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07/12/2010 | FRANCE | N°09-42657

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2010, 09-42657


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009), que M. X... a été engagé le 5 octobre 1992 par la société BNP en qualité de rédacteur ; qu'à la suite d'une promotion, un avenant à son contrat de travail a été signé le 10 novembre 1993 prévoyant le bénéfice d'une prime exceptionnelle dite "bonus", dont le montant, variable selon les performances du secteur d'activité auquel appartient le salarié, "reste à la discrétion de la direction générale", et dont le versement i

ntervient à la fin du premier trimestre de l'année suivant l'exercice concerné, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009), que M. X... a été engagé le 5 octobre 1992 par la société BNP en qualité de rédacteur ; qu'à la suite d'une promotion, un avenant à son contrat de travail a été signé le 10 novembre 1993 prévoyant le bénéfice d'une prime exceptionnelle dite "bonus", dont le montant, variable selon les performances du secteur d'activité auquel appartient le salarié, "reste à la discrétion de la direction générale", et dont le versement intervient à la fin du premier trimestre de l'année suivant l'exercice concerné, sous réserve, qu'à cette date, le salarié n'ait pas dénoncé son contrat de travail ; que fin février 2001, M. X... a perçu une rémunération variable de 716 949 euros au titre de l'année 2000 ; que le 12 mars 2001, il a notifié sa démission en demandant à ne pas effectuer son préavis ; que le 14 mars suivant, il a reçu une lettre de la direction l'informant qu'elle lui attribuait 900 000 euros de rémunération variable pour l'année 2000, 716 949 euros lui ayant déjà été payés, le solde devant être attribué sous forme d'actions échelonnées selon des modalités et conditions, notamment de présence dans l'entreprise de 2001 à 2004, précisées par lettre séparée ; que les actions visées dans ce courrier ne lui ayant jamais été transférées, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que la BNP Paribas soit condamnée à lui transférer sous astreinte les actions dont il s'estimait devenu propriétaire et à lui verser une certaine somme au titre des dividendes afférents, alors, selon le moyen ;
1°/ qu'un élément de rémunération variable décidé par l'employeur en contrepartie du travail fourni au cours d'un exercice annuel doit être versé sans distinction à tous les salariés ayant fourni ce travail, en application du principe "à travail égal, salaire égal" ; que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle ; qu'en écartant l'existence d'une discrimination de rémunération au détriment de l'exposant dans l'attribution du complément de bonus annuel après sa démission, aux seuls motifs que les autres salariés étaient contractuellement liés à l'employeur à la date de notification de leurs droits ce qui n'était pas le cas de M. X..., alors qu'elle avait relevé que celui-ci avait participé à l'activité au titre de laquelle était versé ce complément de bonus, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun élément objectif et pertinent justifiant la disparité de traitement, a violé, par fausse application, le principe "à travail égal, salaire égal" ;
2°/ que si l'employeur peut assortir la rémunération variable qu'il institue de conditions, encore faut-il que celles-ci ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié tels qu'ils sont protégés par l'article L. 1121-1 du code du travail ; que parmi ces libertés figure la liberté du travail ; qu'un employeur ne peut porter atteinte à la liberté du travail du salarié en subordonnant le droit à une rémunération variable annuelle à la condition qu'il soit présent dans l'entreprise lors de la notification de son droit à cette rémunération, sauf à pratiquer une sanction pécuniaire illicite ; qu'en décidant que M. X... ne pouvait obtenir le paiement du complément de bonus dès lors qu'il avait démissionné à la date de notification de son droit, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 1121-1 du code du travail ;
3°/ que M. X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la BNP ne pouvait lui supprimer la seconde partie du bonus au prétexte qu'il avait démissionné au moment de son versement, la condition de présence du salarié dans l'entreprise au moment de la notification de son droit étant contraire au principe de la liberté du travail ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les modalités de versement d'une rémunération ne peuvent priver le salarié de tout ou partie de cette rémunération, dès lors que la prestation de travail correspondante avait bien été exécutée avant la rupture du contrat de travail ; qu'en considérant que le complément de rémunération variable n'était pas dû au salarié dès lors qu'il était attribué sous une forme nouvelle qui n'avait pas été prévue contractuellement ni unilatéralement par l'employeur avant la démission du salarié, quand elle avait constaté que celui-ci avait participé à l'activité au titre de laquelle était versée cette rémunération, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
