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18/01/2011 | FRANCE | N°09-12240

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2011, 09-12240


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2009), que Mme X... et M. Y..., qui étaient employés par la société Bearing Point France et investis d'un mandat de délégué syndical respectivement par la CGT et la CGT-FO, ont procédé à la distribution de tracts syndicaux le 11 janvier 2007 dans le hall d'entrée de la tour du quartier de la Défense dans laquelle la société avait son siège social, le 2 mars 2007 sur le parvis de cette tour, le 9 mars 2007 devant les locaux d'un établissement de la socié

té EDF à Boulogne-Billancourt et le 22 mai 2007 à l'intérieur desdits ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2009), que Mme X... et M. Y..., qui étaient employés par la société Bearing Point France et investis d'un mandat de délégué syndical respectivement par la CGT et la CGT-FO, ont procédé à la distribution de tracts syndicaux le 11 janvier 2007 dans le hall d'entrée de la tour du quartier de la Défense dans laquelle la société avait son siège social, le 2 mars 2007 sur le parvis de cette tour, le 9 mars 2007 devant les locaux d'un établissement de la société EDF à Boulogne-Billancourt et le 22 mai 2007 à l'intérieur desdits locaux ; que la société Bearingpoint France a conclu le 1er juin 2007, avec les syndicats CFE-CGC et CFTC, un accord sur les moyens logistiques et de communication des sections syndicales et sur les moyens mis à leur disposition dont l'article 3 dispose qu'il est interdit de distribuer des tracts dans le hall de la tour ainsi qu'à l'entrée de celle-ci ou au sein des sièges sociaux des clients, que la distribution de tracts qui ne doit pas perturber le bon fonctionnement de l'entreprise et le travail des salariés ne peut pas s'effectuer aux postes de travail, dans les bureaux ou à la cantine mais doit être opérée entre 8 heures 30 et 9 heures 45 et entre 17 heures 30 et 19 heures à la sortie des ascenseurs des 20e, 21e et 22e étages, et que pour atteindre le personnel non sédentaire, des tracts peuvent être déposés dans les " bannettes " individuelles ; que les syndicats CGT et CGT-FO ont refusé de signer l'accord et y ont formé opposition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Bearingpoint France fait grief à l'arrêt de dire que l'accord du 1er juin 2007 est un accord d'entreprise relevant du droit commun de la négociation collective, qu'il n'a pas été régulièrement notifié, que l'Union des syndicats CGT et UGICT CGT de La Défense a valablement exercé son droit d'opposition et que cet accord est réputé non écrit, que les distributions de tracts ont été effectuées conformément aux dispositions légales et de la débouter de ses demandes tendant à dire que les distributions de tracts avaient été effectuées de manière illicite, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un accord collectif a pour objet, aux termes de l'article L. 2222-1 du code du travail, " les conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail " ainsi que " les garanties sociales " des salariés ; qu'en l'espèce le protocole d'accord signé entre la société Bearingpoint France d'une part et la CFTC et la CGC d'autre part portait, ainsi que l'a constaté la cour d'appel, sur " les moyens de communication des sections syndicales et les moyens logistiques mis à leur disposition ", et n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions régissant les accords collectifs ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2222-1, L. 2222-2, L. 2232-16, ensemble les articles L. 2142-3, L. 2142-5, L. 2142-8, L. 2142-9, ainsi que les articles L. 2142-6, L. 2142-9 du code du travail ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 2232-2 du code du travail, la validité d'un accord collectif est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives entrant dans le champ d'application de l'accord, l'opposition devant, pour provoquer l'anéantissement de l'accord avoir été valablement exprimées par la majorité des organisations de salariés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'accord litigieux, soumis à la signature des quatre organisations représentatives de salariés-la CFTC, la CGC, la CGT et FO-avait été signé par les deux premières, et frappé d'opposition par l'union des syndicats CGT et l'union départementale Force ouvrière, seule la première opposition étant régulière ; qu'il ne résulte donc nullement de ces constatations que l'opposition aurait été formée par une majorité d'organisations représentatives de salariés ; qu'en décidant néanmoins que l'accord était réputé non écrit, la cour d'appel a violé l'article L. 2232-2 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'un accord sur l'exercice des droits syndicaux conclu entre un employeur et des organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise est un accord collectif de travail et qu'en conséquence sa validité est soumise aux conditions prévues au titre troisième du livre deuxième de la partie du code du travail traitant des relations collectives de travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui était saisie du point de savoir si l'opposition exprimée par deux organisations syndicales à l'accord d'entreprise conclu le 1er juin 2007 n'avait pas à faire application des dispositions de l'article L. 2232-2 du code du travail relatif à la validité des accords interprofessionnels ;
D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Bearingpoint France fait grief à l'arrêt de dire que les distributions de tracts ont été effectuées conformément aux dispositions légales et de la débouter de ses demandes tendant à dire que les distributions de tracts avaient été effectuées de manière illicite, à interdire la distribution de tracts dans le hall d'entrée et devant l'entrée de la " tour EDF ", à l'entrée des locaux de ses clients ainsi qu'à voir définir comme lieu de distribution : la sortie des ascenseurs des 20e, 21e et 22e étages, les " bannettes " individuelles de chaque consultant aux quatre étages et les " bannettes " de chacune des sections syndicales, alors, selon le moyen :
1°/ que les règles posées par l'article L. 2142-4 du code du travail ont vocation à s'appliquer dans tous les lieux où les salariés exercent leur activité professionnelle, y compris dans les locaux d'une autre entreprise qui, lorsqu'ils y sont envoyés en mission, constituent leur lieu de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les salariés de la société étaient " pour l'essentiel des consultants " travaillant " en mission chez les clients de l'entreprise ", et que tel était en particulier le cas au sein de l'établissement d'EDF situé à Boulogne-Billancourt ; que l'employeur soutenait qu'à ce titre les dispositions de l'article L. 2142-4 du code du travail devaient s'appliquer, et qu'elles avaient été violées dès lors que les tracts litigieux avaient été distribués à ses salariés en dehors de leurs horaires de travail, qu'ils avaient été laissés sur leurs bureaux ainsi que sur une table dans un couloir, et enfin qu'ils avaient été distribués à des personnes étrangères à l'entreprise, tous éléments qu'il établissait par la production de plusieurs attestations visées par la cour d'appel ; qu'en considérant que la société Bearingpoint France ne pouvait pas contester les distributions de tracts litigieuses au sein de l'établissement d'EDF situé à Boulogne-Billancourt, la cour d'appel a violé l'article L. 2142-4 du code du travail ;
2°/ que la distribution de tracts syndicaux ne doit pas perturber le travail des salariés, même en dehors de l'enceinte de l'entreprise ; qu'une distribution de tracts au sein d'une entreprise cliente, dans laquelle travaille des salariés de l'entreprise, et ce durant leurs heures de travail, est susceptible de générer une telle perturbation ; qu'en s'abstenant de rechercher si les distributions de tracts qui avaient eu lieu au sein de l'établissement d'EDF situé à Boulogne-Billancourt n'avaient pas eu de telles conséquences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 10 de la Convention collective européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que l'article L. 2142-4 du code du travail pose des conditions générales de licéité de distribution de tracts dans l'entreprise ; qu'il n ‘ est pas nécessaire pour qu'elles soient méconnues, que les distributions aient été effectuées par un salarié de l'entreprise ; qu'en retenant également, pour dire que les distributions de tracts effectuées au sein de l'établissement d'EDF situé à Boulogne-Billancourt auraient licites, qu'elles auraient été le fait d'un " représentant FO EDF ", le délégué syndical de Bearingpoint l'ayant simplement accompagné, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article L. 2142-4 du code du travail ;
4°/ que le hall d'entrée de l'immeuble dans lequel une entreprise a ses bureaux constitue l'enceinte de l'entreprise au sens de l'article L. 2142-4 du code du travail ; qu'en retenant que tel n'était pas le cas, la cour d'appel a violé l'article L. 2142-4 du code du travail ;
5°/ qu'il ne résultait d'aucune des attestations produites aux débats que les distributions de tracts effectuées les 11 janvier 2007, 2 et 9 mars 2007, aient été effectuées " après que les délégués syndicaux se sont assurés " que leurs destinataires étaient des salariés d'EDF il s'agit d'un lapsus calami ; il faut comprendre des salariés de la société Bearingpoint France, cf le MA, p. 17 § 7 ; qu'en se fondant sur lesdites attestations pour considérer que tel était le cas, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
