LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes en date du 11 avril 2003, M. et Mme X... se sont rendus cautions notamment d'un prêt de 440 000 euros consenti par la Bred banque populaire (la banque) à la société CCJL, dont M. X... était le gérant ; qu'en raison de la défaillance de la société CCJL, la banque a assigné les cautions, puis à la suite du redressement et de la liquidation judiciaires le 6 décembre 2005 et le 6 avril 2006 de la société CCJL, la banque a déclaré sa créance qui a été contestée ; que par arrêt du 30 octobre 2008, il a été fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par Mme X... en raison du caractère disproportionné de son engagement de caution au regard de ses biens et revenus ; que cet arrêt a également sursis à statuer sur les demandes de M et Mme X... de déchéance des intérêts conventionnels jusqu'à l'issue du pourvoi formé par le liquidateur contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 6 décembre 2007, confirmant l'ordonnance du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société CCJL, ayant admis la créance de la banque pour la somme de 403 312,56 euros à titre privilégié outre intérêts conventionnels ; que par arrêt de la Cour de cassation en date du 24 mars 2009, ce pourvoi a été rejeté ; que l'instance a été reprise devant la cour d'appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir écarté des débats les conclusions signifiées par eux le 2 octobre 2009, date de l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen, que le juge ne peut écarter des débats les conclusions déposées avant l'ordonnance de clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché le respect du principe de la contradiction ; qu'en se bornant en l'espèce, pour écarter les conclusions déposées par M et Mme X... le 2 octobre 2009, soit le jour de l'ordonnance de clôture, à retenir qu'elles portaient atteinte au principe de la contradiction et que les dernières conclusions de la Bred avaient été déposées le 17 septembre 2009, sans rechercher si les dernières conclusions de M et Mme X... , déposées en réponse à celles de la Bred, avaient été déposées avant l'ordonnance de clôture, et dans l'affirmative, si elles soulevaient des prétentions et moyens nouveaux appelant une réponse de la part de l'adversaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 16 et 783 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations souveraines des juges du fond que les conclusions signifiées par M et Mme X... le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture n'ont pas été déposées en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré Mme X... irrecevable en sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de son engagement de caution disproportionné en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 30 octobre 2008, alors, selon le moyen, que la demande de Mme X... tendant à voir condamner la banque à lui payer une somme de 94 505,58 euros à titre de dommages-intérêts du fait du caractère disproportionné de son engagement de caution quant aux seuls intérêts conventionnels de la dette, n'avait pas le même objet que sa précédente demande, laquelle ne portait pas sur les intérêts conventionnels réclamés par la banque ; que cette nouvelle demande ne se heurtait donc pas à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 30 octobre 2008 ayant statué sur sa demande initiale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que par arrêt du 30 octobre 2008, il avait été statué sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme X... à raison du caractère disproportionné de son engagement de caution et que le cours des intérêts n'était que la conséquence de l'engagement de caution sur lequel il avait déjà été statué, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette demande était irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1351 et 2290 du code civil, ensemble les articles L. 621-44, alinéa 1, L. 621-104 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article R. 622-23, 2° du code de commerce ;
Attendu que pour constater que la créance de la banque a été admise de façon définitive à la suite de l'arrêt du 6 décembre 2007 et du rejet du pourvoi en cassation, déclarer M et Mme X... irrecevables en leur demande de modération de la majoration conventionnelle des intérêts en cas de déchéance du terme et les condamner à payer à la banque la somme de 497 818,14 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,60 % l'an à compter du 26 mars 2009 jusqu'à parfait paiement, l'arrêt retient que la créance de la banque a été admise de façon irrévocable à la suite de l'arrêt de cassation formé à l'encontre de l'arrêt confirmatif du 6 décembre 2007 et que la demande de modération de cette clause pénale ne constitue pas une exception personnelle à M et Mme X... ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si l'ordonnance du juge-commissaire confirmée par l'arrêt du 6 décembre 2007, qui avait admis les intérêts au taux conventionnels faisait mention de la majoration de trois points de ces intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a écarté des débats les conclusions signifiées par M. et Mme X... le 2 octobre 2009, date de l'ordonnance de clôture, en ce qu'il a dit que la banque avait rempli son obligation d'information annuelle des cautions, rejeté en conséquence la demande de M. et Mme X... de déchéance des intérêts conventionnels en application des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier et déclaré irrecevable en sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de son engagement de caution disproportionné en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 30 octobre 2008 , l'arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la Bred Banque populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté des débats les conclusions signifiées par les époux X... le 2 octobre 2009, date de l'ordonnance de clôture,
Aux motifs que «les conclusions déposées par les époux X... le 2 octobre 2009, soit le jour de l'ordonnance de clôture, seront rejetées des débats dès lors qu'elles portent atteinte au principe de la contradiction des débats et alors que les dernières conclusions de la Bred Banque populaire ont été signifiées le 17 septembre 2009»,
