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18/01/2011 | FRANCE | N°09-70397

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 janvier 2011, 09-70397


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que, le 27 février 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Metz a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies dans des locaux situés à Metz, ..., susceptibles d'être occupés notamment par M. et Mme X...et la société Sodipro, et ..., susceptibles d'être occupés

notamment par M. et Mme Y..., en vue de rechercher la preuve de la fra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que, le 27 février 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Metz a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies dans des locaux situés à Metz, ..., susceptibles d'être occupés notamment par M. et Mme X...et la société Sodipro, et ..., susceptibles d'être occupés notamment par M. et Mme Y..., en vue de rechercher la preuve de la fraude des sociétés Sodipro, Prolife et KL Diffusion ; que les opérations se sont déroulées le 28 février 2007 ; que M. et Mme X..., M. et Mme Y...et la société Sodipro ont formé un recours contre les opérations de visite et de saisie ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour annuler les opérations de saisie effectuées au domicile de M. et Mme X...et de M. et Mme Y..., à l'exception de celle des documents n° 11244 à 11246 et n° 40005, l'ordonnance retient que l'inventaire doit être précis dans le but de permettre de vérifier que l'administration fiscale n'a pas outrepassé l'autorisation donnée par le juge ; qu'elle relève que l'intitulé des pièces saisies au domicile de M. et Mme X...présente l'inconvénient d'être particulièrement vague et ne satisfait pas aux prescriptions de la loi dès lors que les pièces, certes compostées, avec la référence de leur numéro, ne sont pas décrites et sont en réalité regroupées, soit en fonction de leur contenant, soit suivant un intitulé général, et que cette manière de procéder, en dehors du fait qu'elle est de nature à faire grief aux appelants, ne permet pas au juge, qui doit être rendu destinataire des originaux du procès verbal et de l'inventaire, de contrôler que les pièces saisies rentrent bien dans le cadre de l'autorisation donnée ; qu'elle ajoute que la même constatation peut être faite à propos de l'intitulé des documents saisis au domicile de M. et Mme Y...; qu'elle retient encore, s'agissant de la saisie au domicile de M. et Mme X...de documents informatiques, que le procès verbal de saisie montre qu'ils sont répertoriés de la même façon que les pièces papier, c'est à dire de façon vague, les documents étant regroupés en fonction des CD Rom eux-mêmes inventoriés, de sorte que la nature précise des fichiers saisis ne peut être connue immédiatement à la lecture du procès-verbal, et que le juge des libertés et de la détention, qui, après avoir donné son autorisation, doit pouvoir contrôler et vérifier que la saisie a été effectuée conformément à cette autorisation, n'est pas en mesure de le faire par un tel procédé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales n'impose pas qu'il puisse être vérifié, à la seule lecture de l'inventaire, que les pièces appréhendées entrent dans le cadre de l'autorisation donnée, le contrôle exercé à cet effet par le premier président, en cas de contestation, s'exerçant par la confrontation de l'ordonnance d'autorisation et des pièces saisies, le premier président a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour statuer comme elle fait, l'ordonnance retient encore que l'inventaire doit être précis dans le but de permettre de vérifier que les pièces sur lesquelles l'administration fiscale pourra fonder éventuellement des redressements ont bien été obtenues dans le cadre de l'opération de visite et de saisie ; qu'elle relève que l'intitulé des pièces saisies au domicile de M. et Mme X...présente l'inconvénient d'être particulièrement vague et ne satisfait pas aux prescriptions de la loi dès lors que les pièces, certes compostées, avec la référence de leur numéro, ne sont pas décrites et sont en réalité regroupées, soit en fonction de leur contenant, soit suivant un intitulé général ; qu'elle ajoute que la même constatation peut être faite à propos de l'intitulé des documents saisis au domicile de M. et Mme Y...; qu'elle retient encore, s'agissant de la saisie au domicile de M. et Mme X...de documents informatiques, que le procès verbal de saisie montre qu'ils sont répertoriés de la même façon que les pièces papier, c'est-à-dire de façon vague, les documents étant regroupés en fonction des CD Rom eux-mêmes inventoriés, de sorte que la nature précise des fichiers saisis ne peut être connue immédiatement à la lecture du procès verbal ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, par une confrontation des pièces détenues par l'administration avec les énonciations de l'inventaire, si les modalités retenues permettaient de vérifier que ces pièces provenaient de la saisie, le premier président a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité, l'ordonnance rendue le 25 septembre 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. et Mme X..., M. et Mme Y...et la société Sodipro aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;