6°/ qu'au sein comme au dehors de l'enceinte de l'entreprise, une distribution de tracts est abusive si, de par son contenu ou les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, elle perturbe le travail des salariés ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait et visait dans ses écritures plusieurs attestations de salariés se disant choqués par les distributions de tracts dénigrant Bearingpoint auprès de salariés d'EDF ainsi que d'éventuels concurrents, et exprimant la crainte que leur travail et celui de leur équipe pour obtenir un renouvellement du marché avec cette société ne s'en trouve réduit à néant ; qu'en se contentant d'opposer à l'employeur le caractère non diffamatoire ou injurieux de ces tracts, dont seuls les salariés de Bearingpoint auraient été destinataires, et, par motifs éventuellement adoptés, qu'il n'aurait pas été établi qu'une telle distribution ait généré des difficultés avec des clients, sans rechercher si des salariés n'avaient pas été affectés, par ces distributions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-4, L. 2142-5, L. 1121-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 du code civil et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, que l'article L. 2142-4 du code du travail se borne à organiser la diffusion de tracts par les syndicats professionnels aux travailleurs dans l'enceinte de l'entreprise ; que n'y sont inclus ni la voie publique ni les parties communes de l'immeuble où l'entreprise occupe des locaux ni l'établissement d'un client au sein duquel des salariés de l'entreprise effectuent des missions ; que dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la société Bearingpoint France ne pouvait pas invoquer ce texte pour contester la licéité de distributions de tracts syndicaux effectués en ces lieux ;
Attendu, ensuite, que, la cour d'appel qui a constaté que les distributions de tracts avaient eu lieu à l'extérieur de l'entreprise et que ceux-ci étaient dénués de caractère diffamatoire ou injurieux, n'avaient pas à effectuer les recherches mentionnées aux deuxième et sixième branches que ces constatations rendaient inutiles ;
D'où il suit qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et cinquième branches, le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bearingpoint France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bearingpoint France à payer, d'une part, à l'Union des syndicats CGT et UGICT-CGT de la Défense la somme de 2 500 euros et, d'autre part, à M. Y... et l'union départementale CGT Force ouvrière la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par Mme Lambremon, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze, et signé par Mme Bringard, greffier de chambre, présent lors du prononcé.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Bearingpoint France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société BEARING POINT de ses demandes, d'AVOIR dit que l'accord du 1er juin 2007 signé entre la direction de la société BEARING POINT et le syndicats CGC et CFTC est un accord d'entreprise relevant du droit commun de la négociation collective, d'AVOIR dit qu'il n'a pas été régulièrement notifié, d'AVOIR dit que l'UNION des syndicats CGT et UGICT CGT DE LA DEFENSE a valablement exercé son droit d'opposition et que cet accord est réputé non-écrit, d'AVOIR dit que les distributions de tracts litigieuses ont été effectuées conformément aux dispositions légales, d'AVOIR débouté l'exposante de ses demandes tendant à dire que les distributions de tracts litigieuses avaient été effectuées de manière illicite, à interdire la distribution de tracts syndicaux dans le hall d'entrée et devant l'entrée de la « tour EDF », à l'entrée et dans les locaux de ses clients, et à voire définir comme lieux de distribution : la sortie des ascenseurs des 20ème, 21ème, et 22ème étages, les bannettes individuelles de chaque consultant aux quatre étages et les bannettes de chacune des sections syndicales, ainsi que de l'AVOIR condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« (…) il résulte du préambule de l'accord qu'il a été négocié entre la société BEARINGPOINT FRANCE SAS et les délégués syndicaux FO, CGT, CFTC et CGC, à la suite de la création des sections syndicales CGC, CFTC et FO en décembre 2006 et janvier 2007, la section syndicale CGT ayant été créée en novembre 2004, " pour déterminer les moyens de communication de chacune d'elles ainsi que les moyens