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25/01/2011 | FRANCE | N°09-42173

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2011, 09-42173


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 24 février 2009), que Mme X..., épouse Y..., engagée par la société Nouvelles Frontières (la société) le 1er février 1995 et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef de comptoir, statut cadre, à Saint-Denis de la Réunion, a manifesté le souhait, par courriel du 2 mars 2005, d'obtenir une mutation à Paris en raison de l'état de santé de son mari ; que l'employeur a accédé à sa demande, lors d'un entretien avec l

'intéressée le 5 mai 2005, pour un poste de "back office" à compter du 8 août 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 24 février 2009), que Mme X..., épouse Y..., engagée par la société Nouvelles Frontières (la société) le 1er février 1995 et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef de comptoir, statut cadre, à Saint-Denis de la Réunion, a manifesté le souhait, par courriel du 2 mars 2005, d'obtenir une mutation à Paris en raison de l'état de santé de son mari ; que l'employeur a accédé à sa demande, lors d'un entretien avec l'intéressée le 5 mai 2005, pour un poste de "back office" à compter du 8 août 2005 en annonçant également la nomination de sa remplaçante ; que la société a, par avenant au contrat de travail du 28 juin 2005, soumis à Mme Y... le profil complet du poste à lui retourner avec son accord ; que la salariée a, par lettre du 15 juillet 2005, refusé son affectation à Paris pour des raisons familiales et tenant à l'état de santé de son mari ; qu'ayant été licenciée par courrier du 5 août 2005 pour refus d'accepter sa mutation, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'en débouter, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une proposition de modification du contrat de travail par l'employeur ne lie le salarié qu'à la condition qu'il l'ait acceptée par une manifestation claire et non équivoque de volonté ; qu'une telle manifestation de volonté ne peut découler, ni du seul «souhait» exprimé initialement par le salarié pour une telle modification, ni de la seule absence de protestation du salarié lors de la mise en place de cette modification, en l'absence d'une acceptation claire et non équivoque d'une proposition de l'employeur comportant elle-même les informations précises et complètes relatives à la teneur de cette modification ; que la cour d'appel a considéré comme fautif son refus de rejoindre un poste administratif à Paris sans constater que celle-ci aurait entre-temps déjà accepté son changement de lieu de travail de Saint-Denis de la Réunion à Paris, de manière claire et non équivoque, dès lors qu'elle s'est bornée à relever à cet égard qu'elle avait, le 2 mars 2005, exprimé son «souhait» d'obtenir une mutation, puis n'avait pas remis en cause ce projet lors de l'annonce de la nomination de sa remplaçante le 5 mai 2005, tandis que de son côté l'employeur avait organisé sa mutation ainsi que son remplacement, intervenu le 1er juillet 2005 ; que la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article 1134 du code civil ;
2°/ que seule une proposition de modification du contrat de travail précise et complète quant aux nouvelles conditions, soumise expressément à l'acceptation du salarié, constitue de la part de l'employeur une offre de contractualisation des éléments du projet de modification ; qu'à défaut d'informations précises et complètes du salarié sur le projet de modification, la proposition de modification constitue de la part de l'employeur une invitation à entrer en pourparlers avec le salarié qui est en droit de demander des informations complémentaires avant de se prononcer ; qu'elle avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il résultait de la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, que l'employeur avait considéré comme fautif son refus d'accepter sa «proposition» d'avenant à son contrat de travail du 28 juin 2005, par laquelle il lui avait proposé une mutation géographique sur un poste clairement identifié ; que la lettre de licenciement rappelle, en termes clairs et précis, cette proposition d'avenant soumise à la signature de la salariée, pour un poste de chargé de back office au centre d'appels situé au ... à compter du 8 août 2005, avec maintien de son titre, de son niveau et de son salaire actuels ; qu'en soumettant à la signature de la salariée une telle proposition de modification du contrat de travail, l'employeur avait nécessairement reconnu que cette proposition était susceptible de modifier le contrat de travail, peu important les événements antérieurs, et qu'en conséquence seule l'acceptation par la salariée de cette proposition finalisait l'échange des consentements conférant un caractère contractuel à la proposition d'avenant et à la modification envisagée ; qu'en déduisant d'événements antérieurs à cette proposition d'avenant au contrat de travail une acceptation par la salariée de la modification, aux motifs inopérants que l'employeur avait déjà organisé cette modification lors de son refus, et qu'elle s'était abstenue de protester, la cour d'appel a, de nouveau, violé, par fausse application, l'article 1134 du code civil ;
