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25/01/2011 | FRANCE | N°09-70992

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2011, 09-70992


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er janvier 1986 par la société Y... et associés conseils, société d'expertise comptable, en qualité de chef de mission, avant de devenir lui-même expert-comptable ; qu'il a été nommé administrateur de ladite société à compter du 30 avril 1992 ; que l'intéressé a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 27 juillet 2007, puis a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que cette rupture était imputable à l

a société et obtenir la condamnation de celle-ci au paiement de diverses ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er janvier 1986 par la société Y... et associés conseils, société d'expertise comptable, en qualité de chef de mission, avant de devenir lui-même expert-comptable ; qu'il a été nommé administrateur de ladite société à compter du 30 avril 1992 ; que l'intéressé a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 27 juillet 2007, puis a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que cette rupture était imputable à la société et obtenir la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes ;
Sur le pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Sur le second moyen :
Attendu que la société Y... et associés conseils fait d'abord grief à l'arrêt de dire que M. X... avait conservé un contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de la quatrième résolution du procès-verbal du 28 juin 2006, le conseil d'administration de la société Y..., auquel a participé et voté M. X..., demandait « à son président de mettre en demeure M. X... de remettre sans délai au conseil : *la liste exhaustive à ce jour de ses clients personnels, *de restituer les informations encore en sa possession relatives aux clients dont les contrats de services manquent et dont les analyses d'honoraires ne sont pas validées afin que le service administratif en ait connaissance et procède au travail de régularisation nécessaire, *sous quinze jours, la saisie de ses temps du 1er juillet 2005 à ce jour et de les tenir à jour dorénavant quotidiennement » ; que la lettre adressée le 3 juillet 2006 par M. Y..., président du conseil d'administration, à M. X... avait pour objet de notifier à ce dernier le compte rendu de la réunion du conseil d'administration et reproduisait quasiment mot pour mot la mise en demeure votée par ce conseil ; qu'en énonçant que cette lettre exprimait le contrôle exercé par M. Y..., comme employeur, sur les fonctions techniques assurées par M. X..., la cour d'appel a méconnu la portée claire et précise de ladite lettre et du procès-verbal du 28 juin 2006 qu'elle a dénaturés en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la dénomination que les parties ont donnée à leur relation, mais des conditions de fait dans lesquelles était exercée l'activité de celui qui se prétendait titulaire d'un tel contrat ; qu'en se fondant sur la circonstance que la société Y... aurait, dans sa lettre du 28 juillet 2006, reconnu l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un contrat de travail, que des fiches de paie ont été émises jusqu'à la rupture du contrat de travail, cependant que, comme le soutenait la société Y..., la rémunération versée aux actionnaires dirigeants faisait précisément l'objet de telles fiches de paie afin de faire la preuve de la régularité de leur situation sociale et qu'à la différence d'un bulletin de salaire, la cotisation ASSEDIC ne figure pas sur la fiche de paie du mandataire social qui n'a pas accès à l'assurance chômage, ce qui était le cas de MM. X... et Y..., la cour d'appel, qui n'a pas davantage analysé la teneur desdites fiches de paie, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que le lien de subordination établissant l'existence d'un contrat de travail n'est caractérisé que par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que M. X... ait disposé d'une clientèle propre, n'ait été soumis à aucune contrainte d'horaires et de gestion administrative, ait perçu une rémunération fixée par le conseil d'administration et, surtout, ait exercé des pouvoirs et prérogatives de dirigeant n'excluait pas l'existence d'un lien de subordination entre la société Y... et lui, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé les éléments d'un contrat de travail et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, sans dénaturation de la lettre du 3 juillet 2006 ni du procès-verbal du 28 juin 2006, que M. X... avait continué à exercer, après sa désignation comme administrateur, les fonctions techniques qui résultaient de son contrat antérieur, sous le contrôle de la société qui l'employait, en a exactement déduit que le contrat de travail s'était poursuivi pendant la durée du mandat social