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30/11/2010 | FRANCE | N°10-30274

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 novembre 2010, 10-30274


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la banque) a consenti à la société Le Corail en formation deux prêts d'un montant global de 260 000 euros destinés à l'acquisition d'un fonds de commerce de discothèque ; que MM. X... et Y..., co-gérants, se sont rendus cautions le 9 janvier 2003 pour chacun des deux prêts à concurrence de la somme globale de 260 000 euros outre intérêts ; que la société Le Corail a été mise en procédure puis liquidation judicia

ires les 31 mars 2004 et 6 juillet 2005 ; que MM. X... et Y..., assignés en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la banque) a consenti à la société Le Corail en formation deux prêts d'un montant global de 260 000 euros destinés à l'acquisition d'un fonds de commerce de discothèque ; que MM. X... et Y..., co-gérants, se sont rendus cautions le 9 janvier 2003 pour chacun des deux prêts à concurrence de la somme globale de 260 000 euros outre intérêts ; que la société Le Corail a été mise en procédure puis liquidation judiciaires les 31 mars 2004 et 6 juillet 2005 ; que MM. X... et Y..., assignés en paiement par la banque, ont formé une demande reconventionnelle pour absence de mise en garde de la banque à leur égard ;
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande reconventionnelle tendant à condamner la banque pour manquement à ses devoirs de conseil et de mise en garde et octroi de crédit abusif à la société Le Corail, et de les avoir condamnés à lui verser, au titre du premier prêt, la somme de 126 503,45 euros outre intérêts et celle de 126 556,90 euros, outre intérêts, au titre du second prêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la banque qui consent un prêt est tenue à l'égard d'une caution non avertie, qu'elle soit professionnelle ou non, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières, et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en considérant comme caution avertie M. X..., lequel était un simple salarié démissionnaire, sans patrimoine, ayant précédemment exercé les fonctions de barman dans une brasserie avant de se lancer pour la première fois dans l'acquisition d'un fonds de commerce effectuée par le biais d'une SARL constituée pour les besoins de l'opération, motifs pris de sa qualité déclarée de professionnel en bar restauration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil, ensemble celles de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ;
2°/ que la banque qui consent un prêt est tenu à l'égard d'une caution non avertie d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de ses engagements, devoir dont la banque ne peut être dispensée par la présence aux côtés de l'emprunteur d'une personne présentée comme avertie ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que la seule profession d'agent de sécurité dans une discothèque ne pouvait être considérée comme ayant précédemment conféré à M. Y... une compétence particulière en matière de gestion, qu'en le déboutant cependant de sa demande en indemnisation tirée du manquement de la banque à son obligation de mise en garde aux motifs que, compte tenu de l'intervention de l'expert comptable (...), la banque n'a pas manqué son obligation d'information et mise en garde concernant les risques de l'opération principale, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 du code civil et L. 313-12 du code monétaire et financier ;
Mais attendu que la banque qui consent à un emprunteur un crédit adapté à ses capacités financières et au risque de l'endettement né de l'octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, n'est pas, en l'absence de risque, tenue à une obligation de mise en garde ; que l'arrêt, par motifs propres, relève les potentialités de développement de la création de cette société et, par motifs adoptés, relève de façon précise et chiffrée que les perspectives de développement de l'entreprise reprise, notamment par l'adjonction d'activités nouvelles de prestations de bar restauration et des jours d'exploitation supplémentaires devaient produire des ressources nouvelles, étaient de nature à permettre de penser que le revenu de l'entreprise allait s'accroître de manière substantielle à la mesure de l'investissement réalisé et des résultats du fonds repris ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que les prêts accordés n'étaient nullement disproportionnés à la lecture du bilan prévisionnel de la société, elle-même tout à fait conforme à l'activité du prédécesseur, la cour d'appel a pu décider que la banque ne pouvait pas voir sa responsabilité engagée sur le fondement d'un manquement à la mise en garde au regard des risques du crédit consenti ; que le moyen, inopérant, ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du code civil et L. 313-12 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour rejeter la demande en indemnisation de M. Y..., tirée de la disproportion entre ses facultés de remboursement et son engagement