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14/12/2010 | FRANCE | N°08-21606;10-10738

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 2010, 08-21606 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés Groupama navigation et transports, Lloyd's Underwriters, Le Continent, Les Mutuelles du Mans assurances IARD et Allianz Via assurances en leur qualité d'assureurs de la société Océa ;
Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société Enéria ;
Joint les pourvois n° A 08-21.606 et n° D 10-10.738, qui attaquent les mêmes arrêts ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par M. X... et la société Bureau Veritas, que sur le pourvoi pro

voqué relevé par la société SAMMCA ;
Donne acte à M. X... de son désistement du ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés Groupama navigation et transports, Lloyd's Underwriters, Le Continent, Les Mutuelles du Mans assurances IARD et Allianz Via assurances en leur qualité d'assureurs de la société Océa ;
Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société Enéria ;
Joint les pourvois n° A 08-21.606 et n° D 10-10.738, qui attaquent les mêmes arrêts ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par M. X... et la société Bureau Veritas, que sur le pourvoi provoqué relevé par la société SAMMCA ;
Donne acte à M. X... de son désistement du pourvoi formé contre la société Armement coopératif vendéen, la société Bureau Veritas, la société Chantiers navals du Bastion et M. Y... ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, rectifié, que le 14 mars 1996, M. X... a acquis les parts que détenait la société coopérative Armement coopératif artisanal vendéen (la société ACAV) dans le quirat constitué à parts égales entre cette dernière et M. Y... sur le navire "Bienvenue" ; que ce navire, exploité dès la prise de possession de M. X..., ayant nécessité de multiples et fréquentes réparations, celui-ci a assigné toutes les entreprises intervenues pour sa construction et sa remise en état, leurs assureurs ainsi que la société Bureau Veritas, laquelle a contesté la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour apprécier sa responsabilité ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° A 08-21.606 :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi, qui n'est pas nouveau, mais né de l'arrêt :
Vu les articles 1131 du code civil et L. 124-1 du code des assurances, ensemble l'article L. 124-3 du même code ;
Attendu que pour mettre hors de cause la société AGF en sa qualité d'assureur des sociétés Chantiers navals des ateliers du Bastion et Enéria, venant aux droits de la société Bergerat Monnoyeur, l'arrêt, après avoir relevé que les vices cachés, révélés par l'expertise, ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, alors que le contrat d'assurance était en cours de validité, observe qu'il résulte de la police d'assurance que la garantie " ne s'applique que dans la mesure où les réclamations relatives aux dommages garantis sont portées à votre connaissance au plus tard dans un délai de deux ans après la date de cessation du contrat", que cette garantie "(...) peut aussi s'appliquer, sur demande, à des "risques subséquents" et, en cas de cessation d'activité, "(...) peut être étendue aux réclamations présentées dans un délai de cinq ans après la date de résiliation (...)" ; qu'il constate ensuite que le contrat d'assurance a été résilié pour non paiement des primes à compter du 28 février 1991, que les AGF n'ont été assignées en extension de la mission de l'expert que par acte des 12 et 14 novembre 1997 et retient qu'en application des dispositions du contrat, la demande dirigée contre l'assureur a été tardivement formée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a, en l'absence d'autorisation législative spécifique contraire qui soit applicable en la cause, pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période et que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite, la cour d'appel qui avait constaté que le navire présentait des vices cachés, révélés par l'expertise, qui ont commencé à produire leurs effets dommageables tandis que le contrat d'assurance était en cours de validité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 10-10.738 :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles 3, 5 et 42 du décret n° 84-810 du 30 août 1984 ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté les demandes formées contre la société Bureau Veritas et surseoir à statuer sur ces demandes, l'arrêt retient qu'il est reproché à la société Bureau Veritas d'avoir commis des négligences dans l'exécution de sa mission, laquelle ne relevait pas de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, la décision d'approbation de la stabilité du navire appartenant à l'administration des affaires maritimes, et non de la société Bureau Veritas, lequel a établi, le 6 juin 1990, un certificat dont la pertinence et le contenu sont contestés, que la demande formée contre la société Bureau Veritas à laquelle a été confiée une mission de droit privé, relève donc de la compétence des juridictions judiciaires ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les éléments de fait permettant de décider si la responsabilité de la société Bureau Veritas