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30/11/2010 | FRANCE | N°08-43499

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2010, 08-43499


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2008), que M. X... a été engagé le 22 octobre 1977 en qualité de chauffeur par la société Cars Lacroix, située à Beauchamp (95), dont l'activité relève de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transports ; qu'il a été promu en 1998 " chargé de mission contrôle qualité ", avec le statut d'agent de maîtrise, son lieu de travail étant situé à Beauchamp ; qu'il a été absent pour cause de maladie du 13 juin 2002 au 8 août 2004 ; qu'à la suite d'un

entretien préalable fixé au 25 avril 2005, il a été licencié pour faute grav...

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2008), que M. X... a été engagé le 22 octobre 1977 en qualité de chauffeur par la société Cars Lacroix, située à Beauchamp (95), dont l'activité relève de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transports ; qu'il a été promu en 1998 " chargé de mission contrôle qualité ", avec le statut d'agent de maîtrise, son lieu de travail étant situé à Beauchamp ; qu'il a été absent pour cause de maladie du 13 juin 2002 au 8 août 2004 ; qu'à la suite d'un entretien préalable fixé au 25 avril 2005, il a été licencié pour faute grave le 18 mai 2005, l'employeur lui reprochant d'avoir refusé son affectation à la société Cité Bleue située à Cergy (95) avec maintien de tous les éléments de son contrat de travail, ainsi que d'avoir tenu des propos désobligeants à l'égard de sa hiérarchie ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Cars Lacroix fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 15 de l'annexe 3 de la convention collective des transports routiers, un changement de lieu de travail peut être imposé au salarié si les deux lieux sont situés dans la même localité ; qu'au sens de cette convention, la localité désigne l'aire géographique au sein de laquelle le changement d'affectation peut être décidé par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en jugeant que l'affectation du salarié dans un établissement situé à 15 kilomètres de son lieu de travail initial, caractérisait l'existence d'un changement de localité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi les deux lieux successifs distants de 15 kilomètres ne se trouvaient pas dans la même localité au sens du texte conventionnel précité, la cfour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
3°/ qu'en toute hypothèse, le licenciement du salarié résultant de son refus d'une modification de son contrat de travail n'est pas en soi dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il appartient au juge, saisi du litige, de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement énonçait que la modification du contrat avait pour cause la perturbation engendrée par l'absence prolongée du salarié, la nécessité où il s'était trouvé de le remplacer définitivement à son poste et donc l'obligation de lui donner un poste équivalent à son retour ; qu'en s'abstenant de vérifier le caractère réel et sérieux de ce motif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 ancien devenu L. 1232-1 du code du travail ;
4°/ que l'existence d'un litige entre l'employeur et le salarié ne suffit pas à excuser les propos calomnieux tenus par ce dernier à l'encontre de son supérieur en présence d'autres salariés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 devenu L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article 15 de l'annexe 3 de la convention collective nationale des transports routiers, " Sauf spécification expresse de la lettre d'embauchage, l'embauchage n'est valable que pour la localité dans laquelle est situé le lieu de travail. Si l'employeur demande à un technicien ou agent de maîtrise de changer d'établissement, l'intéressé a le droit de refuser ce changement si l'établissement est situé dans une localité différente. Si le contrat de travail est alors résilié, il est considéré comme rompu du fait de l'employeur. Si le salarié accepte, les conditions du changement sont réglées d'un commun accord " ; que la cour d'appel, qui a relevé que cette disposition conventionnelle institue un régime de faveur, en a exactement déduit que l'affectation du salarié de la commune de Beauchamp à la commune de Cergy entraînait un changement de localité qui, en l'absence de stipulation contractuelle contraire, ne pouvait lui être imposé et que son refus ne pouvait constituer une faute ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu que les propos tenus par le salarié devaient être replacés dans le contexte du litige qui l'opposait à l'employeur et que l'intéressé, qui bénéficiait d'une ancienneté importante et dont le comportement n'avait pas précédemment donné lieu à critique, avait pu perdre la maîtrise des termes employés dans le cadre des discussions concernant le changement de poste de travail que l'employeur voulait lui imposer ; qu'elle a pu en déduire que la faute grave n'était pas caractérisée et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cars Lacroix aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cars Lacroix à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Cars Lacroix
