » ; que l'article 7 de ce même contrat (intitulé clause particulière) indiquait : « un bilan sera à effectuer avec le directeur marketing au quatrième trimestre 2003 pour évaluer l'efficacité et les conditions de la mise en place pratique de la nouvelle organisation marketing export (notamment par rapport à la localisation du poste chef de produit senior international à Paris) » ; que cependant, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir unilatéral d'en étendre la portée ; qu'en l'espèce l'articulation de l'article 3 et de l'article 7 du contrat signé le 22 janvier 2003 laissait à l'employeur la faculté d'affecter la salariée sur une zone géographique indéfinie ; que la mutation proposée à la salariée constituait donc une modification de son contrat de travail ; que le refus par Madame X...de la modification de son contrat de travail ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que pour autant la réorganisation des services de l'employeur et qui l'a conduit à imposer abusivement cette mutation puisse s'analyser en un licenciement économique déguisé ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'indemniser Mme X...pour défaut de proposition de réembauchage par l'employeur ; que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté (reprise d'ancienneté à effet du 1 er janvier 2000) et de l'âge de la salariée (née en 1975) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail ancien devenu L 1235-3, une somme de 42. 000 € à titre de dommages-intérêts ;
ALORS QUE si un salarié est toujours en droit de refuser la modification de son contrat de travail et si l'employeur, qui entend maintenir cette modification, est alors tenu de le licencier, le licenciement qui est prononcé n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il appartient au juge, saisi du litige, de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en se bornant à déduire l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du refus par Madame X...de la modification de son contrat de travail, sans rechercher si le motif de la modification du contrat, à savoir la réorganisation de la direction marketing, recherche et développement, impliquant un regroupement de tous les membres de cette direction au siège de la société à Metz, répondait à des nécessités de l'entreprise et de son intérêt et constituait ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122-14-3 (recodifié article L. 1235-1) du Code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par Me Haas, avocat aux Conseils pour Mme Y..., épouse X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X...de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de réembauchage ;
AUX MOTIFS QUE la salariée soutient que contrairement aux dispositions de l'article L. 1232-6 du Code du travail, elle a été informée de son licenciement par un courriel du 18 octobre 2005 et que d'autres employés de la société étaient au courant de son licenciement dès le 15 octobre 2005 ; que le fait pour la salariée d'apprendre par une collègue un prochain licenciement ne permet pas de caractériser un licenciement verbal de la part de l'employeur surtout en l'absence de toute rupture immédiate du contrat de travail, qui ne saurait résulter de la dispense d'assister à une réunion ; qu'elle verse aux débats un courriel daté du 18 octobre 2005, que lui a été adressé par M. J/ P. Z..., directeur des ressources humaines ainsi libellé : « suite à notre entretien du 13 octobre dernier, je vous informe que nous vous envoyons ce jour même le courrier vous notifiant l'arrêt de notre collaboration à compter de la date de la première présentation et dispense d'exécution de préavis ; Compte tenu de contexte, nous nous dispensons de votre participation à la réunion cadres prévue le mercredi 19 octobre au soir et jeudi 20 octobre ». Que ce courrier n'avait pour autre but que de l'informer de l'envoi du courrier recommandé avec accusé de réception par lequel serait portée à sa connaissance la décision prise par l'employeur à l'issue de l'entretien préalable et de la dispense d'assister à des réunions initialement prévues ; que ce courriel n'a pu se substituer à la lettre de licenciement daté même jour qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce ; Que la lettre de licenciement datée du 18 octobre 2005 et signée par M. Jean Paul Z...