La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2011 | FRANCE | N°09-71718

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 janvier 2011, 09-71718


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 septembre 2009), que le 23 mars 1989, le Crédit local de France, le Comptoir des entrepreneurs et la société Européenne de banque, aux droits desquelles se trouvent, respectivement, la société Dexia crédit local, la SNC Immo Vauban et la société Barclays Bank PLC (les banques), ont consenti à la SCI Les Jardins de Hauterive (la SCI), en formation, constituée à l'initiative de M. X...,

restaurateur, avec M. et Mme Y..., ses parents, M. et Mme Z..., sa soeur et s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 septembre 2009), que le 23 mars 1989, le Crédit local de France, le Comptoir des entrepreneurs et la société Européenne de banque, aux droits desquelles se trouvent, respectivement, la société Dexia crédit local, la SNC Immo Vauban et la société Barclays Bank PLC (les banques), ont consenti à la SCI Les Jardins de Hauterive (la SCI), en formation, constituée à l'initiative de M. X..., restaurateur, avec M. et Mme Y..., ses parents, M. et Mme Z..., sa soeur et son beau-frère et M. A..., économiste, destinée au développement d'une activité parallèle d'hôtellerie de luxe, différents concours dont M. X... et d'autres associés se sont rendus cautions ; que M. X... et la SCI ont été respectivement mis en redressement puis liquidation judiciaires les 7 juillet, 11 août 1992 et 22 juin 1993 et M. B..., à qui a été substituée la Selarl Christophe C..., désignée mandataire liquidateur (le liquidateur) ; que ce dernier a assigné les banques en responsabilité en raison du caractère inconsidéré et inopportun des crédits consentis ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes tendant, d'une part, à voir dire et juger que les banques étaient responsables de la défaillance de M. X... et de la SCI et, d'autre part, à obtenir leur condamnation à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur ou à une caution non avertis est tenue à leur égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie ; qu'en se fondant, pour écarter l'existence d'un devoir de mise en garde des banques à l'égard de l'emprunteur, la SCI, et de la caution, M. X..., sur la présence à leurs côtés d'un architecte, d'un expert comptable et d'un spécialiste de l'investissement immobilier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en se bornant à relever la qualité de commerçant bon gestionnaire de la caution et le refus de son banquier habituel de financer son projet, pour en déduire que tant l'emprunteur que la caution étaient avertis, sans s'interroger sur l'expérience de l'emprunteur et de la caution au regard de l'opération envisagée, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir qu'emprunteur et caution étaient avertis, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur ou de la caution, même averti, lorsqu'elle disposait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération entreprise, des informations qu'il, ou elle, aurait lui-même ignorées ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché aux banques, qui auraient alors encouru le reproche d'immixtion, de ne pas avoir informé l'emprunteur et la caution de l'avis de leur expert préconisant un choix de gestion pour l'opération entreprise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les banques, au regard de cet avis, n'étaient pas nécessairement conscientes du caractère non viable de l'opération projetée et tenues ainsi de mettre en garde emprunteur et caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que le liquidateur, qui a soutenu devant les juges du fond que les banques avaient eu un comportement fautif engageant leur responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en précisant que celle-ci n'est pas soumise aux mêmes circonstances exonératoires que la responsabilité contractuelle fondée sur l'article 1147 dudit code, n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen pris, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, de la méconnaissance des règles relatives à la responsabilité civile contractuelle, lequel est contraire à ses propres écritures ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Selarl Christophe C..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Christophe C...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la Selarl CHRISTPOHE C..., ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur X... et de la SCI LES JARDINS DE HAUTERIVE de ses demandes tendant d'une part, à voir dire et juger que les sociétés IMMOVAUBAN, DEXIA et BARCLAYS BANK étaient responsables de la défaillance de Monsieur Jean-Marie X... et de la SCI LES JARDINS DE HAUTERIVE et d'autre part, à leur condamnation à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les emprunts litigieux ont été contractés par la Sci Hauterive et ont été cautionnés par monsieur Jean-Marie X... » ; « comme l'a expliqué avec pertinence le tribunal, la Sci Hauterive et monsieur Jean-Marie X... étaient entourés d'un architecte de renom et de son cabinet, de son expert comptable et d'un spécialiste de l'investissement immobilier et quant on aura ajouté, que monsieur Jean-Marie X... était lui-même commerçant à l'époque de l'octroi du crédit (et qu'il n'était manifestement pas un mauvais gestionnaire puisque son affaire avant le début de la construction générait un bénéfice de plus d'un million de francs-cf rapport d'expertise Paquier page 38) et qu'il est constant que les demandes qu'il a présentées auprès de ses banquiers habituels pour financer son projet ont été refusées, on peut affirmer que emprunteur et caution étaient particulièrement avertis. Aussi, leur liquidateur ne peut-il utilement rechercher la responsabilité des organismes financiers, qui n'étaient tenus envers eux d'aucune obligation particulière de conseil ou de prudence, sans démontrer que les organismes prêteurs détenaient sur le projet des informations qu'ils n'avaient pas. Or, au cas d'espèce, l'expertise H TL réalisée pour le C LF est une reprise de l'étude menée par monsieur A..., le propre Fax reçu de : B556793688 13-18-09 15 : 08 Pg : 11/ 14 conseil de l'emprunteur et de la caution, retenue dans son hypothèse la plus basse (taux d'occupation de l'hôtel 40 %) et corrigé par la préconisation du recrutement d'un commercial pendant 18 mois pour décharger monsieur Jean-Marie X... des problèmes liés à la commercialisation de l'hôtel, Sous peine d'encourir le reproche d'immixtion, s'agissant d'un choix de gestion qui appartenait au seul porteur du projet, le banquier n'avait pas à informer l'emprunteur et la caution de l'avis de son expert sur ce point » (arrêt p. 5 et 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « Monsieur X..., dans le cadre de son projet, s'était entouré des conseils de Monsieur F..., architecte de renom, et de Monsieur A..., spécialiste de l'investissement immobilier ; que ces deux derniers agissaient donc pour son compte ; qu'il est incontestable, que tous trois, dans leur domaine respectif, étaient des professionnels qualifiés ; que Monsieur X... ne peut donc pas revendiquer la qualité de profane » ; « qu'il est constant que :- les travaux ont démarré en octobre 1988 soit près de 6 mois avant l'octroi des crédits,/- Monsieur X... avait, avant la réalisation de son projet et le début des travaux, un résultat largement bénéficiaire ayant réalisé un résultat courant (hors éléments exceptionnels) de 1. 159 K F en 1986, 531 K F en 1987, 1. 506 K F en 1988 » ; « que le Tribunal prendra du recul vis-à-vis de l'expertise judiciaire, non pas parce qu'il reproche un travail insatisfaisant à l'expert, mais parce que l'expertise a été établi plus de 10 ans après les faits, et qu'il convient, pour déterminer la responsabilité des banques de se reporter à l'époque de l'octroi des crédits ; qu'à cette époque :- Monsieur X... avait déjà décidé d'investir et avait commencé les travaux,/- les apports en numéraire qui devaient participer à la constitution du capital social de la SCI avaient déjà été dépensés, privant cette dernière de sa capacité financière » ; « que, même si la CEPME et la BNP avaient refusé leur concours, les décisions prises par Monsieur X... démontraient sa confiance absolue dans la réussite du projet ; que la deuxième étude de Monsieur A... a été faite sous sa seule responsabilité et celle de Monsieur X..., notamment la mention du chiffre d'affaire prévisionnel du bar qui en fait n'a jamais été réalisé ; Que les études faites par les banques notamment celle du cabinet HLT pour le compte du C L F concluaient à un risque acceptable « Le projet est bien construit, bien positionné sur le marché et réunit de bonnes conditions de réussite » ; qu'il ne peut pas être demandé aux banques d'être plus sachantes sur l'aspect métier que des professionnels avertis ou de se prémunir d'erreurs et manipulations commises par les emprunteurs ; qu'il convient de surcroît de relever que dans les faits l'octroi des crédits ne fut pas une condition suspensive au lancement des travaux » ; « en conséquence que, les banques n'ayant pas de devoir de mise en garde vis-à-vis de l'emprunteur averti et n'ayant pas eu d'informations autres que celles déjà en possession de l'emprunteur, le Tribunal ne retiendra pas leur responsabilité et déboutera la SELARL C..., es qualités, de toutes ses demandes » (jugement, p. 7 et 8) ;

ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur ou à une caution non avertis est tenue à leur égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie ; qu'en se fondant, pour écarter l'existence d'un devoir de mise en garde des banques à l'égard de l'emprunteur, la SCI LES JARDINS DE HAUTERIVE, et de la caution, Monsieur X..., sur la présence à leurs côtés d'un architecte, d'un expert comptable et d'un spécialiste de l'investissement immobilier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

ALORS QU'en se bornant à relever la qualité de commerçant bon gestionnaire de la caution et le refus de son banquier habituel de financer son projet, pour en déduire que tant l'emprunteur que la caution étaient avertis, sans s'interroger sur l'expérience de l'emprunteur et de la caution au regard de l'opération envisagée, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir qu'emprunteur et caution étaient avertis, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur ou de la caution, même averti, lorsqu'elle disposait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération entreprise, des informations qu'il, ou elle, aurait lui-même ignorées ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être reproché aux banques, qui auraient alors encouru le reproche d'immixtion, de ne pas avoir informé l'emprunteur et la caution de l'avis de leur expert préconisant un choix de gestion pour l'opération entreprise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions p. 20), si les banques, au regard de cet avis, n'étaient pas nécessairement conscientes du caractère non viable de l'opération projetée et tenues ainsi de mettre en garde emprunteur et caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-71718
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 22 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-71718


Composition du Tribunal
Président : Mme Pinot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Ghestin, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71718
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award