logistiques mis à leur disposition " ; l'article 1 concerne la mise à disposition d'un local à partager entre les quatre sections syndicales, l'article 2 les modalités de l'affichage syndical, l'article 3 intitulé " moyen d'expression " rappelle les dispositions de l'article L 412-8 du code du travail alors applicable et en déduit qu'il est interdit de tracter dans le hall de la tour, à l'entrée de celle-ci ou à l'entrée des sièges sociaux des clients, la distribution de tracts ne devant pas perturber le fonctionnement de l'entreprise et le travail des salariés. Il prévoit que la distribution de tracts peut être effectuée par chaque section syndicale entre 8H30 et 9H45 et entre 17h30 et 19 heures à la sortie des ascenseurs des 20eme, 21ème et 22eme étages et que pour toucher les consultants en clientèle ou le personnel de support, chaque section syndicale pourra déposer des tracts dans les bannettes individuelles de chaque consultant aux quatre étages et dans les bannettes de chacune des sections syndicales disposées dans la " staff room " du 19ème étage autour du poteau central ; il stipule également qu'aucune diffusion par mail n'est autorisée pour la communication syndicale ; ce protocole d'accord a été signé par la direction et les sections syndicales CFTC et CGC, représentée par leur délégué syndical mais non par les délégués syndicaux CGT et FO ; la société BEARINGPOINT FRANCE SAS expose que cet accord n'est pas un accord collectif, comme l'a jugé le tribunal, répond à une obligation légale de l'employeur " à savoir l'accord sur les moyens syndicaux en application de l'article L 412-9 du code du travail " et qu'elle n'a jamais eu l'intention de l'imposer aux deux syndicats non signataires ; il résulte des articles L 412-7, L 412-8 et L 412-9 du code du travail alors applicables que les modalités d'utilisation par la ou les sections syndicales de certains moyens d'action (panneaux d'affichage, local syndical et réunions, diffusions de tracts par la voie électronique) nécessitent un accord avec le chef d'entreprise ; l'accord du 1er juin 2007 est ainsi un accord d'entreprise ; la négociation d'entreprise doit concourir, ne serait-ce qu'indirectement, à l'amélioration des conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ou des garanties sociales des salariés ; dès lors, un tel accord, relatif à l'exercice du droit syndical dans l'entreprise, relève, à défaut de disposition particulière comme tel est le cas d'un accord pré-électoral, du droit commun de la négociation collective et notamment des conditions de validité énoncées à l'article L 132-2-2 du code du travail alors applicable ; tale FORCE OUVRIERE ont fait opposition à cet accord-qui ne leur a pas été notifié dans les termes de l'article L 132-2-2 IV du code du travail devenu L 2231-5, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2007 ; l'Union des Syndicats CGT et UGICT-CGT DE LA DEFENSE qui a recueilli les voix de plus de la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles en novembre 2005 est recevable en son opposition, contrairement à l'Union Départementale FORCE OUVRIERE ; du fait du droit d'opposition régulièrement exercé par l'Union des Syndicats CGT et UGICT-CGT DE LA DEFENSE, non signataire, cet accord est réputé non écrit ; il s'ensuit que la demande des deux syndicats tendant à voir annuler cet accord ou l'article 3 de celui-ci est sans objet » ;
1. ALORS QU'un accord collectif a pour objet, aux termes de l'article L. 2222-1 du Code du Travail, « les conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail » ainsi que les « garanties sociales » des salariés ; qu'en l'espèce le protocole d'accord signé entre la société BEARING POINT d'une part, et la CFTC et la CGT d'autre part, portait, ainsi que l'a constaté la Cour d'appel, sur « les moyens de communication des sections syndicales et les moyens logistiques mis à leur disposition », et n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions régissant les accords collectifs ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 2222-1, L. 2222-2, L. 2232-16, ensemble les articles L. 2142-3, L. 2142-3, L. 2142-5, L. 2142-8, L. 2142-9, ainsi que les article L. 2142-3, L. 2142-6 et L. 2142-9 du Code du Travail ;
