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18/01/2011 | FRANCE | N°09-68525

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2011, 09-68525


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juin 2009), que M. X..., engagé le 15 mars 1987 par la société Bertoletto bâtiment (SBB) en qualité de directeur, a reçu le 28 mars 2007 notification de sa mise à la retraite ; que considérant que cette décision était constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, d'un abus de droit, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la mise à la retraite

était constitutive d'un abus de droit, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juin 2009), que M. X..., engagé le 15 mars 1987 par la société Bertoletto bâtiment (SBB) en qualité de directeur, a reçu le 28 mars 2007 notification de sa mise à la retraite ; que considérant que cette décision était constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, d'un abus de droit, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la mise à la retraite était constitutive d'un abus de droit, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait, pour l'employeur, d'adopter un comportement vexatoire à l'encontre d'un salarié n'est susceptible d'engager sa responsabilité civile qu'à la condition que son comportement caractérise un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en considérant qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard de M. X... en créant, quelques mois avant son départ à la retraite, une fonction de tuteur à l'égard de son successeur sans prévoir un poste de même niveau dans le groupe et des conditions de travail analogues, en demandant à ce salarié de continuer une partie de ses activités antérieures sans titre et avec une rétrogradation dans ses conditions de travail, et en lui proposant une fonction floue dans une structure inexistante dont la fin était d'ores et déjà programmée, sans constater que ce comportement qu'elle jugeait vexatoire répondait à la définition légale du harcèlement moral et, en particulier, avait eu pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que seul le préjudice ayant un lien de causalité avec la faute doit être réparé ; qu'en allouant à M. X... qui avait été, selon elle, mis à la retraite dans des conditions vexatoires outre une indemnité en réparation de son préjudice moral, une indemnité réparant le préjudice financier constitué par la perte de chance de se voir attribuer des actions tout en constatant que ce préjudice financier était lié au fait qu'à la date de sa mise à la retraite, M. X... n'avait pas atteint les deux années requises pour obtenir l'attribution définitive de ces actions, ce dont il résultait que ce préjudice était sans lien avec les conditions dans lesquelles M. X... avait été mis à la retraite, la cour d'appel a réparé un préjudice sans lien de causalité avec la faute qu'elle a retenue à l'encontre de l'employeur et, partant, a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, et qui a relevé, examinant le préjudice financier subi par le salarié, que son maintien dans le groupe avait été rendu impossible par l'offre humiliante d'un poste sans réel contenu, a ainsi caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué, constitué par la perte d'une chance de travailler suffisamment longtemps pour bénéficier de l'attribution des titres, et les circonstances vexatoires de la mise à la retraite; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bertoletto bâtiment aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme Lambrenon, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze, et signé par Mme Bringard, greffier de chambre, présent lors du prononcé.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société Bertoletto bâtiment
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conditions de mise à la retraite de monsieur Dominique X... caractérisaient un abus de droit et d'avoir condamné la société SBB à lui payer 40.000 euros en réparation du préjudice moral et 40.500 euros en réparation du préjudice financier ;
AUX MOTIFS QUE par lettre du 28 mars 2007, la société SBB a mis monsieur X... à la retraite avec effet au 30 juin suivant alors qu'il avait atteint l'âge de 60 ans depuis le 26 octobre 2006 ; qu'en cause d'appel, ce salarié, qui ne conteste plus la régularité de cette rupture, invoque seulement l'abus de droit ; qu'en effet, nullement désireux de partir à la retraite, monsieur X... s'est vu imposer cette mesure dans des conditions humiliantes ; que pour masquer une éviction programmée, la société SBB, après avoir recruté par annonce le successeur de monsieur X..., a organisé d'un côté l'intégration du futur directeur en créant un tutorat pour l'essentiel fictif et, de l'autre, affecté de mettre en place une structure et de la confier au salarié évincé mais sans aucun