LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1132 du code civil ;
Attendu que, selon le second de ces textes, un engagement est valable, bien que la cause ne soit pas exprimée, et qu'il incombe à celui qui conteste l'existence de la cause de son engagement d'apporter la preuve de ses allégations ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant de quatre lettres de change acceptées par M. X... et émises par celui-ci à leur profit les 1er mars et 15 juillet 2001 en contrepartie d'un prêt de 400 000 francs (60 979,60 euros) qui lui aurait été consenti par Lucienne Y..., décédée le 21 juin 2002, Mme A. Y..., Mme C. Y... et M. Y... ont assigné M. X... en paiement de cette somme ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme A. Y... et M. Y... (les consorts Y...), l'arrêt, après avoir relevé que ces derniers produisent à l'appui de leurs demandes deux documents intitulés «lettres de change» et un document intitulé «billet à ordre», souscrits à leur ordre par M. X... qui les a acceptés et que ces documents, remis à la banque, ont été restitués n'étant pas normalisés et conformes aux exigences actuelles, retient que les consorts Y... ne prouvent pas l'existence du prêt prétendument consenti par Lucienne Y... à M. X... qui causerait l'émission de ces titres ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les titres produits, s'ils ne valaient pas comme lettre de change ou billet à ordre, pouvaient néanmoins faire preuve des engagements contractés selon les règles du droit commun, et dès lors qu'ils avaient été acceptés ou souscrits, valoir comme promesse unilatérale ou reconnaissance de dette du tiré ou du souscripteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour les consorts Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Y... de leurs demandes, tendant à la condamnation de monsieur X... à leur payer les sommes de 45.734,70 euros et de 7.622,45 euros ;
AUX MOTIFS QUE se prévalant de quatre lettres de changes acceptées par M. X... et émises par celui-ci à leur profit les 1er mars et 15 juillet 2001 en contrepartie d'un prêt de 400.000 francs (60.979, 60 euros) qui lui aurait été consenti par Lucienne Y..., décédée le 21 juin 2002 à l'âge de 100 ans, Mme Agnès Y..., bénéficiaire d'un billet à ordre et d'une lettre de change émis les 1er mars et 15 juillet 2001 respectivement pour 3048,80 euros et 15.244, 90 euros, Mme Chantal Y..., bénéficiaire d'une lettre de change émise le 15 juillet 2001 pour 7.622, 45 euros et M. Jean-Paul Y..., bénéficiaire d'une lettre de change émise le 15 juillet 2001 pour 7.622, 45 euros, ont assigné M. X... en paiement ; que seuls appelants du jugement qui a débouté les consorts Y... de leurs demandes, Mme Agnès Y... et M. Jean-Paul Y... font valoir que M. X... était débiteur de leur tante Lucienne Y... et que les quatre lettres de changes émises tant à leur profit qu'à celui de Mme Chantal Y... ont été rédigées par M. X... directement à leur nom conformément aux souhaits de leur tante ; que les lettres de changes sont acceptées et qu'ils en sont bénéficiaires de bonne foi ; que reconnaissant les irrégularités formelles des lettres de change et admettant ne pas agir en qualité d'héritiers de Lucienne Y..., ils invoquent la mauvaise foi de M. X... «qui semble avoir de fait abusé de la vulnérabilité de (Lucienne Y...) en orchestrant ce montage douteux pour éviter effectivement de rembourser la somme empruntée », cette somme constituant à leur égard un « don » de Lucienne Y... ; que M. X... objecte que les consorts Y... ne sont pas héritiers de Lucienne Y... ; que les donations indirectes que les consorts Y... indiquent avoir reçues plusieurs mois après le décès de leur tante, constituent un pacte sur succession future prohibé par l'article 1130 du Code civil ; que les documents invoqués ne peuvent être qualifiés de lettres de change faute de répondre aux conditions de l'article L. 511-1 du Code de commerce ; que la lettre du 30 juin 1998, produite tardivement par les consorts Y..., ne démontre pas qu'il serait débiteur de Lucienne Y... ; qu'en toutes hypothèses, les lettres de change souscrites à leur profit sont sans cause ou ont une cause illicite, rendant l'obligation de remboursement nulle en application de l'article 1131 du Code civil puisque les consorts Y... reconnaissent ne lui avoir consenti aucun prêt ni avoir eu avec lui de quelconque relations avant le décès de Lucienne Y... ; qu'en outre, les lettres de change ne comportent ni le nom de Lucienne Y... qui serait le tireur, ni d'endos ;
ET AUX MOTIFS QUE les consorts Y... produisent à l'appui de leurs demandes deux documents intitulés « lettres de change » et un document intitulé « billet à ordre », souscrits à leur ordre par M. X... qui les a acceptées ; que ces documents, remis à la banque par Mme Agnès Y..., lui ont été restitués n'étant pas « normalisés et conformes aux exigences actuelles (ex : absence du rib du tiré) » ; que les consorts Y... ne prouvent pas l'existence du prêt prétendument consenti par Lucienne Y... à M. X... qui causerait l'émission de ces titres ; que la lettre adressée le 30 juin 1998 par Lucienne Y... à M. X... pour lui indiquer qu'elle souhaite qu'à sa disparition, sa nièce Nicole Z... soit son interlocutrice et représente l'ensemble de ses ayants droit, n'est pas de nature à établir l'existence d'un quelconque prêt ; que Lucienne Y... n'apparaissant pas comme la bénéficiaire des titres sur lesquels ne figurent ni son nom ni son endos, les consorts Y... ne sont pas fondés à soutenir que ces documents constituent l'exécution d'une donation indirecte que leur tante leur aurait consentie ; que, par ailleurs, les consorts Y... reconnaissent n'avoir prêté aucune somme à M. X... et n'avoir jamais eu avec celui-ci de relations qui justifieraient l'émission des lettres de changes et billet à ordre qui se trouvent dès lors sans cause ;
1°) ALORS, d'une part, QUE dès lors qu'elles avaient été acceptées et signées par M. X..., les lettres de change, même irrégulières, pouvaient néanmoins faire preuve des engagements contractés selon les règles du droit commun et valoir comme promesse unilatérale ou reconnaissance de dette du tiré, sous réserve de la possibilité pour celui-ci de contester la validité d'un tel engagement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les lettres de changes litigieuses ne valaient pas comme reconnaissance de dette de M. X... au profit de leurs bénéficiaires, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 511-1 du Code de commerce ;
2°) ALORS, d'autre part, QUE la cause d'une reconnaissance de dette est présumée exister et qu'il incombe à son auteur de prouver que son obligation serait dépourvue de cause ; qu'en retenant, pour les débouter de leurs demandes, que les consorts Y... ne prouvaient pas l'existence du prêt consenti par Lucienne Y... à M. X... quand il incombait à ce dernier d'établir que son obligation aurait été dépourvue de cause, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 1132 du même code.