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09/12/2010 | FRANCE | N°09-13652

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 2010, 09-13652


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le 10 novembre 1998, M. et Mme X... se sont portés acquéreurs d'une statue présentée comme antique lors d'enchères publiques à l'Hôtel des ventes de Drouot-Richelieu à Paris ; qu'ayant appris qu'il existait un doute sur l'authenticité de la statue, M. et Mme X... ont refusé de payer le prix de l'adjudication et ont restitué la pièce contestée au commissaire-priseur ; que M. Y... leur a fait sommation, le 23 juin 1999, de payer le prix de l'acquisition, augmenté des frais ; qu'en suite

d'une expertise judiciaire, M. et Mme X... ont assigné, les 5 et 9 ma...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le 10 novembre 1998, M. et Mme X... se sont portés acquéreurs d'une statue présentée comme antique lors d'enchères publiques à l'Hôtel des ventes de Drouot-Richelieu à Paris ; qu'ayant appris qu'il existait un doute sur l'authenticité de la statue, M. et Mme X... ont refusé de payer le prix de l'adjudication et ont restitué la pièce contestée au commissaire-priseur ; que M. Y... leur a fait sommation, le 23 juin 1999, de payer le prix de l'acquisition, augmenté des frais ; qu'en suite d'une expertise judiciaire, M. et Mme X... ont assigné, les 5 et 9 mai 2000, M. Y..., commissaire-priseur, M. Z..., expert, et M. A..., vendeur, en annulation de la vente ; que, par jugement du 31 janvier 2001, le tribunal de grande instance les a déboutés de leur demande et les a condamnés à payer à M. Y... le prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999, et à verser aux trois défendeurs des dommages-intérêts ; que, par arrêt du 25 mars 2002, la cour d'appel a confirmé ce jugement ; que M. et Mme X... ont acquitté le montant des condamnations ; que l'arrêt précité a été cassé (Civ. 1re, 27 février 2007, pourvois n° D 02-13. 420 et G 03-21. 179, Bull. n° 90), au motif qu'en énonçant que les acquéreurs n'avaient pas rapporté la preuve qu'il aurait existé un doute tel sur l'authenticité de l'oeuvre que, s'ils l'avaient connu, ils ne l'auraient pas acquise, alors qu'il résultait de ses propres constations que la référence à la période historique portée, sans réserve expresse, au catalogue n'était pas exacte, ce qui suffisait à provoquer l'erreur alléguée, la cour d'appel avait violé les articles 1110 du code civil et 2 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 ; que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, a annulé la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et condamné, in solidum, M. A..., M. Y... et M. Z... à rembourser, en deniers quittances, aux époux X... le prix de la vente, soit la somme de 777 380, 99 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999, et les frais de la vente ;

Sur le second moyen du pourvoi de M. Y..., pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. Z... et M. A..., à rembourser à M. et Mme X... le prix de vente, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999, alors, selon le moyen, que M. et Mme X... ayant, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, demandé que la condamnation au remboursement du prix de la vente fût augmentée des intérêts depuis la date du jugement frappé d'appel (31 janvier 2001), la cour d'appel ne pouvait fixer le point de départ des intérêts au 23 juin 1999 sans méconnaître les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le grief manque en fait, M. et Mme X... s'étant bornés à solliciter la condamnation de M. Y..., de M. Z... et de M. A..., in solidum, à leur rembourser le prix de vente augmenté des intérêts, sans précision ;

Sur le second moyen du pourvoi de M. Y..., pris en sa troisième branche, et sur le moyen unique du pourvoi de M. A... :

Vu l'article 1153 du code civil ;

Attendu qu'en fixant à la date du 23 juin 1999, dont elle avait constaté qu'elle était celle de la sommation ayant enjoint aux acquéreurs de payer le prix de vente, le point de départ des intérêts sur le prix qu'elle condamnait M. A... et M. Y... à rembourser à M. et Mme X..., alors que ces intérêts n'étaient dus qu'à compter de la notification de l'arrêt infirmatif du 27 janvier 2009, qui constituait le titre de restitution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige, par application de la règle de droit appropriée ;