3°/ que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que ne constitue par un abus de droit le fait par un salarié d'émettre le souhait d'une mutation dans un autre secteur géographique d'activité, puis de refuser la proposition de mutation de l'employeur après avoir entre-temps gardé le silence pendant que celui-ci mettait en oeuvre la réorganisation de ses services et le remplacement du salarié, dès lors que le souhait, exprimé sans la moindre précision sur l'emploi convoité, ainsi que le lieu de travail, le niveau de salaire et la qualification, constitue le libre exercice par le salarié de son droit d'expression dans l'entreprise dans le cadre de pourparlers pour une éventuelle mutation, sans que le libre exercice de ce droit ne puisse s'analyser comme un engagement unilatéral de sa part qui l'aurait lié à l'avance lorsque l'employeur lui aurait présenté une proposition concrète et précise, et sans que celui-ci puisse davantage sanctionner par le licenciement le refus par le salarié d'accepter cette proposition ; qu'en décidant le contraire et en lui imputant un refus abusif de mutation, sans au demeurant constater de sa part de mauvaise foi ni d'intention dolosive, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses conséquences de fait, a violé, par fausse application, l'article L. 1232-1 du code du travail, et, par refus d'application, l'article L. 1121-1 du même code ;
4°/ qu'elle avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que sa demande initiale de mutation du 2 mars 2005 s'analysait en une simple demande d'entrer en pourparlers sur une éventuelle mutation géographique, demande à laquelle l'employeur n'était pas tenu de faire suite, de sorte que sa réponse ne pouvait s'analyser en une acceptation d'une prétendue offre de mutation ; qu'elle avait ainsi fait valoir que, faute de précision sur la mutation projetée, en particulier sur le poste et le lieu de travail, ainsi que sur le salaire et la date d'entrée en fonction, cette invitation à négocier n'était pas susceptible de se transformer en accord par un simple acquiescement de l'employeur ; qu'elle avait en outre précisé, dans ces mêmes écritures, que c'était seulement l'éventualité d'une mutation au sein de «Nouvelles Frontières Paris» qui avait été discutée oralement par les parties, sans que pour autant cette discussion ne se soit soldée par une décision ferme et définitive d'elle-même, ce qui était confirmé, en premier lieu, par le caractère succinct de son courrier électronique du 2 mars 2005, lequel révélait son absence de volonté déterminée de mutation, en deuxième lieu, par le contexte privé du souhait exprimé, strictement lié à la santé de son époux, et, en troisième lieu, par la réponse de l'employeur du 4 mars suivant qui n'était pas davantage détaillée quant au degré de certitude de la mutation évoquée et aux conditions précises de la mutation ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, desquelles il se déduisait qu'aucune proposition de modification du contrat de travail n'était intervenue avant la proposition d'avenant du 28 juin 2005, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit exprimer clairement la base juridique de sa décision ; qu'en se bornant à relever qu'elle n'était pas fondée à invoquer une modification du contrat de travail non acceptée par elle-même, sans préciser si le caractère abusif de son refus découlait de ce qu'elle avait auparavant accepté la modification ou de ce qu'elle avait, dans le cadre de pourparlers, accepté le principe de la mutation de façon définitive, ce qui la liait à l'avenir en cas de concrétisation par une proposition effective par l'employeur d'une modification du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