EN CE QU'elle a annulé « les opérations de saisie effectuées au domicile de M. et Mme X...et au domicile de M. et Mme Y..., à l'exception, pour la saisie faite chez M. et Mme X..., des documents répertoriés n° 11244 à 11245, et à l'exception, pour la saisie faite chez M. et Mme Y..., des documents répertoriés sous le n° 40005 », puis dit « inopposables aux appelants tous les autres documents papiers saisis tant au domicile de M. et Mme X...qu'au domicile de M. et Mme Y...», dit « irrégulières et nulles les opérations de saisie de documents informatiques effectuées au domicile de M. et Mme X...et dit ces documents informatiques inopposables aux appelants », et mis à la charge de l'administration des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS tout d'abord QU'« en application du texte cité plus haut, un inventaire des pièces et des documents saisis doit être dressé sur place, étant précisé que si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés, l'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; que l'inventaire est alors établi ; qu'un tel inventaire doit être précis dans le but de permettre de vérifier que l'administration fiscale n'a pas outrepassé l'autorisation donnée par le juge en procédant à des saisies sans lien avec les agissements suspectés de fraude dont la preuve est recherchée, et que les pièces sur lesquelles l'administration fiscale pourra fonder éventuellement des redressements ont bien été obtenues dans le cadre de l'opération de visite et de saisie qu'elle a effectuée et qui a donné lieu à procès-verbal et inventaire ; que le non-respect de telles dispositions et exigences est de nature à faire grief gravement aux personnes physiques ou morales suspectées de fraude, dès lors que des pièces irrégulièrement saisies pourraient être invoquées soit pour leur infliger des redressements, soit pour servir de base à des poursuites pénales ; que l'administration fiscale soutient pour sa part que le texte applicable ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière, plusieurs documents pouvant être regroupés sous des titres divers dès lors qu'ils sont individuellement compostés, ce qui permet de contrôler la conformité des pièces saisies à celles représentées par la suite aux personnes concernées, l'intitulé des documents saisis permettant selon elle de constater qu'ils sont effectivement en rapport avec les présomptions de fraude visées par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, et fait état de la jurisprudence, bien antérieure à la loi nouvelle (Cass. chambre commerciale : pourvoi n° 98-30. 031 arrêt du 12 janvier 1999) selon laquelle l'appréhension de documents non inventoriés n'est pas de nature à vicier la saisie des autres pièces ; que, concernant les opérations effectuées au domicile de M. et Mme X..., il doit être constaté que l'intitulé des pièces saisies présente l'inconvénient d'être particulièrement vague et ne satisfait pas aux prescriptions de la loi, dès lors que les pièces, certes compostées, avec la référence de leur numéro, ne sont pas décrites et sont en réalité regroupées, soit en fonction de leurs contenants (exemple un classeur vert intitulé KL Diffusion, banque, factures diverses, assemblées 2003, 2004, 2005 ; un classeur bleu contenant des documents ayant trait à KL DIFFUSION, bilan 1999 et 2000, extraits de compte de la BGL et annexes), soit suivant un intitulé général (factures et documents annexes de EURODIET à PROLIFE S. A., factures et documents annexes d'EURODIET à KAMIEL …) ; que de même l'énoncé des courriers saisis ne comporte pas d'indication quant à leurs auteurs et à leurs destinataires ni quant à leur date ; que cette manière de procéder, en dehors du fait qu'elle est de nature à faire grief aux appelants, ne permet pas au juge, qui doit être rendu destinataire des originaux du procès-verbal et de l'inventaire, de contrôler que les pièces saisies rentrent bien dans le cadre de l'autorisation qu'il a donnée à l'administration fiscale en vue de sa recherche de preuves, sur la base des présomptions de fraude qu'il a admises ; qu'ainsi, à l'exception des pièces numéro 11 244 à 11 245 intitulées « formule de chèque annulée et son autocopiant, n° 14013530489, émis par la BANQUE GENERALE DU LUXEMBOURG, du compte n° 3008171474 au nom de PROLIFE S. A. », la saisie de tous les autres documents papiers recueillis au domicile de M. et Mme X...doit être annulée, ces documents devant leur être jugés inopposables ; que la même constatation et la même critique, avec les mêmes conséquences, peuvent être faites à propos de l'intitulé des documents saisis au domicile de M. et Mme Y..., à l'exception de la pièce numéro 40 005, répertoriée sous l'indication : document intitulé « relevé estimatif au 3 juillet 2003 » à l'en-tête de la BANQUE HAPAOLIN succursale du Luxembourg (…) » (ordonnance, p. 10, § 3 et s. et p. 11, § 1 à 5).