Attendu, enfin, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le surplus des griefs, qui ne seraient pas de nature à faire admettre les pourvois ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au 23 juin 1999 le point de départ des intérêts sur les sommes payées par M. et Mme X..., que M. Y... et M. A... ont été condamnés à restituer, l'arrêt rendu le 27 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Fixe le point de départ desdits intérêts à la date de la signification à chacun des intéressés de l'arrêt du 27 janvier 2009 ;

Condamne M. Y..., M. A... et M. Z..., in solidum, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. A...,

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum Monsieur B..., Monsieur Y... et Monsieur Z... à rembourser en deniers ou quittances aux époux François X... le prix de vente soit la somme de 777. 380, 99 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « il sera fait droit à la demande d'annulation de la vente pour erreur présentée par les époux X... » ;

ALORS QUE la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; qu'en condamnant Monsieur B..., Monsieur C... et Monsieur Z... à rembourser en deniers ou quittances aux époux François X... le prix de la vente annulée, soit la somme de 777. 380, 99 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999, la Cour d'appel a violé l'article 1153 du Code civil.

Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils, pour M. Z...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR-après annulation pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, de la vente intervenue le 10 novembre 1998 du lot n° 120 du catalogue de Monsieur Y..., portant sur une statue de Sésostris III-condamné Monsieur Z..., expert, in solidum avec Monsieur A... vendeur et Monsieur Y... commissaire priseur, à rembourser en deniers ou quittances, aux époux François X... le prix de vente soit la somme de 777 380, 99 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999 et les frais de la vente, outre 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE sur l'erreur, les appelants font grief aux premiers juges d'avoir estimé que les caractéristiques de la statue, telles que définies par les experts, n'étaient pas véritablement éloignées de celles décrites au catalogue et d ‘ avoir ainsi méconnu le principe selon lequel pour une vente d'oeuvre ou d'objet d'art, sa dénomination, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque garanti l'acheteur que cette oeuvre ou cet objet a été effectivement produit au cours de la période de référence ; que les intimés soutiennent en réponse que lorsqu'elle a été déterminante du consentement comme liée à une qualité substantielle, ayant amené les parties à contracter, et que pour une oeuvre antique dont le nom de l'auteur est le plus souvent ignoré, il suffit que l'objet ait été réalisé pendant l'antiquité pour que l'acheteur ne puisse invoquer un vice de son consentement ; qu'ils en concluent qu'en l'espèce les époux X... ne peuvent donc soutenir comme un élément déterminant de leur consentement avoir voulu acquérir une oeuvre réalisée du temps du règne du pharaon, qualité particulière ne pouvant être connue du vendeur et qu'ils auraient dû dans cette hypothèse le signaler ; qu'ils rappellent que le descriptif du catalogue n'affirmait ni que la statue avait été réalisée entre les deux dates mentionnées, ni qu'elle l'avait été du vivant du pharaon, indiquant seulement qu'elle avait été réalisée au Moyen Empire ; que la Cour relève que c'est justement que les acquéreurs se prévalent du principe selon lequel la dénomination d'une oeuvre, immédiatement suivie dans le catalogue de la référence à une période historique précise, garantit l'acheteur que l'oeuvre a été produite au cours de ladite période de référence ; qu'ils son généralement fondés, au regard de l'analyse ci-après, a soutenir qu'il ne leur incombait pas d'informer le vendeur ou le commissaire priseur d'une qualité particulière attendue par eux de la statue offerte à la vente, à savoir avoir été impérativement réalisée durant le règne du pharaon ; qu'en effet en prenant connaissance des précisions du catalogue selon lesquelles « le roi est représenté dans la force de l'âge. On sent qu'il a atteint le point d'équilibre de son existence : il ne représente pas encore les traces d'amertume et de désillusion