6°/ que commet une voie de fait l'employeur qui met en oeuvre la modification d'un contrat de travail par voie de mutation sur un secteur géographique différent du lieu de travail initial, en procédant au remplacement du salarié à son ancien poste avant que celui-ci n'ait manifesté sa volonté claire et non équivoque d'accepter cette modification ; qu'en considérant comme tardif et abusif le refus de la salariée aux motifs que l'employeur avait déjà procédé à son remplacement et réorganisé ses services en conséquence de la modification du contrat de travail lors de son refus, quand il résultait de ces constatations qu'au contraire, c'était l'employeur qui avait commis une voie de fait en procédant à ce remplacement sans attendre l'accord exprès de la salariée pour sa mutation, et qu'en revanche, le refus de la modification du contrat de travail constituait l'exercice d'un droit pour la salariée, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1134, alinéas 1 et 3, du code civil, ensemble le principe selon lequel «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude» et l'article L. 232-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, conformément au souhait de la salariée d'être affectée à Paris en raison de l'état de santé de son mari, l'employeur avait, lors d'un entretien le 5 mai 2005, accédé à sa demande à compter du 8 août 2005 et annoncé la désignation prochaine de sa remplaçante, que Mme Y... n'avait alors remis en cause ni le principe de son affectation à Paris, ni son prochain remplacement, et que c'était pour un motif exclusivement personnel, étranger aux termes du nouveau contrat qui lui garantissait le maintien de son titre et de sa rémunération, qu'elle avait finalement refusé par lettre du 15 juillet 2005 sa mutation ; qu'elle a pu en déduire, par décision motivée et sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que la salariée ne pouvait plus refuser l'affectation à Paris qu'elle avait implicitement mais nécessairement acceptée ; que le moyen, inopérant en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., épouse Y..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X..., épouse Y...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame Y... (salariée) de sa demande tendant à ce que la société NOUVELLES FRONTIERES (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 77.364 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société NF a engagé Madame Y... le 1er février 1995, ses fonctions étant en dernier lieu celles de chef de comptoir avec le statut de cadre ; qu'elle a été licenciée pour un courrier du 5 août 2005 faisant suite à son refus d'accepter une mutation en métropole ; que, par un courriel du 2 mars 2005, Madame Y... a confirmé à sa hiérarchie son «souhait» d'obtenir une mutation pour PARIS ; que les raisons personnelles invoquées tenaient à l'état de santé de son conjoint ; que l'employeur a fait droit à sa demande pour un poste de chargée de «back office» à compter du 8 août 2005 ; que ce point a été annoncé lors d'une réunion du 5 mai 2005 tout comme la nomination de sa remplaçante ; qu'à cette époque, Madame Y... n'a nullement remis en cause ce projet conforme à sa demande ; que sa remplaçante a pris ses fonctions le premier juillet suivant ; que par courrier du 15 juillet 2005, Madame Y... a informé son employeur qu'elle refusait cette mutation par ces termes : «Malheureusement, je ne peux pas donner une suite favorable à cette proposition. En effet, ma situation familiale autant que la santé de mon mari ne me permettent pas de quitter la Réunion» ; que Madame Y... n'explicite pas la ou les raisons à l'origine de ce revirement ; que le fait qu'elle n'ait pas contesté le projet et les conséquences en découlant comme la nomination de sa remplaçante en mai confirme que celui-ci était conforme à sa demande ; que le refuser le 15 juillet est alors tardif et abusif ; que Madame Y... n'est pas fondée à invoquer ici une modification du contrat de travail non acceptée par elle-même ; que son refus, pour lequel elle n'indique toujours pas la raison (lors de l'entretien préalable, elle avait expliqué qu'il y avait eu un changement de paramètre dans sa vie personnelle) est fautif ; que l'employeur pouvait s'en prévaloir d'autant plus que sa remplaçante avait été désignée et avait pris son poste ; que le licenciement fondé sur le refus de donner suite à la mutation sollicitée est justifié par une cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame Y... sollicite une mutation dans un poste administratif à Paris ; que son employeur organise cette mutation souhaitée par la demanderesse ; qu'elle recherche un poste disponible dans une fonction administrative, et une mutation géographique correspondant au souhait de la salariée ; que