moyen ni perspective réels ; que c'est ainsi que monsieur X... a continué son activité antérieure mais sans les titres, ni les responsabilités, ni les moyens ; que sa qualité de directeur n'apparaît plus dans ses correspondances, qu'il a été évincé de son bureau par son futur successeur ; que ce dernier, présenté comme devant être directeur en ses lieu et place, en a pris tous les attributs au vu de tous au sein de l'entreprise ; que le tutorat dont a été en charge monsieur X... au profit de son successeur, devenu d'emblée son supérieur hiérarchique, est rapidement apparu comme une pure fiction ; qu'un vague projet de structure était proposé au salarié ainsi écarté de ses anciennes responsabilités ; que l'indétermination de l'objet ou, ce qui revient au même, son caractère très général, l'attribution d'une unique secrétaire qui témoigne avoir appris que cette structure ne perdurerait pas, l'absence de toute concertation sérieuse sur les missions et les contours des « nouvelles » responsabilités de monsieur X... dans un tel cadre ont justifié les réticences de l'intéressé, conscient à juste titre qu'il n'avait plus sa place dans l'entreprise et que, désormais, il gênait ; qu'il en résulte en définitive qu'en créant une fonction de tuteur sans prévoir parallèlement un poste de même niveau dans le groupe ni des conditions de travail analogues, en demandant à monsieur X... de continuer une partie de ses activités antérieures sans titre et avec une rétrogradation dans ses conditions de travail, en lui proposant une fonction floue dans une structure inexistante dont la fin était d'ores et déjà programmée, la société SBB a commis une légèreté blâmable et mis fin aux fonctions de monsieur X... dans des conditions vexatoires, caractérisant un abus de droit ;
ET AUX MOTIFS encore QUE monsieur X... a subi un préjudice moral pour avoir été évincé de ses hautes fonctions dans les circonstances cidessus décrites après plus de 20 années passées dans l'entreprise ; qu'il a également été fautivement privé des effets de l'attribution de 125 actions d'une valeur de 900 euros chacune, son départ à la retraite l'ayant empêché d'atteindre les deux années nécessaires alors que son maintien dans le groupe avait de surcroît été rendu impossible par l'offre humiliante d'un poste sans réel contenu ; qu'une indemnité de 60.750 euros ayant déjà été allouée par la cour d'appel d'Angers dans les rapports ayant existé avec l'autre employeur, la société SBB, qui procurait à l'intéressé 40 % de sa rémunération, sera quant à elle condamnée au paiement d'une somme de 40.500 euros à raison de la perte de chance de 90 % ;
1°) ALORS QUE le fait, pour l'employeur, d'adopter un comportement vexatoire à l'encontre d'un salarié n'est susceptible d'engager sa responsabilité civile qu'à la condition que son comportement caractérise un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en considérant que la société SBB avait engagé sa responsabilité à l'égard de monsieur X... en créant, quelques mois avant son départ à la retraite, une fonction de tuteur à l'égard de son successeur sans prévoir un poste de même niveau dans le groupe et des conditions de travail analogues, en demandant à ce salarié de continuer une partie de ses activités antérieures sans titre et avec une rétrogradation dans ses conditions de travail, et en lui proposant une fonction floue dans une structure inexistante dont la fin était d'ores et déjà programmée, sans constater que ce comportement qu'elle jugeait vexatoire répondait à la définition légale du harcèlement moral et, en particulier, avait eu pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 1152-1 du code du travail.
2°) ALORS en tout état de cause QUE seul le préjudice ayant un lien de causalité avec la faute doit être réparé ; qu'en allouant à monsieur X... qui avait été, selon elle, mis à la retraite dans des conditions vexatoires, outre une indemnité en réparation de son préjudice moral, une indemnité réparant le préjudice financier constitué par la perte de chance de se voir attribuer des actions gratuites tout en constatant que ce préjudice financier était lié au fait qu'à la date de sa mise à la retraite, monsieur X... n'avait pas atteint les deux années requises pour obtenir l'attribution définitive de ces actions, ce dont il résultait que ce préjudice étant sans lien avec les conditions dans lesquelles monsieur X... avait été mis à la retraite, la cour d'appel a réparé un préjudice sans lien de causalité avec la faute qu'elle a retenue à l'encontre de l'employeur et, partant, a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-68525
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 02 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-68525


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.68525
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