2. ET ALORS QU'aux termes de l'article L. 2232-2 du Code du Travail, la validité d'un accord collectif est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives entrant dans le champ d'application de l'accord, l'opposition devant, pour provoquer l'anéantissement de l'accord, avoir été valablement exprimée par la majorité des organisations de salariés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'accord litigieux, soumis à la signature des quatre organisations représentatives de salariés-la CFTC, la CGC, la CGT et FO-avait été signé par les deux premières, et frappé d'opposition par l'Union des syndicats CGT et l'Union départementale Force Ouvrière, seule la première opposition étant régulière ; qu'il ne résulte donc nullement de ces constatations que l'opposition aurait été régulièrement formée par une majorité d'organisations représentatives de salariés ; qu'en décidant néanmoins que l'accord était réputé non écrit, la Cour d'appel a violé l'article L. 2232-2 du Code du Travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les distributions de tracts litigieuses avaient été effectuées conformément aux dispositions légales, d'AVOIR débouté l'exposante de ses demandes tendant à voire interdire la distribution de tracts syndicaux dans le hall d'entrée et devant l'entrée de la « tour EDF », à l'entrée et dans les locaux de ses clients, et à voire définir comme lieux de distribution : la sortie des ascenseurs des 20ème, 21ème, et 22ème étages, les bannettes individuelles de chaque consultant aux quatre étages et les bannettes de chacune des sections syndicales, ainsi que de l'AVOIR condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « (…) la société BEARING POINT exerce une activité de conseil en management et technologie et compte en France 900 salariés dont 95 % de cadres (…) ; il s'agit pour l'essentiel de consultants chargés de mission de conseil chez les clients de l'entreprise ; don siège social et unique établissement est depuis 2002 au sein des locaux de la tour de la défense dite tour EDF où elle occupe du 19ème au 22ème étage sur les quarante que compte la tour, la société EDF, qui est son plus important client, occupant l'essentiel des autres étages (…) ; les quatre distributions de tracts en cause ont été effectuées : le 11 janvier 2007, par Madame X... et Monsieur Y... dans le hall de la tour du siège social de la société BEARINGPOINT FRANCE SAS, après la barrière de " badgeage " devant la première batterie d'ascenseurs qui mène aux étages 13 à 23,- le 2 mars 2007, à l'extérieur de la tour, par Madame X... et Monsieur Y..., avant le passage des tourniquets d'entrée qui mènent dans le hall,- le 9 mars 2007, devant l'établissement de la société EDF située à Boulogne Billancourt et donc sur le trottoir,- le 22 mai 2007, à l'intérieur de cet établissement, cette distribution ne concernant pas Madame X... ; le tribunal, dans les motifs de sa décision, a considéré que ces distributions n'apparaissaient pas avoir été effectuées selon des modalités contraires aux dispositions légales et rejeté, dans son dispositif, la demande de la société BEARINGPOINT FRANCE SAS ; celle-ci prie la cour, infirmant ce jugement de ce chef, de juger illégales les distributions de tracts effectuées dans le hall de la tour EDF, le parvis de la tour EDF, devant un établissement de la société EDF à BOULOGNE ainsi que dans les locaux de la société EDF à BOULOGNE, et, en cas de violation de l'interdiction de distributions de tracts syndicaux, de condamner Monsieur Y... à 1 000 € à titre d'astreinte par infraction constatée ; L'article L 412-8 4eme alinéa du code du travail, devenu L 2142-4, dispose que les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail ; Il organise ainsi la diffusion des tracts par les syndicats professionnels aux salariés à l'intérieur de l'entreprise et n'est donc pas applicable à une diffusion de tracts à l'extérieur de celleci ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le hall d'entrée de la tour EDF qui est une partie commune de la tour, ne saurait être considéré comme se situant dans l'enceinte de l'entreprise, celle-ci étant locataire des 19ème au 22ème étage de la tour et non pas des parties communes, même si elle en a l'usage ; dès lors, les distributions de tracts effectuées par les délégués syndicaux, après qu'ils se soient assurés qu'il s'agissait des salariés de la société BEARING POINT FRANCE SAS, comme l'établissent les attestations versées aux débats-et même une de celle (M. Z...) produite par cette société-, dans le hall de la tour, sur le parvis de celle-ci et devant les locaux de la société EDF à BOULOGNE BILLANCOURT, principale cliente de la société BEARTNGPOINT FRANCE SAS et au sein de laquelle travaillent des salariés de celle-ci en mission, sont parfaitement légales ; s'agissant de la distribution de tracts imputée à Monsieur Y... le 22 mai 2007 dans les locaux de la société EDF à BOULOGNE BILLANCOURT, il est également établi que bien que celui-ci ait été présent dans les lieux, elle a été effectuée par Monsieur A..., représentant FO EDF (attestations produites par la société BEARINGPOINT FRANCE SAS de Madame B..., Madame C..., Monsieur J...
