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07/12/2010 | FRANCE | N°10-30470

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 décembre 2010, 10-30470


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 17 décembre 2009), que le 16 octobre 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des opérations de visite domiciliaire dans des locaux situés à Grasse, ..., susceptibles d'être occ

upés par M. X..., Mme Y..., la société CBF, Fella Rocher, la SCI Jasm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 17 décembre 2009), que le 16 octobre 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des opérations de visite domiciliaire dans des locaux situés à Grasse, ..., susceptibles d'être occupés par M. X..., Mme Y..., la société CBF, Fella Rocher, la SCI Jasmin, Briki, ou Ben M'Barek Rekaia, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de M. X... ;
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir confirmé la décision du premier juge, alors, selon le moyen, que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 16- B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l'article 61 § 1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, entraînera la perte de fondement juridique de l'ordonnance attaquée fondée sur ce texte ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 16 B, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif des décisions n° 84 184 DC du 29 décembre 1984 et n° 89 268 DC du 29 décembre 1989 du Conseil constitutionnel, et que ce dernier a estimé dans sa décision n° 2010-19/ 27- QPC du 30 juillet 2010 (considérant n° 10) qu'en l'absence de changement des circonstances, il n'y avait pas lieu, pour lui, d'examiner les griefs formés contre les dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans ses deux décisions antérieures ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour M. X...

