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12/01/2011 | FRANCE | N°09-40995

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2011, 09-40995


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, à compter du 26 septembre 2002, par contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de coordinateur de sécurité par la société Sécuritas France, dont l'activité relève de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ; qu'il était en dernier lieu affecté sur le site de l'Hôpital militaire Begin ; que

son contrat de travail comportait une clause ainsi rédigée : "Vous déclarez être libr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, à compter du 26 septembre 2002, par contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de coordinateur de sécurité par la société Sécuritas France, dont l'activité relève de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ; qu'il était en dernier lieu affecté sur le site de l'Hôpital militaire Begin ; que son contrat de travail comportait une clause ainsi rédigée : "Vous déclarez être libre de tout engagement et vous vous engagez à ne pas vous lier à une autre société de sorte que vous ne soyez susceptible de dépasser la durée légale du travail. En tout état de cause, vous vous engagez à ne pas travailler pour le compte d'une société concurrente..." ; que, le 11 octobre 2005, il a été licencié pour faute grave, après mise à pied, au motif qu'il avait manqué à son obligation contractuelle de loyauté en exerçant, sur le même site, une activité à temps partiel au profit de la société CEJPE, entreprise concurrente de celle de son employeur ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre d'indemnité de préavis, de licenciement ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire qu'en l'absence de preuve d'une attitude fautive de M. X..., le licenciement de celui-ci ne reposait ni sur une faute grave, ni sur un motif réel et sérieux, l'arrêt retient que la clause d'exclusivité prévue au contrat de travail n'est pas valable, qu'il n'est pas démontré que le salarié dépassait régulièrement la durée maximale du travail, ni que ce cumul d'emplois ait entraîné des problèmes de plannings pour la société Securitas, plannings dont il ressort que le salarié effectuait peu d'heures supplémentaires pour le compte de cette dernière ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si, comme il était énoncé dans la lettre de licenciement reproduite par l'arrêt, le salarié n'avait pas manqué à son obligation de loyauté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Sécuritas France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... prononcé par la société Securitas France ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une faute susceptible de caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, et d'avoir, en conséquence, condamné la société Securitas France à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires de mise à pied, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts ;
Aux motifs qu'il ressort des pièces de la procédure qu'après avoir été mis à pied par télégramme du 19 septembre 2005, confirmé par courrier du même jour, Monsieur X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée et accusé de réception du 11 octobre 2005 pour les motifs et dans les termes suivants : « ... Le lundi 19 septembre 2005, nous nous rendons, ME.Buh., directeur de région et moi-même, accompagnés du coordinateur de sites M.XMu., sur le site de l'hôpital Begin afin de vérifier les aménagements des vestiaires affectés à nos préposés dans le cadre de la préparation d'une prochaine réunion du CHSCT de la Sarl Securitas France. Pour se rendre dans le local en question, nous avons été amenés à pénétrer dans la pièce " Vigie" dont les vacations de sécurité sont assurées depuis le mois d'avril 2005 par la société CEJIP ... qui exploite depuis le 15 avril de cette année les prestations de sûreté afférentes au marché dit " Vigie". Or, le matin du jour de notre passage sur le site, à notre grande surprise, c'est vous qui êtes en poste habillé de l'uniforme de notre concurrent, ce que vous ne contestez pas, précisant même que votre cumul d'emplois est effectif depuis plusieurs mois. Vos agissements constituent un manquement caractérisé à vos obligations de fidélité et de loyauté auxquelles vous êtes tenu en vertu de votre contrat de travail. Votre attitude porte également gravement atteinte à l'image de notre société auprès de notre client qui, de surcroît dans un contexte d'appel d'offres imminent, ne peut que s'étonner de constater que notre entreprise emploie une personne qu'elle laisserait travailler au nom d'une entreprise concurrente sur le même site client pour deux prestations différentes. Votre attitude décrédibilise donc notre entreprise auprès de notre client et la discrédite auprès de vos collègues de la société Securitas France. Nous ne pouvons tolérer de tels agissements de la part de l'un de nos préposés eu égard à l'obligation de fidélité et de loyauté à laquelle vous êtes tenu envers votre employeur ... ; qu'il ressort des éléments de la cause que le contrat de travail de Monsieur X..., dans sa dernière version du 31 janvier 2003, prévoyait la clause suivante : «Vous déclarez être libre de tout engagement et vous vous engagez à ne (pas) vous lier à une autre société de sorte que vous ne soyez susceptible de dépasser la durée légale du travail. En tout état de cause, vous vous engagez à ne pas travailler pour le compte d'une société concurrente … » ; qu'il n'est de même pas contesté qu'alors qu'il était salarié de la Sarl Securitas France, Monsieur X... a effectué parallèlement, depuis le mois d'avril 2005, un travail salarié au sein de la société CEJIP, entreprise au profit de laquelle la Sarl Securitas France avait perdu, à cette date, une partie du marché qu'elle détenait sur le site de l'hôpital militaire Begin ; mais que c'est en vain que la Sarl Securitas France prétend que le fait que Monsieur X... travaillait également, dans ces conditions, pour un autre employeur, la société CEJIP, constitue un grave manquement à ses obligations contractuelles de fidélité et de loyauté, prévues par son contrat de travail ; qu'en effet, la clause susvisée, qui porte atteinte à la liberté du travail, n'est valide que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; or, d'une part, qu'il n'est pas utilement contesté que dans son deuxième emploi, auprès de la société CEJIP, Monsieur X... travaillait à temps partiel, à hauteur de 36 heures par mois, et pour un poste moins qualifié d'agent de sécurité, relevant du coefficient 160, c'est à dire n'ayant pas de fonctions de responsabilité ; que dans ces