de caution, la cour d'appel, après avoir constaté que la seule profession d'agent de sécurité, dans une discothèque, même exercée pendant 18 ans, ne saurait être considérée comme pouvant conférer à celui qui en a la charge une compétence particulière en matière de gestion et d'appréciation des risques financiers et qu'il n'est pas démontré que M. Y..., bien que co-gérant, ait eu antérieurement une expérience de dirigeant d'entreprise, et d'autre part que M. Y... ne disposait pas objectivement d'une surface financière suffisante pour faire face aux engagements qu'il prenait en se portant caution de sommes trop importantes au regard de ses moyens financiers, retient que M. Y... ne pouvait ignorer que son patrimoine et ses revenus étaient hors de proportion avec l'engagement de caution souscrit ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à dispenser la banque de son obligation de mise en garde de la caution au regard de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a condamné M. Y..., au titre du prêt n° 6211897 au paiement de la somme de 126 503,45 euros outre les intérêts au taux contractuel majoré de trois points de 8,10 % l'an à compter du 29 août 2005 date du dernier décompte, et jusqu'au parfait règlement et, au titre du prêt n° 6211898, la somme de 126 556,90 euros outre les intérêts au taux contractuel majoré de trois points, de 7,80% l'an du 29 août 2005, date du dernier décompte, et jusqu'au complet paiement, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009 par la cour d'appel d'Amiens entre les parties ; remet, en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Fais masse des dépens et condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie et M. X... chacun à leur paiement pour moitié ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie en tant que dirigée contre M. Y... et la condamne à lui verser la somme de 2 500 euros et rejette la demande de M. X... et le condamne à verser à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X... et M. Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Messieurs X... et Y... de leurs demandes tendant à voir condamner la CAISSE D'EPARGNE pour manquement à ses devoirs de conseil et de mise en garde et octroi de crédit abusif à la SARL LE CORAIL et de les AVOIR condamnés à lui verser au titre du prêt n° 6211897, la somme de 126.503,45 € outre les intérêts de 8,10% l'an, et au titre du prêt n ° 6211898, celle de 126.556, 90 €, outre les intérêts de 7,80 % l'an.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « que les prêts litigieux ont été consentis à la SARL LE CORAIL, le 9 janvier 2003,
Qu'un projet d'acquisition de la discothèque « LE CORAIL », établi par un expert comptable, prévoyait notamment un besoin de financement de 420.000 EUR, et un financement équivalent, avec 260.000 EUR de concours bancaire, 150.000 EUR d'apport en compte courant bloqué, et 10.000 EUR d'apport en capital, suivant courrier du 21 décembre 2002.
Que le chiffre d'affaire prévisionnel minimum était évalué à 452.000 EUR, et les charges à 237.950 EUR, avec un résultat de 133.050 EUR,
Que la venderesse qui exploitait la discothèque faisait un chiffre d'affaire de 336.000 EUR en n'ouvrant que les samedis et vendredis soirs, et qu'il résulte de l'acte de cession que le résultat net comptable de l'entreprise avant sa vente était de 9447,96 EUR,
Qu'un devis de travaux de 930.000 FRF (141000 EUR) était produit, une première tranche de 50000 EUR étant prévue avant « l'ouverture,
Que les salaires étaient prévus pour la première année dans le bilan prévisionnel à hauteur de 12.000 EUR pour chacun des trois co-gérants,
Qu'il est mentionné dans le projet que Messieurs Y... et X... sont tous deux professionnels, l'un en bar restauration, l'autre en sécurité,
Que l'expert comptable qui a réalisé le projet remarquait que « les compétences des deux appelants se complétaient,
(…) que l'entreprise était en formation lorsque les crédits ont été accordés, que, aux termes des déclarations des appelants, Monsieur Patrice X..., né en 1953, était gérant de commerce bar restauration, et possédait un bien immobilier qu'il évaluait à 182.938 EUR, en valeur nette, une épargne de 22.860 EUR, et percevait un salaire annuel de 15.948 EUR, outre les congés payés,
Que Monsieur Y..., né en 1954, se déclarait agent de sécurité dans une discothèque depuis 18 ans, pour un salaire de 16.800,60 EUR, et justifiait d'une épargne de 22.867 EUR,
(…) que Monsieur X... compte tenu de sa qualité de gérant indiquée dans la déclaration, et du fait qu'il avait une expérience antérieure de gérant de bar restaurant doit être considéré comme une caution avertie,
(…qu'en) en revanche, (…) la seule profession d'agent de sécurité dans une discothèque, même exercée depuis 18 ans ne saurait être considérée comme pouvant conférer à celui qui en a la charge une compétence particulière en matière de gestion ou d'appréciation des risques financiers,
Qu'il n'est pas démontré que Monsieur Y..., bien que co-gérant de la SARL CORAIL, nouvellement créée, avait eu, antérieurement, une expérience de dirigeant d'entreprise.
