LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société B et F Réalisations du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Building ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 décembre 2007), que la société civile immobilière Castel (la SCI ) a conclu avec la société B et F Réalisations un marché de travaux relatif à l'édification d'un immeuble à usage d'habitation, les locaux devant être vendus en l'état futur d'achèvement ; que les travaux ayant fait l'objet d'une réception le 29 novembre 2001, les parties se sont opposées sur le compte à faire entre elles ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société B et F Réalisations fait grief à l'arrêt de fixer la créance de la SCI à son encontre à la somme de 109 857,79 euros, au titre de la levée des réserves, alors, selon le moyen, que la société B et F Réalisations faisait valoir que la condamnation dont elle avait fait l'objet en première instance, au titre de la levée des réserves, avait été prononcée sur la base d'un devis non contrôlé, remis par la société Castel, qui n'avait jamais justifié de la réalisation des travaux correspondants ni du paiement de la somme réclamée ; que la société B et F Réalisations exposait qu'elle avait levé elle-même ses propres réserves et que cette circonstance expliquait l'incapacité dans laquelle se trouvait la société Castel de fournir des factures acquittées ; qu'en confirmant néanmoins le jugement entrepris ayant fixé la créance de la société Castel à l'encontre de la société B et F Réalisations au titre de la levée des réserves, sans répondre à ces conclusions contestant la réalité de cette créance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs adoptés, qu'il résultait de l'analyse précise et circonstanciée de l'expert judiciaire que le montant des travaux à exécuter afin de lever l'intégralité des réserves et de reprendre les malfaçons diverses dont la charge incombait à la société B et F Réalisations, s'élevait à la somme de 109 857,75 euros, la cour d'appel qui n'était tenue ni de suivre cette société dans le détail de son argumentation, ni de répondre à des conclusions sans portée ou à des allégations dépourvues d'offre de preuve, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que recherchant la commune intention des parties, telle que résultant des clauses du contrat, l'arrêt retient souverainement, par motifs propres et adoptés qu'en l'absence d'ordre de service écrit, les travaux devaient commencer à la date de la notification du marché au maître de l'ouvrage par l'entrepreneur et que les délais d'exécution, sanctionnés de pénalités de retard, couraient à compter de cette date ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1793 du code civil ;
Attendu que pour qualifier le marché de marché à forfait et établir sur cette base le compte entre les parties, l'arrêt retient que les modalités résultant de l'acte d'engagement qui stipule l'évaluation de l'ensemble des travaux et le chiffre global arrêté pour l'ensemble des ouvrages, permet de retenir cette qualification, aucun élément ne conduisant à déduire que le montant total du marché n'a qu'une valeur indicative ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'acte d'engagement liant les parties ne faisait pas mention d'un marché à prix global et forfaitaire, prévoyait, sans autre précision, que l'évaluation de l'ensemble des travaux à une certaine somme résultait du devis estimatif et que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) faisait prévaloir cet acte d'engagement sur les autres documents du marché, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de la société B et F Réalisations au titre de son marché avec révision des prix et travaux supplémentaires à la somme de 1 003 939, 83 euros TTC et sur le compte entre parties en résultant, l'arrêt rendu le 4 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la société Castel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière Castel, la condamne à payer à la société B et F Réalisations la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Rouvière, avocat aux conseils pour la société B et F Réalisations
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société CASTEL à l'encontre de la société BF REALISATIONS, au titre des levées de réserves, à la somme de 109 857,79 €, valeur 2002.
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a parfaitement analysé la situation des parties au vu, tant des pièces produites aux débats par la SCI CASTEL que du rapport de l'expert judiciaire ; que la confirmation s'impose
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' aux termes du rapport d'expertise déposé, figure en premier lieu au rang des créances à prendre en compte en faveur du maître de l'ouvrage, le montant des travaux exécutés afin de lever l'intégralité des réserves et de reprendre les malfaçons diverses dont la charge incombe à l'entreprise ; que Monsieur Y..., en suite d'un examen et d'une analyse précis et circonstanciés, en page 69 à 81 de son rapport, de ces réserves non levées et désordres, a proposé de retenir à ce titre une créance en faveur de la société CASTEL de 109 857,79 € ; que la société B et F REALISATIONS n'élève aucune contestation, ni ne développe aucune discussion contre cette estimation et cette proposition d'imputation, qui implique la responsabilité de l'entreprise générale sur le fondement des dispositions de l'article 1792-6 du Code civil ; que la société B et F REALISATIONS est ainsi débitrice de la somme de 109 857,79 € en valeur avril 2002 ;
ALORS QUE la société B et F REALISATIONS faisait valoir que la condamnation dont elle avait fait l'objet en première instance, au titre de la levée des réserves, avait été prononcée sur la base d'un devis non contrôlé, remis par la société CASTEL, qui n'avait jamais justifié de la réalisation des travaux correspondants ni du paiement de la somme réclamée ; que la société B et F REALISATIONS exposait qu'elle avait levé elle-même ses propres réserves et que cette circonstance expliquait l'incapacité dans laquelle se trouvait la société CASTEL de fournir des factures acquittées ; qu'en confirmant néanmoins le jugement entrepris ayant fixé la créance de la société CASTEL à l'encontre de la société B et F REALISATIONS au titre des levées de réserves, sans répondre à ces conclusions contestant la réalité de cette créance, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société B et F REALISATIONS au titre de son marché, avec révision des prix et travaux supplémentaires, à la somme de 1 003 939,85 € TTC, et en ce qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de la société CASTEL au profit de c ette société, au titre du solde du marché, à la somme de 192 946,83 euros, avec intérêts légaux à compter du 7 juin 2002 et capitalisation aux conditions de l'article 1154 du Code civil.