Et AUX MOTIFS, ensuite, QUE « les appelants ont formulé un autre reproche à l'égard de l'inventaire des pièces saisies en ce qu'il n'existe pas d'inventaire sur support papier des fichiers présents sur les ordinateurs et un DVD ROM qui ont été gravés sur des CD-ROM appartenant à l'administration et décrits au procès-verbal, ce à quoi l'administration a répliqué que l'article L. 16- B ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière et que la loi n'exige pas que l'inventaire soit fait sur un support papier, la seule exigence restant la possibilité de contrôler la conformité des pièces saisies, savoir des fichiers informatiques, à celles représentées par la suite aux fraudeurs, ce qui est possible à partir des CD gravés par ses agents et qui ont été identifiés sur le procès-verbal signé par l'occupant et remis à celui-ci, le seul fait que l'administration n'ait pas procédé à une seconde copie du CD-ROM comportant les répertoires d'inventaire n'ayant pas pour effet de vicier cet inventaire ; que ce grief ne peut concerner que le procès-verbal de visite et de saisie relatif aux opérations diligentées chez M. et Mme X..., puisque, s'agissant des opérations menées chez M. et Mme Y..., il est mentionné qu'aucune saisie informatique, ni aucune édition n'a été réalisée depuis l'ordinateur portable de marque Sony situé dans le bureau ; que l'intimé s'est référé à la jurisprudence selon laquelle les enquêteurs désignés par le juge des libertés et de la détention peuvent saisir tous documents ou supports d'information, en sorte que l'autorisation judiciaire donnée par le J. L. D. peut viser aussi bien des documents sur support papier que des documents sur support informatique, tandis que les appelants font référence à une réponse donnée le 26 mai 2001 à l'Assemblée nationale par le Ministre de l'Economie, réponse rédigée de la façon suivante : « il est confirmé à l'auteur de la question qu'un disque dur d'ordinateur peut être saisi dans le cadre de l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales. Les droits du contribuable sont garantis par l'établissement d'un inventaire, soit lors de l'intervention, soit en cas de mise sous scellés du disque, lors de l'ouverture des scellés. Dans tous les cas la présence d'un officier de police judiciaire, chargé de veiller au respect des droits de la défense, est obligatoire. L'inventaire, qui prend la forme d'un support papier composté lors de l'opération, identifie les fichiers et répertoires saisis. Le juge peut ainsi s'assurer que les extractions opérées par l'administration sont bien issues du support informatique saisi. Il est rappelé que les informations ainsi obtenues par l'administration fiscale ne peuvent être utilisées qu'après mise en oeuvre des procédures de contrôle et de vérification au cours desquelles les contribuables bénéficient de toutes les garanties prévues par le législateur » ; que par ailleurs, pour établir que leurs objections ne sont pas la manifestation d'exigences excessives ou impossibles à réaliser, les appelants ont versé aux débats l'exemplaire d'un inventaire papier des données informatiques saisies sur un DVD-ROM identifié « SODIPRO », dans le cadre des opérations de visite et de saisie réalisées, toujours en fonction de l'ordonnance du 27 février 2007, ...57155 Marly au domicile de M. Y...Mickaël, gérant de la société KARMIEL SANTE ; que la consultation du procès-verbal de visite et de saisie au domicile de M. et Mme X..., spécialement les copies de fichier réalisés à la suite de l'examen des disques durs des différents ordinateurs possédés par le couple, montre que les documents informatiques saisis sont répertoriés de la même façon que les pièces papier, c'est-à-dire de façon vague, les documents étant regroupés en fonction des CD-ROM eux-mêmes inventoriés, de sorte que la nature précise des fichiers saisis ne peut être connue immédiatement à la lecture de ce procès-verbal et que le juge des libertés et de la détention, qui après avoir donné son autorisation doit légalement pouvoir contrôler et vérifier de façon concrète et effective que la saisie a été effectuée conformément à cette autorisation, n'est pas en mesure de le faire par un tel procédé ; que par suite il y a lieu d'annuler les opérations de saisie en ce qu'elles portent sur les documents informatiques saisis au domicile de M. et Mme X...et de juger que l'ensemble des documents informatiques énoncés dans le procès-verbal du 28 février 2007 est inopposable aux appelants (…) » (ordonnance, p. 11, avant-dernier et dernier § et p. 12) ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales se borne à prévoir le principe d'un inventaire, sans assujettir la forme de cet inventaire ou son contenu à une quelconque règle, les opérations de saisie