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux et d'avoir condamné la société Cars Lacroix au paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de congés payés y afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 15 de l'annexe 3 de la convention collective applicable en l'espèce, sauf spécification expresse dans la lettre d'embauchage, l'embauchage n'est valable que pour la localité dans laquelle est situé le lieu de travail ; que si l'employeur demande à un technicien ou agent de maîtrise de changer d'établissement, l'intéressé a le droit de refuser ce changement si l'établissement est situé dans une localité différente et que si le contrat de travail est alors résilié, il est considéré comme rompu du fait de l'employeur ; qu'aucune spécification ne régit le lieu d'affectation de Monsieur X... ; que les dispositions conventionnelles applicables en l'espèce ont entendu, par un régime de faveur au regard du droit commun, protéger le salarié lorsque les parties n'ont pas prévu expressément la possibilité d'un changement de lieu d'affectation au regard de la localité où l'intéressé exerce ses fonctions ; que dans ces conditions, l'employeur ne peut reprocher au salarié un refus de changement des conditions de travail ; que Monsieur Y..., directeur de la société Cité bleue, atteste de ce que lors de l'entretien qu'il eu avec Monsieur X... le 13 avril 2005, celui-ci lui a dit qu'il « ne voulait pas de ce poste, je n'ai rien contre toi. Z... se dit humain mais c'est que de la gueule. Z... c'est un vrai Staline » ; qu'il a ajouté qu'« ils n'ont qu'à payer » ; que le salarié bénéficiait d'une ancienneté importante ; qu'il n'est pas prétendu que son comportement aurait été critiquable auparavant ; que les propos qu'il a tenus doivent être replacés dans le contexte du litige qui l'opposait à l'employeur ; que l'intéressé a pu perdre la maîtrise des termes employés dans le cadre des discussions concernant le changement de poste de travail que l'employeur voulait lui imposer et auquel il n'était pas tenu, au regard de ce qui précède ;
1° ALORS QU'en vertu de l'article 15 de l'annexe 3 de la convention collective des transports routiers, un changement de lieu de travail peut être imposé au salarié si les deux lieux sont situés dans la même localité ; qu'au sens de cette convention, la localité désigne l'aire géographique au sein de laquelle le changement d'affectation peut être décidé par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en jugeant que l'affectation du salarié dans un établissement situé à quinze kilomètres de son lieu de travail initial, caractérisait l'existence d'un changement de localité, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2° ALORS QU'en s'abstenant d'expliquer en quoi les deux lieux successifs distants de 15 kms ne se trouvaient pas dans la même localité au sens du texte conventionnel précité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
3° ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le licenciement du salarié résultant de son refus d'une modification de son contrat de travail n'est pas en soi dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il appartient au juge, saisi du litige, de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement énonçait que la modification du contrat avait pour cause la perturbation engendrée par l'absence prolongée du salarié, la nécessité où il s'était trouvé de le remplacer définitivement à son poste et donc l'obligation de lui donner un poste équivalent à son retour ; qu'en s'abstenant de vérifier le caractère réel et sérieux de ce motif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 ancien devenu L. 1232-1 du Code du travail ;
4° ALORS QUE l'existence d'un litige entre l'employeur et le salarié ne suffit pas à excuser les propos calomnieux tenus par ce dernier à l'encontre de son supérieur en présence d'autres salariés ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-6 devenu L. 1234-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43499
Date de la décision : 30/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport - Annexe 3 Techniciens et agents de maîtrise - Article 15 - Changement d'établissement - Etablissement situé dans une localité différente du lieu de travail - Refus du salarié - Possibilité - Portée

L'annexe 3 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 stipule dans son article 15 que "Sauf spécification expresse de la lettre d'embauchage, l'embauchage n'est valable que pour la localité dans laquelle est situé le lieu de travail. Si l'employeur demande à un technicien ou agent de maîtrise de changer d'établissement, l'intéressé a le droit de refuser ce changement si l'établissement est situé dans une localité différente. Si le contrat de travail est alors résilié, il est considéré comme rompu du fait de l'employeur. Si le salarié accepte, les conditions du changement sont réglées d'un commun accord". Une cour d'appel, qui a relevé que cette disposition conventionnelle institue un régime de faveur au regard du droit commun, en a exactement déduit que l'affectation du salarié de la commune de Beauchamp à la commune de Cergy entraînait un changement de localité qui, en l'absence de stipulation contractuelle contraire, ne pouvait lui être imposé


Références :

annexe 3 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 avril 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2010, pourvoi n°08-43499, Bull. civ. 2010, V, n° 273
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 273

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: Mme Goasguen
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.43499
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