et que les conditions de rémunération prévues dans ce contrat demeuraient applicables ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Y... et associés conseils fait ensuite grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une certaine somme à titre de prime, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il n'est pas permis aux juges de dénaturer les actes dont les termes sont clairs et précis ; qu'en qualifiant les « bulletins de paie » de M. X... de « bulletins de salaire », pour en déduire que la prime litigieuse était versée au titre du contrat de travail de M. X... et non au titre de sa rémunération de mandataire social, la cour d'appel a dénaturé lesdits bulletins et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'à supposer qu'il ait été, en outre, titulaire d'un contrat de travail, il est constant que M. X... était actionnaire et administrateur de la société Y... ; qu'en retenant que M. X... aurait dû percevoir la prime litigieuse jusqu'à la prise d'effet de la rupture de son contrat de travail sans rechercher si, comme l'avait retenu le jugement dont la société Y... demandait la confirmation, cette prime n'était pas seulement destinée aux dirigeants administrateurs, de sorte que la décision du conseil d'administration la supprimant devait recevoir application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en constatant que M. X... ne rapportait pas la preuve que la suppression de la prime litigieuse constituait une sanction pécuniaire illégale, la cour d'appel a admis, par là-même, que cette mesure ne constituait pas une sanction disciplinaire entrant dans le champ d'application des articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail qui concernent les sanctions disciplinaires pécuniaires prononcées par un employeur à l'encontre d'un salarié ; qu'en condamnant, cependant, la société Y... au versement de cette prime au titre du contrat de travail, elle n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les textes précités ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu, sans dénaturation, que la prime supprimée par l'employeur constituait un élément de rémunération se rattachant au contrat de travail ; qu'elle en a déduit à bon droit que le paiement de cette prime était dû au titre du mois à l'issue duquel le salarié a pris acte de la rupture du contrat ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi principal du salarié :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que celui-ci n'apporte aucun élément objectif à l'appui de son allégation suivant laquelle il aurait été mis à l'écart de la gestion du cabinet, que la rupture s'explique en réalité par une mésentente entre associés, que les faits de harcèlement moral ne sont nullement caractérisés ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié invoquant une modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur qui avait supprimé une prime et un avantage en nature, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que les faits invoqués ne sont nullement caractérisés ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que M. X... établissait que l'employeur lui avait supprimé une prime et l'avait privé d'un avantage en nature, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il a rejeté les demandes de M. X... tendant à voir condamner la société Y... associés conseils au paiement de certaines sommes au titre de la rupture du contrat de travail et à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 15 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Y... associés conseils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y... associés conseils à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail n'était pas imputable à la société Y... et associés conseils et d'AVOIR débouté M. Jacques X... de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2006, Monsieur Jacques X... a pris l'initiative de rompre le contrat de travail prétendument en cours dans les termes suivants : " Monsieur le Président, Faisant suite à mon courrier du 27 mai 2006, où j'attirais votre attention sur ma mise à l'écart systématique de la gestion du cabinet ainsi que des dossiers clients y compris ceux de ma clientèle personnelle gérée par la société, je constate que depuis cette date, les choses n'ont pas changé et se sont même dégradées. En effet, vous avez, entre autre, réduit de manière abusive ma rémunération de salarié en supprimant une prime annuelle, certain avantage en nature (véhicule de fonction), et en refusant de me mes restituer malgré ma demande. J'ai pu, en outre, constater lors du dernier conseil d'administration de notre société et du procès-verbal le concernant, que vous avez unilatéralement rédigé, que tout est mis en oeuvre dans Y... et associés conseils Sa pour mon exclusion. Dans ces conditions, il ne m'est plus possible de travailler dans l'entreprise