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25/01/2011 | FRANCE | N°09-40028

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2011, 09-40028


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2008), que Mme X... a été engagée, en qualité de rayonniste, suivant contrat " nouvelles embauches " du 19 septembre 2005 par M. Y..., exploitant une pharmacie ; que son employeur ayant rompu, sans motivation, le contrat, par lettre du 10 janvier 2007, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat " nouvelles embauches " s'a

nalysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2008), que Mme X... a été engagée, en qualité de rayonniste, suivant contrat " nouvelles embauches " du 19 septembre 2005 par M. Y..., exploitant une pharmacie ; que son employeur ayant rompu, sans motivation, le contrat, par lettre du 10 janvier 2007, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat " nouvelles embauches " s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que si la convention n° 158 de l'OIT dispose, en son article 4, qu'un travailleur ne doit pas être licencié sans qu'il existe un motif valable, en son article 7, qu'un travailleur ne peut être licencié sans qu'il lui soit offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées et, en son article 9, qu'un salarié ne doit pas avoir à supporter seul la charge de prouver que le licenciement dont il a fait l'objet n'était pas justifié, elle permet, en revanche, en son article 2 § 2 b), à un Etat membre d'exclure du champ d'application de l'ensemble ou de certaines des dispositions de ce texte les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ; qu'en se bornant à relever, pour décider que Mme X... avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les dispositions de l'ordonnance du 25 juin 2008 relatives au contrat « nouvelles embauches », permettant à un employeur de déroger aux règles du code du travail encadrant le licenciement, étaient contraires à celles de la convention n° 158 de l'OIT, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la durée, fixée d'avance, de la période d'essai effectuée par la salariée pouvait être regardée comme raisonnable, permettant ainsi d'exclure le contrat litigieux des dispositions de ladite convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 § 2 b) de la convention n° 158 de l'OIT et de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 ;
2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en conséquence, le système juridique doit présenter une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant au droit applicable ; que le 10 janvier 2007, date de la rupture du contrat « nouvelles embauches », l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail « nouvelles embauches », considérée comme non dérogatoire aux dispositions de la convention n° 158 de l'OIT, par arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 octobre 2005, autorisait un employeur à rompre un contrat « nouvelles embauches » sans être tenu de motiver la rupture et sans mettre en oeuvre une procédure préalable contradictoire ; qu'en décidant néanmoins que la rupture du contrat de travail de Mme X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme étant dépourvue de toute motivation, bien que cette rupture soit intervenue dans le strict respect du droit applicable au moment des faits et sans que l'employeur ne puisse présumer d'une modification législative ou jurisprudentielle rétroagissant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en conséquence, une partie à un procès ne peut se voir opposer une règle de droit issue d'une nouvelle jurisprudence lorsque la mise en oeuvre de celle-ci aboutirait à la priver d'un procès équitable ; qu'à la date du 10 janvier 2007, qui était celle de la rupture du contrat « nouvelles embauches » de Mme X..., l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail « nouvelles embauches », considérée comme non dérogatoire aux dispositions de la convention n° 158 de l'OIT, par arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 octobre 2005, autorisait un employeur à rompre un contrat « nouvelles embauches » sans être tenu de motiver la rupture et sans mettre en oeuvre une procédure préalable contradictoire ; que l'application d'une jurisprudence nouvelle, matérialisée par l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 1er juillet 2008, considérant que les dispositions de l'ordonnance précitée sont contraires à celles de la convention n° 158 de l'OIT, aux ruptures des contrats « nouvelles embauches » survenues antérieurement, a pour conséquence de priver l'employeur d'un procès équitable, dès lors qu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté des règles encadrant la rupture qui, à la date des faits, n'existaient pas ; qu'en décidant néanmoins que la rupture du contrat de travail de Mme X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme étant dépourvue de toute motivation, bien que cette rupture soit intervenue avant la jurisprudence nouvelle ayant imposé à l'employeur de motiver la rupture, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant considéré que la période de deux ans prévue par le contrat " nouvelles embauches " ne pouvait être regardée comme une période d'essai au regard des caractéristiques essentielles de l'essai, la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur le caractère raisonnable ou non du délai ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt rendu le 1er juillet 2008 par la Cour de cassation, chambre sociale, n'a pas opéré de revirement de jurisprudence ;
Et attendu, enfin, que selon l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, " les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois " ; qu'en écartant l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005, instituant le contrat nouvelles embauches, comme contraire aux dispositions de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990, la cour d'appel n'a fait qu'appliquer exactement au litige les normes en vigueur et n'a, dès lors, pas méconnu le principe de sécurité juridique et l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux conseils pour M. Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que la rupture du contrat « nouvelles embauches » de Mademoiselle X... s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné Monsieur Y...à payer à celle-ci les sommes de 1. 983 € pour non-respect de la procédure de licenciement et de 7. 