AUX MOTIFS QUE sur les comptes entre la société CASTEL et la société B et F REALISATIONS, il convient préalablement d'envisager la nature de l'engagement pris par ces deux sociétés ; que l'entreprise estime qu'à la suite des modifications apportées à l'ouvrage initial à la demande de la société CASTEL, le marché doit être considéré comme un marché sur évaluation et non un marché à forfait ; qu'il n'est pas discuté que l'acte d'engagement liant les parties, contresigné le 2 novembre 1999, ne fait pas mention de marché à prix global et forfaitaire ; que le contrat prévoit que « l'évaluation de l'ensemble des travaux telle qu'elle résulte du détail estimatif est de 5 185 000 F HT » sans autre précision ; que le premier juge a qualifié le marché de marché à forfait en se basant sur le CCAP qui est qualifié de document contractuel de référence, et sur le CCTP, dont les parties ont eu connaissance ; que la société B et F REALISATIONS, pour solliciter paiement sur la base du coût réel des travaux exécutés, invoque l'ordre des pièces contractuelles qui est décrit à l'article 3 du CCAP, qui fixe comme pièce n° 1 l'article 1-2 du CCAP qui est l'acte d'engagement, lequel ne fait pas mention qu'il s'agit d'un marché à prix global et forfaitaire ; que, toutefois, cet article doit s'apprécier dans le contexte global du CCAP d'une part, et en tenant compte d'autre part, de la volonté des parties, les modalités de fixation du prix déterminant la nature du contrat d'entreprise souscrit ; que ces modalités résultant de l'acte d'engagement qui stipule l'évaluation d'ensemble des travaux, le chiffre global arrêté pour l'ensemble des ouvrages permet de qualifier le contrat de marché à forfait ; qu'aucun élément ne conduit à déduire que le montant total du marché n'a qu'une valeur indicative ; que, par ailleurs, l'économie du contrat n'apparaît pas modifiée par les travaux supplémentaires, lesquels ont été évalués par l'expert et reconnus par le premier juge ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'argumentation du premier juge sur la nature du contrat liant les parties, et de la créance en résultant pour la société B et F REALISATIONS ;
1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que la société B et F REALISATIONS faisait valoir que l'acte d'engagement signé le 30 octobre 1999 stipulait un marché sur évaluation et devait prévaloir sur le CCAP qui prévoyait un marché à forfait, conformément à l'ordre des pièces contractuelles défini à l'article 3 du CCAP en cas de contradiction entre celles-ci ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour décider que l'acte d'engagement constituait un marché à forfait, que l'article 3 du CCAP devait s'apprécier dans le contexte global du CCAP, sans expliquer en quoi ce contexte pouvait avoir une incidence sur l'ordre des pièces contractuelles à retenir en cas de contradiction entre celles-ci et donc sur la prééminence de l'acte d'engagement sur le CCAP, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE pour qu'un marché soit forfaitaire, le prix convenu doit être fixé de façon définitive ; qu'en décidant néanmoins qu'un marché à forfait avait été conclu, après avoir constaté que le contrat prévoyait que « l'évaluation de l'ensemble des travaux telle qu'elle résulte du détail estimatif est de 5 185 000 F HT » sans autre précision, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1793 du Code civil ;
3°) ALORS QUE , subsidiairement, le marché perd son caractère forfaitaire dès lors que des modifications, décidées par le maître de l'ouvrage, ont entraîné un bouleversement de l'économie du contrat ; qu'en l'espèce, la société B et F REALISATIONS faisait valoir qu'outre les travaux supplémentaires relevés par l'expert judiciaire, le projet avait subi plusieurs modifications fondamentales à la demande du maître de l'ouvrage, ayant entraîné un large dépassement de l'évaluation initiale des travaux ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour retenir le caractère forfaitaire du marché, que l'économie du contrat n'apparaissait pas modifiée par les travaux supplémentaires, lesquels avaient été évalués par l'expert et reconnus par le premier juge, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le projet avait par ailleurs subi des modifications susceptibles de bouleverser l'économie du contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du Code civil;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société B et F REALISATIONS à payer à la société CASTEL, au titre des pénalités contractuelles de retard, la somme de 128 413,56 €, avec intérêts légaux à compter du jugement.