5°/ que, ni l'absence de protestation du salarié, ni le niveau d'une rémunération variable précédemment perçue, ne peut valoir renonciation à son droit à une nouvelle rémunération variable instituée en contrepartie du travail fourni, laquelle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ; qu'en opposant aux demandes de M. X..., d'une part, le fait qu'il s'était abstenu de protester lors de l'attribution de la première partie du bonus, et, d'autre part, le fait que le montant de ce premier versement était en forte augmentation par rapport à l'année précédente, sans constater l'existence d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de renoncer à tout complément de bonus postérieur au premier versement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de cet article 1134 du code civil ;
Mais attendu d'abord, que la cour d'appel a relevé que tous les salariés concernés par le bonus avaient reçu le même courrier, ce dont il résulte qu'ils étaient soumis aux mêmes conditions d'attribution des actions ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des documents contractuels, a retenu, d'une part, que le contrat de travail prévoyait un bonus dont le montant était laissé à la discrétion de l'employeur en fonction des performances du secteur d'activité, et, d'autre part, que le courrier du 14 mars 2001 instaurait de manière discrétionnaire un complément de rémunération variable sous une forme nouvelle dont le principe et les modalités n'avaient pas été prévus, ni contractuellement, ni par engagement unilatéral de l'employeur, avant que le salarié ne donne sa démission ; qu'elle a ainsi fait ressortir, répondant implicitement mais nécessairement aux conclusions prétendument délaissées, qu'à la date de sa démission, le salarié n'avait aucun droit acquis à ce bonus complémentaire attribué sous forme d'actions, quand bien même celui-ci serait fondé sur les résultats de l'année 2000 ;
D'où il suit que le moyen, dont la cinquième branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la BNP PARIBAS (employeur) soit condamnée à lui transférer sous astreinte 3960 actions DCS dont il est devenu propriétaire le 14 mars 2001, et à lui verser en outre la somme de 59004 euros au titre des dividendes afférents ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a été embauché le 16 septembre 1992 par la BNP par un contrat de travail, modifié par un courrier du 10 novembre 1993 fixant le principe d'une prime exceptionnelle dite « bonus » ; que le principe de cette prime a une valeur contractuelle ; que le montant de cette prime est laissé contractuellement à la discrétion de l'employeur en fonction des performances du secteur d'activité, ce dont il résulte qu'il aurait même la possibilité de ne pas en accorder, étant relevé que depuis 1993 cette situation ne s'est jamais produite ; que ce courrier prévoit également, autre élément contractuel, que « ce bonus sera versé une fois l'an à la fin du premier trimestre de l'année suivant l'exercice civil concerné », sous réserve « que vous ayez été salarié de la banque durant la totalité de cet exercice civil, que vous n'ayez pas à la date du versement, dénoncé le contrat de travail qui vous lie à la BNP » ; que la lettre du 10 novembre 1993 se termine par les deux paragraphes suivants : « cette prime n'étant pas conventionnelle, elle ne sera pas prise en compte pour le calcul de votre retraite. Notre établissement se réserve le droit d'augmenter, de diminuer ou de supprimer ce bonus notamment en cas de changement d'activité » ; que ces deux dernières phrases qui peuvent apparaître contradictoires avec le principe posé auparavant dans la lettre, d'une prime exceptionnelle dite bonus, doivent être interprétées de manière étroite comme destinées, pour la première, à faire sortir la prime de l'assiette prise en compte pour le calcul de la retraite et, pour la deuxième, comme un rappel de la fixation discrétionnaire du montant de cette prime énoncée plus haut, voire de sa suppression en cas de changement d'activité ; que contractuellement, et à tout le moins tant qu'il restait dans la même activité, Monsieur X... avait droit à une prime dite bonus fixée en fonction des performances du secteur auquel il était affecté ; que avec sa paye du mois de février 2001, il a reçu un bonus de 716949 euros ; qu'il n'a pas protesté contre ce montant ; que sa démission du 12 mars 2001 a entraîné la rupture de son contrat de travail ; qu'à cette date, aucun élément n'établit que l'employeur avait pris un quelconque engagement, ni même fourni une quelconque information à l'intéressé annonçant une rémunération variable supérieure à la somme allouée fin février ; que ce n'est que par courrier du 14 mars, alors que le salarié avait dénoncé son contrat de travail et renoncé au préavis, qu'une lettre lui a été adressée, faisant état « d'une rémunération variable de 900.000 € attribuée au titre de l'année 2000 en raison des résultats de l'entreprise… » ; que cette lettre précisait que cette rémunération variable serait « payée à hauteur de 716.949 € avec la paye de février 2001… Le solde sera attribué sous forme d'actions BNP PARIBAS… Les modalités de cette attribution sont précisées par lettre séparée » ; que cette lettre a été adressée au même moment à un ensemble de salariés concernés, ce que ne conteste pas Monsieur X... et alors que celui-ci avait, deux jours auparavant, dénoncé son contrat de travail avec la BNP, circonstance que les signataires de ces deux courriers, qui n'étaient pas destinataires de la lettre de démission remise en mains propres le 12 mars 2001 à Messieurs Y... ET Z... ainsi que Madame