928 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de rupture est rédigée de la manière suivante : « Suite à notre entretien du 26 décembre dernier, nous sommes dans l'obligation de rompre votre « contrat nouvelles embauches », conclu le 19 septembre 2005, dans le cadre de l'ordonnance 2005-893 du 2 août 2005. Compte tenu de votre ancienneté, votre préavis de 1 mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de la première présentation de cette lettre » ; qu'Antoine Y...affirme avoir respecté, tant dans les formes qu'au fond, les dispositions de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 créant le contrat « nouvelles embauches » et dispensant l'employeur de motiver la rupture dans les deux premières années d'exécution ; que toutefois, d'abord, aux termes de l'article 4 de la Convention n° 158 de l'OIT (l'Organisation Internationale du Travail), qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à son aptitude ou à sa conduite ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ; que selon l'article 7, le licenciement ne peut intervenir avant qu'on ait offert au travailleur la possibilité de se défendre contre les allégations formulées et que, selon l'article 9, le salarié ne doit pas avoir à supporter seul la charge de prouver que le licenciement n'était pas justifié ; qu'en déclarant non applicables les articles L 122-4 à L 122-11, L 122-13 à L 122-14-14 et L 321-1 à L 321-7 du Code du travail, tels qu'alors en vigueur, au licenciement de salariés engagés par un contrat « nouvelles embauches » et survenant pendant les deux années suivant la conclusion de ce contrat, l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, devenu l'article L 1223-4 du Code du travail abrogé par l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, en ce qu'il écarte les dispositions générales relatives à la procédure préalable de licenciement et fait exclusivement peser sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, ne satisfait pas aux exigences de la convention internationale susvisée ; qu'ensuite, selon l'article 2 § 2 b) de la Convention n° 158 de l'OIT, un pays membre peut exclure du champ d'application de l'ensemble ou de certaines des dispositions de ladite convention les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable, ou selon l'article 2 § 5, et pour autant qu'il soit nécessaire, d'autres catégories limitées de travailleurs salariés au sujet desquelles se posent des problèmes particuliers revêtant une certaine importance, eu égard aux conditions d'emploi particulières des travailleurs intéressés, à la taille de l'entreprise qui les emploie ou à sa nature ; que l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, devenu l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, qui ne vise pas une catégorie limitée de salariés pour lesquels se posent des problèmes particuliers revêtant une certaine importance eu égard à la taille de l'entreprise qui les emploie, ne distingue pas selon les fonctions pour lesquelles ils ont été engagés et ne limite pas, autrement que par un délai d'attente de trois mois, la possibilité de les engager de nouveau par un contrat de nature identique à celui précédemment rompu par le même employeur, ne peut être justifié par l'application des dispositions de la convention internationale susvisée ; que par suite, l'article 2 de l'ordonnance étant contraire aux dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT, la rupture du contrat de travail de Francesca X... restait soumise aux règles d'ordre public du Code du travail, et que le licenciement non motivé de cette salariée était sans cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QUE si la Convention n° 158 de l'OIT dispose, en son article 4, qu'un travailleur ne doit pas être licencié sans qu'il existe un motif valable, en son article 7, qu'un travailleur ne peut être licencié sans qu'il lui soit offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées et, en son article 9, qu'un salarié ne doit pas avoir à supporter seul la charge de prouver que le licenciement dont il a fait l'objet n'était pas justifié, elle permet, en revanche, en son article 2 § 2 b), à un Etat membre d'exclure du champ d'application de l'ensemble ou de certaines des dispositions de ce texte, les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ; qu'en se bornant à relever, pour décider que Mademoiselle X... avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les dispositions de l'ordonnance du 25 juin 2008 relatives au contrat « nouvelles embauches », permettant à un employeur de déroger aux règles du Code du travail encadrant le licenciement, étaient contraires à celles de la Convention n° 158 de l'OIT, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la durée, fixée d'avance, de la période d'essai effectuée par la salariée pouvait être regardée comme raisonnable, permettant ainsi d'exclure le contrat litigieux des dispositions de ladite convention, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 § 2 b) de la Convention n° 158 de l'OIT et de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en conséquence, le système juridique doit présenter une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant au droit applicable ; que le 10 janvier 2007, date de la rupture du contrat « nouvelles embauches » de Mademoiselle X..., l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail « nouvelles embauches », considérée comme non dérogatoire aux dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT, par arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 octobre 2005 (req. n° 283. 471), autorisait un employeur à rompre un contrat « nouvelles embauches » sans être tenu de motiver la rupture et sans mettre en oeuvre une procédure préalable contradictoire ; qu'en décidant néanmoins que la rupture du contrat de travail de Mademoiselle X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme étant dépourvu de toute motivation, bien que cette rupture soit intervenue dans le strict respect du droit applicable au moment des faits et sans que l'employeur ne puisse présumer d'une modification législative ou jurisprudentielle rétroagissant, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE, très subsidiairement, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en conséquence, une partie à un procès ne peut se voir opposer une règle de droit issue d'une nouvelle jurisprudence lorsque la mise en oeuvre de celle-ci aboutirait à la priver d'un procès équitable ; qu'à la date du 10 janvier 2007, qui était celle de la rupture du contrat « nouvelles embauches » de Mademoiselle X..., l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail « nouvelles embauches », considérée comme non dérogatoire aux dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT, par arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 19 octobre 2005 (req. n° 283. 471), autorisait un employeur à rompre un contrat « nouvelles embauches » sans être tenu de motiver la rupture et sans mettre en oeuvre une procédure préalable contradictoire ; que l'application d'une jurisprudence nouvelle, matérialisée par l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 1er juillet 2008 (Bull V, n° 146, p. 159), considérant que les dispositions de l'ordonnance précitée sont contraires à celles de la Convention n° 158 de l'OIT, aux ruptures des contrats « nouvelles embauches » survenues antérieurement, a pour conséquence de priver l'employeur d'un procès équitable, dès lors qu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté des règles encadrant la rupture qui, à la date des faits, n'existaient pas ; qu'en décidant néanmoins que la rupture du contrat de travail de Mademoiselle X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme étant dépourvu de toute motivation, bien que cette rupture soit intervenue avant la jurisprudence nouvelle ayant imposé à l'employeur de motiver la rupture, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40028
Date de la décision : 25/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 04 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2011, pourvoi n°09-40028


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40028
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