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que l'acte d'engagement prévoit que les travaux doivent être exécutés dans un délai de 9 mois avec date de livraison à compter de la date : - de la notification du marché ; - fixée par l'ordre de service qui prescrira de la commencer ; que s'il ne peut être contesté que cette rédaction est maladroite, toutefois, il apparaît que, contrairement aux affirmations de la société B et F REALISATIONS, le premier juge a envisagé la commune volonté des parties et n'a pas dénaturé les articles 1156, 1157, 1158 et 1162 du Code civil ; qu'en effet, en l'absence d'ordre de service écrit, a été retenue la notification du marché telle qu'elle ressort de manière claire et précise, et sans ambiguïté, de l'acceptation de l'acte d'engagement signé par toutes les parties, y compris par la société B et F REALISATIONS, portant mention « date d'effet du marché : reçu notification du marché le 2 novembre 1999 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société B et F REALISATIONS conteste devoir supporter ces pénalités de retard car elles ne sont pas applicables en l'absence d'ordre de service notifié à l'entreprise, condition sine qua non à une telle comptabilisation, et car le retard apporté au chantier ne lui est pas imputable ; qu'il est constant qu'en effet, aucun ordre de service écrit n'a été donné à l'entreprise ; que l'expert émet l'avis que la notification du marché, effective le 2 novembre 1999, suffit à faire courir cette pénalité s'agissant, selon lui, d'une condition alternative réalisée ; que l'acte d'engagement prévoit que les travaux doivent être exécutés « dans un délai de 9 mois avec date de livraison à compter de la date : - de la notification du marché ; - fixée par l'ordre de service qui prescrira de la commencer » ; que, comme le souligne justement la société B et F REALISATIONS, cette clause, mal rédigée et par conséquent non claire, ne stipule pas expressément une alternative entre la notification du marché ou l'ordre de service ; que, cependant, cette clause est suivie, à la fin de l'acte d'engagement, d'un encadré qui comporte mention que l'offre est acceptée par la société CASTEL le 30 octobre 1999, avec une date d'effet du marché au 2 novembre 1999, avec réception de la notification du marché à la même date, le tout expressément approuvé par l'entreprise générale ; que ces dernières stipulations conduisent donc à considérer qu'en effet, en l'absence d'ordre de service exprès et postérieur, les travaux devaient commencer à la date de la notification du marché et que les délais d'exécution couraient à compter de cette date ; que cette interprétation s'impose d'autant plus qu'il s'agit de l'acte d'engagement proposé au maître de l'ouvrage par l'entreprise pour approbation et par là stipulée par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'en application des articles 1156, 1157, 1158 et 1162 du Code civil, les parties avaient convenu d'un délai d'exécution de 9 mois commençant à courir le 2 novembre 1999 ; que la construction devait donc être terminée le 2 août 2000, alors que les travaux ont été réceptionnés à la date du 29 novembre 2001 ; qu'ainsi, la société B et F REALISATIONS avait l'obligation de résultat de respecter le délai contractuellement fixé et qu'elle ne prétend, d'ailleurs, à aucun moment que le chantier ne s'est pas ouvert à la date de la notification de la prise d'effet du marché ; que la réalité du retard est établie, comme le droit pour le maître de l'ouvrage de réclamer l'application de la clause afférente aux pénalités de retard ;
ALORS QUE la société B et F REALISATIONS faisait valoir que les dispositions du CCAP, auxquelles se référait l'acte d'engagement signé par les parties, exigeaient la notification d'un ordre de service de démarrage des travaux pour l'application des pénalités de retard ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour déclarer les pénalités de retard applicables en l'absence admise d'ordre de service, que la notification du marché, visée à l'acte d'engagement au même titre que celle d'un ordre de service, suffisait à faire courir les délais d'exécution et, par suite, les pénalités de retard, sans prendre en considération, comme elle y était pourtant invitée, les dispositions du CCAP qui subordonnaient l'application des pénalités de retard à la seule notification d'un ordre de service, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.