la société organise le remplacement de Madame Y... qui devient effectif le 1er juillet 2005 ; que soudainement le 15 juillet, Madame Y... informait son employeur qu'elle refusait cette mutation qu'elle avait initiée, alors que son poste initial était déjà pourvu ; que les services administratifs du siège de la société s'étaient organisés pour accueillir Madame Y... qui ne veut plus de ce poste ; que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QU'une proposition de modification du contrat de travail par l'employeur ne lie le salarié qu'à la condition qu'il l'ait acceptée par une manifestation claire et non équivoque de volonté ; qu'une telle manifestation de volonté ne peut découler, ni du seul «souhait» exprimé initialement par le salarié pour une telle modification, ni de la seule absence de protestation du salarié lors de la mise en place de cette modification, en l'absence d'une acceptation claire et non équivoque d'une proposition de l'employeur comportant elle-même les informations précises et complètes relatives à la teneur de cette modification ; que la Cour d'appel a considéré comme fautif le refus de Madame Y... de rejoindre un poste administratif à PARIS sans constater que celle-ci aurait entre temps déjà accepté son changement de lieu de travail de SAINT DENIS DE LA REUNION à PARIS, de manière claire et non équivoque, dès lors qu'elle s'est bornée à relever à cet égard que la salariée avait, le 2 mars 2005, exprimé son «souhait» d'obtenir une mutation, puis n'avait pas remis en cause ce projet lors de l'annonce de la nomination de sa remplaçante le 5 mai 2005, tandis que de son côté l'employeur avait organisé sa mutation ainsi que son remplacement, intervenu le 1er juillet 2005 ; que la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE seule une proposition de modification du contrat de travail précise et complète quant aux nouvelles conditions, soumise expressément à l'acceptation du salarié, constitue de la part de l'employeur une offre de contractualisation des éléments du projet de modification ; qu'à défaut d'informations précises et complètes du salarié sur le projet de modification, la proposition de modification constitue de la part de l'employeur une invitation à entrer en pourparlers avec le salarié qui est en droit de demander des informations complémentaires avant de se prononcer ; que Madame Y... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il résultait de la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, que l'employeur avait considéré comme fautif son refus d'accepter sa «proposition» d'avenant à son contrat de travail du 28 juin 2005, par laquelle il lui avait proposé une mutation géographique sur un poste clairement identifié ; que la lettre de licenciement rappelle, en termes clairs et précis, cette proposition d'avenant soumise à la signature de la salariée, pour un poste de chargé de back office au centre d'appels situé au ... à compter du 8 août 2005, avec maintien de son titre, de son niveau et de son salaire actuels ; qu'en soumettant à la signature de la salariée une telle proposition de modification du contrat de travail, la Société NOUVELLES FRONTIERES avait nécessairement reconnu que cette proposition était susceptible de modifier le contrat de travail, peu important les évènements antérieurs, et qu'en conséquence seule l'acceptation par la salariée de cette proposition finalisait l'échange des consentements conférant un caractère contractuel à la proposition d'avenant et à la modification envisagée ; qu'en déduisant d'évènements antérieurs à cette proposition d'avenant au contrat de travail une acceptation par la salariée de la modification, aux motifs inopérants que l'employeur avait déjà organisé cette modification lors de son refus, et que la salariée s'était abstenue de protester, la Cour d'appel a, de nouveau, violé, par fausse application, l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que ne constitue par un abus de droit le fait par un salarié d'émettre le souhait d'une mutation dans un autre secteur géographique d'activité, puis de refuser la proposition de mutation de l'employeur après avoir entre temps gardé le silence pendant que celui-ci mettait en oeuvre la réorganisation de ses services et le remplacement du salarié, dès lors que le souhait, exprimé sans la moindre précision sur l'emploi convoité, ainsi que le lieu de travail, le niveau de salaire et la qualification, constitue le libre exercice par le salarié de son droit d'expression dans l'entreprise dans le cadre de pourparlers pour une éventuelle mutation, sans que le libre