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18/01/2011 | FRANCE | N°09-42540

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2011, 09-42540


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à partir du 5 août 1981 dans un emploi de conducteur de travaux successivement par diverses sociétés contrôlées par la famille Y..., en dernier lieu par la société Y... SAS; qu'il a été licencié le 26 septembre 2006 pour faute grave tenant à son refus réitéré d'être affecté à un poste de contrôleur de gestion alors que l'ordre lui en avait été donné dès le mois de juillet 2006; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de divers

es demandes liées à la rupture ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'emp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à partir du 5 août 1981 dans un emploi de conducteur de travaux successivement par diverses sociétés contrôlées par la famille Y..., en dernier lieu par la société Y... SAS; qu'il a été licencié le 26 septembre 2006 pour faute grave tenant à son refus réitéré d'être affecté à un poste de contrôleur de gestion alors que l'ordre lui en avait été donné dès le mois de juillet 2006; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes liées à la rupture ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence au paiement de diverses indemnités, alors, selon le moyen, que les tâches de contrôleur de gestion devant être confiées au salarié n'entraînaient aucune modification de son contrat de travail, en l'état de sa qualification de conducteur de travaux, de son positionnement hiérarchique, de son salaire, de ses horaires et une modalité de travail et que par ailleurs, au sein d'une entreprise de l'importance
Y...
comme en avait décidé à bon droit les premiers juges, les tâches de contrôleur de gestion correspondent à l'une des composantes de la fonction de conducteur de travaux, lesquels pouvaient être affectées indifféremment sans qu'il y ait une modification d'un élément essentiel de la relation de travail à des tâches distinctes de nature administrative, financière et/ou technique allant de la préparation des éléments des études préalables des chantiers jusqu'au contrôle final de la gestion des chantiers en passant par cette gestion elle-même ; qu'il appert encore du dossier et des constations des juges du fond que M. X... avait, pendant plusieurs années, assuré en sa qualité de conducteur de travaux des tâches de chargé d'étude, une des composantes de la fonction de conducteur de travaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans tenir compte de ces données convergentes et concluantes retenues à bon droit par les juges du fond et en croyant pouvoir cantonner la fonction de conducteur de travaux au sein de société Y... à une fonction qui ne pourrait s'exercer que sur les chantiers, la cour substitue sa volonté à celle de l'employeur investi d'un pouvoir de direction qui lui est propre et ne justifie pas légalement son arrêt par rapport à la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour juger que la rupture résultant du salarié s'analysait en un licenciement, d'où une violation des articles 1134 du code civil et L.1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que sans se substituer au pouvoir de direction de l'employeur, la cour d'appel, analysant, au vu des pièces qui lui étaient produites, les fonctions auxquelles le salarié a été successivement affecté, a fait ressortir que les tâches de chargé d'études antérieurement confiées au salarié différaient de celles, comptables et financières, de contrôleur de gestion, qui consistaient en une activité d'analyse et de conseil ; qu'elle a pu en déduire que le changement proposé, qui portait sur la nature même des tâches et des fonctions exercées par le salarié, était constitutif d'une modification du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
Attendu que, selon le second de ces textes, dans sa rédaction alors applicable, la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ;que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à voir condamner son employeur pour harcèlement moral, l'arrêt retient que le salarié ne justifie pas des actes de harcèlement moral qu'il invoque ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du salarié tendant à voir condamner l'employeur pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 23 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Blondel, avocat aux conseils pour la société Y...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement ayant frappé un salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné l'employeur au paiement de diverses indemnités ;
AUX MOTIFS QUE dans la lettre de licenciement du 27 septembre 2006, la société Y... reproche au salarié d'avoir refusé de manière réitérée d'être affecté à un poste de contrôleur de gestion alors que l'ordre lui en avait été donné dès le mois de juillet 2006 ; que l'employeur fait valoir que cette nouvelle affectation n'entraînait aucune modification du contrat de travail de Monsieur X... et que celui-ci avait reçu l'assurance de pouvoir bénéficier d'une formation et d'adaptation si cela s'était avéré nécessaire ; que les contrats d'embauche successifs de Monsieur X... font tous mention d'un emploi de conducteur de travaux (d'aide conducteur de travaux pour le premier) ; que, sans perdre de statut de conducteur de travaux, qui figurait sur tous ses bulletins de paie jusqu'à la fin de son contrat, le salarié a été affecté au service des études, dans les fonctions de chargé d'étude à compter du 16 novembre 1999, que l'employeur considère que les tâches du contrôle de gestion entraient parfaitement dans la qualification du salarié, étant de même nature que celle de chargé d'étude et en quelque sorte symétrique de ces dernières ; qu'il explique que les fonctions de chargé d'étude consistent à établir les devis en amont du travail de chantier, tandis que celle de contrôleur de gestion consiste à suivre, en aval l'état de réalisation du chantier et à analyse les écarts de coûts par rapport aux devis ;