qui frappent dans ses portraits le montrant plus âgé, mais il exprime une maîtrise de soi, une énergie contenue et une sérénité impressionnante … » suivies de l'indication des dates de règne de Sésostris III indication certes in fine mais que vendeur, commissaire-priseur et expert n'étaient pas dans la nécessité de préciser, ils n'avaient aucun motif de douter que cette indication soit certaine puisqu'il s'agit, ainsi que relevé ci-après, d'une loi habituelle en la matière ; qu'en effet il n'est pas contesté que la description de la statue ne comporte non seulement pas de réserves sur l'authenticité mais pas davantage de réserves sur la datation de l'oeuvre, l'allusion par l'expert au polissage pratiqué sur le socle pour effacer les hiéroglyphes gravés à une date récente n'ayant pour raison d'être que d'affirmer que cet effacement ne remet pas en cause l'authenticité de l'objet ; que par ailleurs les dates de 1878-1843 av. J. C. ne sont pas les dates du Moyen-Empire dans son ensemble, ni même celles du règne de Sésostris III ; Qu'en l'espèce, si l'expertise a parfaitement confirmé qu'il s'agissait d'une statue antique, authentique, témoignage historique de grande valeur, elle a également conclut qu'en aucun cas cette statue ne remonte au règne de Sésostris III ; que cette conclusion est en la matière fondamentale, car la Cour entend se référer plus amplement aux commentaires essentiels des experts à cet égard (à partir de la page 41 du rapport) selon lesquels ; « c'est véritablement l'évocation d'un visage royal sculpté après l'époque de son sujet, tout se passe comme si la statue avait été exécutée postérieurement au temps du roi, sous les règnes suivants. Bien que l'art du portrait, en Egypte, soit considéré comme celui qui a su réaliser pour chaque pharaon de son temps la synthèse idéale de son expression et de son âge, les efforts des sculpteurs des ateliers royaux n'en ont pas moins rendu souvent avec un réalisme très personnel les traits les plus caractéristiques de leurs modèles en mettant un accent sans nuance sur des détails typiques du visage des personnes à éterniser. Cette loi a été appliquée sans faille et les effigies de Sésostris III n'y ont pas échappé. Or on a constaté que la statue éloignée s'éloignait d'une telle loi. » ; que ce sont les experts eux-mêmes qui ont, dans leur rapport, mis ces commentaires en caractères gras, montrant par là leur importance centrale dans l'analyse et les conclusions auxquelles elles sont parvenues, qu'en effet les experts ont recensé 31 portraits de ce pharaon ; que les experts poursuivent leurs réflexions et interrogations en indiquant toujours en caractère gras « l'image-souvenir de Sésostris III », puis « Bref, nous serions en présence d'une statue posthume du roi, exécutée loin de son modèle », puis « pourquoi une statue posthume ? », puis « Quelle personnalité exceptionnelle Sésostris III était-il donc pour avoir mérité une effigie posthume de cette qualité ? » ; qu'au vu de ces éléments, la Cour ne saurait se limiter, contrairement aux premiers juges à procéder à une analyse de bon sens mais insuffisante, dès lors que l'indication des dates de 1878-1843 av. J. C. signifiait plus qu'une statue ancienne, produite au cours du 2ème millénaire avant J. C. mais garantissait une production pendant la période pendant laquelle ce pharaon a régné ; qu'il est dès lors sans pertinence, comme le soutiennent les intimés que les dates du règne des pharaons soient sujettes à fluctuation, suivant les chronologies adoptées, que de même ils ne sont pas fondés à se retrancher derrière le caractère exceptionnel car unique de la statue, expliquant amplement tout le contexte de controverse l'ayant entourée, ni sur le fait que la statuaire royale égyptienne du Moyen Empire ne peut qu'être approximative, ni enfin à affirmer, comme les premiers juges, que ces éléments n'en modifient pas la valeur ; que la statue ne provenait pas d'une succession ni d'une collection prouvée identifiée ; que dans ces conditions la référence inexacte à une période du règne d'un pharaon, son extrême importance en cette matière étant clairement établie, suffit à provoquer l'erreur et à l'établir ; qu'en conséquence le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions et qu'il sera fait droit à la demande d'annulation de la vente pour erreur présentée par les époux X....