conditions, eu égard aux usages courants, non utilement contestés, selon lesquels les salariés des entreprises de sécurité bénéficiaient fréquemment de cumuls d'emplois, ainsi qu'au regard du bas salaire de l'intéressé, la clause d'exclusivité et de non concurrence litigieuse ne saurait être considérée comme répondant aux conditions de validité de telles clauses, telles que précitées ; qu'en outre, alors que s'agissant d'un licenciement pour faute grave, il revient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute alléguée, il n'est pas démontré par la Sarl Securitas France que Monsieur X... dépassait régulièrement la durée légale maximum d'emploi, fixée à 48 h par semaine ; que la circonstance qu'une semaine, il ait effectué des horaires de 52 heures ne suffit pas à cet égard à caractériser un comportement fautif de la part du salarié, compte tenu des usages professionnels précités, alors qu'en outre il n'est pas démontré que ce cumul d'emploi ait entraîné des problèmes de plannings pour la Sarl Securitas France qui auraient trouvé leur origine dans le comportement du salarié et qu'il ressort des plannings versés aux débats que l'intéressé effectuait peu d'heures supplémentaires pour le compte de la Sarl Securitas France ; qu'en l'absence de preuve d'une attitude fautive envers la société Securitas France et en particulier d'atteinte à son image le licenciement de Monsieur X... est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera infirmé ; qu'en considération du préjudice subi par Monsieur X... de ce fait, compte tenu notamment de son ancienneté, de son salaire, ainsi que du fait qu'il a retrouvé du travail à compter de décembre 2005, ainsi qu'il ressort des pièces versées aux débats, la Sarl Securitas France sera condamnée à lui verser la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.1235-3 nouveau du Code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce … ; qu'en l'absence de cause réelle et sérieuse, Monsieur X... a droit au règlement des indemnités de préavis et de licenciement, ainsi que du rappel de salaires de mise à pied, dès lors non justifiée, qui lui ont été allouées par le Conseil de prud'hommes et dont les montants ne sont pas utilement contestés ; que la Sarl Securitas France sera en conséquence déboutée de ses autres demandes, en particulier de sa demande de remboursement des sommes qu'elle déclare avoir versées au salarié au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré ;
Alors, de première part, que si la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à son employeur porte atteinte à la liberté du travail et est néanmoins valable si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; que pour décider que la clause prévue au contrat n'était pas valable, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer, d'une part que dans son deuxième emploi, auprès de la société CEJIP, Monsieur X... travaillait à temps partiel, à hauteur de 36 heures par mois, pour un poste moins qualifié d'agent de sécurité, relevant du coefficient 160, n'ayant pas de fonctions de responsabilité, d'autre part que selon les usages courants, les salariés des entreprises de sécurité bénéficiaient fréquemment de cumuls d'emplois, de troisième part que Monsieur X... percevait un bas salaire ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le défaut de validité de la clause, sans rechercher si le fait que celle-ci interdisait précisément au salarié de travailler pour le compte d'une entreprise concurrente pendant l'exécution de son contrat de travail ne la rendait pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société Sécuritas France, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et les responsabilités de Monsieur X... au sein de la société exposante, et proportionnée au but recherché, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.121-1 du Code du travail, devenu article L.1221-1 de ce Code ;
Alors, de deuxième part, qu'en toute hypothèse, indépendamment de toute clause d'exclusivité, le salarié est tenu, pendant l'exécution de son contrat de travail, d'une obligation générale de loyauté et de fidélité lui interdisant les agissements qui constitueraient une concurrence à l'égard de l'employeur ; qu'en se bornant, pour décider que le licenciement du salarié n'était pas justifié, à relever que la clause d'exclusivité prévue au contrat de travail liant les parties n'était pas valide, qu'il n'était pas établi que le salarié dépassait régulièrement la durée légale maximum d'emploi et que le cumul d'emploi ait entraîné pour l'employeur des problèmes de plannings qui auraient trouvé leur origine dans le comportement du salarié, et qu'il ressortait des plannings versés aux débats que l'intéressé effectuait peu d'heures supplémentaires pour le compte de la Sarl Securitas France, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le salarié n'avait pas manqué à son obligation essentielle de loyauté à l'égard de la société Securitas France, dans des conditions pouvant caractériser une faute justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail ou à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, en exerçant une activité pour le compte d'une société concurrente de son employeur, sur un site commun à celui-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.120-4, L.122-6 et L.122-14-3 du Code du travail, devenus les articles L.1222-1, L.1234-1 et L.1235-1 de ce Code ;
Alors, de troisième part, que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des faits invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, la société Securitas France prenait soin de souligner la gravité du comportement du salarié, eu égard au contexte particulier de la cause en précisant que l'attitude de ce dernier « portait également gravement atteinte à l'image de la société auprès de son client qui, de surcroît dans un contexte d'appel d'offres imminent, ne pouvait que s'étonner de constater que l' entreprise employait une personne qu'elle laisserait travailler au nom d'une entreprise concurrente sur le même site client pour deux prestations différentes » et que cette « attitude décrédibilisait donc l' entreprise auprès de son client » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce fait précis et déterminant spécialement invoqué dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L.122-6 et L.122-14-3 du Code du travail, devenus les articles L.1234-1 et L.1235-1 de ce Code ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40995
Date de la décision : 12/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2011, pourvoi n°09-40995


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.40995
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