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16/12/2010 | FRANCE | N°10-11660

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 décembre 2010, 10-11660


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés EDF et GDF, aux droits duquel vient la société Gaz de France Suez ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 de l'annexe III du statut du personnel des industries électriques et gazières, ensemble l'article 141 du Traité CE, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
Attendu, selon le premier de ces textes, que les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficient d'une bon

ification d'âge et de service d'une année par enfant ; que, par décision du 1...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés EDF et GDF, aux droits duquel vient la société Gaz de France Suez ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 de l'annexe III du statut du personnel des industries électriques et gazières, ensemble l'article 141 du Traité CE, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
Attendu, selon le premier de ces textes, que les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficient d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant ; que, par décision du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a déclaré ces dispositions illégales, comme introduisant une discrimination entre agents féminins et agents masculins incompatible avec les dispositions du second, en ce "qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants" ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'embauché par Electricité de France en avril 1971, M. X... a sollicité en novembre 2005, l'attribution d'une pension de retraite au titre du régime spécial des industries électriques et gazières ; que le bénéfice de la bonification d'âge et de carrière lui ayant été refusé, il a saisi d'un recours une juridiction de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que le droit européen, le droit national et la jurisprudence du Conseil constitutionnel déclarent licites les mesures spécifiques accordées aux femmes ayant donné naissance à des enfants pour compenser les inégalités objectives dont elles sont l'objet, et qu'en l'état de la législation française, M. X... ne peut contester que la situation matérielle des femmes qui sont dans l'obligation d'interrompre leur activité professionnelle pour maternité et lors des premières années d'éducation de leurs enfants est inférieure à celle des hommes de l'ordre de 30 %, ce qui justifie les dispositions de la loi Fillon et le maintien au profit des femmes ayant eu trois enfants du bénéfice de la bonification;
Qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la Caisse nationale des industries électriques et gazières aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse nationale des industries électriques et gazières à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes d'EDF et de la société Gaz de France Suez ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir liquider sa pension à la date du 7 novembre 2005 avec les bonifications afférentes et à voir condamner la CNIEG à lui verser ladite pension ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive, refus de paiement et préjudice moral, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 3 annexe 3 du statut des agents d'EDF GDF et l'article 122-35 du manuel pratique EDF GDF , ne sont concernées par la bonification que les agents mères de famille ayant eu trois enfants, le terme employé " par enfants qu'elles auront eus ..." ne laisse aucune ambiguïté sur la personne qui peut bénéficier de cet avantage : il s'agit uniquement de la mère ayant donné naissance à au moins trois enfants , les enfants adoptés selon la procédure de l'adoption plénière ayant le même statut juridique que les enfants nés et élevés par leur mère biologique ; que le droit européen , le droit national et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel déclarent licites les mesures spécifiques accordées aux femmes ayant donné naissance à des enfants pour compenser les inégalités objectives dont elles sont l'objet , pendant les grossesses, les congés de maternité et congés pathologiques, faits inhérents aux maternités, ainsi dans sa décision du 14 août 2003 le Conseil Constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi FÏÏJLON du 21 août 2003 sur le régime des retraites a estimé qu'il n'y avait pas discrimination entre agent masculin et agent féminin , en ces termes : «le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général.... il appartient au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu 'à présent été l'objet... il pouvait maintenir, en les aménageant des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître» cette décision s'impose à tous donc aux juridictions de l'ordre judiciaire»; qu'en l'état de la législation française Monsieur X... ne peut contester que la situation matérielle des femmes qui sont dans l'obligation d'interrompre leur activité professionnelle pour maternité et lors des premières années d'éducation de leurs petits enfants est inférieure à celle des hommes de l'ordre de 30 %, ce qui justifie les dispositions de la Loi FILLON et le maintien au profit des femmes ayant eu trois enfants du bénéfice de la bonification, pour ces motifs