MOYEN D'ANNULATION
En ce que l'ordonnance attaquée a confirmé l'ordonnance du 16 octobre 2007 ayant autorisé des inspecteurs des impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux, sis à Grasse, susceptibles d'être occupés par Monsieur X... et/ ou Madame Y... ;
Aux motifs que l'appelant soutient en premier lieu que le caractère rétroactif de la loi du 4 août 2008 a eu pour seul objet d'éviter l'annulation de la décision susvisée en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et qu'elle l'a privé d'une voie de recours puisque la Cour de cassation a déclaré son pourvoi irrecevable ; qu'en conséquence ces dispositions sont contraires à l'article 6 § 1 de la CEDH et au droit au procès équitable ; Mais attendu en premier lieu que l'article 164 IV de la loi du 4 août 2008 n'a pas eu pour objet de fausser l'issue du litige au fond mais, au contraire, d'ouvrir une nouvelle voie de recours ; qu'en second lieu l'appelant n'est nullement privé d'une voie de recours puisque la décision du premier président est susceptible d'un pourvoi en cassation ; attendu que M. X... fait ensuite valoir qu'il n'a pas pu être assisté d'un conseil pendant les opérations autorisées ; Mais attendu que ce droit a été ajouté à l'article L16B après la visite en cause ; Qu'en outre le droit d'être assisté d'un conseil est prévu pour un accusé selon les dispositions de l'article 6 § 3, ce que n'est pas la personne chez laquelle est opérée une visite domiciliaire ; que M. X... s'interroge ensuite sur notre impartialité objective au motif que les procès-verbaux de visite et de saisies figurent au dossier ; attendu toutefois que l'administration a l'obligation de transmettre ces pièces au JLD en application de l'article L16B ; qu'en outre il convient de rappeler que ni le premier juge ni le premier président ne sont juges de l'impôt et n'ont donc pas à apprécier si l'intéressé s'est rendu coupable de fraude fiscale mais seulement si la procédure qui lui est soumise est régulière et si la requête apparaît fondée au regard des conditions de mise en oeuvre de l'article L16B ; que M. X... fait également valoir que la décision querellée a été pré-rédigée par l'administration et que le juge n'a opéré aucun contrôle ; mais attendu que ce seul fait ne permet pas de présumer que celui-ci a rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation, étant en outre observé qu'aucun élément ne permet de déterminer le temps dont il a disposé pour apprécier lesdites pièces (ordonnance attaquée, p. 3) ;
Alors que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 16- B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, entraînera la perte de fondement juridique de l'ordonnance attaquée fondée sur ce texte.
MOYEN DE CASSATION, subsidiaire
En ce que l'ordonnance attaquée a confirmé l'ordonnance du 16 octobre 2007 ayant autorisé des inspecteurs des impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux, sis à Grasse, susceptibles d'être occupés par Monsieur X... et/ ou Madame Y... ;
Aux motifs, premièrement, que l'appelant soutient en premier lieu que le caractère rétroactif de la loi du 4 août 2008 a eu pour seul objet d'éviter l'annulation de la décision susvisée en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et qu'elle l'a privé d'une voie de recours puisque la Cour de cassation a déclaré son pourvoi irrecevable ; qu'en conséquence ces dispositions sont contraires à l'article 6 § 1 de la CEDH et au droit au procès équitable ; Mais attendu en premier lieu que l'article 164IV de la loi du 4 août 2008 n'a pas eu pour objet de fausser l'issue du litige au fond mais, au contraire, d'ouvrir une nouvelle voie de recours ; qu'en second lieu l'appelant n'est nullement privé d'une voie de recours puisque la décision du premier président est susceptible d'un pourvoi en cassation ; attendu que M. X... fait ensuite valoir qu'il n'a pas pu être assisté d'un conseil pendant les opérations autorisées ; Mais attendu que ce droit a été ajouté à l'article L16B après la visite en cause ; Qu'en outre le droit d'être assisté d'un conseil est prévu pour un accusé selon les dispositions de l'article 6 § 3, ce que n'est pas la personne chez laquelle est opérée une visite domiciliaire (ordonnance attaquée, p. 3) ;
1°/ Alors, en toute hypothèse, qu'en se bornant à affirmer que la loi du 4 août 2008 n'a pas eu pour objet de fausser l'issue du litige au fond mais, au contraire, d'ouvrir une nouvelle voie de recours et que la décision du premier président est susceptible d'un pourvoi en cassation sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si l'appel ouvert près de deux ans après le déroulement des opérations et alors même que les impositions étaient mises en recouvrement pouvait être considéré comme présentant les garanties d'une voie de recours effective, alors qu'en l'état de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Ravon, la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé contre l'ordonnance ayant autorisé les visites et saisies, n'aurait pu qu'en prononcer l'annulation, de sorte que la rétroactivité du texte, qu'aucun motif impérieux ne venait justifier, avait eu pour seul objet d'empêcher une telle annulation et caractérisait l'ingérence de l'Etat français dans le but d'interférer dans le cadre des contentieux pendants s'agissant des ordonnances d'autorisation de perquisition rendues au visa de l'ancien article L. 16 B, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ Alors, en outre, que la seule ouverture de la voie de l'appel contre les ordonnances d'autorisation par la loi du 4 août 2008 est impropre à satisfaire aux exigences du droit à un procès équitable, faute d'avoir pu rétroactivement assurer au contribuable les conditions de l'effectivité d'un tel recours, notamment au travers de la possibilité d'être assisté par un conseil de son choix lors des opérations, de sorte qu'en statuant comme il a fait, l'auteur de l'ordonnance attaquée a en toute hypothèse méconnu les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Aux motifs, deuxièmement, que M. X... s'interroge ensuite sur notre impartialité objective au motif que les procès-verbaux de visite et de saisies figurent au dossier ; attendu toutefois que l'administration a l'obligation de transmettre ces pièces au JLD en application de l'article L16B ; qu'en outre il convient de rappeler que ni le premier juge ni le premier président ne sont juges de l'impôt et n'ont donc pas à apprécier si l'intéressé s'est rendu coupable de fraude fiscale mais seulement si la procédure qui lui est soumise est régulière et si la requête apparaît fondée au regard des conditions de mise en oeuvre de l'article L16B (ordonnance attaquée, p. 3, 8ème et 9ème attendus) ;
3°/ Alors qu'en statuant par ces seuls motifs sans répondre au chef péremptoire des écritures de l'exposant qui faisait plus précisément valoir que mettait nécessairement en cause l'exigence d'impartialité objective du juge la présence au dossier, indépendamment des procès-verbaux de visite et de saisie, d'un courrier de M. B..., inspecteur principal des Impôts autorisé par l'ordonnance dont appel à procéder aux visites et saisies, précisant que l'intervention avait été positive, l'auteur de l'ordonnance attaquée a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile qu'il a violés ;
Et aux motifs enfin, troisièmement, que M. X... fait également valoir que la décision querellée a été pré-rédigée par l'administration et que le juge n'a opéré aucun contrôle ; mais attendu que ce seul fait ne permet pas de présumer que celui-ci a rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation, étant en outre observé qu'aucun élément ne permet de déterminer le temps dont il a disposé pour apprécier lesdites pièces (ordonnance attaquée, p. 3, pénultième et dernier attendus) ;
4°/ Alors que ne satisfait pas aux exigences des articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la pratique consistant pour le juge des libertés et de la détention à se limiter à compléter une ordonnance manifestement rédigée par l'administration fiscale elle-même, rendue le jour même de la présentation de la requête, c'est-àdire dans un délai incompatible avec un examen concret et effectif des pièces censées justifier l'autorisation requise, par l'indication de son nom et des dates auxquelles son ordonnance deviendra caduque et à laquelle les originaux du procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations de visite et de saisie devront lui être retournés, de sorte qu'en affirmant le contraire, l'auteur de l'ordonnance attaquée a encore violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-30470
Date de la décision : 07/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 déc. 2010, pourvoi n°10-30470


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.30470
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