doivent être regardées comme régulières dès lors qu'il est constaté qu'un inventaire a été établi ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état de cause, il est exclu qu'une nullité des opérations de saisie puisse être fondée sur le contenu de l'inventaire ou la manière dont il a été établi ; que d'une part, en effet, aucune nullité n'est prévue à raison de ce motif ; que d'autre part, un acte ne peut être annulé qu'à raison d'une irrégularité commise au moment où il est établi sachant que l'inventaire est postérieur à la saisie ; qu'en prononçant la nullité des opérations de saisie, quand cette nullité était juridiquement exclue, les juges du fond ont violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, dans la mesure où l'inventaire est destiné à faciliter la preuve, l'irrégularité éventuelle qui pourrait être déduite du contenu de l'inventaire ne peut avoir pour effet que de faire peser la charge de la preuve sur l'administration ; qu'à cet égard, en prononçant la nullité des opérations de saisie, le juge du fond a de nouveau violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;
EN CE QU'elle a annulé « les opérations de saisie effectuées au domicile de M. et Mme X...et au domicile de M. et Mme Y..., à l'exception, pour la saisie faite chez M. et Mme X..., des documents répertoriés n° 11244 à 11245, et à l'exception, pour la saisie faite chez M. et Mme Y..., des documents répertoriés sous le n° 40005 », puis dit « inopposables aux appelants tous les autres documents papiers saisis tant au domicile de M. et Mme X...qu'au domicile de M. et Mme Y...», dit « irrégulières et nulles les opérations de saisie de documents informatiques effectuées au domicile de M. et Mme X...et dit ces documents informatiques inopposables aux appelants », et mis à la charge de l'administration des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS tout d'abord QU'« en application du texte cité plus haut, un inventaire des pièces et des documents saisis doit être dressé sur place, étant précisé que si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés, l'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; que l'inventaire est alors établi ; qu'un tel inventaire doit être précis dans le but de permettre de vérifier que l'administration fiscale n'a pas outrepassé l'autorisation donnée par le juge en procédant à des saisies sans lien avec les agissements suspectés de fraude dont la preuve est recherchée, et que les pièces sur lesquelles l'administration fiscale pourra fonder éventuellement des redressements ont bien été obtenues dans le cadre de l'opération de visite et de saisie qu'elle a effectuée et qui a donné lieu à procès-verbal et inventaire ; que le non-respect de telles dispositions et exigences est de nature à faire grief gravement aux personnes physiques ou morales suspectées de fraude, dès lors que des pièces irrégulièrement saisies pourraient être invoquées soit pour leur infliger des redressements, soit pour servir de base à des poursuites pénales ; que l'administration fiscale soutient pour sa part que le texte applicable ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière, plusieurs documents pouvant être regroupés sous des titres divers dès lors qu'ils sont individuellement compostés, ce qui permet de contrôler la conformité des pièces saisies à celles représentées par la suite aux personnes concernées, l'intitulé des documents saisis permettant selon elle de constater qu'ils sont effectivement en rapport avec les présomptions de fraude visées par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, et fait état de la jurisprudence, bien antérieure à la loi nouvelle (Cass. chambre commerciale : pourvoi n° 98-30. 031 arrêt du 12 janvier 1999) selon laquelle l'appréhension de documents non inventoriés n'est pas de nature à vicier la saisie des autres pièces ; que, concernant les opérations effectuées au domicile de M. et Mme X..., il doit être constaté que l'intitulé des pièces saisies présente l'inconvénient d'être particulièrement vague et ne satisfait pas aux prescriptions de la loi, dès lors que les pièces, certes compostées, avec la référence de leur numéro, ne sont pas décrites et sont en réalité regroupées, soit en fonction de leurs contenants (exemple un classeur vert intitulé KL Diffusion, banque, factures diverses, assemblées 2003, 2004, 2005 ; un classeur bleu contenant des documents ayant trait à KL DIFFUSION, bilan 1999 et 2000, extraits de compte de la BGL et annexes), soit suivant un intitulé général (factures et documents annexes de EURODIET à PROLIFE S. A., factures et documents annexes d'EURODIET à KAMIEL …) ; que de même l'énoncé des courriers saisis ne comporte pas d'indication quant à leurs auteurs et à leurs destinataires ni quant à