LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 avril 2009), que Mme X..., maître de l'ouvrage, a, suivant devis accepté du 29 juillet 2003, confié la construction d'une maison à M. Y..., exerçant sous l'enseigne Trinité Bâtiment Service, assuré par la société Les Mutuelles du Mans Assurances IARD (la société MMA), venant aux droits de la société Azur Assurances ; que la réception a été fixée au 9 février 2004 ; qu'invoquant des désordres concernant notamment l'implantation de la maison, la toiture, et les enduits extérieurs des façades, Mme X... a, après expertise, assigné l'entrepreneur et son assureur en réparation sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient qu'en évoquant de simples risques qui ne sont pas avérés dans le délai de la garantie décennale, les conclusions de l'expert ne mettent pas en évidence l'existence d'éléments permettant de qualifier l'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage concernant ces désordres ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le rapport d'expertise indiquait que l'insuffisance des fondations de la façade Est constituait une malfaçon affectant la solidité du gros-oeuvre, créant un risque anormal de tassement de cette partie de l'ouvrage, que les désordres en toiture (tuiles non fixées, pente du toit insuffisante) étaient des vices graves affectant un ouvrage de gros-oeuvre, susceptibles de le rendre impropre à sa destination en raison des risques anormaux d'infiltrations d'eau et de neige le cas échéant, et que le désordre des façades était également un vice grave affectant un élément du clos de l'ouvrage susceptible de le rendre impropre à sa destination en raison des risques anormaux d'infiltrations engendrés par l'insuffisante épaisseur de l'enduit extérieur, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la société MMA et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société MMA à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... ; rejette les demandes de la société MMA et de la société Thouin-Palat et Boucard ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat de Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR « dit que les désordres ne relèvent pas de la présomption de responsabilité des constructeurs et de la garantie décennale », et débouté en conséquence Madame X... de ses demandes dirigées contre Monsieur Y... et son assureur (la Compagnie AZUR ASSURANCES, aux droits de laquelle est venue la Compagnie MMA IARD),
AUX MOTIFS QUE « (…) sur la nature des désordres :
« (…) l'assureur dénie sa garantie au motif que les désordres ne sont pas de nature décennale ;
« les désordres objectivés par l'expert concernent la toiture, les façades, le carrelage, une fenêtre, le système d'aération, les volets, la fosse, la situation de la maison, un vide sous la porte du garage, l'irrégularité des marches d'un escalier et des fissures en plafond ;
« en particulier, il conclut au fait :
«- que les défauts de pente et de chaînage de la toiture présentent un risque d'infiltration,
«- que l'insuffisance de l'épaisseur des enduits extérieurs présente un risque anormal d'infiltration,
«- que le fait que les carreaux sonnent creux entraîne une fragilité particulière vis-à-vis des charges particulières,
«- que l'une des fenêtres du garage ne fonctionne pas correctement,
«- que le défaut d'aération entraîne des risques d'émanation d'odeurs d'égout,
«- que la construction de la maison sur du remblai coté Est entraîne un risque anormal de tassement de cette partie de l'ouvrage,
«- que le vide laissé sous la porte d'accès du garage permet aux animaux sauvages d'y pénétrer,
«- que l'irrégularité des marches est un important facteur de risque de chute et que les fissures en plafond ne présentent qu'un inconvénient d'ordre esthétique ;
« il n'est pas discuté que la prise de possession des lieux soit intervenue à la fin du mois de décembre 2003 et que les travaux ont été achevés le 9 février 2004 ;
« aucune des parties ne discute la date de la réception fixée par le tribunal au 9 février 2004 ;
« dès lors que les maîtres de l'ouvrage ont pris possession avant l'achèvement de l'intégralité des ouvrages, la plupart des désordres allégués étaient connus à l'exception des défauts affectant la toiture, les façades et la mauvaise implantation de la maison ;
« en évoquant de simples risques qui ne sont pas avérés dans le délai de la garantie décennale, les conclusions de l'expert ne mettent pas en évidence l'existence d'éléments permettant de qualifier l'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage concernant ces désordres ;
« en conséquence, seule la responsabilité contractuelle de l'entreprise peut être retenue au titre de ces désordres ;
« Nadine X... ne fondant son action que sur les dispositions de l'article 1792 du Code civil, le débouté s'impose (…) ».
ALORS QUE 1°), l'expert judiciaire Z... avait retenu, dans son rapport déposé le 4 avril 2006 (p. 14, production), concernant l'implantation de la maison : « le désordre qui affecte aujourd'hui la solidité du gros oeuvre est celui de l'insuffisance de la fondation de la façade Est » ; que l'expert judicaire avait ainsi fait ressortir, de manière claire et précise, l'existence d'un désordre actuel, compromettant la solidité de l'ouvrage ; qu'en jugeant cependant que l'expert n'aurait fait qu'évoquer « de simples risques qui ne sont pas avérés dans le délai de la garantie décennale », et que ses conclusions « ne mettent pas en évidence l'existence d'éléments permettant de qualifier l'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage concernant ces désordres », la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise précité, en violation de l'article 1134 du Code civil,
ALORS QUE 2°), l'expert judiciaire Z... avait retenu, dans son rapport déposé le 4 avril 2006 (production), concernant la toiture de la maison, que « la pente de la toiture doit être au moins de 70 %, en l'absence d'écran étanche, pour une tuile petit moule, en situation normale. Elle est en réalité de 36 %. Le DTU 40. 21, impose dans ce cas la mise en oeuvre d'un écran étanche en sous-toiture, qui est un complément d'étanchéité nécessaire » (rapport, p. 6) ; que « les tuiles doivent être fixée à raison d'une tous les cinq. Elles ne le sont pas. Nous avons constaté qu'aucune tuile n'est fixée » (rapport, p. 6) ; qu'il existait des « risques anormaux d'infiltrations d'eau et de neige le cas échéant » (rapport, p. 11) ; que « ces vices graves affectent un ouvrage de gros oeuvres et susceptibles de rendre l'ouvrage impropre à sa destination » (rapport, p. 13) ; que l'expert judiciaire avait ainsi fait ressortir, de manière claire et précise, des désordres graves affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs et le rendant impropre à sa destination ; qu'en jugeant cependant que l'expert n'aurait fait qu'évoquer « de simples risques qui ne sont pas avérés dans le délai de la garantie décennale », et que ses conclusions « ne mettent pas en évidence l'existence d'éléments permettant de qualifier l'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage concernant ces désordres », la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise précité, en violation de l'article 1134 du Code civil,
ALORS QUE 3°), l'expert judiciaire Z... avait retenu, dans son rapport déposé le 4 avril 2006 (production), concernant la façade de la maison, qu'il existait des « risques anormaux d'infiltrations du fait de l'insuffisance d'épaisseur de l'enduit extérieur » (rapport, p. 11) ; qu'il s'agissait « d'un vice grave affectant un élément du clos de l'ouvrage, susceptible de le rendre impropre à sa destination » (rapport, p. 13) ; que l'expert judiciaire avait ainsi fait ressortir, de manière claire et précise, des désordres graves affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs et le rendant impropre à sa destination ; qu'en jugeant cependant que l'expert n'aurait fait qu'évoquer « de simples risques qui ne sont pas avérés dans le délai de la garantie décennale », et que ses conclusions « ne mettent pas en évidence l'existence d'éléments permettant de qualifier l'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage concernant ces désordres », la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise précité, en violation de l'article 1134 du Code civil.