AUX MOTIFS ENCORE QU'en l'absence d'avenant conclu entre les parties, la qualification de Monsieur X... est demeurée seule, figurant au contrat et mentionnée sur tous ses bulletins de paie, de conducteur de travaux ; que le seul fait qu'il a été affecté à des tâches différentes, sans réserve de sa part et durant plusieurs années, n'a pas eu pour effet de modifier les stipulations du contrat relatif à la définition de son emploi ; qu'il est donc sans intérêt d'examiner si les fonctions de contrôleur de gestion sont de même nature ou voisine de celle de chargé d'étude, dès lors que l'existence éventuelle d'une modification du contrat de travail du salarié ne peut s'apprécier que par rapport aux fonctions pour l'exercice desquelles il a été embauché ; qu'il résulte du descriptif du poste édité par l'employeur que les fonctions de conducteur de travaux, bien qu'elles comportent des attributions d'ordre administratif et budgétaire, sont principalement techniques, consistant en la conduite in situ d'un ou plusieurs chantiers de construction ; qu'ainsi, la société Y... publie ses offres d'emploi de conducteur de travaux sous la rubrique « Cadre de chantier » ; que les fonctions de contrôleur de gestion, en revanche, sont principalement comptables et financières et s'exercent dans les bureaux ; qu'elles consistent à vérifier, sur la base d'indicateurs chiffrés, la bonne utilisation des ressources de l'entreprise et évaluer les écarts entre performances réalisées et objectifs prédéfinis ; que s'il est logique que dans une entreprise de construction, les contrôleurs de gestion travaillent en étroite relation avec les conducteurs de travaux, les deux fonctions sont nettement différenciées, les seconds occupant des postes opérationnels d'exploitation tandis que les premiers exercent une activité d'analyse et de conseil ; qu'ainsi, en affectant Monsieur X... aux tâches de contrôleur de gestion, la société Y... a modifié unilatéralement son contrat de travail ; que le refus du salarié d'occuper ses nouvelles fonctions ne constitue pas une faute de nature à justifier son licenciement, si bien que celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse (cf. p. 4 de l'arrêt) ;
ALORS QUE les tâches de contrôleur de gestion devant être confiées au salarié n'entrainaient aucune modification de son contrat de travail, en l'état de sa qualification de conducteur de travaux, de son positionnement hiérarchique, de son salaire, de ses horaires et une modalité de travail et que par ailleurs, au sein d'une entreprise de l'importance
Y...
comme en avait décidé à bon droit les premiers juges, les tâches de contrôleur de gestion correspondent à l'une des composantes de la fonction de conducteur de travaux, lesquels pouvaient être affectées indifféremment sans qu'il y ait une modification d'un élément essentiel de la relation de travail à des tâches distinctes de nature administrative, financière et/ou technique allant de la préparation des éléments des études préalables des chantiers jusqu'au contrôle final de la gestion des chantiers en passant par cette gestion elle-même ; qu'il appert encore du dossier et des constations des juges du fond que Monsieur X... avait, pendant plusieurs années, assuré en sa qualité de conducteur de travaux des tâches de chargé d'étude, une des composantes de la fonction de conducteur de travaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans tenir compte de ces données convergentes et concluantes retenues à bon droit par les juges du fond et en croyant pouvoir cantonner la fonction de conducteur de travaux au sein de société Y... à une fonction qui ne pourrait s'exercer que sur les chantiers, la Cour substitue sa volonté à celle de l'employeur investi d'un pouvoir de direction qui lui est propre et ne justifie pas légalement son arrêt par rapport à la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour juger que la rupture résultant du salarié s'analysait en un licenciement, d'où une violation des articles 1134 du Code civil et L.1234-9 du Code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande du salarié tendant à voir condamner son employeur à des dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions abusives et harcèlement moral.
AUX MOTIFS QUE le salarié ne justifie pas des actes de harcèlement qu'il invoque ;
ALORS QUE la preuve du harcèlement moral n'a pas à être rapportée par le salarié qui doit seulement présenter des éléments de nature à faire présumer des actes de harcèlement moral ; qu'en affirmant que le salarié ne justifie pas des actes de harcèlement qu'il invoque, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42540
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-42540


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.42540
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