Que cependant, compte tenu de l'intervention de l'expert comptable, de la création nouvelle de la société, et de ses potentialités rappelées plus haut, la banque n'a pas manqué à son obligation d'information et de mise en garde concernant les risques de l'opération principale, à l'égard de Monsieur Y..., qui était comme l'a constaté le Tribunal l'un des initiateurs du projet, et avait donc connaissance de tous les éléments du rapport présenté, ni à fortiori, à l'égard de Monsieur X...,
Que les appelants n'apportent pas de justificatifs de ce que la banque possédait des informations qu'eux mêmes, en leurs qualités de dirigeants de la société emprunteuse, ne possédaient pas, au moment ou le crédit a été consenti, alors que l'entreprise se créait, et que les difficultés sont survenues ultérieurement.
Que compte tenu des informations susvisées sur les potentialités de l'entreprise, et du passé professionnel de Monsieur X..., il n'y a pas lieu de dire que le concours de la banque était disproportionné au regard des capacités financières de l'entreprise, lorsque les prêts ont été accordés.
Qu'aucune faute ne peut donc être reprochée au banquier du fait de l'octroi de crédit à la SARL CORAIL, ni d'un manquement à son devoir d'information ou de mise en garde des cautions, co-gérantes de l'entreprise, du fait de l'opération de prêt principale
(… que) concernant Monsieur X..., (…) son patrimoine, notamment immobilier, et ses revenus prévisionnels, ci avant détaillés, dont il pouvait espérer une évolution au regard du projet mis en place, lui permettaient, raisonnablement, au vu de ses déclarations, de faire face à ses engagements de caution,
Qu'il ne saurait donc reprocher à la banque un défaut d'information et de mise en garde ni la disproportion de son engagement au regard de ses biens et revenus,
Qu'il sera donc débouté de toutes ses demandes,
(…) que les déclarations de Monsieur Y... au banquier laissaient apparaître qu'il ne disposait pas, objectivement, d'une surface financière suffisante pour faire face aux engagements qu'il prenait en se portant caution de sommes trop importantes au regard de ses moyens financiers,
Que son engagement de caution pour la somme principale de 260.000 EUR alors que ses revenus déclarés étaient de 16.800,60 EUR par an, son épargne déclarée de 22.867 EUR, avec un compte courant de 20000 EUR, et un capital de 2500 EUR, était disproportionné au regard de ses biens et de ses revenus, au moment ou il a été conclu,
Que cependant, Monsieur Y..., avait intérêt, compte tenu de sa qualité de créateur d'entreprise, à l'octroi du prêt à l'emprunteur principal, et ne pouvait pas ignorer que son patrimoine et ses revenus étaient hors de proportion avec l'engagement de caution souscrit,
Qu'il ne saurait donc, à présent, de ce fait, et compte tenu de la législation en vigueur au moment ou le prêt a été souscrit, de sa qualité de caution dirigeante, ayant initié le projet, reprocher à la banque une faute du fait de la disproportion de son engagement de caution avec son patrimoine et ses revenus, et d'un manquement à son devoir d'information et de mise en garde de ce fait.
Qu'il sera donc, également, débouté de ses demandes ce « point » (arrêt attaqué p. 6, dernier §, p. 7 et p. 8, § 1 au § antépénultième).
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE : « (…) Sur le manque au devoir de conseil de la banque.