et je considère que la rupture de mon contrat de travail d'expert-comptable salarié est de votre fait. L'exécution de mon préavis n'étant pas possible de votre fait, vous voudrez bien m'adresser l'indemnité correspondante, les congés payés et l'indemnité de licenciement qui me sont dus, ceci sous huitaine … "./ … attendu que Monsieur Jacques X... a pris l'initiative de rompre le contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2006 dont les termes ont été rappelés dans les développements qui précèdent ;/ attendu que Monsieur Jacques X... n'apporte aucun élément objectif à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait été mis à l'écart de la gestion du cabinet ;/ que celle-ci est formellement contestée par la Sa Y... ;/ attendu que la rupture s'explique en réalité par une mésentente entre associés quant à la gestion de la société ;/ attendu que les faits de harcèlement moral invoqués en cours de procédure ne sont nullement caractérisés ;/ que Monsieur Jacques X... sera donc débouté de l'ensemble de ces demandes afférentes à la rupture du contrat de travail ;/ attendu que l'examen des bulletins de salaire de Monsieur Jacques X... fait apparaître le versement d'une prime intitulée " Prime diverse ", d'un montant de 1 524, 50 € et ce jusqu'au mois de juin 2006 ;/ attendu que l'existence même de cette prime, d'un montant mensuel constant, n'est pas sérieusement contestable ;/ Or attendu que l'examen du bulletin de salaire délivré pour le mois de juillet 2006 ne mentionne plus le versement de la prime litigieuse ;/ que le contrat de travail litigieux ayant été rompu à l'initiative du salarié à compter du 27 juillet 2006, il y a lieu d'allouer à Monsieur Jacques X... la somme de 1 524, 50 € au titre de la prime due le mois de juillet 2006 ;/ que par contre la rupture du contrat M. Jacques X... c. Société Y... et associés de travail n'étant pas imputable à l'employeur il y a lieu de débouter Monsieur Jacques X... du surplus de ses demandes, la preuve de l'existence d'une sanction pécuniaire illégale n'étant par ailleurs pas rapportée ;/ attendu qu'il résulte de l'examen du procès-verbal du conseil d'administration du 28 juin 2006 que si l'utilisation personnelle du véhicule Passat a été supprimée, il a été néanmoins décidé :- que cet avantage en nature ne serait plus décompté sur la paye de Monsieur Jacques X...,- que s'agissant de ses déplacements professionnels, Monsieur Jacques X... aurait la possibilité d'utiliser les véhicules 206 ou 307 appartenant à l'entreprise ;/ qu'au vu de ces éléments Monsieur Jacques X... n'établit pas l'existence d'un préjudice lié à l'exécution de son contrat de travail ;/ que ce chef de demande sera donc écarté » (cf., arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;
ALORS QUE, de première part, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié qui impute à l'employeur la rupture du contrat de travail et d'apprécier si ces manquements sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont suffisamment graves pour faire produire à la rupture du contrat de travail dont le salarié a pris acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en se bornant, dès lors à énoncer, pour dire que la rupture du contrat de travail n'était pas imputable à la société Y... et associés conseils, que M. Jacques X... n'apportait aucun élément objectif à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait été mis à l'écart de la gestion du cabinet, que celle-ci était formellement contestée par la société Y... et associés conseils, que la rupture s'expliquait, en réalité, par une mésentente entre associés quant à la gestion de la société et que les faits de harcèlement moral invoqués en cous de procédure n'étaient nullement caractérisés, quand elle relevait elle-même qu'étaient établis les griefs invoqués par M. Jacques X..., tant dans la lettre du 27 juillet par laquelle il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail que devant elle, tenant à ce que la société Y... et associés conseils avait unilatéralement supprimé le paiement d'une prime à M. Jacques X... et avait, par la décision de son conseil d'administration du 28 juin 2006, également supprimé l'avantage en nature jusqu'alors consenti à M. Jacques X... consistant en l'utilisation personnelle d'un véhicule automobile de modèle Passat et, donc, avait imposé à M. Jacques X... une double modification unilatérale de son contrat de travail, et quand, en conséquence, il lui appartenait d'apprécier, ce qu'elle n'a pas fait, si ces manquements de la société Y... et associés conseils à ses obligations étaient suffisamment graves pour faire produire à la rupture du contrat de travail dont M. Jacques X... a pris acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble celles de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient au salarié qui prétend avoir été victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement moral et que, dès lors que le salarié a apporté la preuve de tels faits, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en énonçant, dès lors, pour écarter le harcèlement moral invoqué par M. Jacques X..., que M. Jacques X... n'apportait aucun élément objectif à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait été mis à l'écart de la gestion du cabinet, que celle-ci était formellement contestée par la société Y... et associés conseils, que la rupture s'expliquait, en réalité, par une mésentente entre associés quant à la gestion de la société et que les faits de harcèlement moral invoqués n'étaient nullement caractérisés, quand elle relevait, elle-même, qu'étaient établis les griefs invoqués par M. Jacques X... tenant à ce que la société Y... et associés conseils avait unilatéralement supprimé le paiement d'une prime à M. Jacques X... et avait, par la décision de son conseil d'administration du 28 juin 2006, également supprimé l'avantage en nature jusqu'alors consenti à M. Jacques X... consistant en l'utilisation personnelle d'un véhicule automobile de modèle Passat et quand ces agissements laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral dont M. Jacques X... avait été la victime de la part de la société Y... et associés conseils, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS QU'enfin et à titre subsidiaire, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement moral et que, dès lors que le salarié a apporté la preuve de tels faits, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour écarter le harcèlement moral invoqué par M. Jacques X..., que M. Jacques X... n'apportait aucun élément objectif à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait été mis à l'écart de la gestion du cabinet, que celle-ci était formellement contestée par la société Y... et associés conseils, que la rupture s'expliquait, en réalité, par une mésentente entre associés quant à la gestion de la société et que les faits de harcèlement moral invoqués n'étaient nullement caractérisés, sans rechercher si les suppressions unilatérales par la société Y... et associés conseils du paiement d'une prime et de l'avantage en nature jusqu'alors consenti à M. Jacques X... consistant en l'utilisation personnelle d'un véhicule automobile de modèle Passat, dont elle avait relevé l'existence, ne permettaient pas de présumer l'existence du harcèlement moral invoqué par M. Jacques X..., la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Jacques X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Y... et associés conseils à lui payer la somme de 5 115 euros brut à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure disciplinaire et la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire abusive ;
AUX MOTIFS QUE « l'examen des bulletins de salaire de Monsieur Jacques X... fait apparaître le versement d'une prime intitulée " Prime diverse ", d'un montant de 1 524, 50 € et ce jusqu'au mois de juin 2006 ;/ attendu que l'existence même de cette prime, d'un montant mensuel constant, n'est pas sérieusement contestable ;/ Or attendu que l'examen du bulletin de salaire délivré pour le mois de juillet 2006 ne mentionne plus le versement de la prime litigieuse ;/ que le contrat de travail litigieux ayant été rompu à l'initiative du salarié à compter du 27 juillet 2006, il y a lieu d'allouer à Monsieur Jacques X... la somme de 1 524, 50 € au titre de la prime due le mois de juillet 2006 ;/ que par contre la rupture du contrat de travail n'étant pas imputable à l'employeur il y a lieu de débouter Monsieur Jacques X... du surplus de ses demandes, la preuve de l'existence d'une sanction pécuniaire illégale n'étant par ailleurs pas rapportée » (cf., arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;
ALORS QUE constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que, d'autre part, l'employeur ne peut infliger au salarié une sanction pécuniaire ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour débouter M. Jacques X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Y... et associés conseils à lui payer des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire et pour sanction disciplinaire abusive, après avoir relevé que la société Y... et associés conseils avait décidé de supprimer le paiement de la prime litigieuse à M. Jacques X..., que la preuve de l'existence d'une sanction pécuniaire illégale n'était pas rapportée, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la société Y... et associés conseils n'avait pas justifié, dans le procès-verbal des délibérations de son conseil d'administration du 28 juin 2006, sa décision de supprimer le paiement de la prime litigieuse à M. Jacques X... par un mauvais comportement de ce dernier dans ses fonctions de cadre salarié de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail.
TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Jacques X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... et associés conseils à lui payer la somme de 5 115 euros brut à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte de l'examen du procès-verbal du conseil d'administration du 28 juin 2006 que si l'utilisation personnelle du véhicule Passat a été supprimée, il a été néanmoins décidé :- que cet avantage en nature ne serait plus décompté sur la paye de Monsieur Jacques X...,- que s'agissant de ses déplacements professionnels, Monsieur Jacques X... aurait la possibilité d'utiliser les véhicules 206 ou 307 appartenant à l'entreprise ;/ qu'au vu de ces éléments Monsieur Jacques X... n'établit pas l'existence d'un préjudice lié à l'exécution de son contrat de travail ;/ que ce chef de demande sera donc écarté » (cf., arrêt attaqué, p. 5)
ALORS QUE lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction autre qu'un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, lui indique, au cours de l'entretien, lors duquel le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié ; que l'employeur ne peut, en outre, prononcer une sanction moins d'un jour franc, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien et doit motiver et notifier la sanction à l'intéressé ; qu'en déboutant M. Jacques X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Y... et associés conseils à lui payer des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la société Y... et associés conseils n'avait pas méconnu les prescriptions de la procédure disciplinaire lorsqu'elle avait supprimé l'avantage en nature jusqu'alors consenti à M. Jacques X... consistant en l'utilisation personnelle d'un véhicule automobile de modèle Passat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail. Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Y... et associés, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Y... ET ASSOCIES CONSEILS à payer à M. X... la somme de 1. 524, 50 € au titre de la « prime diverse » due pour le mois de juillet 2006 ;
AUX MOTIFS QUE l'examen des bulletins de salaire de M. X... fait apparaître le versement d'une prime intitulée « prime diverse » d'un montant de 1. 524, 50 € et ce jusqu'au mois de juin 2006 ; que l'existence même de cette prime, d'un montant mensuel constant n'est pas sérieusement contestable ; que l'examen du bulletin de salaire délivré pour le mois de juillet 2006 ne mentionne plus le versement de la prime litigieuse ; que le contrat de travail litigieux ayant été rompu à l'initiative du salarié à compter du 27 juillet 2006, il y a lieu d'allouer à M. X... la somme de 1. 534, 50 € au titre de la prime du mois de juillet 2006 ; que la rupture du contrat de travail s'explique en réalité par une mésentente entre associés quant à la gestion du cabinet ; que, n'étant pas imputable à l'employeur, il y a lieu de débouter M. X... du surplus de ses demandes, la preuve de l'existence d'une sanction pécuniaire illégale n'étant pas rapportée ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il n'est pas permis aux juges de dénaturer les actes dont les termes sont clairs et précis ; qu'en qualifiant les « bulletins de paie » de M. X... de « bulletins de salaire », pour en déduire que la prime litigieuse était versée au titre du contrat de travail de M. X... et non au titre de sa rémunération de mandataire social, la cour d'appel a dénaturé lesdits bulletins et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'à supposer qu'il ait été, en outre, titulaire d'un contrat de travail, il est constant que M. X... était actionnaire et administrateur de la société Y... ; qu'en retenant que M. X... aurait dû percevoir la prime litigieuse jusqu'à la prise d'effet de la rupture de son contrat de travail sans rechercher si, comme l'avaient retenu le jugement dont la société Y... demandait la confirmation, cette prime n'était pas seulement destinée aux dirigeants administrateurs de sorte que la décision du conseil d'administration la supprimant devait recevoir application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en constatant que M. X... ne rapportait pas la preuve que la suppression de la prime litigieuse constituait une sanction pécuniaire illégale, la cour d'appel a admis, par là même, que cette mesure ne constituait pas une sanction disciplinaire entrant dans le champ d'application des articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail qui concernent les sanctions disciplinaires pécuniaires prononcées par un employeur à l'encontre d'un salarié ; qu'en condamnant, cependant, la société Y... au versement de cette prime au titre du contrat de travail, elle n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les textes précités.