était mise en cause à l'occasion d'une prestation de services privée ou si lui était reprochée la réalisation fautive d'une mission de certification exercée en vertu d'un agrément du ministre chargé de la marine marchande pour l'exécution même, avec des droits exclusifs, du service public administratif de mise en oeuvre du contrôle préalable à la délivrance ou au maintien des titres de sécurité et de prévention de la pollution exigés des navire français, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la société AGF, devenue Allianz, en sa qualité d'assureur de la société Chantiers navals des ateliers du Bastion et de la société Enéria, aux droits de la société Bergerat Monnoyeur, et en ce qu'il a infirmé le jugement rejetant les demandes formées contre la société Bureau Veritas et sursis à statuer sur les demandes formées à l'encontre de cette société, l'arrêt rendu les 12 mars 2008 rectifié par arrêt du 8 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdit arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Partage les dépens entre les sociétés AGF, devenue Allianz, et M. X... ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X..., ès qualités et en son nom personnel, demandeur au pourvoi principal n° A 08-21.606
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes contre les sociétés Bergerat Monnoyeur, Ocea et Sosamena et mis hors de cause ces trois sociétés ;
Aux motifs qu'en cause d'appel, Monsieur X... et son assureur reprochent à ces sociétés un manquement à leur devoir de conseil pour avoir effectué, chacune en ce qui les concerne, les réparations qui leur étaient demandées sans rechercher l'origine des pannes, ni appeler l'attention du propriétaire du navire sur le problème de corrosion généralisée ; mais qu'il appartenait au propriétaire lui-même, professionnel de la pêche et exploitant confirmé du navire, de s'interroger sur l'origine des pannes répétées affectant le navire et conduisant à des réparations importantes, nombreuses et coûteuses ; que force est de constater qu'aucune initiative d'ensemble n'a été prise par le propriétaire du navire avant 1'assignation en référé expertise du 18 novembre 1996, l'armement s'étant contenté jusque là d'interventions ponctuelles et répétées, sans se préoccuper de l'état général du navire et de sa dégradation progressive ; en second lieu qu'aucun manquement à leurs obligations contractuelles n'est reproché aux sociétés Bergerat Monnoyeur, Ocea et Sosamena, chacune s'étant acquittée de ses obligations selon les règles de l'art et conformément à ce qui lui était demandé ; en troisième lieu qu'à l'exception de la Société Générale d'Electricité Da Cunha, spécialiste en électricité marine, qui est intervenue à plusieurs reprises sur le navire pour traiter des problèmes électriques, mais n'a pas été mise en cause dans la présente procédure, aucune des sociétés défenderesses ne disposait d'une compétence spécifique en matière d'électricité marine ; tout d'abord que la société Bergerat Monnayeur, aux droits de laquelle vient la société Eneria, fournisseur des moteurs, avait cependant, dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres, ce dont Monsieur A..., dans son expertise amiable avait également informé l'armement ; qu'aucun reproche ne peut donc lui être adressé au titre du devoir de conseil ; ensuite que la société Sosamena, spécialisée en mécanique marine, mécanique générale hydraulique et groupes électrogènes, est intervenue pour procéder au remplacement du moteur ; que si elle était informée, par le guide de montage, de la nécessité d'une protection du moteur contre les phénomènes électrolytiques et galvaniques, il n'est pas établi qu'elle ait manqué à ses obligations contractuelles ; qu'en tout état de cause, elle ne disposait d'aucune compétence spécifique en matière d'électricité marine et ne pouvait être tenue d'un devoir de conseil dans une spécialité qui n'était pas la sienne ; enfin que la société Ocea est intervenue en mars 1996 pour des travaux de chaudronnerie concernant les pieds de cloison d'entrepont fortement corrodés, et de remise en état du joint bi-métal de liaison en même temps que les sociétés spécialisées chargées de remédier au phénomène d'électrolyse ; qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir mené d'investigations techniques poussées dans une autre sphère de compétence que la sienne, pour rechercher l'origine du phénomène de corrosion par électrolyse qui affectait le navire ; en fin de compte que contrairement aux conclusions de l'expert, auquel il n'était pas demandé de se prononcer en droit sur les responsabilités, et à ce qu'ont décidé les premiers juges, qui ont suivi l'avis de l'expert, la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, étant observé au surplus que ni l'A.C.A.V., ni Monsieur Y..., bien que directement concernés, n'ont formulé un tel grief à leur encontre ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre la société Bergerat Monnayeur et infirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation envers les sociétés Sosamena et Ocea ; qu'il y a donc lieu de débouter Monsieur X... et la compagnie Sammca de l'ensemble des demandes qu'ils ont formées contre les sociétés Bergerat Monnoyeur – Eneria, Sosamena et Ocea ;