leur date ; que cette manière de procéder, en dehors du fait qu'elle est de nature à faire grief aux appelants, ne permet pas au juge, qui doit être rendu destinataire des originaux du procès-verbal et de l'inventaire, de contrôler que les pièces saisies rentrent bien dans le cadre de l'autorisation qu'il a donnée à l'administration fiscale en vue de sa recherche de preuves, sur la base des présomptions de fraude qu'il a admises ; qu'ainsi, à l'exception des pièces numéro 11 244 à 11 245 intitulées « formule de chèque annulée et son autocopiant, n° 14013530489, émis par la BANQUE GENERALE DU LUXEMBOURG, du compte n° 3008171474 au nom de PROLIFE S. A. », la saisie de tous les autres documents papiers recueillis au domicile de M. et Mme X...doit être annulée, ces documents devant leur être jugés inopposables ; que la même constatation et la même critique, avec les mêmes conséquences, peuvent être faites à propos de l'intitulé des documents saisis au domicile de M. et Mme Y..., à l'exception de la pièce numéro 40 005, répertoriée sous l'indication : document intitulé « relevé estimatif au 3 juillet 2003 » à l'en-tête de la BANQUE HAPAOLIN succursale du Luxembourg (…) » (ordonnance, p. 10, § 3 et s. et p. 11, § 1 à 5).
Et AUX MOTIFS, ensuite, QUE « les appelants ont formulé un autre reproche à l'égard de l'inventaire des pièces saisies en ce qu'il n'existe pas d'inventaire sur support papier des fichiers présents sur les ordinateurs et un DVD ROM qui ont été gravés sur des CD-ROM appartenant à l'administration et décrits au procès-verbal, ce à quoi l'administration a répliqué que l'article L. 16- B ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière et que la loi n'exige pas que l'inventaire soit fait sur un support papier, la seule exigence restant la possibilité de contrôler la conformité des pièces saisies, savoir des fichiers informatiques, à celles représentées par la suite aux fraudeurs, ce qui est possible à partir des CD gravés par ses agents et qui ont été identifiés sur le procès-verbal signé par l'occupant et remis à celui-ci, le seul fait que l'administration n'ait pas procédé à une seconde copie du CD-ROM comportant les répertoires d'inventaire n'ayant pas pour effet de vicier cet inventaire ; que ce grief ne peut concerner que le procès-verbal de visite et de saisie relatif aux opérations diligentées chez M. et Mme X..., puisque, s'agissant des opérations menées chez M. et Mme Y..., il est mentionné qu'aucune saisie informatique, ni aucune édition n'a été réalisée depuis l'ordinateur portable de marque Sony situé dans le bureau ; que l'intimé s'est référé à la jurisprudence selon laquelle les enquêteurs désignés par le juge des libertés et de la détention peuvent saisir tous documents ou supports d'information, en sorte que l'autorisation judiciaire donnée par le J. L. D. peut viser aussi bien des documents sur support papier que des documents sur support informatique, tandis que les appelants font référence à une réponse donnée le 26 mai 2001 à l'Assemblée nationale par le Ministre de l'Economie, réponse rédigée de la façon suivante : « il est confirmé à l'auteur de la question qu'un disque dur d'ordinateur peut être saisi dans le cadre de l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales. Les droits du contribuable sont garantis par l'établissement d'un inventaire, soit lors de l'intervention, soit en cas de mise sous scellés du disque, lors de l'ouverture des scellés. Dans tous les cas la présence d'un officier de police judiciaire, chargé de veiller au respect des droits de la défense, est obligatoire. L'inventaire, qui prend la forme d'un support papier composté lors de l'opération, identifie les fichiers et répertoires saisis. Le juge peut ainsi s'assurer que les extractions opérées par l'administration sont bien issues du support informatique saisi. Il est rappelé que les informations ainsi obtenues par l'administration fiscale ne peuvent être utilisées qu'après mise en oeuvre des procédures de contrôle et de vérification au cours desquelles les contribuables bénéficient de toutes les garanties prévues par le législateur » ; que par ailleurs, pour établir que leurs objections ne sont pas la manifestation d'exigences excessives ou impossibles à réaliser, les appelants ont versé aux débats l'exemplaire d'un inventaire papier des données informatiques saisies sur un DVD-ROM identifié « SODIPRO », dans le cadre des opérations de visite et de saisie réalisées, toujours en fonction de l'ordonnance du 27 février 2007, ...57155 Marly au domicile de M. Y...Mickaël, gérant de la société KARMIEL SANTE ; que la consultation du procès-verbal de visite et de saisie au domicile de M. et Mme X..., spécialement les copies de fichier réalisés à la suite de l'examen des