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(EVENTUEL)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que M. X... avait conservé un contrat de travail avec la société Y... ET ASSOCIES CONSEILS ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de M. X... à effet du 1er janvier 1986 préexistait à sa fonction d'administrateur de la société Y... dont il a été investi à compter du 30 avril 1992 ; qu'il appartient à la société Y... de rapporter la preuve de l'absorption du contrat de travail par le mandat social ; qu'il convient de relever que M. X... assurait la gestion technique de dossiers clients, qu'il résulte d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2006 que cette fonction technique s'exerçait sous le contrôle de M. Y..., que par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2006, M. Y... a expressément reconnu la qualité de salarié de M. X... et que des fiches de paie ont été émises à ce titre jusqu'à la rupture du contrat de travail ; qu'il résulte de ces éléments que le cumul du mandat social avec un contrat de travail apparaît établi ; que la rupture du contrat de travail s'explique, en réalité, par une mésentente entre associés quant à la gestion du cabinet ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, aux termes de la quatrième résolution du procès-verbal du 28 juin 2006 (p. 9 et 10), le conseil d'administration de la société Y..., auquel a participé et voté M. X..., demandait « à son président de mettre en demeure Mr Jacques X... de remettre sans délai au conseil : *la liste exhaustive à ce jour de ses clients personnels, *de restituer les informations encore en sa possession relatives aux clients dont les contrats de services manquent et dont les analyses d'honoraires ne sont pas validées afin que le service administratif en ait connaissance et procède au travail de régularisation nécessaire, *sous quinze jours, la saisie de ses temps du 1er juillet 2005 à ce jour et de les tenir à jour dorénavant quotidiennement » ; que la lettre adressée le 3 juillet 2006 par M. Y..., président du conseil d'administration, à M. X... avait pour objet de notifier à ce dernier le compte rendu de la réunion du conseil d'administration et reproduisait quasiment mot pour mot la mise en demeure votée par ce conseil ; qu'en énonçant que cette lettre exprimait le contrôle exercé par M. Y..., comme employeur, sur les fonctions techniques assurées par M. X..., la cour d'appel a méconnu la portée claire et précise de ladite lettre et du procès-verbal du 28 juin 2006 qu'elle a dénaturés en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la dénomination que les parties ont donnée à leur relation, mais des conditions de fait dans lesquelles était exercée l'activité de celui qui se prétendait titulaire d'un tel contrat ; qu'en se fondant sur la circonstance que la société Y... aurait, dans sa lettre du 28 juillet 2006, reconnu l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en affirmant, pour retenir l'existence d'un contrat de travail, que des fiches de paie ont été émises jusqu'à la rupture du contrat de travail, cependant que, comme le soutenait la société Y... (concl. p. 15), la rémunération versée aux actionnaires dirigeants faisait précisément l'objet de telles fiches de paie afin de faire la preuve de la régularité de leur situation sociale et qu'à la différence d'un bulletin de salaire, la cotisation ASSEDIC ne figure pas sur la fiche de paie du mandataire social qui n'a pas accès à l'assurance chômage, ce qui était le cas de MM. X... et Y..., la cour d'appel, qui n'a pas davantage analysé la teneur desdites fiches de paie, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE le lien de subordination établissant l'existence d'un contrat de travail n'est caractérisé que par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl. p. 13 et suiv.), si le fait que M. X... ait disposé d'une clientèle propre, n'ait été soumis à aucune contraire d'horaires et de gestion administrative, ait perçu une rémunération fixée par le conseil d'administration et, surtout, ait exercé des pouvoirs et prérogatives de dirigeant n'excluait pas l'existence d'un lien de subordination entre la société Y... et lui, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé les éléments d'un contrat de travail et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-70992
Date de la décision : 25/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 15 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2011, pourvoi n°09-70992


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.70992
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