(…) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... prétendent que la banque n'a pas fait face à son devoir de conseil à leur égard lors de l'attribution des prêts alloués pour financer l'acquisition de l'entreprise SARL le Corail ;
Que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE, en se fondant sur le fait que les éléments comptables provenant de l'exploitation antérieure de l'entreprise conduite par l'ancienne exploitante du fonds, Mme A... Monique, n'a pas examiné sérieusement les éléments comptables qui démontrent, selon les dires de Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y..., l'incapacité de cette entreprise à générer les ressources nécessaires au remboursement desdits prêts ;
(…) que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE, pour former sa décision d'octroi des prêts, s'est fondée sur les documents qui lui étaient présentés, à savoir :
- le bilan de l'exercice 2001 de l'exploitante précédente, Mme A... Monique, établi par le cabinet d'expert-comptable Pascual, demeurant à Margny lès Compiègne, qui fait apparaître un chiffre d'affaires de 338.277 € pour un résultat de l'exploitation de 21.591 € ;
- un projet d'acquisition de la discothèque le Corail établi par M. Christian B..., expert-comptable demeurant, ... à 60 400 Noyon,
Que ce projet, basé sur le développement de l'activité par l'augmentation des jours d'exploitation hebdomadaire, prévoyait un produit d'exploitation de 452.000 € et un résultat d'exploitation de 133.000 € ;
Mais (…) que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE n'a pas à vérifier les bilans et plans d'acquisition établis par des experts-comptables (inscrits à l'ordre), mais seulement à les apprécier ;
Que l'établissement des perspectives de développement de l'entreprise reprise, notamment l'adjonction d'activités nouvelles telles que des prestations de bar restauration et des jours d'exploitation supplémentaires devant produire des ressources nouvelles, relève de la compétence des exploitants et non de la banque ;
(….) que la véracité et la pertinence des documents produits à la banque afin de fonder sa décision à l'octroi de financements sont sous la responsabilité des emprunteurs ;
Par ces motifs le tribunal dira les objections de Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... non fondées et dira que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE n'a pas manqué à son devoir de conseil ;
Sur le devoir de mise en garde de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE
(…) que le tribunal, se référant aux quatre arrêts du 12 juillet 2005 (Cass. Civ. 1e, 12 juillet 2005 pourvois n° 0213155, 0310770, 0310115, 0310921) complétés par deux arrêts postérieurs du 2 novembre 2005 (Cass. Civ. 1e, 2 novembre 2005 pourvoi n°0317443) et du 21 février 2006 (Cass. Civ. 1e, 21 février 2006, pourvoi n° 0219066), de la Chambre civile qui a introduit en sa jurisprudence une division entre emprunteur averti et profane, et a instauré un régime propre à chaque catégorie ;
(…) que la cour de cassation a précisé que : Lorsque la « responsabilité du banquier est recherchée par un emprunteur averti, elle adopte l'analyse de la Chambre commerciale : l'emprunteur ne peut rechercher la responsabilité de la banque que si cette dernière ne lui a pas transmis une information que lui-même ignorait. L'emprunteur profane peut quant à lui se prévaloir d'un manquement du banquier à son devoir de mise en garde. La même distinction a été appliquée aux cautions profanes » ;
(…) qu'à l'égard des emprunteurs « avertis », la Chambre commerciale conserve sa jurisprudence désormais commune aux deux chambres ; qu'elle réitère dans un arrêt du 19 décembre 2006 (Cass. Com. 19 décembre 2006, pourvoi n° 0320176) le principe d'irresponsabilité du banquier fondé sur la théorie de la dissymétrie des informations à l'égard des cautions dirigeantes pour l'application du principe de proportionnalité ;
(…) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... se sont portés caution en qualité de cogérants de la SARL LE CORAIL fondée pour l'acquisition de la discothèque Corail ;
(….) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... font état de compétences indispensables à l'exploitation d'un fonds de commerce de discothèque, l'un en tant qu'exploitant d'un fonds de commerce de bar restauration, l'autre en matière de sécurité ;
(…) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... en qualité de cogérants sont initiateurs du projet de reprise et d'exploitation de la discothèque Corail ;
(…) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... n'apportent pas la preuve que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE, contactée uniquement pour le financement du projet, détenait des informations qu'eux-mêmes ignoraient sur la viabilité économique de leur dit projet ;
Par ces motifs, le tribunal dira que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... étaient cautions dirigeantes initiées, et dira que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE n'a pas failli à son devoir de mise en garde ;

Sur l'octroi abusif de crédit à la SARL LE CORAIL