Alors que, de première part, en déclarant d'une part, que la Société Bergerat Monnoyeur aux droits de laquelle vient la Société Eneria, ne disposait pas de compétence spécifique en matière d'électricité marine et d'autre part que la même avait dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres de sorte qu'aucun reproche ne peut lui être adressé au titre du devoir de conseil, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors que, de deuxième part, en décidant, après avoir constaté que les vices cachés ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, qu'aucun reproche ne peut être adressé à la Société Bergerat Monnoyeur aux droits de laquelle vient la Société Eneria parce qu'elle avait dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres, la Cour d'appel qui n'a pas précisé les dates d'intervention de cette Société a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, de troisième part, en décidant que la responsabilité de la Société Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil dans une spécialité qui n'était pas la leur, la Cour d'appel qui n'a pas recherché si ces sociétés n'étaient pas tenues d'informer le propriétaire du navire des limites de leurs prestations respectives et de leur efficacité a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, de quatrième part, le fait que le propriétaire du navire soit un professionnel de la pêche et un exploitant confirmé du navire ne constitue pas en soi un motif exonérant les sociétés chargées des réparations et de la maintenance du navire de leur obligation de conseil sur l'utilité du travail effectué ; qu'en se fondant sur ce motif pour décider que la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, de cinquième part, la compétence personnelle du propriétaire en matière de pêche et d'exploitation du navire nécessaire à l'exercice de cette activité ne lui donne pas les moyens d'apprécier les caractéristiques techniques du bateau de sorte qu'elle ne dispense pas les sociétés chargées des réparations et de la maintenance du navire de leur obligation de conseil sur l'utilité du travail effectué ; qu'en se fondant sur ce motif pour décider que la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Alors que, de sixième part, en s'abstenant de rechercher si, sans avoir à mener elles-mêmes des investigations techniques dans une autre sphère de compétence que la leur pour exécuter leur obligation de conseil, les sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne pouvaient pas seulement d'informer le propriétaire du navire de la nécessité de recourir aux services d'un spécialiste en électricité marine pour déterminer l'origine des désordres, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d'avoir décidé que les AGF – assureurs – responsabilité civile de la Société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion ne sont pas tenues à garantie des dommages survenus et par voie de conséquence mis hors de cause les AGF en leur qualité d'assureur d'une part de la Société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion, d'autre part de la Société Eneria, aux droits de la Société Bergerat Monnoyeur ;
Aux motifs que les AGF, assureurs - responsabilité civile de la société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion, font tout d'abord valoir qu'elles ne sont pas tenues à garantie des dommages survenus postérieurement à la résiliation du contrat intervenue le 28 février 1991, les premières avaries n'étant apparues que le 22 juillet 1996 ; mais que le navire présentait dès l'origine, des non conformités aux règles de l'art, et que les vices cachés, révélés par l'expertise, ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, alors que le contrat d'assurance était en cours de validité ; en revanche qu'il résulte de la police d'assurance ( Titre V, B – 2°) que la garantie "ne s'applique que dans la mesure où les réclamations relatives aux dommages garantis sont portées à votre connaissance au plus tard dans un délai de deux ans après la date de cessation du contrat" ; "Elle peut aussi s'appliquer, sur demande, à des « risques subséquents » ; en effet, en cas de cessation d'activité, ..., la garantie peut être étendue aux réclamations présentées dans un délai de cinq ans après la date de résiliation (y compris pour les dommages survenus pendant ce délai" ; que le contrat d'assurance a été résilié pour non paiement des primes à compter du 28 février 1991, et que les AGF n'ont été assignées en extension de la mission de l'expert que par acte des 12 et 14 novembre 1997, si bien que la demande dirigée contre l'assureur a été tardivement formée et doit donc être rejetée, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges ;
Alors que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite ; qu'en décidant, après avoir constaté que le navire présentait dès l'origine, des non conformités aux règles de l'art, et que les vices cachés, révélés par l'expertise, ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, alors que le contrat d'assurance était en cours de validité, que la demande dirigée contre l'assureur AGF a été tardivement formée et doit donc être rejetée, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 1131 du Code civil et L. 124-1 du Code des assurances.
Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour la société SAMMCA, demanderesse au pourvoi provoqué n° A 08-21.606
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi incident fait grief aux arrêts attaqués D'AVOIR débouté M. X... de ses demandes contre les sociétés Bergerat Monnoyeur, Ocea et Sosamena et D'AVOIR mis hors de cause ces trois sociétés;
AUX MOTIFS QU'en cause d'appel, M. X... et son assureur reprochent à ces sociétés un manquement à leur devoir de conseil pour avoir effectué, chacune en ce qui les concerne, les réparations qui leur étaient demandées sans rechercher l'origine des pannes, ni appeler l'attention du propriétaire du navire sur le problème de corrosion généralisée ; mais qu'il appartenait au propriétaire lui-même, professionnel de la pêche et exploitant confirmé du navire, de s'interroger sur l'origine des pannes répétées affectant le navire et conduisant à des réparations importantes, nombreuses et coûteuses ; que force est de constater qu'aucune initiative d'ensemble n'a été prise par le propriétaire du navire avant 1'assignation en référé expertise du 18 novembre 1996, l'armement s'étant contenté jusque là d'interventions ponctuelles et répétées, sans se préoccuper de l'état général du navire et de sa dégradation progressive ; en second lieu qu'aucun manquement à leurs obligations contractuelles n'est reproché aux sociétés Bergerat Monnoyeur, Ocea et Sosamena, chacune s'étant acquittée de ses obligations selon les règles de l'art et conformément à ce qui société Sammca c. société Ocea et conformément à ce qui lui était demandé ; en troisième lieu qu'à l'exception de la société Générale d'Électricité Da Cunha, spécialiste en électricité marine, qui est intervenue à plusieurs reprises sur le navire pour traiter des problèmes électriques, mais n'a pas été mise en cause dans la présente procédure, aucune des sociétés défenderesses ne disposait d'une compétence spécifique en matière d'électricité marine ; tout d'abord que la société Bergerat Monnayeur, aux droits de laquelle vient la société Eneria, fournisseur des moteurs, avait cependant, dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres, ce dont M. A..., dans son expertise amiable. avait également informé l'armement ; qu'aucun reproche ne peut donc lui être adressé au titre du devoir de conseil ; ensuite que la société Sosamena, spécialisée en mécanique marine, mécanique générale hydraulique et groupes électrogènes, est intervenue pour procéder au remplacement du moteur ; que si elle était informée, par le guide de montage, de la nécessité d'une protection du moteur contre les phénomènes électrolytiques et galvaniques, il n'est pas établi qu'elle ait manqué à ses obligations contractuelles ; qu'en tout état de cause, elle ne disposait d'aucune compétence spécifique en matière d'électricité marine et ne pouvait être tenue d'un devoir de conseil dans une spécialité qui n'était pas la sienne ; enfin que la société Ocea est intervenue en mars 1996 pour des travaux de chaudronnerie concernant les pieds de cloison d'entrepont fortement corrodés, et de remise en état du joint bi-métal de liaison en même temps que les sociétés spécialisées chargées de remédier au phénomène d'électrolyse ; qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir mené d'investigations techniques poussées dans une autre sphère de compétence que la sienne, pour rechercher l'origine du phénomène de corrosion par électrolyse qui affectait le navire ; en fin de compte que contrairement aux conclusions de l'expert, auquel il n'était pas demandé de se prononcer en droit sur les responsabilités, et à ce qu'ont décidé les premiers juges, qui ont suivi l'avis de l'expert, la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, étant observé au surplus que ni l'Acav, ni M. Y..., bien que directement concernés, n'ont formulé un tel grief à leur encontre ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre la société Bergerat Monnoyeur et infirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation envers les sociétés Sosamena et Ocea ; qu'il y a donc lieu de débouter M. X... et la compagnie Sammca de l'ensemble des demandes qu'ils ont formées contre les sociétés Bergerat Monnoyeur-Eneria, Sosamena et Ocea ;
