LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que les époux X... ayant demandé à la cour d'appel de statuer sur la prescription acquisitive trentenaire sans soutenir que le remembrement y faisait obstacle, relevant que la limite litigieuse était confondue avec le périmètre de la zone remembrée qui n'avait pas été défini de manière contradictoire, ils ne peuvent présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse développée devant les juges du fond ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le passage régulier sur la parcelle en cause par M. Y... pour accéder à ses terres n'était pas incompatible avec la possession exercée sur cette même parcelle par Mme Z..., qui avait entreposé le long de son pignon une cuve à fioul et un poulailler, dès lors qu'aucun témoin ne faisait état de l'utilisation d'engins agricoles trop larges pour rendre impossible la présence d'ouvrages permanents dont les traces avaient été trouvées, tels l'alimentation en fioul et le tuyau d'assainissement, et souverainement retenu qu'il ressortait de plusieurs témoignages circonstanciés que Mme Z..., devenue propriétaire de son immeuble en 1958, et la contestation des époux X... datant de 2003, avait occupé des années durant cette parcelle, en y installant un réservoir de fioul, un poulailler et un grillage, la présence de ce dernier étant attestée de 1957 à 1992, et que des voisins se disaient convaincus qu'elle avait toujours été propriétaire de la parcelle, ce qui démontrait clairement que l'intéressée se comportait en propriétaire au vu et su du voisinage, la cour d'appel, qui a pu en déduire la possession paisible, publique, ininterrompue et en tant que propriétaire de la parcelle litigieuse par Mme Z... et ses successeurs pendant plus de trente ans, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les époux X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit les époux A... propriétaires par l'effet de la prescription acquisitive de la parcelle de terrain bordant leur immeuble d'habitation sis à RENESCURE..., cadastrée n° 61 et 62 de la section ZI, telle que décrite au rapport d'expertise de M. B... en date du 13 septembre 2006 et figurée au plan en annexe 4 dudit rapport ;
AUX MOTIFS QUE les époux A... font grief au jugement d'avoir statué ainsi en dépit de témoignages concordants qui attestent de la possession paisible, publique et ininterrompue de cette bande de terrain pendant plus de trente ans par leur auteur, Mme Z..., devenue propriétaire en 1958, et à laquelle ils sont succédé en juillet 2001, occupant à sa suite la parcelle en cause sans susciter aucune récrimination de leur voisin jusqu'en 2004 ; les époux X... objectent qu'à supposer établie la jouissance trentenaire de la parcelle litigieuse par Mme Z... (qu'ils contestent), celle-ci l'était à titre de simple tolérance, leur auteur, M. Y... ayant convenu avec l'intéressée de lui en laisser l'usage en contrepartie de la faculté qui lui était laissée par cette dernière de cultiver le reste de son terrain ; qu'ils en veulent pour preuve l'attestation de M. Christian Y..., propriétaire jusqu'en 1995 de la parcelle revendiquée, qui affirme (attestation du 24 août 2005) que cette bande de terrain constituait l'entrée de la parcelle 610 (incluse dans la propriété des époux X... lors du remembrement de 1995), qu'il l'a ainsi régulièrement empruntée jusque « dans les années 1980 », période à laquelle il a occupé le terrain de Mme Z... et de ce fait a moins utilisé ce « passage » ; qu'à la lumière d'autres témoignages (Mme C..., Bernard D..., Pascal E...) on comprend que M. Y... aurait accepté de laisser à Mme Z... la jouissance précaire de cette bande de terrain en contrepartie de la faculté que lui aurait laissée cette dernière de cultiver la partie de son terrain située de l'autre côté de sa maison, le long de la rue de Claimarais, le décès de Mme Z... puis la cession de son immeuble aux époux A... en juillet 2001 et la « reprise » par ces derniers du terrain cultivé par leur voisin ayant remis en cause cet accord verbal entre les deux anciens propriétaires ; qu'outre le fait que les deux filles de Mme Z... ne confirment pas l'existence de cet 91270 BP « échange » précaire de parcelles, affirmant au contraire que leur mère s'est toujours considérée propriétaire du terrain bordant son pignon, la Cour constate que les témoins précités donnent aux propos de M. Y... une portée que ceux-ci n'ont pas : en effet l'intéressé ne fait aucune allusion à cet « échange » dont découlerait, selon les époux X..., la preuve du caractère précaire de l'occupation trentenaire revendiquée par leur voisin, se contentant d'affirmer qu'il était propriétaire du terrain en cause (ce que les parties ne contestent plus au regard des conclusions auxquelles est parvenu l'expert B... après étude du cadastre, des titres de propriété, et des opérations de remembrement), qu'il y passait régulièrement pour accéder à ses terres, ce qui n'était pas incompatible avec l'occupation que Mme Z... aurait exercée en entreposant le long de son pignon une cuve à fioul et un poulailler dès lors que ni M. Y... ni les autres témoignages ne font état de l'utilisation par l'intéressé ou d'autres cultivateurs qui auraient cultivé ses terres, d'engins agricoles, dont la largeur rendait impossible la