D..., Madame E..., Monsieur F..., Monsieur G..., Madame I...
H... ; Et seule la société EDF et non la société BEARINGPOINT FRANCE SAS pourrait contester sa présence dans ces locaux où travaillent de nombreux salariés en mission de la société appelante, étant rappelé qu'il entre dans les fonctions de délégué syndical FO de Monsieur Y... de rencontrer ces derniers ; la société BEARINGPOINT FRANCE SAS ne saurait, en conséquence, voir déclarer illégales ces distributions de tracts, lesquels étaient dépourvus de tout caractère injurieux ou diffamatoire et avaient un objet strictement syndical ; II s'ensuit qu'elle ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à voir, en cas de violation de l'interdiction de distribution de tracts syndicaux notamment dans les locaux des sociétés clientes de la société BEARING POINT, Monsieur Y... condamner à 1 000 € à titre d'astreinte par infraction constatée » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« aux termes de V article L 412-8 du code du travail, les publications de tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail ; il résulte de ce texte que la distribution de tract est encadrée par 1û loi dans l'enceinte de l'entreprise dans laquelle elle ne peut avoir lieu qu'aux heures d'entrée et sortie du travail mais qu'en dehors de l'entreprise, la distribution est libre et peut avoir lieu à tout moment et concerner des tiers, y compris les clients de l'entreprise Par ailleurs si le contenu des tracts est libre, ils ne doivent pas comporter de propos injurieux ou diffamatoires tombant sous le coup dç la loi du 29 juillet 1881 ; de plus pour ce qui concerne la distribution de tracts au sein de l'entreprise elle ne doit pas être faite abusivement et apporter de trouble injustifié à l'exécution normale du travail ni porter atteinte à la marche de travail ; en l'espèce, les distributions de tracts qui ont pu avoir lieu à l'extérieur de la tour EDF et qui ont pu concerner des clients de la société BEARING POINT ne présentent aucun caractère illégal dès lors que cette dernière ne justifie pas et n'allègue d'ailleurs pas non plus que les tracts aient comporté des propos injurieux ou diffamatoires ; aucun texte ne permettrait au tribunal de les interdire et elles sont manifestement invoquées par la société pour stigmatiser un comportement qu'elle réprouve mais elles ne font au demeurant l'objet d'aucune demande en tant que telles (…) ; La société BEARINGPOINT ne soutient pas que les distributions aient eu lieu à d'autres horaires que les entrée et sortie du travail mais invoque le fait qu'elle aurait concerne des clients et que compte tenu de son activité, elles entraînent un trouble à la bonne marche de l'entreprise ; et alors que les défendeurs affirment que les délégués syndicaux demandaient à chaque personne si elle était salariée BEARINGPOINT avant de lui remettre un tract, la société ne prouve pas que les tracts aient été remis à d'autres personnes qu'à des salariés et en particulier à des clients et produit même une attestation dont il résulte que les affirmations des délégués syndicaux sont exactes ; la société ne justifie pas non plus d'une difficulté quelconque qui aurait résulté de ce que ses clients ont pu voir que des tracts étaient distribués et que certains aient renoncé à passer on marché avec elle au motif que des délégués syndicaux distribuaient des tracts, ce qui n'apparaît en toute hypothèse pas critiquable, s'agissant d'une modalité de l'exercice du droit syndical prévu par la loi ; dans ces conditions aucune des distributions de tracts critiquée par la société BEARINGPOINT n'apparaît avoir été effectuée selon des modalités contraires aux dispositions légales » ;
1. ALORS QUE les règles posées par l'article L. 2142-4 du Code du Travail ont vocation à s'appliquer dans tous les lieux où les salariés exercent leur activité professionnelle, y compris dans les locaux d'une autre entreprise qui, lorsqu'ils y sont envoyés en mission, constituent leurs lieux de travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les salariés de l'exposante étaient « pour l'essentiel des consultants » travaillant « en mission chez des clients de l'entreprise » (arrêt p. 4, § 3), et que tel était en particulier le cas au sein de l'établissement d'EDF situé à BOULOGNE BILLANCOURT (arrêt p. 9, § 6) ; que l'employeur soutenait