1. ALORS QU'en déclarant, d'une part, que la société Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle vient la Société Eneria, ne disposait pas de compétence spécifique en matière d'électricité marine et, d'autre part, que la même avait dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres, de sorte qu'aucun reproche ne peut lui être adressé au titre du devoir de conseil, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2. ALORS QU'en décidant, après avoir constaté que les vices cachés ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, qu'aucun reproche ne peut être adressé à la société Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle vient la société Eneria, parce qu'elle avait, dès le mois de janvier 1995, évoqué l'existence d'un phénomène d'électrolyse à l'origine des désordres, la cour d'appel, qui n'a pas précisé les dates d'intervention de cette société, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3. ALORS QU'en décidant que la responsabilité de la société Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil dans une spécialité qui n'était pas la leur, la cour d'appel qui n'a pas recherché si ces sociétés n'étaient pas tenues d'informer le propriétaire du navire des limites de leurs prestations respectives et de leur efficacité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4. ALORS QUE le fait que le propriétaire du navire soit un professionnel de la pêche et un exploitant confirmé du navire ne constitue pas en soi un motif exonérant les sociétés chargées des réparations et de la maintenance du navire de leur obligation de conseil sur l'utilité du travail effectué ; qu'en se fondant sur ce motif pour décider que la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5. ALORS QUE la compétence personnelle du propriétaire en matière de pêche et d'exploitation du navire nécessaire à l'exercice de cette activité ne lui donne pas les moyens d'apprécier les caractéristiques techniques du bateau, de sorte qu'elle ne dispense pas les sociétés chargées des réparations et de la maintenance du navire de leur obligation de conseil sur l'utilité du travail effectué ; qu'en se fondant sur ce motif pour décider que la responsabilité des sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne peut être retenue au titre d'une violation de leur devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6. ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, sans avoir à mener elles-mêmes des investigations techniques dans une autre sphère de compétence que la leur pour exécuter leur obligation de conseil, les sociétés Bergerat Monnoyeur, aux droits de laquelle se trouve la société Eneria, Sosamena et Ocea ne pouvaient pas seulement d'informer le propriétaire du navire de la nécessité de recourir aux services d'un spécialiste en électricité marine pour déterminer l'origine des désordres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi incident fait grief aux arrêts attaqués D'AVOIR décidé que les Agf, assureurs responsabilité civile de la société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion ne sont pas tenues à garantie des dommages survenus, et, par voie de conséquence, D'AVOIR mis hors de cause les Agf en leur qualité d'assureur, d'une part, de la société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion, et d'autre part, de la société Eneria, laquelle vient aux droits de la société Bergerat Monnoyeur ;
AUX MOTIFS QUE les Agf, assureurs responsabilité civile de la société Chantiers Navals des Ateliers du Bastion, font tout d'abord valoir qu'elles ne sont pas tenues à garantie des dommages survenus postérieurement à la résiliation du contrat intervenue le 28 février 1991, les premières avaries n'étant apparues que le 22 juillet 1996 ; mais que le navire présentait dès l'origine des non conformités aux règles de l'art, et que les vices cachés, révélés par l'expertise, ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, alors que le contrat d'assurance était en cours de validité ; en revanche qu'il résulte de la police d'assurance (titre V, B, 2°) que la garantie « ne s'applique que dans la mesure où les réclamations relatives aux dommages garantis sont portées à votre connaissance au plus tard dans un délai de deux ans après la date de cessation du contrat » ; « Elle peut aussi s'appliquer, sur demande, à des "risques subséquents" ; en effet, en cas de cessation d'activité … la garantie peut être étendue aux réclamations présentées dans un délai de cinq ans après la date de résiliation (y compris pour les dommages survenus pendant ce délai) » ; que le contrat d'assurance a été résilié pour non paiement des primes à compter du 28 février 1991, et que les Agf n'ont été assignées en extension de la mission de l'expert que par acte des 12 et 14 novembre 1997, si bien que la demande dirigée contre l'assureur a été tardivement formée et doit donc être rejetée, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges ;
. ALORS QUE le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite ; qu'en décidant, après avoir constaté que le navire présentait dès l'origine, des non conformités aux règles de l'art, et que les vices cachés, révélés par l'expertise, ont commencé à produire leurs effets dommageables dès le neuvage, en 1990, tandis que le contrat d'assurance était en cours de validité, que la demande dirigée contre l'assureur Agf a été tardivement formée et doit donc être rejetée, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 1131 du code civil et L. 124-1 du code des assurances.