(…) que le tribunal constate que le concours de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE, au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce de discothèque par la SARL le Corail est de 260.000 € (remboursable sur 7 ans) sur un investissement global de 420.000 € ;
Que le solde étant financé par les porteurs de parts de la SARL le Corail sur leurs fonds propres, le tribunal constate que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE intervient pour 60 % du financement global de l'investissement ;
(…) que le tribunal constate que ce financement s'inscrit dans un projet d'acquisition et d'exploitation d'un fonds de commerce de discothèque établi avec le concours d'un expert-comptable inscrit à l'ordre ;
Que ledit projet décrit les moyens d'exploitation apportant les ressources nécessaires au remboursement des emprunts ;
Par ces motifs, le tribunal dira que le concours accordé par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE à Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... n'était pas abusif ;
Sur la disproportion entre la possibilité financière des cautions et l'étendue des garanties de cautionnement souscrites
(…) que, dans l'exposé de leurs moyens soutenus oralement lors de l'audience du 3 octobre 2007 devant le juge rapporteur, Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... rappellent au tribunal que : les établissements de crédit sont tenus pour « responsables si les garanties prises en contrepartie du concours sont disproportionnées à ceux-ci et que cette disproportion s'analyse à l'époque où les crédits ont été consentis » ;
(…) qu'en matière de proportionnalité, le tribunal doit faire une distinction entre la caution non dirigeante et la caution dirigeante ;
Que le principe de proportionnalité s'applique pleinement à la caution non dirigeante ;
Que pour la caution dirigeante, ce principe est réduit à un simple devoir d'information ;
Mais (….) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... ont participé au processus décisionnel en qualité de cogérants de la SARL Le Corail, puisqu'ils ont présenté un projet d'acquisition de la discothèque le Corail établi par M. Christian B..., expert-comptable; que celui-ci n'a pu l'établir qu'avec leurs concours ;
Qu'ainsi, ils ont donc eu tous les moyens nécessaires à apprécier les chances de réussite de l'opération garantie ;
(…) qu'en conséquence le Tribunal dira que les allégations de Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... soutenant être des cautions non initiées extérieures au processus de décision qui n'ont donc pas les moyens d'en apprécier les chances de réussite et doivent alors être protégées contre les engagements disproportionnés, sont dépourvues de tout fondement ;
(…) que le tribunal, se référant à l'arrêt du 17 décembre 2003 (D.2004, AJ, p.208) de La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation qui affirme que : la caution cogérante de la société « cautionnée n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du créancier qui aurait obtenu un cautionnement hors de proportion avec son patrimoine et ses revenus, dès lors qu' elle n'a jamais prétendu ni démontré que celui-ci aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'exploitation de la société débitrice, des informations que elle-même aurait ignorées » ;
(….) que l'ensemble des informations nécessaires à l'établissement du dossier de financement des opérations de rachat de la discothèque le Corail par la SARL le Corail a été fourni par Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... ;
Que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... n'apportent pas la preuve que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE détenait des informations qu'eux-mêmes ignoraient sur la viabilité économique de leurs projets ;
Par ces motifs, le tribunal dira qu'au moment de leur signature, il n'existait pas de disproportion entre la possibilité financière des cautions et l'étendue des garanties de cautionnement souscrites ;
Sur la demande reconventionnelle de Messieurs Eric Y... et Patrice X... pour une somme de 226.000.00 € :
(…) que Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... invoquent la responsabilité de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE, en raison d'un manquement à son devoir de conseil et en raison de garanties disproportionnées à leurs situations financières ;
Qu'en fonction du préjudice qu'ils invoquent à l'égard de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE ils demandent reconventionnellement au Tribunal de la condamner à leur payer une indemnité de 226.000 € ;
(…) qu'il n'a pas été démontré, que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE a failli à son devoir de conseil et a recherché des garanties disproportionnées à la situation financière et aux revenus à venir de la SARL le Corail ;
Par ces motifs le tribunal dira non fondés en leur demande Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y..., et les en déboutera ;
Sur la demande de Condamner solidairement Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE le montant de leur engagement de caution :