exercice de ce droit ne puisse s'analyser comme un engagement unilatéral de sa part qui l'aurait lié à l'avance lorsque l'employeur lui aurait présenté une proposition concrète et précise, et sans que celui puisse davantage sanctionner par le licenciement le refus par le salarié d'accepter cette proposition ; qu'en décidant le contraire et en imputant à l'exposante un refus abusif de mutation, sans au demeurant constater de sa part de mauvaise foi ni d'intention dolosive, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses conséquences de fait, a violé, par fausse application, l'article L.1232-1 du Code du travail, et, par refus d'application, de l'article L.1121-1 du même Code ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE Madame Y... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que sa demande initiale de mutation du mars 2005 s'analysait en une simple demande d'entrer en pourparlers sur une éventuelle mutation géographique, demande à laquelle l'employeur n'était pas tenu de faire suite, de sorte que sa réponse ne pouvait s'analyser en une acceptation d'une prétendue offre de mutation de la salariée ; qu'elle avait ainsi fait valoir que, faute de précision sur la mutation projetée, en particulier sur le poste et le lieu de travail, ainsi que sur le salaire et la date d'entrée en fonction, cette invitation à négocier n'était pas susceptible de se transformer en accord par un simple acquiescement de l'employeur ; qu'elle avait en outre précisé, dans ces mêmes écritures, que c'était seulement l'éventualité d'une mutation au sein de «NOUVELLES FRONTIERES PARIS» qui avait été discutée oralement par les parties, sans que pour autant cette discussion ne se soit soldée par une décision ferme et définitive de Madame Y..., ce qui était confirmé, en premier lieu, par le caractère succinct de son courrier électronique du 2 mars 2005, lequel révélait son absence de volonté déterminée de mutation, en deuxième lieu, par le contexte privé du souhait exprimé, strictement lié à la santé de son époux, et, en troisième lieu, par la réponse de l'employeur du 4 mars suivant qui n'était pas davantage détaillée quant au degré de certitude de la mutation évoquée et aux conditions précises de la mutation ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, desquelles il se déduisait qu'aucune proposition de modification du contrat de travail n'était intervenue avant la proposition d'avenant du 28 juin 2005, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE le juge doit exprimer clairement la base juridique de sa décision ; qu'en se bornant à relever que Madame Y... n'était pas fondée à invoquer une modification du contrat de travail non acceptée par elle-même, sans préciser si le caractère abusif de son refus découlait de ce qu'elle avait auparavant accepté la modification ou de ce qu'elle avait, dans le cadre de pourparlers, accepté le principe de la mutation de façon définitive, ce qui la liait à l'avenir en cas de concrétisation par une proposition effective par l'employeur d'une modification du contrat de travail, la Cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS, DE SIXIEME PART, ENFIN QUE commet une voie de fait l'employeur qui met en oeuvre la modification d'un contrat de travail par voie de mutation sur un secteur géographique différent du lieu de travail initial, en procédant au remplacement du salarié à son ancien poste avant que celui-ci n'ait manifesté sa volonté claire et non équivoque d'accepter cette modification ; qu'en considérant comme tardif et abusif le refus de la salariée aux motifs que l'employeur avait déjà procédé à son remplacement et réorganisé ses services en conséquence de la modification du contrat de travail lors de son refus, quand il résultait de ces constatations qu'au contraire, c'était l'employeur qui avait commis une voie de fait en procédant à ce remplacement sans attendre l'accord exprès de la salariée pour sa mutation, et qu'en revanche, le refus de la modification du contrat de travail constituait l'exercice d'un droit pour la salariée, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1134 alinéas 1 et 3 du Code civil, ensemble le principe selon lequel «Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude» et l'article L.1232-1 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42173
Date de la décision : 25/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 24 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2011, pourvoi n°09-42173


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42173
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