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Bureau Veritas, demanderesse au pourvoi principal n° D 10-10.738
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que la demande formée à l'encontre de la SA BUREAU VERITAS relève de la compétence des juridictions judiciaires, d'AVOIR infirmé le jugement entrepris du 25 octobre 2005 en ce qu'il avait débouté les demandeurs de leurs prétentions contre la SA BUREAU VERITAS et d'AVOIR sursis à statuer sur les demandes formées à l'encontre de cette société ;
AUX MOTIFS QU'il est reproché au BUREAU VERITAS d'avoir commis des négligences dans l'exécution de sa mission, laquelle ne relevait pas de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, la décision d'approbation de la stabilité du navire relevant de l'administration des Affaires maritimes, et non du BUREAU VERITAS, lequel a établi, le 6 juin 1990, un certificat dont la pertinence et le contenu sont contestés ; que la demande formée contre le BUREAU VERITAS auquel a été confiée une mission de droit privé, relève donc bien de la compétence des juridictions judiciaires ;
ALORS QU'aucun navire français ne peut prendre la mer sans être muni des titres de sécurité et de prévention de la pollution délivrés dans les conditions prévues par le décret n° 84-810 du 30 août 1984 ; que la société BUREAU VERITAS, dans sa mission de contrôle de la stabilité d'un navire en vue de la délivrance d'un « certificat national de franc-bord », est investie de prérogatives de puissance publique pour l'exécution de la mission de service public de contrôle de la sécurité des navires qui lui a été déléguée par le Ministre chargé de la marine marchande ; qu'en affirmant que la mission de contrôle dont avait été investie la société BUREAU VERITAS, à l'issue de laquelle elle avait établi un « certificat national de franc-bord » pour le navire « BIENVENUE », ne relevait pas de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, dans la mesure où la décision d'approbation de la stabilité du navire relevait de l'administration des Affaires maritimes, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 3, 5 et 42 du décret n° 84-810 du 30 août 1984, le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1790.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-21606;10-10738
Date de la décision : 14/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DROIT MARITIME - Navire - Société de classification - Responsabilité - Ordre juridictionnel compétent - Critère - Prestation privée ou mission de certification - Recherche nécessaire

Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui retient la compétence des juridictions judiciaires pour connaître d'une action en responsabilité contre une société de classification sans préciser les éléments de fait permettant de décider si la responsabilité de celle-ci était mise en cause à l'occasion d'une prestation de services privée ou si lui était reprochée la réalisation fautive d'une mission de certification exercée en vertu d'un agrément du ministre chargé de la marine marchande pour l'exécution même, avec des droits exclusifs, du service public administratif de mise en oeuvre du contrôle préalable à la délivrance ou au maintien des titres de sécurité et de prévention de la pollution exigés des navires français


Références :

ARRET du 08 octobre 2008, Cour d'appel de Poitiers, Chambre civile 1, 8 octobre 2008, 08/02433
loi des 16-24 août 1790

articles 3, 5 et 42 du décret n° 84-810 du 30 août 1984

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 08 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 2010, pourvoi n°08-21606;10-10738, Bull. civ. 2010, IV, n° 200
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 200

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Rapporteur ?: M. Potocki
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21606
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