le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes parfaitement motivé sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la portée de l'Arrêt du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 comme l'observe la CNIEG, cet Arrêt faisait suite à un renvoi préjudiciel d'un Conseil des Prud'hommes et statuait donc par voie d'exception ; en conséquence, si la valeur de cette décision mérite qu'il y soit fait référence, il convient de relever qu'il ne s'agit pas d'une décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée, ni sur les critères du droit commun en raison de l'identité de cause, d'objet et de parties, ni en raison de la nature de la décision qui ne constitue pas une annulation pour excès de pouvoir ; l'arrêt précité n'a donc aucune portée "erga omnes" et n'a d'ailleurs pas conduit à la révision du texte contesté qui n'aurait pas manqué d'intervenir en ce cas au terme de plusieurs années, que sur le droit positif européen, les dispositions du Traité instituant la Communauté Européenne sont reprises dans la rédaction actuelle par l'article 23 de la Charte des Droits Fondamentaux et l'article 141-4 de ce Traité; Article 23: " L'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération. Le principe d'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ". Article 141-4: Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carnet c professionnelle "Sur la jurisprudence européenne, l'Arrêt GRIESMAR du 29 novembre 200l est ainsi rédigé: " la discrimination positive autorisée aux Etais dans le but d'éliminer, ou de réduire les inégalités de fait qui résultent de la réalité de la vie sociale et affectent les femmes dans leur vie professionnelle, devait être exclue car la mesure en cause n apparaissait pas comme étant de nature à compenser /es désavantages auxquels sont exposés les fonctionnaires féminins en aidant ces femmes dans leur vie professionnelle... au contraire elle se borne à accorder... une bonification d'ancienneté au moment de leur retraite sans porter remède aux problèmes qu'ils peuvent rencontrer dans leur carrière professionnelle." ; la Caisse invoque qu'à la différence du Code des pensions civiles et militaires, l'article litigieux du statut EDF GDF comporte les termes "agent mère de famille ayant eu trois enfants " devant être interprétés comme signifiant "ayant donné naissance". La Caisse expose que ceci implique la grossesse, l'accouchement et éventuellement l'allaitement. La Caisse expose que ces critères irréductibles de différence biologique entre les mères et pères permettent de considérer légitime le traitement différent de personnes en situations différentes. Il convient en effet de remarquer que le critère retenu au profit des agents féminins pour la bonification de l'ancienneté et l'âge de départ en inactivité est la maternité et non pas la charge éducative, (" ayant eu " et non pas "ayant élevé"), critère qui est en revanche pris en compte, par l'article 5 du même texte, à parité pour les père et mère, en ce qui concerne le montant de la pension. Le demandeur invoque que la prise en compte des enfants morts nés d'une part et adoptés d'autres part manifesterait la dissociation entre l'octroi des avantages de bonification et l'éducation ou la grossesse. Il convient de retenir à ce sujet que l'une et l'autre des situations sus-décrites ne manquent pas de constituer une épreuve sérieuse dans la vie familiale et comportent, notamment pour la mère, des nécessités d'investissement intense. Le caractère numériquement très marginal des situations évoquées ne permet pas d'en retenir de critères efficients. Dans un arrêt du 9 décembre 2004 (HLOZEK), la Cour de Justice des Communautés Européennes a retenu le principe de la pertinence d'application de dispositions différentes à des personnes se trouvant dans des situations différentes. Du rapport remis à l'Assemblée Nationale pour préparer la Loi du 21 août 2003, il ressort que les maternités ont une incidence indiscutable sur la vie professionnelle des mères de famille dont le taux d'activité moyen passe de 84% pour un enfant à 75% pour deux et 50% pour trois. Il convient de rappeler que le droit de la Sécurité Sociale doit être analysé à la lumière des buts de cette institution spécifique dont la mission est la promotion d'une solidarité sociale et non d'une parité individuelle. En ce sens, la finalité même de la réglementation paraît effectivement de traiter différemment des personnes ayant supporté des épreuves supplémentaires et de compenser les désavantages qui peuvent notamment résulter dans leur carrière d'une plus grande fatigue physiologique ou d'une capacité moindre d'investissement professionnel. Il peut être retenu que l'avantage octroyé par les dispositions contestées a pour but de compenser non pas essentiellement la disparité que subi le personnel féminin dans la constitution d'une ancienneté professionnelle, mais la fatigue et le poids supplémentaire du temps que leur imposent les contraintes biologiques des mois de grossesses, des accouchements et des éventuels allaitement répétés, faits inhérents aux maternités successives se superposant à la vie professionnelle .En ce sens et pour ces raisons, les griefs invoqués par M. X... pour démontrer la disparité dont il serait victime ne seront pas retenus et le demandeur sera débouté de ses prétentions.