qu'à ce titre, les dispositions de l'article L. 2142-4 du Code du Travail devaient s'appliquer, et qu'elles avaient été violées dès lors que les tracts litigieux avaient été distribués à ses salariés en dehors de leurs horaires de travail, qu'ils avaient été laissés sur leurs bureaux ainsi que sur une table dans un couloir, et enfin qu'ils avaient été distribués à des personnes étrangères à l'entreprise, tous éléments qu'il établissait par la production de plusieurs attestations visées par la Cour d'appel ; qu'en considérant que l'exposante ne pouvait pas contester les distributions de tracts litigieuses au sein de l'établissement d'EDF situé à BOULOGNE-BILLANCOURT, la Cour d'appel a violé l'article L. 2142-4 du Code du Travail ;
2. ET ALORS en tout état de cause QUE la distribution de tracts syndicaux ne doit pas perturber le travail des salariés, même en dehors de l'enceinte de l'entreprise ; qu'une distribution de tracts au sein d'une entreprise cliente, dans laquelle travaillent des salariés de l'entreprise, et ce durant leurs heures de travail, est susceptible de générer une telle perturbation ; qu'en s'abstenant de rechercher si les distributions de tracts qui avaient eu lieu au sein de l'établissement d'EDF situé à BOULOGNE-BILLANCOURT n'avaient pas eu de telles conséquences, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble de l'article 10 de la convention européenne des sauvegarde droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3. ET ALORS QUE l'article L. 2142-4 du Code du Travail pose des conditions générales de licéité de distribution de tracts dans l'entreprise ; qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'elles soient méconnues, que les distributions aient été effectuées par un salarié de l'entreprise ; qu'en retenant également, pour dire que les distributions de tracts effectuées au sein de l'établissement d'EDF situé à BOULOGNE BILLANCOURT auraient été licites, qu'elles auraient été le fait d'un « représentant FO EDF », le délégué syndical de BEARING POINT l'ayant simplement accompagné, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article L. 2142-4 du Code du Travail ;
4. ET ALORS QUE le hall d'entrée de l'immeuble dans lequel une entreprise a ses bureaux constitue l'enceinte de l'entreprise au sens de l'article L. 2142-4 du Code du Travail ; qu'en retenant que tel n'était pas le cas, la Cour d'appel a violé l'article L. 2142-4 du Code du Travail ;
5. ET ALORS QU'il ne résultait d'aucune des attestations produites aux débats que les distributions de tracts des 11 janvier 2007, 2 et 9 mars 2007, aient été effectuées « après que les délégués syndicaux se soient assurés » que leurs destinataires étaient des salariés d'EDF ; qu'en se fondant sur lesdites attestations pour considérer que tel était le cas, la Cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
6. ET ALORS QU'au sein comme en dehors de l'enceinte de l'entreprise, une distribution de tracts est abusive si, de par son contenu ou les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, elle perturbe le travail des salariés ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait et visait dans ses écritures plusieurs attestations de salariés se disant choqués par les distributions de tracts dénigrant BEARING POINT auprès de salariés d'EDF ainsi que d'éventuels concurrents, et exprimant la crainte que leur travail et celui de leur équipe pour obtenir un renouvellement du marché avec cette société ne s'en trouve réduit à néant ; qu'en se contentant d'opposer à l'employeur le caractère non diffamatoire ou injurieux de ces tracts, dont seuls les salariés de BEARING POINT auraient été destinataires et, par motifs éventuellement adoptés, qu'il n'aurait pas été établi qu'une telle distribution ait généré des difficultés avec des clients, sans rechercher si le travail des salariés de BEARING POINT n'avait pas été affecté par ces distributions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-4, L. 2142-5, et L. 1121-1 du Code du Travail, ensemble de l'article 1382 du Code civil et l'article 10 de la convention européenne des sauvegarde droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-12240
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-12240


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.12240
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