-Directeur des ressources humaines-est ainsi motivée : « Dans le cas de la réorganisation de notre direction « marketing, recherche et développement », dont le projet a été élaboré au cours du premier semestre 2005 et auquel vous avez été associée, vous avez été invitée à fixer votre lieu habituel de travail à Metz. Ce transfert de votre lieu de travail constituait un élément déterminant de la validation économique générale de cette organisation. Du reste, comme nous vous le rappelions dans notre lettre du 20 septembre dernier, la nature même des attributions qui vous ont été confiées lors de votre entée au service de notre société, justifiait de votre part une certaine mobilité géographique entrant dans les prévisions de votre contrat de travail. Vous avez néanmoins pris la décision de refuser le transfert de votre lieu de travail de Paris à Metz. Votre décision, que vous avez confirmé lors de notre entretien du 22 septembre 2005, par courrier en date du 1er octobre 2005 et lors de l'entretien préalable du 13 octobre 2005, est contraire aux intérêts de notre société et s'oppose au bon fonctionnement de notre direction « marketing, recherche, et développement », désormais localisé intégralement à Metz. En l'occurrence, nous avons le regret de devoir vous notifier par la présente, et en raison de votre décision de refuser le transfert de votre lieu de travail, notre décision de mettre un terme à notre collaboration. La rupture effective de votre contrat de travail interviendra au terme d'un préavis d'une durée de quatre mois qui commencent à courir à compter de la date de la première présentation de cette lettre. Le contexte dans lequel se situe la rupture de votre contrat de travail nous conduit cependant à vous dispenser d'exécuter votre préavis de licenciement dans son intégralité. Vos rémunérations vous parviendront aux échéances normales de paie » ; qu'aux termes du contrat d'engagement signé le 22 janvier 2003 avec effet au 1er janvier 2003, il a été convenu entre les parties que Madame Stéphanie X...exercerait la fonction de chef de produit senior international ; que l'article 3 du contrat de travail relatif au lieu de travail précisait que la salariée exercerait ses fonctions à Paris et serait susceptible d'être transférée en région parisienne ; que cet article prévoyait en outre, « il est d'autre part entendu que, pour les besoins du service, Mme Stéphanie X...pourra éventuellement recevoir une nouvelle affectation sur place ou dans un lieu différent, sans que cela constitue une cause de rupture du présent contrat de travail » ; que l'article 7 de ce même contrat (intitulé clause particulière) indiquait : « un bilan sera à effectuer avec le directeur marketing au quatrième trimestre 2003 pour évaluer l'efficacité et les conditions de la mise en place pratique de la nouvelle organisation marketing export (notamment par rapport à la localisation du poste chef de produit senior international à Paris) » ; que cependant, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir unilatéral d'en étendre la portée ; qu'en l'espèce l'articulation de l'article 3 et de l'article 7 du contrat signé le 22 janvier 2003 laissait à l'employeur la faculté d'affecter la salariée sur une zone géographique indéfinie ; que la mutation proposée à la salariée constituait donc une modification de son contrat de travail ; que le refus par Madame X...de la modification de son contrat de travail ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que pour autant la réorganisation des services de l'employeur et qui l'a conduit à imposer abusivement cette mutation puisse s'analyser en un licenciement économique déguisé ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'indemniser Madame X...pour défaut de proposition de réembauchage par l'employeur ;
ALORS, SELON LE POURVOI, QUE le licenciement qui résulte du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne est de nature économique sans que le défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement puisse lui enlever cette nature, de sorte que l'employeur est tenu de respecter les règles relatives à la priorité de réembauchage ; que l'absence de mention de la priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement pour motif économique cause nécessairement au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en déboutant Madame X...de sa demande d'indemnité pour absence de mention de la priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement cependant qu'il résultait tant des termes de la lettre de licenciement que des conclusions de l'employeur (pages 13 à 15) que le licenciement prononcé n'était pas fondé sur une prétendue faute de la salariée mais sur une réorganisation décidée dans « l'intérêt de l'entreprise », de sorte qu'il avait la nature d'un licenciement pour motif économique, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 1233-3, L. 1233-45 (anciennement, L. 321-14) et L. 1233-16 (anciennement, L. 122-14-2) du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40709
Date de la décision : 01/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 fév. 2011, pourvoi n°09-40709


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40709
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