ALORS QU'il résulte de l'article 3 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières et des dispositions du c) du paragraphe 112.35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel d'EDF-GDF que les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficient d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant ; que cette différence de traitement au regard des agents pères de famille n'est justifiée par aucune différence de situation, de sorte que cette disposition doit également leur bénéficier ; qu'en disant que Monsieur X... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de sa pension à la date du 11 novembre 2005, la Cour d'appel a violé l'article 3 de l'annexe III au statut du personnel des industries électriques et gazières, les dispositions du c) du paragraphe 112.35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel d'EDF-GDF, ainsi que l'article 141 du Traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957.
ALORS encore QUE toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en ayant relevé que, par arrêt du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat a déclaré illégales comme incompatibles avec les stipulations de l'article 141 du Traité instituant la Communauté européenne les dispositions de l'article 3 de l'annexe III du statut national des industries électriques et gazières, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée de la décision du juge administratif et violé le principe et le texte susvisés ;
ET ALORS encore QUE, pour rejeter sa demande, l'arrêt retient que, statuant sur l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a considéré qu'étaient licites et réguliers les dispositifs de compensation des inégalités de fait dont sont l'objet les femmes et que, la bonification d'âge et de carrière ne trouvant sa justification que dans la nécessité de compenser des désavantages de carrière constatés chez les mères de famille, le bénéfice de celle-ci ne peut pas être accordé au requérant ; qu'en se prononçant ainsi par des considérations inopérantes, alors que les dispositions du statut du personnel des industries électriques et gazières avaient été déclarées illégales comme incompatibles avec l'article 141 du Traité CE, la cour d'appel a violé lesdites dispositions du statut et l'article 3 de l'annexe III au statut du personnel des industries électriques et gazières ainsi que des dispositions du c) du paragraphe 112.35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel d'EDF-GDF
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir condamner la CNIEG à réparer le préjudice subi par lui du fait de la privation de ressources de la date de sa mise en inactivité de service à la date de la liquidation de sa pension et à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive, refus de paiement et préjudice moral, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen
ET AUX MOTIFS encore QUE la Cour d'appel de Reims dans son arrêt du 11 mars 2009 ayant constaté que Monsieur X... avait été mis en inactivité par ses employeurs avec effet au 11 novembre 2005, cette décision est opposable à la CNIEG , organisme de sécurité sociale chargée de la gestion des régimes de retraites, mais la CNIEG ne peut être tenue responsable de la mise en inactivité de fait du salarié par ses anciens employeurs EDF GDF depuis le 11 novembre 2005 qui ne lui ont plus proposé d'emploi jusqu'à la date de sa mise à la retraite le 1er avril 2007 et n'ont pas saisi la Caisse pour qu'elle lui verse une indemnité de substitution ; qu'à la date du 11 novembre 2005 Monsieur X... ne remplissait pas les conditions pour faire valoir ses droits à la retraite , fait qu'il a été privé de ressources pendant cette période, n'est pas imputable à la CNIEG, la Chambre sociale de la Cour d'appel statuant en matière de sécurité sociale n'étant pas compétente pour statuer sur la responsabilité éventuelle des anciens employeurs, cette demande de dommages et intérêts sera rejetée ;
ALORS QUE pour statuer ainsi, la Cour d'appel a retenu que à la date de la mise en inactivité de service de Monsieur X... les conditions pour faire valoir ses droits à la retraite n'étaient pas remplies, en sorte que le fait qu'il ait été privé de ressources de cette date à sa mise à la retraite n'était pas imputable à la CNIEG ; qu'il était acquis aux débats que seule la non applicabilité de l'article 3 de l'annexe III du statut national du personnel des industries électriques et gazières était invoquée pour priver Monsieur X... du droit à pension à la date de la mise en inactivité le 11 novembre 2005 ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, entraînera par voie de conséquence, les conditions de liquidation de la pension étant remplies la cassation de ce chef, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-11660
Date de la décision : 16/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 02 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 déc. 2010, pourvoi n°10-11660


Composition du Tribunal
Président : M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.11660
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