1°/ ALORS QUE l'annulation d'une vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, vice du consentement, a pour effet, de par l'anéantissement rétroactif du contrat que le vendeur de la chose est censé n'en avoir jamais perdu la propriété et que lui seul doit restituer le prix qu'il a perçu de l'acquéreur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ayant annulé pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, la vente litigieuse de la statue dont les époux X... avaient été déclarés adjudicataires lors de la vente aux enchères publiques du 10 novembre 1998, ceux-ci ne pouvaient obtenir la condamnation de l'expert, Monsieur Z... qui n'a pas perçu le prix de la statue, in solidum avec le vendeur Monsieur A... et le commissaire priseur Monsieur C... au remboursement du prix de vente, soit la somme de 777 380, 99 € avec intérêts à compter du 23 juin 1999 et des frais de vente ; que dès lors, en faisant droit à la demande des époux X... de ce chef, la Cour d'appel a violé les articles 1109, 1110 et 1117 du code civil ;

2°/ ALORS QUE le juge devant trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, la Cour d'appel ne pouvait, après avoir annulé la vente litigieuse pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, condamner Monsieur Z... expert, in solidum avec le vendeur et le commissaire priseur, à en restituer le prix et ce même si les époux X... avaient, de ce chef, sollicité une telle condamnation ; que dès lors l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU'EN toute hypothèse, la Cour d'appel qui annule la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et limite la condamnation à la restitution du prix et des frais de vente n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations excluant la condamnation de Monsieur Z... expert, in solidum avec le vendeur et le commissaire priseur ; qu'ainsi l'arrêt est à nouveau entaché d'une violation des articles 1109, 1110 et 1117 du code civil ;

4°/ ALORS QUE à la suite de l'annulation d'une vente, la restitution du prix qui ne constitue pas un dommage, ne peut être poursuivie par l'acquéreur que contre le seul vendeur, le tiers au contrat annulé ne pouvant être condamné au profit de cet acquéreur sans qu'une faute quasi-délictuelle soit caractérisée à son encontre ; qu'en l'espèce, la vente litigieuse ayant été annulée pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et la Cour d'appel n'ayant pas fait droit à la demande d'annulation pour dol présentée par les époux X..., Monsieur Z... expert, ne pouvait être condamné in solidum avec le vendeur et le commissaire priseur à la restitution du prix de vente et des frais ; qu'en prononçant cependant une telle condamnation, la Cour d'appel a violé l'articles 1382 du code civil ;

5°/ ALORS QU'UNE condamnation de Monsieur Z... expert in solidum avec le vendeur et le commissaire priseur, à la suite de l'annulation de la vente ne pouvait être prononcée sans que soient constatées à leur encontre des fautes contractuelle et quasi-délictuelles ayant concouru à réaliser un entier dommage subi par les époux X... ; qu'en ne faisant pas droit à la demande présentée par ces derniers, d'annulation de la vente pour dol la Cour d'appel a exclu l'existence d'un dommage résultant d'une faute, les conséquences en étant que la restitution du prix de la vente annulée, seule condamnation prononcée, ne pouvait être mise qu'à la charge du vendeur ; qu'ainsi, en prononçant une condamnation in solidum, la Cour d'appel a violé, à nouveau les articles 1109, 1110, 1117 et 1382 du code civil.

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue la vente intervenue le 10 novembre 1998 du lot n° 120 du cat alogue de Maître Y..., portant sur une statue de Sésostris III ;