B..., pouvaient ignorer deux jours plus tard ; que cette lettre du 14 mars s'analyse comme apportant, de manière discrétionnaire, un complément de rémunération variable, sous une forme nouvelle, à savoir par attribution d'actions, complément certes fondé sur les résultats de l'année 2000 à laquelle avait participé Monsieur X..., mais qui, dans son principe ou dans sa forme, n'était prévu ni contractuellement avec Monsieur X..., ni unilatéralement par la direction, avant que celui-ci ne dénonce son contrat de travail ; que l'emploi du verbe « confirmer » dans les courriers du 14 mars 2001, ne suffit pas à établir à lui seul l'existence préalable d'un tel engagement avant la dénonciation du contrat de travail, qui pourrait fonder la réclamation du salarié, étant relevé que si un tel engagement avait été pris par l'employeur préalablement à la dénonciation du contrat de travail par Monsieur X..., celui-ci n'aurait pas manqué d'en faire état, pour préserver ses droits au moment de sa dénonciation ; que l'allégation de discrimination par le salarié n'est pas fondée dans la mesure où les autres salariés qui ont pu bénéficier de ce complément de rémunération en actions, étaient, quant à eux, toujours présents et contractuellement liés à la BNP le 14 mars lorsque leur a été notifié leur droit ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU'un élément de rémunération variable décidé par l'employeur en contrepartie du travail fourni au cours d'un exercice annuel doit être versé sans distinction à tous les salariés ayant fourni ce travail, en application du principe « à travail égal, salaire égal » ; que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle ; qu'en écartant l'existence d'une discrimination de rémunération au détriment de l'exposant dans l'attribution du complément de bonus annuel après sa démission, aux seuls motifs que les autres salariés étaient contractuellement liés à l'employeur à la date de notification de leurs droits ce qui n'était pas le cas de Monsieur X..., alors qu'elle avait relevé que celui-ci avait participé à l'activité au titre de laquelle était versé ce complément de bonus, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun élément objectif et pertinent justifiant la disparité de traitement, a violé, par fausse application, le principe « à travail égal, salaire égal » ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE, si l'employeur peut assortir la rémunération variable qu'il institue de conditions, encore faut-il que celles-ci ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié tels qu'ils sont protégés par l'article L.1121-1 du Code du travail ; que parmi ces libertés figure la liberté du travail ; qu'un employeur ne peut porter atteinte à la liberté du travail du salarié en subordonnant le droit à une rémunération variable annuelle à la condition qu'il soit présent dans l'entreprise lors de la notification de son droit à cette rémunération, sauf à pratiquer une sanction pécuniaire illicite; qu'en décidant que Monsieur X... ne pouvait obtenir le paiement du complément de bonus dès lors qu'il avait démissionné à la date de notification de son droit, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L.1121- 1 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE Monsieur X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la BNP ne pouvait lui supprimer la seconde partie du bonus au prétexte qu'il avait démissionné au moment de son versement, la condition de présence du salarié dans l'entreprise au moment de la notification de son droit étant contraire au principe de la liberté du travail ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les modalités de versement d'une rémunération ne peuvent priver le salarié de tout ou partie de cette rémunération, dès lors que la prestation de travail correspondante avait bien été exécutée avant la rupture du contrat de travail ; qu'en considérant que le complément de rémunération variable n'était pas dû au salarié dès lors qu'il était attribué sous une forme nouvelle qui n'avait pas été prévue contractuellement ni unilatéralement par l'employeur avant la démission du salarié, quand elle avait constaté que celui-ci avait participé à l'activité au titre de laquelle était versée cette rémunération, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS ENFIN QUE, ni l'absence de protestation du salarié, ni le niveau d'une rémunération variable précédemment perçue, ne peut valoir renonciation à son droit à une nouvelle rémunération variable instituée en contrepartie du travail fourni, laquelle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ; qu'en opposant aux demandes de Monsieur X..., d'une part, le fait qu'il s'était abstenu de protester lors de l'attribution de la première partie du bonus, et, d'autre part, le fait que le montant de ce premier versement était en forte augmentation par rapport à l'année précédente, sans constater l'existence d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de renoncer à tout complément de bonus postérieur au premier versement, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de cet article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42657
Date de la décision : 07/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2010, pourvoi n°09-42657


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.42657
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