(…) que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE demande au Tribunal la condamnation de Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... à lui payer, au titre du prêt n° 6211897, la somme de 126.503,45 € outre les intérêts au taux contractuel majoré de trois points de 8.10 % l'an à compter du 29 août 2005 date du dernier décompte et jusqu'au parfait règlement ;
Que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE demande au Tribunal la condamnation de Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... à lui payer au titre du prêt n° 6211898, la somme de 126.556,90 € outre les intérêts au taux contractuel majoré de trois points de 7.80 % l'an du 29 août 2005, date du dernier décompte et jusqu'au complet paiement ;
Qu'au vu des articles L. 624-1, L. 624-2 du code de commerce, les créances de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE ont valablement été portées sur la liste des créances admises au passif de la SARL le Corail ;
Qu'au prononcé de la liquidation judiciaire de la SARL le Corail, en date du 06 Juillet 2005, et suivant les dispositions de l'article L. 643-1 du code du commerce les créances non échues de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE sont devenues exigibles ;
Que la liquidation des actifs ne permettant pas de couvrir les engagements de la SARL le Corail à l'égard de son créancier, c'est dans le respect des procédures, que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE a actionné les engagements de cautions prises par Monsieur Patrice X... et Monsieur Eric Y... à son profit ;

Par ces motifs, le tribunal dira la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE fondée en son action et la recevra en sa demande » (jugement p. 8, § 7 au dernier §, p. 9 et 10, § 1 au § pénultième).
ALORS, D'UNE PART, QUE la banque qui consent un prêt est tenue à l'égard d'une caution non avertie, qu'elle soit professionnelle ou non, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en considérant comme caution avertie Monsieur X... lequel était un simple salarié démissionnaire, sans patrimoine, ayant précédemment exercé les fonctions de barman dans une brasserie avant de se lancer pour la première fois dans l'acquisition d'un fonds de commerce effectuée par le biais d'une SARL constituée pour les besoins de l'opération, motifs pris de sa qualité déclarée de « professionnel (…) en bar restauration » (arrêt attaqué p. 7, § 7 et 11), la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, ensemble celles de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la banque qui consent un prêt est tenu à l'égard d'une caution non avertie d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de ses engagements, devoir dont la banque ne peut être dispensée par la présence aux côtés de l'emprunteur d'une personne présentée comme avertie; qu'il ressortait des propres constatations de la Cour d'Appel que la seule profession d'agent de sécurité dans une discothèque ne pouvait être considérée comme ayant précédemment conféré à Monsieur Y... une compétence particulière en matière de gestion ; qu'en le déboutant cependant de sa demande en indemnisation tirée du manquement de la Banque à son obligation de mise en garde aux motifs que « compte tenu de « l'intervention de l'expert comptable (…), la banque n'a pas « manqué à son obligation d'information et mise en garde concernant « les risques de l'opération principale, à l'égard de Monsieur « Y... » (arrêt attaqué p. 7, § antépénultième et dernier), la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil et celles de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS, ENFIN QU' engage sa responsabilité à l'égard de la caution non avertie, la banque lui ayant fait souscrire un engagement hors de proportion avec ses facultés contributives ; qu'il ressortait des propres considérations de la Cour d'Appel que « Monsieur Y... (…) ne disposait pas objectivement d'une surface financière suffisante pour faire face aux engagements qu'il prenait en se portant caution de sommes trop importantes au regard de ses moyens financiers » (arrêt attaqué p. 8, § 8) ; qu'après avoir ainsi rappelé que la seule profession d'agent de sécurité dans une discothèque ne pouvait être considérée comme ayant conféré à Monsieur Y... une compétence particulière en matière de gestion, elle l'a cependant débouté de sa demande en indemnisation tirée de la disproportion entre ses facultés de remboursement et son engagement de caution aux motifs qu' « il ne pouvait ignorer que son patrimoine « et ses revenus étaient hors de proportion avec l'engagement de caution souscrit » (arrêt attaqué p. 8, § 10) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel a derechef violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil et celles de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier .


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-30274
Date de la décision : 30/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 nov. 2010, pourvoi n°10-30274


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, Me Copper-Royer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.30274
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