Alors que le juge ne peut écarter des débats les conclusions déposées avant l'ordonnance de clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché le respect du principe de la contradiction ; qu'en se bornant en l'espèce, pour écarter les conclusions déposées par les époux X... le 2 octobre 2009, soit le jour de l'ordonnance de clôture, à retenir qu'elles portaient atteinte au principe de la contradiction et que les dernières conclusions de la Bred avaient été déposées le 17 septembre 2009, sans rechercher si les dernières conclusions des époux X..., déposées en réponse à celles de la Bred, avaient été déposées avant l'ordonnance de clôture, et dans l'affirmative, si elles soulevaient des prétentions et moyens nouveaux appelant une réponse de la part de l'adversaire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 16 et 783 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la créance de la Bred Banque populaire avait été admise de façon définitive à la suite de l'arrêt du 6 décembre 2007 et du rejet du pourvoi en cassation, d'avoir en conséquence déclaré les époux X... irrecevables en leur demande de modération de la majoration conventionnelle des intérêts en cas de déchéance du terme, et de les avoir condamnés à payer à la Bred la somme de 497.818,14 €, montant de la créance de la banque, avec intérêts au taux conventionnel de 7,60 % l'an à compter du 26 mars 2009 jusqu'à parfait paiement,
Aux motifs que «sur la demande des époux X... de modération de la clause pénale, les époux X..., invoquant les dispositions de l'article 1152 du Code civil, sollicitent la modération de la clause pénale prévoyant la majoration conventionnelle des intérêts de trois points en cas de déchéance du terme ; mais attendu que dès lors que la créance de la Bred Banque populaire a été admise de façon irrévocable à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 24 mars 2009 rejetant le pourvoi de Me Y... es qualité formé à l'encontre de l'arrêt confirmatif en date du 7 décembre 2007 de la chambre commerciale de la Cour d'appel de Rouen, les époux X... ne sont plus recevables à solliciter la modération de la clause pénale ; qu'en effet, cette demande ne constitue pas une exception qui leur est personnelle ; qu'ils seront aussi déboutés de leur demande de ce chef ; que les époux X... seront en conséquence condamnés au paiement de la somme de 497.818,14 €, montant de la créance de la Bred Banque populaire, avec intérêts au taux conventionnel de 7,60 % l'an à compter du 26 mars 2009»,
Alors, d'une part, que l'admission de la créance d'intérêts de la banque devait s'apprécier par rapport à la décision d'admission du juge-commissaire devenue irrévocable ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter les époux X... de leur demande de modération de la clause pénale prévoyant, en cas de défaut de paiement, la majoration de trois points du taux d'intérêts conventionnel de 4,60 %, et en les condamnant à payer à la Bred une somme de 497.818,14 €, outre les intérêts au taux de 7,60 % à compter du 24 mars 2009, que la créance de la banque avait été admise de façon irrévocable à la suite du rejet du pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 6 décembre 2007, sans rechercher si la majoration des intérêts conventionnels avait été admise par cet arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 et 2290 du code civil, ensemble les articles L. 621-104 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, et 73 du décret du 27 décembre 1985 ;
Alors, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée suppose une identité d'objet entre les deux instances ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 6 décembre 2007 s'est borné à juger que la Bred était fondée à calculer les intérêts conventionnels sur 360 jours au lieu de 365 ; qu'il n'a tranché aucune question relative à la majoration de trois points du taux d'intérêts conventionnel, qui ne faisait pas l'objet du litige ; qu'en déclarant que la demande de modération de cette clause pénale des époux X... se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
Alors, enfin, que la décision d'admission des intérêts conventionnels doit indiquer leurs modalités de calcul, la décision valant admission, dans la limite de ces modalités, de la créance d'intérêts telle qu'arrêtée ultérieurement ; qu'en l'espèce, il résultait des propres conclusions d'appel de la Bred que par une ordonnance du 23 novembre 2006, confirmée par l'arrêt du 6 décembre 2007, le juge-commissaire avait admis la créance de la banque pour la somme de 403.312,56 € «outre intérêts conventionnels» ; que cette mention, à défaut de toute précision de leur taux et de leur mode de calcul, ne valait pas admission des intérêts au taux conventionnel et a fortiori au taux conventionnel majoré de trois points ; qu'en condamnant les époux X... à payer à la Bred une somme de 497.818,14 €, outre les intérêts au taux conventionnel de 7,60 % à compter du 26 mars 2009, la Cour d'appel a violé les articles 1351 et 2290 du code civil, ensemble les articles L. 621-104 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, et 73 du décret du 27 décembre 1985.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Mme X... irrecevable en sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de son engagement de caution disproportionné en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 30 octobre 2008,
Aux motifs que la Cour s'est déjà prononcée par arrêt du 30 octobre 2008 sur le caractère disproportionné de son engagement de caution et sur les réparations qui lui sont dues ; que l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'il soit à nouveau statué sur cette demande, le cours des intérêts n'étant que la conséquence de l'engagement de caution sur lequel il a déjà été statué et ne pouvant ouvrir en soi une nouvelle possibilité d'indemnisation ; que Mme X... sera en conséquence déclarée irrecevable en sa demande,
Alors que la demande de Mme X... tendant à voir condamner la BRED à lui payer une somme de 94.505,58 € à titre de dommages-intérêts du fait du caractère disproportionné de son engagement de caution quant aux seuls intérêts conventionnels de la dette, n'avait pas le même objet que sa précédente demande, laquelle ne portait pas sur les intérêts conventionnels réclamés par la BRED ; que cette nouvelle demande ne se heurtait donc pas à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 30 octobre 2008 ayant statué sur sa demande initiale ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.