AUX MOTIFS QUE c'est justement que les acquéreurs se prévalent du principe selon lequel la dénomination d'une oeuvre, immédiatement suivie dans le catalogue de la référence à une période historique précise, garantit l'acheteur que l'oeuvre a été produite au cours de ladite période de référence ; qu'ils sont également fondés, au regard de l'analyse ci-après, à soutenir qu'il ne leur incombait pas d'informer le vendeur ou le commissaire priseur d'une qualité particulière attendue par eux de la statue offerte à la vente, à savoir avoir été impérativement réalisée durant le règne du pharaon ; qu'en effet, en prenant connaissance des précisions du catalogue selon lesquelles « le roi est représenté dans la force de l'âge. On sent qu'il a atteint le point d'équilibre de son existence : il ne présente pas encore les traces d'amertume et de désillusion qui frappent dans ses portraits le montrant plus âgé, mais il exprime une maîtrise de soi, une énergie contenue et une sérénité impressionnante … » suivies de l'indication des dates de règne de Sésostris III, indication certes in fine mais que vendeur, commissaire-priseur et expert n'étaient pas dans la nécessité de préciser, ils n'avaient aucun motif de douter que cette indication soit certaine puisqu'il s'agit, ainsi que relevé ci-après, d'une loi habituelle en la matière ; qu'en effet, il n'est pas contesté que la description de la statue ne comporte non seulement pas de réserves sur l'authenticité mais pas davantage de réserves sur la datation de l'oeuvre, l'allusion par l'expert au polissage pratiqué sur le socle pour effacer les hiéroglyphes gravés à une date récente n'ayant pour raison d'être que d'affirmer que cet effacement ne remet pas en cause l'authenticité de l'objet ; que par ailleurs, les dates de 1878-1843 av. J. C. ne sont pas les dates du Moyen-Empire dans son ensemble, ni même celles de la XIIème dynastie, mais celles du règne de Sésostris III ; qu'en l'espèce, si l'expertise a parfaitement confirmé qu'il s'agissait d'une statue antique, authentique, témoignage historique de grande valeur, elle a également conclu qu'en aucun cas cette statue ne remonte au règne de Sésostris III ; que cette conclusion est en la matière fondamentale, car la cour entend se référer plus amplement aux commentaires essentiels des experts à cet égard (à partir de la page 41 du rapport) selon lesquels : « C'est véritablement l'évocation d'un visage royal sculpté après l'époque de son sujet, tout se passe comme si la statue avait été exécutée postérieurement au temps du roi, sous les règnes suivants. Bien que l'art du portrait, en Egypte, soit considéré comme celui qui a su réaliser pour chaque pharaon de son temps la synthèse idéalisée de son expression et de son âge, les efforts des sculpteurs des ateliers royaux n'en ont pas moins rendu souvent avec un réalisme très personnel les traits les plus caractéristiques de leurs modèles en mettant un accent sans nuance sur des détail typiques du visage des personnes à éterniser. Cette loi a été appliquée sans faille et les effigies de Sésostris III n'y ont pas échappé. Or, on a constaté que la statue étudiée s'éloignait d'une telle loi » ; que ce sont les experts eux-mêmes qui ont, dans leur rapport, mis ces commentaires en caractères gras, montrant par là leur importance centrale dans l'analyse et les conclusions auxquelles elles sont parvenues ; qu'en effet, les experts ont recensé 31 portraits de ce pharaon ; que les experts poursuivent leurs réflexions et interrogations en indiquant toujours en caractères gras : « l'image souvenir de Sésostris III », puis « Bref, nous serions en présence d'une statue posthume du roi, exécutée loin de son modèle », puis « pourquoi une statue posthume ? », puis « Quelle personnalité exceptionnelle Sésostris III était-il donc pour avoir mérité une effigie posthume de cette qualité ? » ; qu'au vu de ces éléments, la cour ne saurait se limiter, contrairement aux premiers juges, à procéder à une analyse de bon sens mais insuffisante, dès lors que l'indication des dates de 1878-1843 av. J. C. signifiait plus qu'une statue ancienne, produite au cours du 2ème millénaire avant J. C. mais garantissait une production pendant la période pendant laquelle ce pharaon a régné ; qu'il est dès lors sans pertinence, comme le soutiennent les intimés que les dates du règne des pharaons soient sujettes à fluctuation, suivant les chronologies adoptées, que de même ils ne sont pas fondés à se retrancher derrière le caractère exceptionnel car unique de la statue, expliquant amplement tout le contexte de controverses l'ayant entourée, ni sur le fait que la statuaire royale égyptienne du Moyen Empire ne peut qu'être approximative, ni enfin à affirmer, comme les premiers juges, que ces éléments n'en modifient pas la valeur ; que la statue ne provenait pas d'une succession ni d'une collection privée identifiée ; que dans ces conditions, la référence inexacte à une période de règne d'un pharaon, son extrême importance en cette matière étant clairement établie, suffit à provoquer l'erreur et à l'établir (arrêt attaqué, pp. 4-5) ;

ALORS, d'une part, QUE l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet ; qu'en se bornant à retenir, pour prononcer l'annulation de la vente litigieuse, que l'indication dans le catalogue de la vente d'une période qui ne correspondait pas à celle de la réalisation de l'oeuvre suffisait « à provoquer l'erreur et à l'établir », sans rechercher si cette erreur avait porté sur une qualité substantielle de la chose, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1110 du Code civil et de l'article 2 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 ;