présence d'ouvrages permanents tels que ceux dont le géomètre-expert a relevé les traces (alimentation en fioul, tuyau d'assainissement) ; que la Cour observe, au demeurant, que l'expertise judiciaire n'a pas établi que la parcelle voisine (ancienne A 619) également à usage agricole, dont la limite est représentée par une ancienne borne en grès retrouvée par M. B..., était clôturée de sorte qu'il est concevable que les agriculteurs aient pu continuer à utiliser le « passage » longeant la maison de Mme Z... dont attestent Mrs Y... et E..., éventuellement en empiétant sur le fonds voisin ; M. Y... ajoute qu'il n'y avait dans ce passage ni borne, ni puisard, ce qui n'est pas non plus de nature à contredire l'occupation du terrain par Mme Z... ; qu'à l'inverse, les époux A... produisent plusieurs témoignages circonstanciés qui démontrent que Mme Z..., devenue propriétaire de son immeuble en 1958, a occupé des années durant cette parcelle bordant son pignon ; qu'ainsi M. G... se rappelle, pour avoir labouré le champ voisin en 1972, (la Cour rappelle que la première contestation des époux X... date de fin 2003) l'occupation à cette époque de la parcelle bordant son habitation, évoquant la présence d'un réservoir de fuel et d'un parc grillagé ; que Guy E... évoque la présence de la citerne à mazout contre le pignon de l'habitation dans les années 1970/ 1980 ; que les époux H..., domiciliés depuis 1937 dans la commune, confirment cette occupation par Mme Z... des « quelques mètres carrés attenant à la maison côté NIEPPE », où elle avait, pendant un certain temps, entreposé une cuve à fioul, se disant convaincus qu'elle en avait toujours été propriétaire, ce qui démontre clairement que l'intéressée se comportait en propriétaire au vu et su du voisinage ; que Mme I... occupante de 91270 BP la parcelle de terre voisine de 1957 à 1992 affirme avoir toujours connu la présence d'un petit parc clôturé contre le pignon de la maison ; qu'en affirmant que leur mère était propriétaire de cette bande de terre de 2, 50 mètres longeant le pignon et l'avait clôturé par un grillage, dont attestent certaines photographies, ce que M. Y..., son successeur, M. X... et M. I..., agriculteur exploitant le fonds voisin, avaient toujours respecté, les filles de Mme Z... confirment cette occupation paisible, publique et à titre de propriétaire de la parcelle litigieuse par leur mère ; que la Cour estime dès lors suffisamment démontrée la possession paisible, et en tant que propriétaire de la parcelle litigieuse par Mme Z... et ses successeurs pendant plus de trente ans, de sorte que les époux A... étaient fondés à se prévaloir de l'usucapion de ladite parcelle, plus amplement décrite au rapport de M. B..., et reprise au plan en annexe 4 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge judiciaire ne peut remettre en cause les limites d'un remembrement dont les opérations ont été clôturées de sorte que le juge ne peut ordonner l'implantation d'une limite selon une ligne distincte de celle résultant des bornes posées lors du remembrement ; que dès lors en faisant abstraction du plan de remembrement auquel s'était pourtant référé l'expert pour trancher le litige relatif à l'action en revendication de propriété engagée par les époux A..., la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 123-12 du Code rural et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'usucapion exige de celui qui s'en prévaut une possession trentenaire présentant les conditions requises par l'article 2229 du Code civil, c'est-à-dire une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; que les juges doivent, pour caractériser la possession, relever des actes matériels d'occupation, réelle de la part de celui qui s'en prévaut ; que dès lors, en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, les éléments contenus dans les divers attestations versées aux débats par les époux A..., concernant les conditions dans lesquelles Mme Z..., auteur de ces derniers, avait occupé la parcelle en litige bordant son habitation, et y avait entreposé un certain temps une cuve de fioul, sans caractériser des actes matériels précis d'occupation pendant la durée requise, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2223 et 2262 du Code civil ;
ALORS, EN OUTRE, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Y... était propriétaire du terrain en cause (ce que les parties ne contestaient pas) y passait régulièrement pour accéder à ses terres, ce qui n'était pas incompatible avec l'occupation que Mme Z... aurait exercée en entreposant le long de son pignon une cuve à fioul, ce qui ne permettait pas de caractériser une possession paisible non équivoque et à titre de propriétaire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2229 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, et en retenant que l'attestation de M. Y... ne faisait aucune allusion à l'échange de la bande de terrain entre Mme de Z... et lui, tout en constatant cependant que ce dernier exploitait la parcelle A 610 de 1970 à 1995 année du remembrement, et occupait le terrain de Mme Z... situé contre la parcelle à titre de passage, ce qui caractérisait le caractère équivoque de la possession exercée par l'auteur des époux A..., la Cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes.