LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2009), que M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail avec les sociétés Groupe Trilog et Trilog audio visuel (les sociétés) ;
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de dire que M. X... avait la qualité de salarié et que le différend les opposant relève de la compétence du conseil de prud'hommes, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat de travail est défini comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que des directives ponctuelles pour la coordination de professionnels indépendants travaillant en réseau et laissés libres de leurs méthodes ne caractérisant pas un tel lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
2°/ qu'en disant que le dirigeant des sociétés Trilog avait fixé la rémunération mensuelle et forfaitaire de M. X... pendant la période allant de janvier à avril 2007, cependant que la pièce concernée n° 23 communiquée par les sociétés Trilog portait sur une négociation d'honoraires qui n'a jamais abouti, et que M. X... lui-même soulignait qu'il n'avait jamais été rémunéré des efforts qu'il fournissait dans l'espoir d'une association future, indiquant notamment : " En effet, pour la période de novembre 2006 au 15 avril 2007, il ne percevra aucune rémunération à l'exception de son animation à la fondation Abbé Pierre ", la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que pour dire que M. X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés Trilog, en se fondant sur le motif inopérant de la nature et de l'importance de missions effectuées ainsi que de l'existence de comptes rendus et de notes de synthèse, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
4°/ que pour dire que M. X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés Trilog pendant la période allant de novembre 2006 à avril 2007 en se fondant sur l'existence de prestations facturées par la société créée par M. X... en avril 2007, ce qui ne caractérise aucunement l'existence d'un lien de subordination antérieurement à cette création, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
5°/ que pour dire que M. X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés Trilog en se fondant sur le motif inopérant de l'existence de remboursements de frais professionnels, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
6°/ que pour dire que M. X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés Trilog en se fondant sur le motif inopérant de la présentation de M. X... comme responsable des prestations proposées, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
7°/ que pour dire que M. X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés Trilog en se fondant le témoignage inopérant de tiers à la relation de travail qui l'avaient perçu comme un subordonné, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-6, L. 8221-6-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peu constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ;
Et attendu qu'appréciant la valeur et la portée des éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu que M. X... a, pendant plusieurs mois, jusqu'en avril 2007, exercé au sein de deux sociétés du groupe Trilog, dans l'équipe de direction en étant placé sous la subordination du directeur lequel avait le pouvoir de lui donner des directives pour organiser ses activités, en contrôler l'exécution et lui imposer des jours et des horaires de travail ; qu'elle a pu en déduire que l'intéressé avait la qualité de salarié ;
D'où il suit que le moyen, qui en sa seconde branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Groupe Trilog et Trilog audio visuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Groupe Trilog et Trilog audio visuel à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour les sociétés Groupe Trilog et Trilog audio visuel.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur Pierre X... avait la qualité de salarié et que le différend qui l'oppose aux sociétés du groupe TRILOG relève de la compétence du conseil de prud'hommes ;
AUX MOTIFS QUE la SAS GROUPE TRILOG est une société holding qui détient les titres de la SAS TRILOG AUDIO VISUEL, laquelle réalise des opérations d'ingénierie pédagogique et de communication, soit après appel d'offres, soit par présentation de projets à ses clients et prospects ; que TRILOG commercialise un concept de gestion des situations de crises sous la marque ÉLÉAS ; que Monsieur X... soutient qu'il a travaillé, à partir de 2006, pour les sociétés TRILOG en étant lié à celles-ci par un lien de subordination, notamment dans le cadre de plusieurs projets développés par celles-ci et concernant la SNCF, la FONDATION ABBÉ PIERRE, la Société NATEXIS et les Avocats ; que les sociétés TRILOG répondent que Monsieur X... a toujours exercé des activités libérales, notamment de psychothérapie et de médiation en étant immatriculé auprès de l'URSSAF, même lorsqu'il a commencé à effectuer des missions pour elles en 2006 en qualité de consultant indépendant, dans l'attente d'une association ; qu'elles ajoutent qu'il a créé une SARL unipersonnelle dénommée PIERRE X... CONSEIL, immatriculée le 18 avril 2007 et qu'il est devenu associé du GROUPE TRILOG en 2007 et président de TRILOG AUDIO VISUEL en 2008 ; qu'elles précisent, à la barre, sur interrogation de la Cour, que Monsieur X... avait conclu avec elle un « contrat de prestation de service oral » pour lequel il établissait des factures ; que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que par ailleurs, il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination ; qu'enfin, les dispositions de l'article L 8221-6 du Code du travail prévoient que sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, mais que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement des prestations à un donneur d'ordre dans les conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; qu'il ressort des documents versés aux débats que Monsieur X... a commencé à collaborer avec ces deux sociétés en 2006, sans qu'aucun contrat ne soit signé pour formaliser cette relation et qu'il était immatriculé auprès de l'URSSAF ; que dans les documents édités par TRILOG pour ses clients potentiels, Monsieur X... est présenté comme faisant partie des cinq personnes composant l'équipe de direction en qualité de responsable de coordination et de formation, aux côtés de Mme E..., directrice, de Monsieur A..., directeur, de M. B..., conseil en stratégie sociale et de M. C..., responsable développement, notamment dans les dossiers élaborés pour la SNCF, le CRIT, le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE et MAC DONALD'S FRANCE ; que Monsieur X... disposait de cartes de visites mentionnant sa qualité de responsable coordination et formation d'ÉLÉAS, que divers courriels, de novembre 2006, font tout d'abord apparaître que Monsieur X... a travaillé dans le cadre d'une convention relative à l'accompagnement des situations sensibles, passée par TRILOG, sous sa marque ÉLÉAS, avec la SNCF, et que Mme
E...
, directrice, a fait appel à lui, en novembre 2006, pour qu'il recrute des psychologues ; que d'autres documents démontrent qu'à partir de novembre 2006 et pendant plusieurs mois, il a participé aux réunions de travail, a rédigé les comptes rendus de réunions et de rendez-vous, a exploité les statistiques des incidents survenus à la SNCF, a mis en place un réseau d'assistance à la SNCF consistant notamment à organiser un système d'astreinte pour lequel il a exercé une « action de coordination à raison de jours par mois » selon les termes employés par Monsieur A..., le directeur, dans un courriel du 22 janvier 2007 ; que plusieurs attestations de psychologues, qui ont fait partie du réseau ÉLÉAS dans le cadre du contrat avec la SNCF, déclarent que Monsieur X... leur a été présenté comme un subordonné de Monsieur A... et confirment qu'il assurait, avec deux autres responsables, la coordination quotidienne matinale du réseau opérationnel des psychologues d'astreintes qui devaient le contacter par téléphone à 7 heures du matin, qu'il établissait les plannings mensuels des astreintes, qu'il réglait les problèmes au quotidien et qu'il recevait les éventuels comptes rendus d'intervention des psychologues d'astreintes ; que d'autres documents révèlent qu'il a également participé, entre novembre 2006 et mars 2007, à un projet de convention devant être conclu entre TRILOG et la FONDATION ABBÉ PIERRE, lequel mentionne que « la conception du dispositif sera assurée sous la responsabilité de Xavier A..., en collaboration avec Pierre X... », que « l'intervention sera réalisée par Pierre X... », que « la note de synthèse sur le déroulement de la formation sera rédigée par Pierre X..., sous la responsabilité de Xavier A... » ; que, dans le cadre de ce projet, il a participé aux réunions et a rédigé des comptes rendus ; que le projet d'intervention en médiation réalisé sous la marque ÉLÉAS pour NATEXIS, qui est daté du 10 décembre 2006, mentionne que Monsieur X..., qui « dirige la médiation chez TRILOG/ ÉLÉAS », animera la formation de sensibilisation et effectuera éventuellement les interventions d'accompagnement et de médiation ; que le projet d'intervention en médiation réalisé sous la marque ÉLÉAS pour NATEXIS, qui est daté du 10 décembre 2006, mentionne que Monsieur X..., qui « dirige la médiation chez TRILOG/ ÉLÉAS » animera la formation de sensibilisation et effectuera éventuellement les interventions d'accompagnement et de médiation ; que d'autres documents font apparaître que Monsieur X... a travaillé dans le cadre de nombreux autres dossiers, notamment relatifs aux projets « Avocats » en février 2007 et « Mac Donald's » en juillet 2007, qu'il a animé deux jours de formation FAP en mars 2007, qu'il a été sollicité pour participer à un cocktail de Lamy Excel en mai 2007 et qu'il a participé à des réunions en province ; que divers courriels révèlent que Monsieur A... demandait à Monsieur X... des comptes rendus et des explications sur son activité, pouvait revoir ses comptes rendus pour y apporter des éclaircissements et lui donnait des informations pour qu'il puisse travailler sur les projets en cours ; que d'autres échanges de courriels font ressortir que Monsieur X... percevait une rémunération en fonction des dossiers en cours, laquelle était unilatéralement fixée par Monsieur A... ; que pour le dossier SNCF, à partir de janvier 2007, il a perçu une rémunération forfaitaire mensuelle de 750 € HT pour son action de coordination de 15 jours par mois, 750 € HT pour son action de développement du réseau ÉLÉAS, un forfait de 50 € pour couvrir ses dépenses téléphoniques et la prise en charge d'un coupon Fréquence 1ère classe France entière pour ses déplacements ; que pour le dossier « Avocats », en février 2007, les conditions de sa rémunération ont également été fixées de manière extrêmement précise par Monsieur A... ; que d'autres pièces font apparaître qu'il a été établi des notes de frais pour se faire rembourser des coupons SNCF, des frais de taxi, des notes de restaurant jusqu'au début de l'année 2007, notamment en février 2007, et qu'il n'a établi des factures pour les prestations qu'il accomplissait pour les sociétés TRILOG qu'à partir de la mi-avril 2007, date à laquelle il a créé une SARL ; qu'il ressort de ces divers documents que Monsieur X... a exercé, pendant plusieurs mois des activités au sein des SAS GROUPE TRILOG et SAS TRILOG AUDIO VISUEL sans avoir conclu de contrat écrit et en étant placé sous un lien de subordination vis-à-vis de Monsieur A..., le directeur, lequel avait le pouvoir de lui donner des directives pour organiser ses activités, de contrôler l'exécution de ses tâches et de lui imposer des jours ou des horaires de travail ; qu'il figurait dans l'organigramme comme faisant partie de l'équipe de direction et était présenté comme tel aux futurs clients ; qu'il a perçu une rémunération forfaitaire unilatéralement déterminée par Monsieur A..., la facturation au nom de la SARL unipersonnelle dénommée PIERRE X... CONSEIL n'étant intervenue qu'après l'immatriculation de celle-ci, le 18 avril 2007 ; que Monsieur X... avait ainsi la qualité de salarié et que les différends relatifs à ses activités relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes, conformément aux dispositions de l'article L 1411-1 du Code du travail ;
1°) ALORS QUE le contrat de travail est défini comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que des directives ponctuelles pour la coordination de professionnels indépendants travaillant en réseau et laissés libres de leurs méthodes ne caractérisant pas un tel lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QU'en disant que le dirigeant des sociétés TRILOG avait fixé la rémunération mensuelle et forfaitaire de Monsieur Pierre X... pendant la période allant de janvier à avril 2007 (arrêt, page 5, 3ème et 5ème §), cependant que la pièce concernée (n° 23 communiquée par les sociétés TRILOG) portait sur une négociation d'honoraires qui n'a jamais abouti, et que Monsieur X... lui-même soulignait aux pages 5, 10, 19, 20, 25, 24 et 37 de ses conclusions qu'il n'avait jamais été rémunéré des efforts qu'il fournissait dans l'espoir d'une association future, indiquant notamment : « En effet, pour la période de novembre 2006 au 15 avril 2007, il ne percevra aucune rémunération à l'exception de son animation à la fondation Abbé Pierre », la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
3°) ALORS QUE pour dire que Monsieur Pierre X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés TRILOG, en se fondant sur le motif inopérant de la nature et de l'importance de missions effectuées ainsi que de l'existence de comptes rendus et de notes de synthèse, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE pour dire que Monsieur Pierre X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés TRILOG pendant la période allant de novembre 2006 à avril 2007 en se fondant sur l'existence de prestations facturées par la société créée par Monsieur X... en avril 2007, ce qui ne caractérise aucunement l'existence d'un lien de subordination antérieurement à cette création, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail ;
5°) ALORS QUE pour dire que Monsieur Pierre X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés TRILOG en se fondant sur le motif inopérant de l'existence de remboursements de frais professionnels, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail ;
6°) ALORS QUE pour dire que Monsieur Pierre X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés TRILOG en se fondant sur le motif inopérant de la présentation de Monsieur X... comme responsable des prestations proposées, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail ;
7°) ALORS QUE pour dire que Monsieur Pierre X... s'est trouvé dans un lien de subordination juridique permanent vis-à-vis des sociétés TRILOG en se fondant le témoignage inopérant de tiers à la relation de travail qui l'avaient perçu comme un subordonné, la cour d'appel a violé les articles L 8221-6, L 8221-6-1 et L 1411-1 du Code du travail.