ALORS, d'autre part, QU'en considérant qu'une imprécision portant sur la datation exacte de l'oeuvre – le catalogue de la vente mentionnant une période de création comprise entre 1878 et 1843 avant J. C., quand les experts ont établi que la statue avait été réalisée entre 1850 et 1720 avant J. C. –, suffisait à justifier l'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur, sans expliquer en quoi l'erreur provoquée dans l'esprit des acquéreurs avait porté sur une qualité substantielle de la chose vendue, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1110 du Code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Maître Y..., in solidum avec Monsieur A... et Monsieur Z..., à rembourser en deniers ou quittances à Monsieur et Madame François X... le prix de la vente, soit la somme de 777. 380, 99 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999, et les frais de la vente ;

AUX MOTIFS QUE la cour ne saurait se limiter, contrairement aux premiers juges, à procéder à une analyse de bon sens mais insuffisante, dès lors que l'indication des dates de 1878-1843 av. J. C. signifiait plus qu'une statue ancienne, produite au cours du 2ème millénaire avant J. C. mais garantissait une production pendant la période pendant laquelle ce pharaon a régné ; qu'il est dès lors sans pertinence, comme le soutiennent les intimés que les dates du règne des pharaons soient sujettes à fluctuation, suivant les chronologies adoptées, que de même ils ne sont pas fondés à se retrancher derrière le caractère exceptionnel car unique de la statue, expliquant amplement tout le contexte de controverses l'ayant entourée, ni sur le fait que la statuaire royale égyptienne du Moyen Empire ne peut qu'être approximative, ni enfin à affirmer, comme les premiers juges, que ces éléments n'en modifient pas la valeur ; que la statue ne provenait pas d'une succession ni d'une collection privée identifiée ; que dans ces conditions, la référence inexacte à une période de règne d'un pharaon, son extrême importance en cette matière étant clairement établie, suffit à provoquer l'erreur et à l'établir (arrêt attaqué, p. 5) ;

ALORS, d'une part, QUE l'expert qui affirme l'authenticité ou la datation d'une oeuvre d'art sans assortir son avis de réserves engage sa responsabilité sur cette seule affirmation tant à l'égard de l'acquéreur de l'oeuvre, victime de l'erreur, qu'à l'égard du commissaire-priseur, qui a établi son catalogue et procédé à la vente au vu du certificat ainsi délivré ; qu'en condamnant Maître Y..., commissaire-priseur, à rembourser le prix de la vente, motif pris de l'inexactitude de la période mentionnée dans le catalogue de la vente, sans caractériser l'existence d'une faute personnellement commise par Maître Y..., dont elle constate qu'il avait été assisté par Monsieur Z..., expert, pour la réalisation du catalogue, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE seul le vendeur qui a reçu le prix est tenu à sa restitution en cas d'annulation de la vente ; qu'en condamnant Maître Y..., commissaire-priseur, à cette restitution, in solidum avec le vendeur et l'expert, la cour d'appel a violé les articles 1304, 1165 et 1382 du Code civil ;

ALORS, de troisième part, QU'en cas d'annulation de la vente, les frais que l'organisateur et l'expert doivent restituer, de même que les sommes reçues par le vendeur et que celui-ci doit restituer à l'acquéreur, ne peuvent porter intérêts à une date antérieure au jour de l'assignation régularisée par l'acheteur, valant mise en demeure ; qu'en l'espèce, l'assignation de Monsieur et Madame X... tendant à l'annulation de la vente et à la restitution du prix est en date du 5 mai 2000 ; qu'en condamnant Maître Y..., in solidum avec le vendeur et l'expert, à rembourser aux époux X... le prix de vente, « augmenté des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1999 », la cour d'appel, qui a constaté que cette date était en réalité celle de la sommation délivrée aux époux X..., acquéreurs, leur enjoignant de payer le prix de la vente, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1153 du Code civil ;

ALORS, enfin, QUE, Monsieur et Madame X... ayant, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, demandé que la condamnation au remboursement du prix de la vente soit augmentée des intérêts depuis la date du jugement frappé d'appel (31 janvier 2001), la cour d'appel ne pouvait fixer le point de départ des intérêts au 23 juin 1999 sans méconnaître les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions, en violation de l'article 4 du Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-13652
Date de la décision : 09/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 déc. 2010, pourvoi n°09-13652


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Rouvière, SCP Bénabent, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13652
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