disques durs des différents ordinateurs possédés par le couple, montre que les documents informatiques saisis sont répertoriés de la même façon que les pièces papier, c'est-à-dire de façon vague, les documents étant regroupés en fonction des CD-ROM eux-mêmes inventoriés, de sorte que la nature précise des fichiers saisis ne peut être connue immédiatement à la lecture de ce procès-verbal et que le juge des libertés et de la détention, qui après avoir donné son autorisation doit légalement pouvoir contrôler et vérifier de façon concrète et effective que la saisie a été effectuée conformément à cette autorisation, n'est pas en mesure de le faire par un tel procédé ; que par suite il y a lieu d'annuler les opérations de saisie en ce qu'elles portent sur les documents informatiques saisis au domicile de M. et Mme X...et de juger que l'ensemble des documents informatiques énoncés dans le procès-verbal du 28 février 2007 est inopposable aux appelants (…) » (ordonnance, p. 11, avant-dernier et dernier § et p. 12) ;
ALORS QUE, premièrement, si le premier président, saisi d'un recours visant les opérations de saisie, doit pouvoir s'assurer, si une contestation s'élève à cet égard, que les pièces appréhendées se rattachent aux présomptions de fraude fiscale ayant justifié l'autorisation de visite, ce contrôle s'exerce, non pas au travers de l'inventaire, mais dans le cadre d'un rapprochement entre les présomptions de fraude, telles que constatées comme résultant des documents produits à l'appui de la requête, et les pièces saisies ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, deuxièmement, s'il est constaté par le premier président appelé à se prononcer sur la régularité des opérations de saisie, qu'une pièce ne peut être rattachée à l'autorisation de visite, eu égard aux soupçons de fraude qui l'ont justifiée, la sanction réside dans l'exclusion du champ de la saisie de la pièce en cause, et non dans l'annulation de l'opération de saisie ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, troisièmement, s'il est vrai que les pièces conservées par l'administration comme ayant été appréhendées dans le cadre de la visite doivent coïncider avec les pièces trouvées par l'administration sur les lieux de la visite, ce dont permet de s'assurer l'inventaire, ce contrôle suppose un rapprochement, pièce par pièce, dans la limite de la contestation, entre les pièces détenues par l'administration et les énonciations de l'inventaire ; qu'en omettant de procéder de la sorte, pour considérer qu'une irrégularité pouvait être déduite du caractère vague ou imprécis de l'inventaire, sans confrontation des pièces détenues par l'administration avec les énonciations de l'inventaire, le juge du fond a de nouveau violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, quatrièmement, une irrégularité ne peut être constatée que si, eu égard au libellé de l'inventaire, une pièce détenue par l'administration comme ayant été appréhendée au cours de la visite ne peut être rattachée à la visite, et que la sanction d'une telle irrégularité réside, non pas dans la nullité des opérations de saisie, mais simplement dans l'exclusion de la saisie – et leur inopposabilité consécutive-des pièces insusceptibles d'être rattachées, au travers des énonciations de l'inventaire, aux pièces appréhendées sur les lieux de la visite ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a, une fois encore, violé l'article L. 16- B du Livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-70397
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Déroulement des opérations - Pièces conservées par l'administration - Provenance de la saisie - Contrôle au regard de l'inventaire

Prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du livre des procédure fiscales le premier président qui, après avoir énoncé que l'inventaire doit permettre de vérifier que les pièces sur lesquelles l'administration fiscale pourra fonder éventuellement des redressements ont bien été obtenues dans le cadre de l'opération de visite et de saisie, annule les opérations, sans rechercher, par une confrontation des pièces détenues par l'administration avec les énonciations de l'inventaire, si les modalités retenues permettaient de vérifier que ces pièces provenaient de la saisie


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 16 B du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 25 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-70397, Bull. civ. 2011, IV, n° 8
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 8

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: Mme Farthouat-Danon
Avocat(s) : Me Foussard, Me Haas

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.70397
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